Auteurs : Dr Kouame Bi Goore Roland
Organisation affiliée : International Journal of Progressive Sciences and Technologies
Type de publication : Article scientifique
Date de publication : Novembre 2020
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Abidjan abrite 4.707.404 personnes. Les individus de moins de 18 ans sont au nombre de 1.419.927, soit 30,16% de la population du district. Selon une estimation de l’ENSEA-PASU (2006), dans cette agglomération, les enfants n’ayant pas encore 15 ans ont une proportion de 37,8%.
On remarque que la maltraitance des enfants au sein de leur famille et le décrochage scolaire sont en corrélation : la violence contre l’enfant conduit à son désengagement scolaire qui lui-même devient facteur de sa maltraitance au sein de la famille.
Profil des enfants décrocheurs maltraîtés
De l’avis de plusieurs observateurs, c’est sur l’espace abidjanais qu’on enregistre plus de cas de maltraitances d’enfants. Par exemple, d’après une étude menée par sept ONG sur la période de janvier à juillet 2019, dans cinq localités ivoiriennes (Bouaké, Boudoukou, Danané, Grand-Bassam, Abidjan), 84% des cas de violences faites aux tout-petits ont été commis dans le district d’abidjan.
Sur 10 enfants décrocheurs maltraités dans les familles recomposées, on a environ 6 beaux-enfants et 4 enfants communs. Sur 10 beaux-enfants, on a environ 4 orphelins et 6 dont les parents ont divorcés. Dans leur quasi-totalité (81,08%), les beaux-enfants ne bénéficient pas d’une assistance de la part des parents non résidents.
Parmi les décrocheurs subissant la maltraitance, il y a plus de garçons que de filles. Au niveau de l’âge, numériquement, les adolescents de 13 à 15 ans sont plus nombreux constituant environ les 3/5 (61,54%) du groupe contre 38,46% d’enfants âgés de 10 à 12 ans.
Ceux qui ont quitté l’école entre 13 et 15 ans constituant 46,15% du groupe et ceux qui se sont désengagés de l’école avant d’atteindre 12 ans. Ces derniers ont une proportion de 53,83%.
Dans l’ensemble, les décrocheurs vivent dans des familles de grande taille.
Parmi les décrocheurs maltraités, on a 3/5 d’ivoiriens et 2/5 d’étrangers. Les nationaux appartiennent majoritairement aux groupes Mandé et Voltaïques. Parmi les étrangers, les Burkinabé sont les plus nombreux (32%), suivis des Maliens (24%), des Guinéens (20%), des Béninois (16%) et des Nigérians (10%).
Les ¾ des adolescents de 13 à 15 ans ayant volontairement mis fin à leurs études se divertissent dans les cybercafés, sur les réseaux sociaux, dans les salles de jeux vidéo, dans les maquis bars, sur les plages, dans les boîtes de nuit et en allant à des concerts ou soirées dansantes. Le quart du groupe se consacre à la lecture et à la télévision. On remarque que ces jeunes s’adonnent beaucoup plus à des distractions qui les amènent à passer le clair de leur temps en dehors de la maison, à rentrer souvent très tard dans la nuit ou à découcher.
Parmi ces enfants, moins d’un individu sur 5 (15,38%) vit dans les quartiers de haut standing. Plus de la majorité d’entre eux habite les milieux de standing moyen et 30,76% du groupe sont dans des bidonvilles, des quartiers précaires peu fournis en équipements socio-économiques.
Facteurs du décrochage scolaire
Elles [Difficiles conditions d’études] ont été citées par 1/10 des décrocheurs comme les prépondérants facteurs du décrochage scolaire. Elles sont : longue distance séparant l’école du lieu d’habitation et insuffisants moyens de transport, effectif pléthorique, manque de table-bancs dans les classes, faible encadrement etc.
Ils [Rapports conflictuels à l’école] ont été mentionnés comme la principale raison du désengagement scolaire chez 13,84% des enfants. On note d’abord les rapports difficiles élèves-enseignants, dans la majorité des cas, à l’école primaire. Ils ont diverses sources. A la charge des élèves, nous avons : leur effronterie, leur caractère belliqueux (bagarre), leur indiscipline, le vandalisme, la tricherie auxquels ils s’adonnent. A la charge de l’enseignant, il y a : les violences physiques et psychologiques infligées aux élèves, l’harcèlement sexuel exercé contre les filles, etc.
L’engagement précoce dans une activité génératrice de revenus a un lien avec la mésestimation de l’institution éducative. Il est considéré comme le principal facteur d’abandon chez environ le quart des décrocheurs (23,07%)
Chez 1/5 des décrocheurs le départ de l’école puise sa source grandement dans la dévalorisation du système scolaire. Ces jeunes voient la fréquentation de l’école comme une perte de temps, une souffrance inutile. Ils sousestiment les diplômes qu’ils trouvent encombrant, sans valeur, parce que ne pouvant pas permettre une insertion socioprofessionnelle rêvée.
L’engagement précoce dans une activité génératrice de revenus a un lien avec la mésestimation de l’institution éducative. Il est considéré comme le principal facteur d’abandon chez environ le quart des décrocheurs (23,07%).
Les multiples redoublements, les échecs à répétition font que l’enfant prend un grand retard par rapport aux autres membres de sa promotion, de la cohorte à laquelle il appartient. Ces réalités finissent par le dévaloriser aux yeux de son entourage, à lui donner un complexe d’infériorité, un sentiment d’impuissance, une « psychose » face aux épreuves scolaires. Ces dispositions psychologiques négatives entraînent chez lui le découragement et, en fin de compte, le retrait de l’école.
8 filles, soit 12,30% des décrocheurs ont mis fin à leur carrière éducative parce qu’elles sont tombées enceintes précocement.
Maltraitances subies
Les informations recueillies indiquent que 69,23% des parents et beaux-parents ont des opinions défavorables sur les décrocheurs. Pour eux, ils sont : des ratés, sans avenir, bons à rien, paresseux, impolis, voyous, délinquants, capables d’inculquer leurs mauvaises conduites aux autres enfants, etc.
La quasi-totalité des décrocheurs (84,61%) soutiennent que le comportement de leurs parents et beaux-parents a changé à leur égard depuis qu’ils ont mis fin à leur carrière scolaire. Ces parents sont devenus plus rigoureux, plus sévères, plus violents. Ils respectent faiblement leur droit d’aînesse, privilégient les persévérants scolaires plus qu’eux.
La quasi-totalité des décrocheurs dans les familles recomposées ont affirmé qu’ils sont confrontés à cette catégorie de violence. Mais l’ampleur et la fréquence de cette maltraitance varient d’un individu à l’autre, d’une famille à une autre. e. Mais, les enfants chez qui la maltraitance physique est plus chronique, plus exagérée représentent 15,38% de l’ensemble des décrocheurs maltraités. Parmi ces enfants, on a autant de filles que de garçons. Mais 3 individus sur 10 sont âgés de 13 à 15 ans et 7 individus sur 10 ont entre 10 et 12 ans.
1/5 de ces enfants sont des enfants communs et 80% sont des beaux-enfants. Ceci indique que plus l’enfant vit avec son père ou sa mère et un beau-parent, plus il est violenté physiquement. S’agissant des auteurs de cette violence, ils diffèrent selon le fait que l’enfant soit bel-enfant ou enfant commun. Chez les beaux-enfants, la maltraitance physique est beaucoup plus infligée par les beaux-parents dans la majorité des cas (54,05%). Ces beaux-parents maltraitants sont à 60% de sexe féminin et à 40% de sexe masculin. Dans 27,02% des cas, les parents biologiques résidents ont été désignés comme les plus violents.
La quasi-totalité des décrocheurs (84,61%) soutiennent que le comportement de leurs parents et beaux-parents a changé à leur égard depuis qu’ils ont mis fin à leur carrière scolaire. Ces parents sont devenus plus rigoureux, plus sévères, plus violents
Les décrocheurs subissent de la part des adultes quatre types d’actes : attouchements, rapports sexuels, viol, inceste. Ces actes sont précédés, accompagnés ou suivis de menaces, de violence, d’intimidation ou de manipulation exercés contre l’enfant pour l’amener à céder, à garder le silence, à ne pas dévoiler sa victimisation. Moins de 1/10 des décrocheurs (7,69%) subit ce type de maltraitance. Les victimes sont uniquement de sexe féminin. Le quart d’entre elles a entre 10 et 12 ans et les trois quart entre 13 et 15 ans. Elles sont toutes des beaux-enfants. Elles subissent cette violence uniquement de la part de leurs beaux-pères et des tierces personnes hébergées par la famille.
Lorsque la maltraitance est de nature psychologique, elle se traduit en actes nuisant à la santé et au développement affectif, social et moral de l’enfant. Il s’agit par exemple : du fait de limiter les mouvements de l’enfant, de le dénigrer, le ridiculiser, le rejeter, le menacer, l’intimider ou avoir à son égard d’autres formes non physiques de traitements hostiles. Moins d’1/5 (15,38% ) des décrocheurs vivent fréquemment cette forme de maltraitance.
Les enfants qui font plus l’expérience de la négligence de la part de leurs parents constituent environ le tiers des décrocheurs (32,30%).
Les déscolarisés qui subissent la mise au travail comme la prépondérante maltraitance constituent, en tout, 29,23% du groupe, soit 19 décrocheurs sur 65. Moins de 4 individus sur 10 (36,84%) ont entre 10 et 12 ans. Les 13-15 ans représentent environ 2/3 du groupe (63,15%). Parmi eux, les garçons sont majoritaires (68,42%). Les filles ont une proportion de 31,57%).
Conclusion
La fréquentation de l’école, l’obtention des titres scolaires donne à l’enfant un statut socialement valorisé. En sortant prématurément et de manière volontaire de l’institution scolaire, l’enfant est vu comme un raté, un bon à rien. Il perd le statut qui le valorisait. Peu investi, il subit des mauvais traitements de la part des adultes devant prendre soin de lui.
Les beaux-enfants ou enfants non communs du couple recomposé, ne vivant pas avec leurs deux parents biologiques, étant orphelins ou ayant leurs père et mère divorcés, bénéficient d’un filet protecteur plus faible, ce qui les expose beaucoup plus à la maltraitance, après leur sortie de l’école.
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Une œuvre très édifiante.