Auteurs : Sariette Batibonak et Claudine Defo
Site de publication : Journals Openedition
Type de publication : rapport
Date de publication : 2015
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Selon les constats de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation, la faim constitue l’un des problèmes les plus graves dans les pays à faibles revenus. Elle touche plus sévèrement les pays qui traversent des problèmes alimentaires. Avec 52% de la population concernés, le Cameroun ne fait pas exception. Le potentiel des ressources naturelles, la fertilité du sol, la diversité des zones agricoles entraînent nécessairement la diversité des denrées alimentaires.
Dans un contexte où les plantes sont la principale source de vivres, ce pays tient sa particularité du contraste entre la richesse de son potentiel de production végétale et sa dépendance à la consommation de riz et de blé. En effet, malgré ce potentiel, le riz reste l’une des denrées alimentaires les plus consommées. Comment expliquer cette surconsommation de riz ? Telle est la question principale qui guide cette réflexion, basée sur une observation des habitudes alimentaires. La diversité alimentaire tranche avec la richesse des terres dans un contexte de prééminence du riz sur la base du changement des comportements alimentaires.
Diversité alimentaire
Diverses grilles peuvent servir à classifier les aliments. L’une considère les différentes origines. Sous cet angle, on distingue les aliments d’origine animale, halieutique et végétale. Au Cameroun, lorsqu’on parle d’alimentation, l’élément principal est d’origine végétale. Sans négliger les autres sources de l’alimentation de l’homme, nous ne mettons l’accent que sur certains aliments d’origine végétale.
Nous jetons notre dévolu sur cette catégorie dans le contexte déjà affirmé de « monotonie » où « les végétaux constituent l’essentiel des aliments consommés » et sont considérés comme « aliment de base ou plat principal ». Le Cameroun est constitué de dix Régions. D’une Région à une autre, la consommation varie. La carte alimentaire exhaustive du pays peut faire l’objet d’une étude antérieure. Les lignes qui suivent présentent un bref aperçu des denrées alimentaires.
Dans le cadre de cette étude, seuls seront pris en considération quelques tubercules, féculents, céréales et légumineuses tels que la banane, le plantain, le macabo, le taro, les ignames, le manioc, le haricot, la patate douce, la pomme de terre, le maïs, le mil, le sorgho, le blé et le riz. Cette quinzaine de produits alimentaires est citée par l’ensemble des répondantes lors de notre enquête. Les fruits, légumes, autres légumineuses et céréales mentionnés sont : la papaye, l’ananas, les agrumes (oranges, clémentines, citrons, pamplemousses), casse-mangue, mangue, corossol, les arachides, les feuilles (de manioc, de bitter, etc.). La liste n’est pas exhaustive.
L’ouest, le nord-ouest et le sud-ouest enregistrent un fort taux de denrées alimentaires d’origine végétale. Dans ces zones, les paysans cultivent diverses variétés. Très régulièrement, on retrouve, dans leurs diverses espèces les produits vivriers tels que la banane, le plantain, le manioc, le haricot, la patate, le macabo. Le positionnement des comptoirs des marchés de Yaoundé et Douala permet de reconnaître l’emplacement des aliments selon leurs origines. « Une femme Bamiléké préfère acheter les arachides de l’ouest », précise Perside. Quant à Alma, originaire de la région du Centre, elle s’approvisionne en céréales auprès des commerçantes du département du Mbam.
Prééminence du riz :
Matthias Halwart déclare à l’occasion de l’année internationale du riz en 2004 : « Le riz, c’est la vie » . En tant qu’aliment de base, les produits rizicoles constituent la base d’un régime alimentaire traditionnel. Le riz est le plus consommé dans le monde en général, en tant que graines entières cuisinées dans les ménages. Dans le cadre de cette réflexion, nous entendons par focalisation sur un aliment, le fait qu’un ménage soit en mesure d’user d’une quinzaine d’aliments. Pourtant, la priorité est donnée à un seul, car il est utilisé au moins trois fois par semaine.
La consommation du riz apparaît dans tous les ménages que nous avons ciblés. En effet, selon les répondantes, une longue liste figure sur le répertoire des aliments traditionnellement consommés. Seulement, dans la réalité, « il est facile d’oublier la diversité pour se concentrer sur ce qui se trouve sur le marché ». Ces propos de Milène révèlent une des postures de négligence de la variété des aliments, fondée sur l’achat des denrées disponibles.
Le prix des aliments de base est élevé par rapport au pouvoir d’achat des consommateurs. Malgré les disponibilités alimentaires, les coûts élevés s’érigent en obstacle . Les budgets des ménages ne leur permettent pas d’accéder facilement à diverses formes de nutrition
Concernant la propension à utiliser du riz, les raisons données sont nombreuses : facilité de la cuisson, faculté à conserver, prix accessible, utilisation flexible avec d’autres compléments alimentaires, imitation des habitudes, abondance sur le marché, régularité sur les marchés tout au long de l’année, appréciation par toutes les catégories de personnes (enfants, jeunes, adultes). L’objectif n’est pas de classifier ces raisons ni de les hiérarchiser.
Ce répertoire sert à comprendre les mobiles du glissement des habitudes alimentaires. Les autres femmes l’expriment de façon plus explicite : « Le riz se conserve facilement. C’est bon marché et accessible ». « Les autres aliments sont pour le vieux temps ». « C’est la mode et c’est plus moderne ». « C’est un aliment universel. Tout le monde préfère le riz ». « Le riz se trouve partout ». « A toutes les cérémonies, on peut servir du riz ».
En temps de crise, les populations développent le réflexe de se procurer des aliments de moindre valeur. Le contexte de pauvreté et de rareté des moyens de subsistance a été largement évoqué par les répondantes à notre enquête. Il en ressort que l’augmentation des revenus d’un ménage améliore la diversité de son alimentation.
Considérant la diversité des aliments d’origine végétale évoquée ci-dessus et la priorité donnée à la consommation du riz, on est en droit de croire que le manque de revenus peut être une cause non négligeable de l’orientation vers le riz au Cameroun. Perside pense que « toutes les femmes aimeraient varier les repas, mais lorsqu’elles voient le modeste budget alloué à l’alimentation, elles se trouvent obligées de se tourner vers l’aliment le plus accepté, le plus facile et le plus accessible sur le marché ».
Le prix des aliments de base est élevé par rapport au pouvoir d’achat des consommateurs. Malgré les disponibilités alimentaires, les coûts élevés s’érigent en obstacle . Les budgets des ménages ne leur permettent pas d’accéder facilement à diverses formes de nutrition.
Conclusion :
Au final, il est possible de se passer de la diversité alimentaire pour se focaliser principalement sur un aliment : le riz. Le constat est au passage d’une alimentation plurielle à une espèce de mono-alimentation ou encore, à la sous-consommation des produits locaux et des produits viviers disponibles. La diversité agricole est délaissée au profit des comportements uniformisés.
De tout temps, les peuples sont passés par des mutations des habitudes alimentaires. Les habitus des consommateurs ont été observés à travers un micro corpus. Les postures des répondantes ont permis de constater les mobiles de la préférence du riz. Plusieurs facteurs sont à la base de ce comportement alimentaire.
Dans un contexte de mondialisation où le transfert des cultures devient la norme, le transfert des habitudes alimentaires n’est pas exclu. Les produits couramment consommés dans les peuples se diffusent par effet de mode et à coup sûr par la généralisation des moyens de communication. La situation de crise économique encourage les ménages dans la consommation d’un produit vivrier, facilement accessible, pratique et de moindre coût.
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