Les fonctions de contrôle des États La défense des droits de l’Homme ne se résume pas aux seules organisations de défense. Chaque individu, à son niveau, peut défendre les droits de l’Homme sans appartenir à une organisation quelconque. Je crois que je fais partie de cette catégorie des défenseurs des droits de l’Homme. Les mécanismes pour la protection des droits de l’Homme existent. On ne peut pas dire que ces mécanismes mis en place sont inefficaces. Quand nous parlons de protection des droits de l’Homme, il faut notamment retenir qu’il y a les fonctions de contrôle des engagements internationaux pris par les États, qui se font à travers les présentations des rapports ainsi que les rapports périodiques. Il y a le contrôle juridictionnel ou quasi juridictionnel qui consiste à recevoir des communications ou des plaintes d’individus relatives à des violations des droits de l’Homme Le rôle de la CADHP en matière de mise en œuvre de la protection des droits de l’Homme est important sur deux points essentiels. D’abord, il faut qu’il y ait le contrôle qui soit exercé par la Commission en tant qu’organe, en ce qui concerne les rapports qui sont présentés devant cet organe. Chaque État est invité à faire une présentation sur les engagements qui ont été pris au niveau international. Il y a un contrôle à ce niveau qui est quasiment non juridictionnel. Ensuite, il y a le contrôle juridictionnel ou quasi juridictionnel qui consiste à recevoir des communications ou des plaintes d’individus relatives à des violations des droits de l’Homme. A ce niveau également, la commission intervient. Il existe en la matière, de nombreuses jurisprudences ; la Commission est sollicitée et rend beaucoup de décisions. Il faut dire que ces décisions sont de qualité; le bémol est que la force de ces décisions est faible. Ces décisions n’ont pas de valeur contraignante. Ce sont des recommandations qui ne s’imposent pas aux États. Chaque État les respecte selon son bon vouloir. Cela constitue la faiblesse du rôle de la Commission. Cela peut aussi être complété par la Cour africaine des droits de l’Homme qui rend des arrêts qui ont une valeur contraignante pour les États. Le rôle de la société civile et de l’État Les organisations de la société civile telles que les ONG, à mon avis, gagneraient à ne pas se considérer comme des ennemies naturelles de l’État. Il faut vraiment accepter que les ONG ne puissent pas avoir l’apanage voire l’exclusivité de la promotion et de la protection des droits de l’Homme. L’État a aussi un rôle à jouer. Il faut se rapprocher de l’État et travailler en synergie, c’est le cas en Côte d’Ivoire. Quand la Côte d’Ivoire présente ses rapports devant la Commission, c’est avec l’implication des ONG, cela se fait ensemble. C’est par ce moyen que nous pouvons convaincre l’État de la bonne volonté des ONG. La défense des droits de l’Homme est une affaire de tous.Chacun à son niveau a vraiment un rôle à jouer La défense des droits de l’Homme est l’affaire de tous. Chacun à son niveau a vraiment un rôle à jouer. Parfois, les ONG vont s’affilier à des partis politiques: cela arrive. Nous avons eu l’occasion de le constater. Il faut que la société civile soit crédible et indépendante vis-à-vis de la politique.
Il y a toujours des défis. Il faut savoir que les droits de l’Homme sont comme une science. C’est un combat perpétuel. Tant qu’il existera des hommes sur la terre, le combat des droits de l’Homme doit continuer. Il est vrai que la Commission a abattu un travail remarquable, mais cela doit continuer. Elle doit continuer à jouer un rôle prépondérant, surtout celui de pousser les États à ratifier les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’Homme et aussi surtout à rendre ces engagements applicables dans l’ordre interne. Il y a certains systèmes, comme ceux de la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal, où il faut juste que le traité soit ratifié pour que cela soit appliqué dans l’ordre interne, mais cela ne suffit pas. Tant qu’il existera des hommes sur la terre, le combat des droits de l’Homme doit continuer Le juge qui ne connait pas forcément ces instruments juridiques ne pourra pas les appliquer parcequ’ils les ignore. C’est très important que cela soit incorporé dans la loi interne pour permettre aux magistrats de connaitre ces textes. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a quand même entrepris des renforcements de capacité et a amené les magistrats à se familiariser avec les instruments des droits de l’Homme. Au début cela n’a pas été facile, car l’on trouvait cela étrange; mais aujourd’hui, le magistrat ivoirien ainsi que les autres acteurs principaux de la justice sont convaincus que les traités et instruments ratifiés sont au dessus de la loi et doivent être appliqués. À cet effet, la Commission doit œuvrer à une culture des droits de l’Homme par le renforcement des capacités.
Ibrahima Bakayoko est un magistrat ivoirien et défenseur des droits humains.