Auteur : Guillaume de Rubercy
Organisation affiliée : Club 2030 Afrique
Type de publication : Article
Date de publication : Mars 2015
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L’accès à l’énergie est une composante essentielle du développement économique, politique et social d’un continent. Or, malgré un fort potentiel en énergies fossiles et renouvelables, le continent africain présente des déficits énergétiques importants liés notamment à la sous-exploitation de ses ressources, à leur exportation sous forme brute voire à leur gaspillage lors de l’extraction ou du transport. En l’absence d’une offre satisfaisante, l’accès à l’énergie est réduit et la consommation domestique faible.
Face à ce constat alarmant, les États africains ont entrepris, notamment depuis la dernière décennie, de réformer l’organisation et la réglementation du secteur de l’énergie pour valoriser leur potentiel énergétique.
La modernisation nationale de l’encadrement juridique et institutionnel du secteur de l’énergie
Malgré la diversité des systèmes nationaux, il existe un processus commun à tous les États d’Afrique de l’Ouest de modernisation du cadre juridique et institutionnel du secteur de l’énergie. Outre la construction d’un véritable droit de l’énergie, le cadre institutionnel a été renforcé jusqu’à ce que soient posées les bases d’une régulation dudit secteur.
La construction d’un droit de l’énergie
Depuis le début des années 2000, dans un souci de rationalisation, les États d’Afrique de l’Ouest se sont engagés dans un processus de codification des sources du droit de l’énergie. Ont ainsi été adoptés des codes sectoriels tels que les codes miniers, les codes pétroliers, les lois particulières portant régime des hydrocarbures, les codes gaziers ou lois particulières régissant la commercialisation et la distribution du gaz ou encore les codes de l’électricité.
Parallèlement à cette harmonisation formelle du droit de l’énergie, on constate une harmonisation substantielle avec convergence du contenu des législations nationales. Plusieurs principes directeurs ont été consacrés dans la plupart des corpus juridiques nationaux. A titre d’illustration, des principes ont été posés pour encadrer la participation du secteur privé à l’optimisation du secteur énergétique national. En est-il ainsi du principe de souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, lequel n’exclut pas le recours à la technologie, l’expertise et au financement des opérateurs internationaux via les contrats de concession, partage de production ou le partenariat public-privé. Les acteurs privés se voient en outre imposer des obligations de service public ou encore de travailler en partenariat avec les acteurs locaux afin de leur transmettre expérience et savoir-faire (principe de la préférence nationale ou du local content).
Les États d’Afrique de l’Ouest se sont donc engagés dans un processus d’élaboration d’une législation énergétique moderne tant sur la forme que sur le fond. Parallèlement à la construction de ce droit, le cadre institutionnel s’est renforcé pour améliorer le contrôle du secteur.
Le renforcement du cadre institutionnel du secteur de l’énergie
Diverses institutions sont en charge du secteur de l’énergie. Dans la plupart des États, la planification et la mise en œuvre des politiques publiques énergétiques relèvent généralement de la compétence directe du ministre de l’énergie.
Concernant la régulation dudit secteur, la situation est plus disparate. Alors que la régulation du sous‑secteur de l’électricité est souvent confiée à une autorité administrative, en théorie autonome et dont l’appellation varie selon les États (Commission de l’énergie, Autorité de régulation, Autorité de réglementation), la charge de la régulation des sous-secteurs gazier et pétrolier relève généralement de la compétence directe du ministre de l’énergie.
Sur le plan juridique, on observe une tendance des États à doter ces régulateurs d’une compétence quasi-juridictionnelle. Ils peuvent en effet être amenés à régler les litiges entre opérateurs, entre opérateurs et consommateurs, voire même à jouer le rôle d’instance d’arbitrage et de médiation.
Une réserve est également à émettre dans la présentation de ce paysage à l’égard de l’état embryonnaire de certains régulateurs, qui ne sont pas toujours opérationnels ou manquent d’autonomie vis-à-vis du pouvoir politique.
Malgré tout, on sent de la part des États une réelle volonté de renforcer le cadre institutionnel du secteur de l’énergie et une dynamique positive est enclenchée. Si l’essai a été marqué, il doit désormais être transformé.
Une coordination et une harmonisation des droits et politiques nationaux de l’énergie
Pour appréhender efficacement les enjeux énergétiques, les États ont compris l’impérieuse nécessité de coopérer et d’apporter une réponse supranationale. Certains se sont donc entendus pour développer des projets communs. Parallèlement à ces démarches bilatérales, des institutions ont été créées tant à l’échelle continentale que régionale. Concernant l’Afrique de l’Ouest, l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) offrent le cadre et la matière nécessaires à la coopération des États autour de projets communs, à l’harmonisation des normes et aux pratiques nationales en matière d’énergie . Pour illustrer chacun de ces points:
(i) a été élaborée au sein de l’UEMOA une Politique Énergétique Commune visant, entre autres, la gestion optimale des ressources et développant, pour ce faire, l’interconnexion des réseaux nationaux, la réalisation d’ouvrages communs ou encore la mise en place d’une base de données régionale pour créer un système de projection de l’offre et de la demande d’énergie.
Sur le plan juridique, on observe une tendance des États à doter ces régulateurs d’une compétence quasi-juridictionnelle. Ils peuvent en effet être amenés à régler les litiges entre opérateurs, entre opérateurs et consommateurs, voire même à jouer le rôle d’instance d’arbitrage et de médiation
(ii) la directive n°06/2001/CM/UEMOA du 26 novembre 2001 a procédé à l’harmonisation de la taxation des produits pétroliers des États membres de l’UEMOA.
(iii) a été créé un Comité régional des régulateurs du secteur de l’énergie des États membres de l’UEMOA, qui assiste la Commission de l’Union dans l’élaboration et l’application des textes communautaires et développe la coopération entre les autorités de régulation nationales. Cette régulation régionale naissante permet l’harmonisation des politiques, législations et pratiques nationales, préalable nécessaire à la construction d’un droit et d’une politique communautaires de l’énergie.
Vers un droit et une politique communautaire de l’énergie
La coordination et l’harmonisation des normes et pratiques nationales, l’interconnexion croissante des réseaux, le développement de projets communs se font dans la perspective d’une gestion communautaire intégrée de l’énergie et permettront, à terme, de créer un marché commun de l’énergie ou, plus vraisemblablement, des marchés sectoriels communs. La dynamique de construction de droits et politiques sectoriels communautaires est donc enclenchée et d’ores-et-déjà manifeste dans certains domaines (les prémices d’un droit minier communautaire sont perceptibles, l’UEMOA ayant élaboré un code minier communautaire).
C’est néanmoins le secteur de l’électricité qui offre aujourd’hui le cadre le plus propice à l’organisation d’un marché régional. Un Protocole sur l’énergie de la CEDEAO a été adopté en 2003 pour établir le cadre juridique destiné à promouvoir une coopération durable dans le domaine de l’énergie au sein de la CEDEAO, en vue d’augmenter l’investissement et développer le commerce de l’énergie dans la région. Sur la base de ce Protocole et dans le cadre du Système d’Échanges d’Énergie Électrique Ouest Africain (EEEOA), a été créée en 2008 l’Autorité de Régulation Régionale du secteur de l’Électricité de la CEDEAO (ARREC) chargée d’assurer la régulation des échanges transfrontaliers d’électricité. Ce dernier participe activement à l’instauration d’un cadre juridique et institutionnel propice au développement d’un marché de l’électricité ouest africain (elle projette notamment de mettre en place un code de réseau régional). Enfin, confortant ce processus d’intégration, la CEDEAO a adopté en 2013 une directive définissant les principes généraux d’un marché régional de l’électricité.
En définitive, pour valoriser leur potentiel énergétique et assurer leur développement économique, les États ont compris la nécessité de doter le secteur de l’énergie d’un cadre juridique et institutionnel solide aussi bien à l’échelle nationale que régionale.
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