Auteurs : Joseph Kamga et Atinoukê amadou
Organisation affiliée : Revue des Juristes de Science Po
Type de publication : Dossier thématique
Date de publication : 2013
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Introduction
En Afrique plus qu’ailleurs, les problématiques de l’énergie sont sources de nombreuses préoccupations et tensions que le droit semble manifestement appréhender avec de sérieuses difficultés. Le retard du continent en matière d’optimisation de son potentiel énergétique pose avec une grande actualité la question de l’importance du renforcement d’un droit de l’énergie au service du développement économique. Cette préoccupation ne laisse pas indifférents les pouvoirs publics qui ont émis le vœu d’harmoniser les normes et les pratiques dans ce secteur, avec notamment la création de la Commission africaine de l’énergie. La tendance pourrait même s’accélérer avec les récentes lois sur le développement de diverses entités et ressources locales ayant pour objectif le transfert de technologies.
Tous ces instruments juridiques insistent sur la propriété des États, droit patrimonial et imprescriptible, sur les matières premières et les ressources énergétiques présentes dans leurs sols. L’actualité législative dans ce domaine est essentiellement marquée par l’adoption de codes sectoriels consacrés à la régulation de l’énergie, dans un contexte géopolitique qui fait de cette région la potentielle destination d’importants investissements stratégiques: ce qui fait dire à Koffi Annan qu’«en ce moment, les attentions sont tournées vers notre pétrole, notre gaz, nos minéraux, et dans une certaine mesure, vers nos terres arables». Mais malgré la bénédiction naturelle, le continent «berceau de l’humanité» peine à tirer profit de son potentiel économique à cause du manque d’énergie.
La question est très importante. Comme l’a pertinemment relevé un auteur, «l’énergie constitue, en effet, un enjeu stratégique majeur, car elle est indispensable à toute activité humaine et à la satisfaction de la plupart des besoins des hommes, aussi bien pour la satisfaction de leurs besoins domestiques que pour ceux de l’industrie et, plus largement, des entreprises qui seraient condamnées à la cessation d’activité sans énergie». Comme pour le droit commun des affaires avant la signature du Traité de l’OHADA, le droit de l’énergie en Afrique subsaharienne ressemble à un véritable maquis juridique. Contenu dans une mosaïque de textes dispersés, le régime juridique de l’énergie fait de plus en plus l’objet d’une remise en ordre dans plusieurs pays d’Afrique. Certains observateurs avertis estiment que la réalisation des grands investissements dans le secteur de l’énergie en Afrique subsaharienne permettra de passer du stade de la pénurie à celui de l’abondance énergétique.
Mais force est de constater que le droit de l’énergie dans cette partie du continent demeure un droit à venir. L’accès à l’énergie reste une nécessité que le phénomène de la mondialisation, comme le fait remarquer Jacqueline Morand De Villiers, ne fait qu’encourager. Notre étude s’articulera principalement autour de la forme d’énergie dont l’usage est aujourd’hui la plus répandue en Afrique: l’électricité. Dans cette étude, il sera principalement question de la dimension juridique du problème et accessoirement de ses aspects institutionnels et sociaux.
Le visage actuel de l’encadrement juridico-institutionnel du secteur de l’énergie en Afrique subsaharienne. Après la vague de révision des codes miniers en Afrique subsaharienne, nous assistons actuellement à la révision des textes relatifs au secteur de l’énergie.
La codification des sources du droit de l’énergie
D’entrée de jeu, il convient de distinguer clairement l’énergie en tant que bien19, c’est-àdire comme chose susceptible d’appropriation des sources d’énergie, c’est-à-dire des matières premières ou phénomènes naturels permettant de dégager de l’énergie (pétrole, charbon, bois, gaz, etc…). Puisque l’énergie peut subir un cycle de transformations plus ou moins long et faire l’objet d’usages variés, ce bien fait l’objet d’une réglementation particulière. C’est dans ce sens que l’on parle du droit de l’énergie. Pour une approche analytique, une distinction sera donc faite entre les sources du droit de l’énergie primaire et celles du droit de l’énergie finale.
Les sources du droit de l’énergie primaire
Les sources du droit de l’énergie primaire renvoient principalement aux textes encadrant le régime de l’exploration et de l’exploitation de ces matières premières, généralement fossiles comme le pétrole, le gaz ou le charbon. L’Afrique détient une part très importante des réserves mondiales d’hydrocarbures. Compte tenu de l’importance stratégique et du caractère régalien de cette source d’énergie, les États africains ont pris le soin de la réglementer, particulièrement à travers des codes pétroliers ou des lois portant régime des hydrocarbures dès leur accession à l’indépendance. L’exploration et l’exploitation du charbon relèvent du code minier ou des lois minières des États d’Afrique subsaharienne.
En clair, les sources d’énergie primaire sont régies en Afrique subsaharienne à travers trois outils principaux : le code minier pour l’exploration et l’exploitation du charbon, le code pétrolier ou les lois portant régime des hydrocarbures pour ce qui est de l’exploration et de l’exploitation du pétrole. Le gaz naturel en amont quant à lui est régi par le code pétrolier ou les lois portant régime des hydrocarbures, et en aval, il est régi par les codes gaziers ou les lois particulières s’appliquant à sa commercialisation et à sa distribution. En Afrique de l’Ouest, le droit du secteur de l’énergie, pour ce qui est des mines solides, est régi également par le Règlement n°18/2003/CM/UEMOA du 23 décembre 2003 portant adoption du Code minier communautaire de l’UEMOA et désormais par la Directive C/DIR3/05/09 de la CEDEAO sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier. Cette directive entre en vigueur le 1er juillet 2014.
Les sources du droit de l’énergie finale
L’énergie finale est l’ensemble des énergies délivrées prêtes à l’emploi par l’utilisateur final. Dans plusieurs pays subsahariens, le cadre juridique de l’énergie électrique (énergie finale par excellence) est organisé par les codes de l’électricité ou les lois régissant les activités du secteur de l’électricité. Il existe aujourd’hui une tendance généralisée à l’adoption de textes spécifiques au secteur de l’énergie électrique en Afrique comme l’atteste la récente adoption par le Gouvernement de Côte d’Ivoire en son Conseil des ministres, d’un projet de loi portant publication d’un Code de l’électricité.
Les pays ayant déjà adopté des codes de l’électricité sont notamment le Niger, le Cameroun, la République centrafricaine, la Mauritanie, les Comores, le Sénégal, le Togo, Madagascar, le Bénin, le Nigéria, le Ghana et le Kenya. Le cadre juridique de la commercialisation et de la distribution du gaz quant à lui est organisé par des codes gaziers dont l’adoption a tendance à se généraliser ces derniers temps.
Sur le plan macroéconomique, relevons que les entreprises investissant dans le secteur de l’énergie bénéficient d’importants avantages prévus par les codes relatifs aux investissements des différents États d’Afrique subsaharienne. Les investissements dans ce secteur sont classés prioritaires et encouragés par l’État qui a créé un cadre institutionnel idoine à cet effet.
L’encadrement institutionnel du secteur de l’énergie
La réalité institutionnelle du secteur de l’énergie en Afrique subsaharienne est dominée par un nombre impressionnant d’organes dont certains ont une compétence plus ou moins régionale ou continentale. Malgré la complexité de l’Afrique, il est possible de dessiner les grands traits du cadre institutionnel de ce secteur, même si la géographie des sources d’énergie ne correspond en aucune façon aux frontières politiques. Ces différentes institutions sont d’autant plus nécessaires qu’en matière d’électricité par exemple, l’Afrique est le continent des paradoxes : elle est à la fois un géant énergétique par les ressources dont elle dispose, et un «nain électrique» par les capacités réelles sur lesquelles elle peut s’appuyer aujourd’hui pour soutenir son développement. Le constat est saisissant.
Au niveau continental
Les États africains ont véritablement pris conscience en 1980 de la situation énergétique préoccupante du continent. Pour la première fois, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’OUA, réunie à Lagos (Nigeria) en avril 1980, a adopté un plan intitulé «Plan d’Action de Lagos» (PAL), dans lequel les principaux problèmes énergétiques que connaît l’Afrique avaient été identifiés, en proposant des actions à court, moyen et long terme pour y remédier. Pour mettre en œuvre ce PAL, la Conférence de Lagos a perçu l’impérieuse nécessité de se doter d’un cadre institutionnel approprié et a ainsi entériné la recommandation relative à la création urgente de la Commission Africaine de l’Énergie. La Commission Africaine de l’Énergie, créée à Lusaka le 11 juillet 2001, est donc une structure continentale africaine chargée d’assurer, de coordonner et d’harmoniser la protection, la conservation, le développement, l’exploitation rationnelle, la commercialisation et l’intégration des ressources énergétiques sur le continent africain. Cependant, les effets concrets de la création de cette commission ne sont pas encore visibles.
Les sources du droit de l’énergie primaire renvoient principalement aux textes encadrant le régime de l’exploration et de l’exploitation de ces matières premières, généralement fossiles comme le pétrole, le gaz ou le charbon
Au niveau régional
L’actualité en matière énergétique est marquée par l’émergence des politiques de collaboration à l’échelle continentale et régionale. Ces politiques sont certes bienvenues, mais encore inefficientes. L’on recense en effet l’existence de cinq pools énergétiques couvrant les 54 pays africains : COMELEC (Comité maghrébin de l’électricité), SAPP (South Africa Power Pool), WAPP (West Africa Power Pool), PEAC (Pool énergétique de l’Afrique centrale), EAPP (East Africa Power Pool). La création de ces programmes est justifiée par l’inégalité manifeste dans la distribution de l’énergie à travers le continent : le pétrole et le gaz sont concentrés dans le nord et l’ouest du continent, le potentiel hydroélectrique dans l’est et le centre, et le charbon dans le sud. Conscients de cet état de fait, les États africains ont décidé de mettre en place des programmes spécifiques ayant pour vocation de faciliter et d’améliorer l’intégration totale des systèmes d’énergie en Afrique. Les différents pools énergétiques créés ont pour vocation de garantir une solidarité entre les pays adhérents pour leur approvisionnement en énergie électrique principalement. Cette solidarité doit se concrétiser par des possibilités d’importation, d’exportation et de transit d’énergie électrique vers les pays déficitaires.
On assiste cependant à une dispersion des institutions en charge du secteur de l’énergie. Selon les pays, le ou les ministère(s) en charge de l’énergie et d’autres structures ont été créées en fonction des besoins ou de politiques spécifiques. Dans la plupart des États, le ministère de l’énergie est responsable de la planification et de la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’énergie. Ce cadre institutionnel est généralement défini par la loi ou un texte réglementaire.
Au niveau national
La régulation, le contrôle et le suivi des activités des opérateurs et exploitants du secteur de l’énergie est quant à elle généralement confiée à une autorité administrative indépendante dont l’appellation varie en fonction des pays. Cette tendance est généralisée en Afrique subsaharienne aussi bien dans les pays de culture anglophone que francophone. La gestion du patrimoine de l’État dans le secteur de l’électricité est souvent assurée par une entité indépendante.
Le renouvellement du contenu du droit de l’énergie en Afrique subsaharienne
L’institution généralisée du service public de l’énergie
Les États africains, hors Afrique du Sud, n’ont généralement pas les moyens techniques et financiers pour optimiser l’exploitation directe de leurs ressources énergétiques. Ils se sont concentrés sur quelques fonctions souveraines de contrôle. A ce titre, ils ont imposé des obligations de service public aux acteurs privés appelés à exploiter ces ressources. De la lecture des codes ou des textes adoptés après les années 2000 relatifs au secteur de l’énergie en Afrique subsaharienne, se dégage une tendance générale à l’organisation d’un véritable service public de l’énergie, particulièrement dans le domaine de l’énergie finale, notamment le sous-secteur de l’électricité. La majorité des codes de l’électricité disposent que «les contrats de concession, les licences et les autorisations prévus par la présente loi déterminent l’étendue des obligations de service public».
Au titre de ces obligations de service public, on relève notamment l’obligation de:
– garantir un approvisionnement permanent et continu pour la sécurisation de la fourniture en énergie électrique dans les meilleures conditions de qualité et de prix;
– assurer le respect des principes d’égalité de traitement et d’accès aux services de l’électricité sur l’ensemble du territoire;
– assurer la desserte sur le territoire national selon l’adaptabilité et l’acceptabilité du service de l’électricité que l’intérêt général peut raisonnablement commander;
– rationaliser la production, le transport et la distribution par la maîtrise de la demande d’énergie, la gestion optimale des ressources et des choix technologiques futurs, en accord avec les politiques de développement du secteur de l’énergie.
Ces obligations sont pratiquement reprises dans les codes d’électricité des autres États d’Afrique subsaharienne, ce qui est un marqueur significatif de l’harmonisation substantielle des visions législatives. C’est justement pour garantir l’accomplissement de ces missions de service public que les législateurs africains imposent aux acteurs économiques, candidats à une concession ou à une autorisation d’exploitation dans le secteur de l’énergie, d’avoir une certaine expérience. C’est ainsi que la quasi-totalité des codes pétrolier, gazier ou d’électricité exigent que les opérateurs admis à exploiter les ressources énergétiques disposent d’une solidité financière, technique et juridique certaine. L’intégration des acteurs locaux dans le circuit économique du secteur de l’énergie est également prise en compte.
Le recours aux principes de préférence nationale ou local content
Le 22 avril 2010, l’Afrique subsaharienne a connu un événement juridique d’importance majeure : la promulgation du Nigerian Oil and Gas Industry Content Development Act, autrement dit la loi sur la préférence nationale ou le contenu local. Il s’agit de la première loi du genre sur le continent africain. Sans recourir au principe du bénéfice excessif, le Nigéria a voulu réduire sa dépendance vis-à-vis des entreprises étrangères exerçant dans le secteur régalien qu’est l’énergie. Cette loi a produit des effets bénéfiques au Nigéria. Le local content, sacralisée par cette loi, est défini par le législateur nigérian59 comme l’obligation des acteurs du secteur de l’énergie à travailler en partenariat significatif avec les acteurs locaux afin de leur transmettre l’expérience et le savoir-faire de pointe que requiert les activités du secteur de l’énergie.
Le local content est donc la nouvelle trouvaille des législateurs africains du secteur de l’énergie en particulier ou plus généralement de l’activité économique. L’article 62 du Code gazier camerounais est très précis sur le périmètre de cette notion: «La mise en valeur des ressources gazières nationales doit être accompagnée d’un volet «contenu local» qui précise les retombées des projets gaziers retenus sur le développement économique, social, industriel et technologique du Cameroun».
En pratique, la règle du contenu local, qui constitue une contrainte pour les investisseurs étrangers, oblige l’entreprise qui désire investir à utiliser les ressources de la zone d’investissement (pour créer des emplois) en limitant le pourcentage de contenu étranger. Cette règle, qui est utilisée par les pays en développement pour obtenir des transferts de technologies, est à l’ordre du jour en Afrique subsaharienne et vise à garantir une participation croissante des nationaux dans les activités économiques mises en œuvre dans leur pays.
L’engagement à protéger les droits économiques des investisseurs
L’analyse substantielle des différents instruments juridiques relatifs au secteur énergétique en Afrique subsaharienne atteste de l’adhésion plus ou moins prononcée des législateurs à la protection des droits économiques des investisseurs dans le secteur de l’énergie. Avant les années 2000, la majorité des États d’Afrique subsaharienne offrait une exonération d’impôts souvent totale et qui portait sur les cinq premières années de l’investissement étranger.
Dans plusieurs pays subsahariens, le cadre juridique de l’énergie électrique (énergie finale par excellence) est organisé par les codes de l’électricité ou les lois régissant les activités du secteur de l’électricité
Avec le principe de préférence nationale qui est d’actualité aujourd’hui, cette pratique n’a pas substantiellement changé. Même s’il est largement admis que les États ont un droit de propriété et exercent leur souveraineté sur les ressources dont regorgent leurs sols et sous-sols, les droits acquis des opérateurs privés dans l’exploitation de ces ressources doivent également être protégés. De même, il est expressément reconnu aux investisseurs, le droit de prétendre aux compensations pour pertes dues aux guerres civiles ou aux mouvements populaires.
Avec les garanties de stabilisation fiscale et contractuelle dans le sous-secteur pétrolier par exemple, le législateur laisse également la latitude aux parties aux contrats pétroliers de pouvoir négocier librement les «clauses de stabilisation des conditions économiques et fiscales relatives à la rentabilité des investissements».
Les techniques de mise en œuvre du droit de l’énergie en Afrique subsaharienne
Le droit de propriété des États sur leurs ressources naturelles énergétiques pouvait laisser penser qu’ils les exploiteraient eux-mêmes directement. En droit public économique, plusieurs modes de gestion des biens publics existent : la gestion directe (par le biais de la régie), la gestion déléguée (délégation de service public, l’affermage, la concession). Le choix du recours à l’un de ces modes dépend du statut, des capacités techniques et institutionnelles de la personne publique. Pour des raisons qui ont été relevées plus haut, en Afrique subsaharienne particulièrement, les États sont souvent obligés de faire appel à la technologie et à l’expertise des grandes firmes pour valoriser leurs énormes potentiels énergétiques.
La contractualisation: outil d’optimisation du potentiel énergétique subsaharien
La question de la contractualisation dans le secteur de l’énergie soulève de prime abord celle de la capacité de l’État à optimiser l’exécution des contrats publics dès le départ, dans la mesure où, en pratique, il est difficile de renégocier systématiquement les contrats à la phase d’exécution. Une telle attitude risquerait d’envoyer des signaux rouges à l’endroit des investisseurs, ce qui serait synonyme d’incertitude sur l’avenir desdits contrats, avec au final la perception d’un risque trop élevé pour l’investissement, le secteur énergétique en Afrique étant déjà perçu comme un domaine d’investissement à risque. Qu’ils soient bien négociés ou non, les contrats de mise en œuvre du droit de l’énergie en Afrique subsaharienne prennent généralement la forme des contrats de concession ou de partage de production.
Des instruments juridiques à l’efficacité relative
Le contrat de partage de production et le contrat de concession sont tous deux des contrats conclus en vue d’exploiter le pétrole ou, pour ce qui est du contrat de concession, pour l’exploitation de l’électricité et du gaz. Ils ont pour objet de définir avec précision le partage des risques associés à l’exploration, au développement et à l’exploitation pétrolière, et de fixer les rémunérations découlant de ces activités.
L’adoption d’un instrument juridique jugé plus efficace au profit d’un autre ne suffit pas à le rendre pour autant efficient. D’autres facteurs rentrent en jeu. Comme le fait remarquer à juste titre Jean Pierre Angelier, les termes des contrats pétroliers dépendent du rapport de force dans lequel l’État et la société pétrolière sont placés. Il estime de plus à juste titre que les éléments à prendre en compte dans ce rapport de force portent à la fois sur les ressources elles-mêmes (si elles sont en grand nombre ou non), les facteurs économiques (place de l’industrie dans l’économie du pays, c’est-à-dire la taille du marché), les facteurs politiques (stabilité du pays, régime politique). Les contrats pétroliers conclus sur le continent africain n’échappent pas à cette règle. Plusieurs observateurs s’accordent à dire que la majorité des contrats pétroliers conclus au sein des pays africains sont inefficients. Ils sont d’ailleurs le plus souvent le résultat de concertations (pas toujours guidée par l’intérêt général) entre quelques hommes à la tête de l’État et une ou plusieurs sociétés soigneusement choisies.
Par ailleurs, si l’on s’en tient aux chiffres, on constate un fort déséquilibre dans la conclusion des contrats pétroliers. Ainsi, dans les contrats de partage de production d’Afrique du Nord, la part attribuable à l’État se situe à environ 51 % pour l’État et 49 % pour les compagnies pétrolières (Algérie et Libye) alors que dans les pays d’Afrique subsaharienne, elle se situe entre 31 et 35 %.
Les contrats de partenariat public-privé: un bilan en demi-teinte
Le partenariat public-privé (PPP) est aujourd’hui présenté comme une solution médiane entre une action exclusive de l’État et la privatisation où la responsabilité est transférée au partenaire privé. Ces partenariats ont été perçus comme permettant de combler les lacunes des États en matière d’infrastructures car comme le souligne Makhtar Diop, «actuellement, 5 % seulement des projets d’infrastructures en Afrique font appel à la formule du partenariat public-privé, ce qui constitue le plus faible niveau de toutes les régions du monde». D’un autre côté, parce qu’il permet la mise en commun du savoir-faire de l’entreprise privée et des services publics essentiels à la population civile, il nous semble que ce modèle vaut la peine d’être plus usité, avec un encadrement adéquat.
Un outil juridique complexe et difficile à mettre en œuvre
Il n’existe pas de définition juridique unanimement consacrée de ce terme. Néanmoins, les analystes s’accordent à dire que le contrat de partenariat désigne une forme de collaboration entre le secteur public et le secteur privé. Ce sont les contrats par lesquels les pouvoirs publics et des entreprises privées s’engagent à construire ou gérer ensemble des infrastructures ou d’autres services et où le partage des responsabilités, des droits et des risques entre l’institution publique et le secteur privé s’y trouvent répartis; leur présentation exhaustive supposerait une étude à elle seule. Malgré les avantages que semble constituer un tel outil, d’aucuns ne manquent pas de souligner les obstacles liés à ce type d’instrument juridique qui peuvent freiner l’initiative privée, tout comme le souligne une étude datant de 2008 sous l’égide du NEPAD et de l’OCDE.
La régulation du secteur de l’énergie
C’est un principe unanimement admis en droit international, l’État est le propriétaire de toutes les sources d’énergie sur son territoire et détient, comme le faisait remarquer Savatier, le «trousseau de clefs de l’énergie». Mais puisque cette énergie a pour vocation première de servir le citoyen, son activité et le bien-être collectif de la société, elle est également appréhendée comme une marchandise. Sa gestion conduit à la contractualisation, à la marchandisation, voire à la «marchéisation». Dans cette triple dimension, l’énergie se voit appliquer le principe de la libre circulation des marchandises avec quelques adaptations, justifiées notamment par l’existence d’un service d’intérêt économique général. C’est pour garantir cette dernière exigence que l’unanimité s’est faite autour de l’idée que les activités des marchés de l’énergie doivent être encadrées par une autorité de régulation sectorielle qui peut avoir selon les cas une compétence administrative et juridictionnelle.
Les modes de règlement des différends dans le secteur de l’énergie en Afrique subsaharienne
L’arbitrage obligatoire ou forcé
L’arbitrage est forcé lorsque la loi, exceptionnellement, impose aux parties d’y recourir. En matière d’électricité, le Bénin et le Togo, en raison de leurs frontières et intérêts communs en matière d’électricité, et convaincus qu’une politique commune permettrait un meilleur accès à l’électricité et à un meilleur coût, ont décidé d’adopter, en plus de leurs législations nationales, une législation commune relative au transport, à la distribution, à l’importation et à l’exportation de l’énergie électrique, ainsi que des activités y afférentes. C’est ainsi que le 27 juillet 1968 a été signé un accord instituant un code de l’électricité commun (le Code DahoTogolais), lequel, compte tenu des nouvelles exigences dues au développement du secteur de l’énergie, a été révisé en 2003. L’article 7 prévoit qu’en cas de litige relatif à son interprétation ou à son application, les parties feront recours à un règlement à l’amiable et en cas d’échec, à la procédure arbitrale devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA). Ce recours obligatoire à l’arbitrage est souvent privilégié, sinon quasi systématique, s’agissant de litiges internationaux, c’est-à-dire présentant des éléments d’extranéité, ce qui est le cas des litiges pouvant s’élever entre le Togo et le Bénin au sujet de l’énergie électrique.
L’arbitrage optionnel
À l’exception de ces exemples emblématiques des législations prévoyant un arbitrage obligatoire en matière d’énergie, particulièrement en matière pétrolière, la majorité des codes relatifs à l’énergie en Afrique subsaharienne prévoit un régime d’arbitrage optionnel. En Côte d›Ivoire par exemple, le code pétrolier de 1996, dans ses dispositions non modifiées par l’ordonnance du 18 avril 2012, prévoit dans son article 85 la compétence de principe des tribunaux ivoiriens en cas de litiges relatifs aux contrats pétroliers. Ce code prévoit également dans cette même disposition la possibilité d’introduire dans le contrat pétrolier une clause de conciliation et d’arbitrage pour tout différend pouvant survenir entre l’État et son cocontractant.
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