La crise anglophone au Cameroun : comment l’Eglise catholique peut encourager le dialogue
International Crisis Group
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La crise anglophone au Cameroun, qui a débuté en octobre 2016, s’est transformée en conflit entre les forces de sécurité et des séparatistes de mieux en mieux armés qui luttent au nom de la minorité anglophone marginalisée. L’élan séparatiste va crescendo parmi les anglophones tandis que le gouvernement de Paul Biya fait peu de cas des griefs historiques de la communauté. La violence s’est répandue : plus de 100 civils et au moins 43 membres des forces de sécurité seraient morts au cours des sept derniers mois, ainsi qu’un nombre inconnu de militants armés. Des indices laissent penser que les séparatistes contrôlent des portions de territoire ; 34 000 personnes ont trouvé refuge au Nigéria dans des conditions précaires et environ 40 000 sont déplacées dans la région anglophone du Sud-Ouest.
De nombreux militants semblent considérer qu’ils ont intérêt à se battre pour être en position de force en cas de négociations avec le pouvoir de Yaoundé. L’Union africaine et les puissances occidentales ont appelé au dialogue. Le gouvernement reconnait la nécessité d’engager des pourparlers, mais rejette l’appel des activistes anglophones à une médiation externe, et refuse toute discussion sur le fédéralisme. Il a emprisonné des dirigeants anglophones avec qui il s’entretenait auparavant.
L’Eglise catholique pourrait aider à sortir de cette dangereuse impasse. Présente dans chacune des dix régions du Cameroun, c’est l’une des institutions les plus solides du pays. Près d’un tiers des Camerounais sont catholiques, et l’Eglise dispose d’un dense réseau d’écoles et d’hôpitaux. Les Camerounais la prennent très au sérieux. Actuellement, néanmoins, ses divisions intestines, en particulier entre le clergé anglophone et francophone, l’empêchent de jouer un rôle constructif.
Il est encore temps pour l’Eglise de dépasser ses différends internes. Les évêques anglophones et francophones devraient publier une déclaration commune pour afficher leur neutralité sur la question la plus controversée – fédéralisme ou décentralisation – et afficher leur volonté de jouer un rôle de médiateur.
L’Eglise devrait aussi renouveler son appel à la fin des violences et à des négociations entre les figures de la contestation anglophone et le gouvernement. Des pourparlers directs entre les deux camps étant pour le moment peu probables, l’Eglise, pour peu qu’elle parvienne à projeter une image d’impartialité et à gagner la confiance des deux camps, pourrait jouer un rôle en coulisses pour établir des canaux de communication indirects. Il serait utile qu’elle plaide pour la libération des prisonniers et pour une forme d’amnistie pour les meneurs anglophones qui ont fui le pays, deux probables prérequis pour des négociations.
Elle pourrait continuer de coopérer avec d’autres institutions religieuses, comme l’Eglise presbytérienne camerounaise, qui, en janvier 2017, a fait part de sa disposition à jouer un rôle de médiateur, et la Convention baptiste du Cameroun, ainsi qu’avec des chefs traditionnels et des associations de la société civile crédibles. Alors que la violence semble sur le point de s’intensifier, en particulier à l’approche de l’élection présidentielle prévue en 2018, les médiateurs et pacificateurs potentiels sont rares. L’Eglise devrait surmonter ses divisions, se positionner comme arbitre impartial et aider à résoudre une crise de plus en plus meurtrière et préoccupante.
L’Eglise dans la crise anglophone
Outre ses divisions ethniques, l’Eglise souffre de fissures entre anglophones et francophones. Le pays compte cinq provinces ecclésiastiques, toutes rattachées à la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC). Quatre d’entre elles sont francophones, tandis que la province ecclésiastique de Bamenda couvre les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, à prédominance anglophone, sous l’égide de la Conférence épiscopale provinciale de Bamenda (Bamenda Provincial Episcopal Conference, BAPEC).
Sans surprise, les six évêques des régions anglophones se montrent plus préoccupés par la crise que leurs collègues des zones francophones, reflétant la colère des fidèles anglophones face à la politique du gouvernement central et la sympathie du clergé des régions anglophones pour les griefs des anglophones.
Dans la crise actuelle, deux questions en particulier créent des clivages au sein du clergé. La première concerne la structure de l’Etat : faut-il prôner la décentralisation, le fédéralisme, ou même l’indépendance pour un nouvel Etat anglophone ? La hiérarchie ecclésiastique nationale soutient la décentralisation au sein d’un Etat unifié. Au cours d’une visite dans les régions affectées en mai 2017, l’archevêque Samuel Kleda, président de la CENC, a affirmé que la conférence avait demandé au gouvernement de mettre en œuvre la décentralisation, comme le prévoit la loi constitutionnelle de 1996.
A l’inverse, certains prêtres anglophones sont allés jusqu’à appeler à la création d’un nouvel Etat. En avril 2017, par exemple, le père Wilfred Emeh du diocèse de Kumba a appelé au rétablissement de l’indépendance du Southern Cameroons (Cameroun méridional britannique), proposant le fédéralisme comme une étape vers l’indépendance. Le mois suivant, le père Gerald Jumbam du diocèse de Kumbo a écrit une lettre ouverte à l’archevêque Kleda, soutenant l’indépendance pleine et entière des zones anglophones et qualifiant les fédéralistes de « lâches ».10 Plus tard, au cours du mois de mai, le père David Fomanka, ancien secrétaire à l’enseignement catholique du diocèse de Mamfé, a plaidé en faveur de l’indépendance dans une lettre ouverte aux « Camerounais du Sud ».
Ces trois prêtres vivent aujourd’hui à l’étranger. Sans conteste, leur position reflète les frustrations d’une part de la population anglophone. Mais l’immense majorité des 350 prêtres camerounais sont plus prudents. Ils s’expriment peu en public et se disent favorables au fédéralisme ou à une décentralisation effective en privé, mais pas à l’indépendance. Par ailleurs, la plupart respectent la hiérarchie de l’Eglise et le principe selon lequel les évêques en sont la voix.
Le second désaccord concerne l’éventuel soutien au boycott des écoles, déclaré en janvier 2017 par les militants anglophones, parallèlement à une grève générale (l’ambition affichée étant de transformer les villes en « villes mortes »). Le boycott a continué tout au long de 2017, mais en 2018 les cours ont repris dans de nombreuses écoles, en particulier en ville. Fomanka, Emeh et Jumbam soutiennent le boycott, tandis que l’évêque George Nkuo, président de la BAPEC et de facto chef ou porteparole de la branche anglophone de l’Eglise, n’est pas du même avis, estimant que l’éducation des enfants doit être respectée comme une mission primordiale de l’Eglise. En cela, il est d’accord avec l’Eglise nationale.
Mais des désaccords subsistent entre les évêques. En mai 2017, l’archevêque Kleda a mis la pression sur les évêques anglophones pour qu’ils fassent en sorte que les cours reprennent immédiatement. L’évêque Emmanuel Bushu de Buea a pris une position différente. Sans soutenir le boycott, il a estimé que celui-ci correspondait au souhait des parents et que la libération des détenus par le gouvernement serait plus utile pour résoudre la crise, et in fine rouvrir les écoles.
La position anti-boycott de personnalités de premier plan au sein de l’Eglise a provoqué la colère des militants anglophones et les a poussés à menacer le clergé. Ils ont aussi mis le feu à des écoles ne participant pas au boycott. Des militants ont incendié deux écoles primaires à Tobin et Kumbo le 5 août 2017 et causé d’importants dégâts au collège catholique Sacré-Cœur à Bamenda le 18 septembre.
La plupart des évêques francophones ne se sont pas exprimés sur la crise, laissant l’archevêque Kleda parler au nom de l’Eglise nationale. Ils ne se sont pas mobilisés non plus quand un consortium de parents fabriqué de toutes pièces par le gouvernement a intenté une série d’actions en justice contre des membres du clergé anglophone, les accusant d’apporter leur aide au boycott des écoles.
En avril 2017, le tribunal de première instance de Bamenda a cité plusieurs évêques anglophones, de même que le modérateur de l’Eglise presbytérienne et le président exécutif de la Convention baptiste du Cameroun, à comparaitre dans ce dossier ; ils sont aussi accusés de mettre en danger l’unité nationale, les procureurs estimant que certaines de leurs déclarations ont contribué à paralyser les écoles. Peu de temps après, un tribunal à Buea a cité des évêques du Sud-Ouest à comparaitre. Les poursuites ont depuis été abandonnées, mais le gouvernement a montré qu’il était prêt à poursuivre des membres du clergé en justice pour des raisons politiques.
Comme par le passé, l’Eglise est prise en tenaille entre le gouvernement de Yaoundé et ses opposants sur le terrain. La pression est même venue du nonce apostolique (récemment remplacé), qui a poussé les évêques anglophones à rouvrir les écoles, mais n’a exprimé aucune préoccupation ni sur la sécurité des écoles face aux incendies criminels, ni sur les poursuites des évêques motivées par des considérations politiques. Dans les cercles diplomatiques de Yaoundé, l’émissaire du pape a été perçu comme ayant pris le parti du gouvernement dans la crise.
Malgré la polarisation, les évêques anglophones et francophones se rejoignent sur certains points, et des personnalités importantes de l’Eglise essaient de trouver un terrain d’entente. Par exemple, en dépit de nuances sur la forme, les évêques anglophones comme francophones ont condamné la répression musclée de l’armée contre des civils en septembre et octobre 2017. Ce précédent montre que l’Eglise peut faire preuve de plus de cohérence interne et jouer un rôle plus constructif.
L’Eglise comme médiateur potentiel
Pour aider plus efficacement à juguler l’insurrection et à parer au risque de guerre civile au Cameroun anglophone, l’Eglise catholique doit surmonter ses désaccords internes ou, à défaut, trouver un terrain d’entente pour projeter une image d’impartialité. Plusieurs commentateurs ont appelé l’Eglise à servir de médiateur entre les belligérants, comme elle l’a fait dans des pays voisins, notamment en République démocratique du Congo et en République centrafricaine. Si elle est amenée à jouer ce rôle, l’Eglise doit éviter de prendre des positions tranchées sur les principales questions qui divisent les protagonistes.
Dans cette perspective, il serait utile que les évêques anglophones et francophones se réunissent et publient une déclaration commune affichant leur neutralité sur les questions les plus sensibles, en particulier celle qui oppose fédéralisme et décentralisation, reconnaissant que le sentiment de marginalisation des anglophones est dans une certaine mesure justifié, dénonçant les violations des droits humains, et appelant toutes les parties à la retenue. Ils pourraient ensuite se montrer disposés à jouer un rôle de médiateur dans la crise. Les détails de cette médiation devraient être définis à huis clos. Une telle approche pourrait accroitre la confiance du public (en particulier dans les zones anglophones) à l’égard de l’Eglise, tout en aidant à détourner l’attention des positions radicales et clivantes prises par certains prêtres.
A terme, des pourparlers directs entre les principaux protagonistes constituent le meilleur espoir pour éviter l’escalade. Mais la violence et les clivages actuels leur laissent peu de chances d’aboutir dans l’immédiat, même en présence de médiateurs. L’approche la plus sensée pour l’Eglise, si elle parvient à se positionner en tant qu’arbitre impartial, serait de s’entretenir séparément avec chacune des parties pour comprendre leurs divergences de vues et leurs lignes rouges.
Selon des sources de Crisis Group, de telles consultations pourraient déjà être en cours, bien qu’en ordre dispersé. Celles-ci devraient être consolidées par une meilleure coordination entre les évêques, de manière à ce que ceux qui sont impliqués puissent parler pour l’Eglise dans son ensemble ; l’Eglise pourrait potentiellement assurer une navette diplomatique, avec pour objectif d’améliorer la compréhension mutuelle et de rapprocher les deux parties en préparation à des négociations directes.
Pour ce faire, il serait utile que l’Eglise travaille avec d’autres confessions, en particulier l’influente Eglise presbytérienne, qui a indiqué sa volonté de jouer un rôle et qui collabore déjà étroitement avec l’Eglise catholique sur ce dossier.24 Elle pourrait aussi impliquer la Convention baptiste du Cameroun, ainsi que des chefs traditionnels et des associations de la société civile crédibles.
Avant même d’entamer d’éventuels pourparlers directs, l’Eglise devra probablement se pencher sur la question de l’exil des activistes anglophones. Nombre d’entre eux veulent rentrer dans leur pays mais s’inquiètent naturellement de l’emprisonnement des militants anglophones par le gouvernement. L’Eglise pourrait plaider pour une forme d’amnistie, pour la libération de prisonniers et des garanties pour ceux qui rentrent, peut-être en échange d’un cessez-le-feu de la part des milices armées anglophones.
L’ordre du jour précis des éventuels pourparlers entre les figures de la contestation anglophone et le gouvernement ne peut pas être défini à l’avance. Mais même les discussions préliminaires doivent prendre en compte le profond sentiment d’aliénation des anglophones. Le gouvernement ne peut pas continuer à ignorer ce sentiment et doit être prêt à débattre du fédéralisme, même si ce n’est pas la seule option pour répondre aux préoccupations des anglophones (une décentralisation conférant une réelle autorité aux régions serait déjà un grand pas en avant).
La question du séparatisme est plus délicate. Un nombre croissant de militants en ont assez de ce qu’ils perçoivent comme la mauvaise foi de Yaoundé et penchent pour cette option (qu’ils ont tendance à appeler « rétablissement de l’indépendance »). Mais cela reste une ligne rouge pour Yaoundé, et soutenir la sécession reste assimilé à de la trahison. En même temps, les mouvements séparatistes se sont établis sur le terrain et ne peuvent tout simplement pas être ignorés.
Il n’est toujours pas certain qu’un dialogue franc entre le gouvernement et les figures de la contestation anglophone et une réelle décentralisation ou le fédéralisme puissent étouffer ces mouvements. Mais sans pourparlers et un transfert de pouvoir sous une forme ou une autre aux régions, y compris anglophones, le sentiment séparatiste va probablement continuer à progresser et le conflit s’intensifier, risquant de se transformer en guerre civile.
Cameroun : l’État stationnaire
Fred Eboko et Patrick Awondo
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En 1986, Politique africaine consacrait un dossier au « réveil du Cameroun » et analysait les conséquences de la crise politique de 1984 résultant d’une tentative de coup d’État contre Paul Biya qui était alors un jeune président (Bayart, 1986). Une décennie plus tard, en 1996, la même revue réfléchissait aux effets de la « démocratisation » qui avait plongé le Cameroun dans un « entre-deux » (Sindjoun et Courade, 1996). Le dossier mettait au jour les « cicatrices » et les lignes de fractures d’un pays aux milles tensions et dont une partie de la mémoire coloniale « en errance » (Mbembé, 1996) à travers la question anglophone, hantait le présent.
Depuis, la « démobilisation » des courants d’opposition politiques des années 1990 (Pomerolle, 2008 ; Eboussi, 1997), ou le « renouvellement sans renouveau » des élites politiques (Eboko, 1999) au sein d’une « transition qui n’a pas eu lieu » (Mehler, 1997), ainsi qu’une corruption endémique (Abéga, 2007) ont installé le pays dans une situation d’hibernation. Alors que les indicateurs d’implosion sont souvent au rouge, et que les observateurs annoncent l’éclatement du Cameroun depuis les années 1990 (voir International Crisis Group, 2010a ; 2010b ; 2014 ; 2015), le régime de Paul Biya a réussi à survivre par des processus d’adaptations successives.
Qu’il soit caractérisé comme « sous-développé » (Médard, 1977) ou « néo-patrimonial » (Médard, 1979), « autoritaire » (Mbembé, 2001), « post autoritaire » (Pomerolle, 2008), « sorcier », (Geschiere, 1995), ou simplement « absent » (Pigeaud, 2011), le pouvoir politique a déjoué tous les pronostics depuis trois décennies. La résilience au forceps et à la ruse de ce régime semble conforter l’hypothèse gramscienne reprise par Bayart de la continuité du « bloc hégémonique » (Bayart, 1989), dont l’apparente vulnérabilité tranche avec une espérance de vie qui a fait dire récemment au président Biya « ne dure pas au pouvoir qui veut mais qui peut ».
Cet « État ailleurs » nécessite aussi une analyse de sa « périphérie » qui relativise la puissance du centre directeur de Yaoundé (Sindjoun, 2002) en proposant des approches énonçant la complexité politique du « local », entre déséquilibre généralisé du territoire, revendications régionales localisées et contrôle politique des « révolutions passives » (Bayart, 1989).
Si ce pays d’Afrique centrale fut l’un des plus étudiés en sciences sociales africanistes entre les années 1970 et 1990, sa relative stabilité politique, ainsi que la permanence de son agonie et du caractère anomique de la vie sociale et économique ont bridé un renouveau de la pensée politique, sociale et économique au cours de la dernière décennie. Epousant les contours d’un pays linguistiquement tiraillé entre le français et l’anglais, les chercheurs sur le Cameroun ont du mal à dialoguer. Il s’agira de dépasser ce clivage « francophone/ anglophone » dans ce dossier afin d’associer autour d’un même échange les deux tendances de la production intellectuelle et scientifique.
Cette tâche est rendue urgente par une double actualité. Le retour sur la scène publique nationale et internationale de la question anglophone en 2016 d’un côté et, de l’autre, l’émergence d’un front de terreur porté par la secte Boko Haram, déstabilisant une partie des régions nord du pays depuis 2014. A ce double enjeu s’ajoute l’échéance que constitue une élection présidentielle en 2018 qui pourrait être la dernière de l’actuel président au cas où celui-cise représentait. Paradoxalement, un regard attentif à la situation camerounaise révèle que le pouvoir d’Etoudi, plutôt que de décliner, en sort renforcé.
D’une part, il bénéficie du dispositif antiterroriste autorisant le régime d’exception et renforçant le contrôle social et, d’autre part, la gouvernance d’un territoire qui se divise par l’« exclusion ethnopolitique » (Roessler, 2016 ; Bayart, Bayart, Geschiere et Nyanmjoh, 2001) est rendue plus aisée. Il en résulte qu’en dépit des revendications relayées au niveau international d’une partie de la minorité politique anglophone, le pouvoir central de Yaoundé semble avoir gagné en popularité auprès de l’opinion orientale car il a su se revêtir des oripeaux d’ultime rempart contre la double menace que représenteraient les « terroristes » de Boko Haram et les opposants désignés par le président lui-même comme des « apprentis sorciers » voulant diviser le Cameroun.
Cet argumentaire se déploie sur le terreau de la théorie de la conspiration et du complot qui essaime au-delà du bon sens en donnant du Cameroun l’image d’un pays qui s’invente, à tort ou à raison, des ennemis à défaut de surmonter le paysage domestique d’une liberté sous caution et d’un coma social sans fin. Comment peut-on penser ces moments de crise et que nous disent-ils de l’état du Cameroun ? Comment ces brèches ouvertes dans le temps lent du Cameroun peuvent-elles permettre de repenser ce pays dans ses dynamiques ?
Deux moments sont en effet importants dans ce que le discours de la rue qualifie de « rupture dans la continuité » de l’exercice du pouvoir au Cameroun. Il y a d’abord la « lutte anticorruption » commencée en 2004, alors que le Cameroun visait l’atteinte du point d’achèvement du FMI et de la Banque Mondiale pour l’éligibilité à l’« Initiative pays pauvres et très endettés » (PPTE). Les institutions de Bretton Woods étaient loin de se douter de l’opportunité offerte au régime de Yaoundé. La croisade alors engagée par le régime de Paul Biya s’est traduite par l’arrestation d’une partie des hauts dignitaires du parti dominant, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), dont certains avaient occupé les plus hautes responsabilités.
Du Premier ministre au ministre des finances en passant par celui de la santé, le secrétariat général à la présidence de la république ou encore la direction générale de la compagnie nationale aérienne, « L’opération épervier » a frappé des têtes de premier plan. Affublée du label d’un rapace familier, cette opération d’envergure est ellemême devenue une modalité de la gouvernance locale par la menace et le chantage à l’arrestation.
Cette initiative a ainsi permis au système d’intensifier le contrôle qu’il exerce sur l’ensemble des forces sociales du pays. Si les noms des personnalités publiques dites « éperviables » rejoignent d’autres actualités en Une des journaux de listes (Awondo, 2012), la corruption demeure paradoxalement un problème de fond dans l’ensemble de la société, reconnu comme tel par les sommets de l’État.
Par ailleurs les attaques de la secte Boko Haram, déclinées par le pouvoir sous le vocable de la « menace terroriste », ont permis de relancer la machine sécuritaire et la prohibition des mobilisations. Le code pénal adopté en 2016 semble ainsi un instrument politique taillé pour répondre à Boko Haram tout en limitant davantage les manifestations et autres rassemblements publics. Il devient désormais difficile voire dangereux de poser des questions sociales sans être soupçonné de porter atteinte à l’ordre public ou d’exercer une activité « terroriste ».
Nous faisons pourtant l’hypothèse que sous sa situation d’état stationnaire, des dynamiques nouvelles travaillent le contexte camerounais. C’est précisément en étudiant ces dynamiques que ce dossier se propose de saisir l’élan de changement actuel dans ce pays dans lequel il est publiquement énoncé qu’« on ne change pas ce par quoi le changement est arrivé ». Quels sont éléments qui permettent de comprendre les mécanismes par lesquels le chef de l’État maintient le contrôle des élites et assure sa longévité ?
Quelles sont articulations entre les échéances économiques adossées sur l’extraversion et la ventilation du personnel politique au plan national ? Sur quel ethos repose le maintien de l’ordre politique dans un contexte social de plus en plus fragilisé ? Quels sont les rapports entre la « menace terroriste » et d’autres dynamiques relatives aux débats intergénérationnels, au rôle des diasporas, par exemple, vis-à-vis desquelles la méfiance est forte ? Pour répondre à ces questions, les contributions s’articuleront autour des trois axes suivant :
De la question politique à la question sociale : la nécessaire inversion heuristique Qu’est-ce qui empêche de poser les questions sociales du moment au Cameroun d’une façon sereine ? Pourquoi les réformes des secteurs aussi importants que l’éducation et l’enseignement supérieur, le logement ou la santé ont-elles tant de mal à être formulées dans l’espace public ? En quoi la surpolitisation de la vie publique camerounaise a-t-elle affecté la mise en œuvre des politiques sociales post ajustement ?
Aborder la question camerounaise sous cet angle permet d’effectuer un renversement heuristique nécessaire au renouvellement de la connaissance sur ce pays. Au cours des dernières décennies, l’essentiel de la discussion intellectuelle s’est concentré sur la question politique avec notamment la figure annonciatrice du président Biya ou du système qu’il incarne. En suivant ce courant de lecture majeur, les analystes de tous bords ont fait le jeu de la surpolitisation des enjeux sociaux au Cameroun.
La question politique (débats identitaires et ethniques, enjeu de gouvernance, élections, État de droit et justice, etc.) a pris le pas sur la question sociale et sur celle des inégalités économiques et régionales. Evidemment un lien ténu relie les deux pôles mais la surpolitisation des enjeux économiques doit être mise en parallèle avec les évolutions macroéconomiques qui confrontent le pays à l’économie-monde, sur fond d’encadrement des institutions financières internationales.
Une réflexion fondamentale est à mener sur le poids des pesanteurs du politique et de l’État en rupture avec les forces locales et diasporiques porteuses de dynamiques de transformation sociale. Des tensions sont par exemple perceptibles dans le domaine des coalitions des secteurs privé et public. Les entrepreneurs privés doivent composer avec les élites du partiÉtat qui tentent de tirer profit des investissements dans tous les secteurs de l’économie, impactant alors d’une façon nocive le développement du pays.
Ces constats sont avérés dans la quasi-totalité des domaines socioéconomiques et notamment dans celui des investissements en lien avec lesréformes de l’eau et de gestion urbaine (Nantchop, 2015). Ces situations expliquent en partie les collisions entre les marchés informel et formel, favorisant ainsi la montée des réseaux de l’État en constant redéploiement (Hibou, 1998).
La logique qui sous-tend ce cercle vicieux procède d’un faisceau large au-delà de la corruption. La prévarication et la monétarisation des relations sociales, y compris au sein des services publics atteignent des stades tels qu’il est permis de renouveler l’hypothèse de « l’État néopatrimonial » (Médard, 1992 ; 1981), de confirmer au Cameroun, aujourd’hui deux fois plus qu’hier, « la politique du ventre » (Bayart, 1989) et d’ouvrir un débat froid sur « l’un des systèmes de gouvernement parmi les plus opaques, les plus centralisés et les plus prosaïque de l’Afrique postcoloniale ».
Il est permis de penser que cette situation participe en même temps du « sauve-qui-peut » et de la régulation des élites dont l’allégeance au régime constitue à leurs yeux une tentative de se protéger des affres de l’Epervier et/ou d’une alternance politique, par hypothèse. Un renouvellement du regard sur des questions telles que l’éducation, l’accès au logement, la santé, peut nous renseigner sur la situation camerounaise, entre paradoxes, continuités et orthodoxie conservatrice menée par la figure d’un chef qui contrôle la circulation des élites comme Poutine en Russie et contrôle la pérennité de son régime comme Le Prince de Machiavel.
Survey On Governance in Cameroon
NKAFU POLICY INSTITUTE, a Cameroonian Think Tank At The Denis & Lenora Foretia Foundation
QUESTION: CAMEROON IS A DEMOCRATIC COUNTRY !
NATIONAL SAMPLE
72.13 percent of Cameroonians do not think that the country is democratic. Cameroonian men generally have a more pessimistic view of the state of democracy. 74.01% of men perceive the country as undemocratic compared to 64.72% of women. The Northern regions (Adamawa, North and Far North) reported a much more favorable democratic perception compared to the other regions. 43.9% of respondents in the Northern regions STRONGLY AGREED that “Cameroon is a democratic country” compared to 20.7% in the Center/South/East; 9.7% for respondents in the Littoral/Western regions and only 2.1% in the Northwest and Southwest regions.
This marked regional variation of democratic perception with the Northern region as an outlier may represents a misconception of democratic governance in this region or the underlying educational challenges here. At the minimum, it requires further investigation. By randomly assigning the neutral group to either disagree or agree category, we establish that 27.867% of Cameroonians think the Country is Democratic. Therefore 72.13% of Cameroonians do not think the country is democratic.
REGIONAL BREAKDOWN
a) Anglophone (North West and South West Regions): In the North West and South West Regions combined, sixty-eight percent of respondents STRONGLY DISAGREED while twentytwo percent SOMEWHAT DISAGREED that Cameroon is a democracy. Two percent and five percent respectively AGREED and STRONGLY AGREED that Cameroon is a democracy while three percent stayed NEUTRAL.
b) West and Littoral Region: For the West and Littoral Regions, thirty-five and thirty percent STRONGLY DISAGREE and SOMEWHAT DISAGREE respectively that Cameroon is a democracy. Ten-Percent and Thirteen percent STRONGLY AGREE and SOMEWHAT AGREE that Cameroon is a Democracy while Twelve percent remained NEUTRAL.
c) Center, South and East Regions: Twenty-three percent of respondents STRONGLY DISAGREE that Cameroon is a Democracy. Twenty-one Percent SOMEWHAT DISAGREES that Cameroon is a democracy. Twenty-one Percent STRONGLY AGREES and twenty percent SOMEWHAT AGREES to the assertion. Sixteen percent are NEUTRAL.
d) Adamawa, North and Far North Regions: These three regions overwhelmingly STRONGLY AGREE with forty-four percent voting that Cameroon is a Democratic Country. Eleven percent of respondents SOMEWHAT AGREE while eleven percent and seventeen percent STRONGLY DISAGREES and SOMEWHAT DISAGREE respectively.
POLITICAL AFFILIATION
i) CPDM: Forty-six percent of all those who identified as CPDM militants state affirmatively that Cameroon is a Democratic country. Fifteen Percent SOMEWHAT AGREES. Nine percent and fifteen percent respectively, STRONGLY DISAGREE and SOMEWHAT DISAGREE while sixteen percent stayed neutral.
ii) SDF: A combined eighty-eight percent of SDF respondents STRONGLY DISAGREE and SOMEWHAT DISAGREE that Cameroon is a Democracy. Nine Percent AGREE while three percent remained neutral.
iii) CPP and UNDP: For the CPP and UNDP combined, eighty-three percent DISAGREE with the assertion, twelve percent AGREE while five Percent stayed NEUTRAL.
iv) Others: There were respondents who identified with other political parties and politically neutral respondents. Seventy-two percent of this group DISAGREE with the assertion. Eighteen percent AGREE while eleven percent stayed NEUTRAL.. REGIONAL ESTIMATES i) North West and South West: Ninety-six percent of all North West and South West Respondents think a FEDERAL SYSTEM OF GOVERNANCE is best while four percent are comfortable with the current governance structure.
QUESTION: WHAT SYSTEM OF GOVERNMENT DO YOU THINK IS BEST FOR CAMEROON AT THIS POINT IN ITS POLITICAL LIFE?
NATIONAL LEVEL
64 percent of all respondents believe that a FEDERAL SYSTEM of governance is what is best for Cameroon at this point in its political life while thirty-six percent stated that the current PRESIDENTIAL/UNITARY system works best for the country.
REGIONAL ESTIMATES
i) North West and South West: Ninety-six percent of all North West and South West Respondents think a FEDERAL SYSTEM OF GOVERNANCE is best while four percent are comfortable with the current governance structure.
ii) Littoral and West Regions: Sixty-eight percent of respondents from these regions believe a Federal Republic is best while Thirty-two percent think the current Presidential System is fine.
iii) Center, South and East: Forty-Eight percent of respondents from these regions prefer think a Federal System is what the country needs while Fifty-two percent are comfortable with the Unitary System.
iv) North, Adamawa and Far North: Fifty-seven percent of these regions think the current Presidential system is good for the country and forty-three percent are in favor of a Federal System of governance.
POLITICAL PARTY AFFILIATION
i) CPDM: Forty-four percent of those who identified as CPDM Militants believe a Federal Republic is what is needed at this point in time while fifty-six percent think the current Unitary System works best for the country.
ii) SDF: Ninety-two percent of SDF militants believe that a Federal System is the best form of governance for the country. Whereas eight percent think the current, Unitary System be left in place.
iii) CPP and UNDP: Seventy-four percent against twenty-six percent are in favor of the Federal System of government.
iv) Others: For other political parties and politically neutral individuals, seventy-five percent say a Federal System of governance is what is needed against twenty-five percent who think the Unitary System be maintained.
QUESTION: SHOULD THE CONSTITUTION LIMIT THE PRESIDENTIAL TERM OF OFFICE?
NATIONAL LEVEL
The overwhelming majority of Cameroonians believe there should be presidential term limits (94.8%). 83.9% Percent prefer TWO TERMS while 10.9% prefer a single term. We did not inquire about the duration of presidential terms.
REGIONAL BREAK DOWN
i) North West and South West: Eighty-Five percent of the two regions combined favor a TWOTERM presidential Mandate. Fourteen percent favor a ONE-TERM MANDATE while two percent prefer LIMITLESS presidential mandates.
ii) Littoral and West Regions: Eighty-Eight percent of respondents from these regions are in favor of a TWO-TERM presidential mandate. Seven percent prefer a ONE-TERM Mandate while six percent says there should be NO LIMITS to presidential Mandates.
iii) Center, South and East Regions: – One Term Mandate: 14%- Two-term Mandate: 80% – No Limits to Presidential mandates: 5%
iv) Adamawa, North And Far North: – One Term Mandate: 10% – Two Term Mandate: 78% – No limits to Presidential Mandates: 12%
Cameroon has been in crisis for six months. Here’s what you need to know
Yonatan L. Morse is an assistant professor of political science at the University of Connecticut, where he studies and teaches about democracy, authoritarianism and sub-Saharan Africa
The English-speaking regions of Cameroon have been gripped by crisis for six months. Thousands of lawyers, teachers and students and several civil society groups have taken to the streets and launched strikes in opposition to discrimination against Anglophones by the central government and by Cameroon’s long-serving president, Paul Biya.
The government’s response has been harsh. At one protest more than 100 people were violently arrested. In December, four protesters were killed by live ammunition. The crisis escalated in January when activists threatened a month-long strike. The government banned two major organizations, arrested two of the movement’s leaders on terrorism charges, and imposed an Internet blackout across Anglophone Cameroon. Internet services have not been entirely restored, which has impacted local business and provision of health care. While Biya has offered symbolic concessions, they appear merely palliative and another protest wave seems imminent.
- Anglophones used to have their own state.
Before independence in 1960, Cameroon was split between a larger French and smaller British mandate. During decolonization, a portion of British Cameroon elected to enter into a federation with French Cameroon rather than join Nigeria to its northwest. The new Anglophone state of West Cameroon had its own prime minister, who was also the federation’s vice president. There were many political parties in both states. The dominant political party was President Ahmadou Ahidjo’s Cameroonian Union.
Federalism was an uneasy marriage and Ahidjo quickly began a process of centralization. He managed to convince other parties to join him in forming a supra-party, the Cameroon National Union (CNU). The CNU and its successor — the Cameroon People’s Democratic Movement (CPDM) — have been Cameroon’s dominant party since. Shortly after, federalism was abolished and a new unitary state created. Many of the Anglophone grievances date back to this change.
- Anglophone resentments are about resources and representation.
Anglophones have historically seen themselves as the big losers from the national distribution of resources. Politics in Cameroon are multiethnic and depend on the president’s ability to control the flow of resources toward specific individuals and regions. The ruling coalition has generally balanced north-south divisions within French Cameroon. Under Ahidjo, public investment and senior political appointments tilted toward his northern Fulani co-ethnics, while under his successor, Paul Biya, it was toward his southern Beti co-ethnics.
These perceptions of bias are exacerbated by Cameroon’s poor record of democratic representation. In the early 1990s, a pro-democracy movement started in Anglophone Cameroon and forced the government to allow elections. Since then, the government has responded with both co-optation and repression. While an Anglophone has filled the position of prime minister since 1992, Anglophone Cameroon is also frequently subject to government repression. Gerrymandering electoral districts has helped eliminate opposition representation from Anglophone areas.
- Anglophone resentments are also about identity.
What is often termed the “Anglophone problem” refers to a deeper sense of Anglophone separatism and the lack of national integration. Many activists today are protesting in response to having French language and legal standards imposed upon them. Anglophone Cameroonian courts are sometimes run by appointed French-educated judges despite no knowledge of British common law, which is supposed to be in use. Similarly, teachers and students have criticized the lack of opportunities to study or take exams in English.
In recent years, Anglophone resentments have found growing expression in overt secessionist groups like the Ambazonia Movement, or organizations advocating for a return to federalism like the Southern Cameroons National Council. This makes a solution to the current crisis more complicated. Many activists now demand that the central government cede a significant degree of autonomy to Anglophone areas.
- The question of who will succeed Biya looms.
After almost 35 years in power, Paul Biya is one of Africa’s last “dinosaur presidents,” along with Zimbabwean President Robert Mugabe and Angolan President José Eduardo dos Santos. But many also see Biya as crucial in holding together the coalitional nature of Cameroonian politics. A new president could challenge the position of several elites who maintain corrupt fiefdoms that span a bloated public sector and military.
Insider challenges to Biya’s dominant position have frequently been silenced. In 2008, Biya controversially abolished term limits so he could continue to run for reelection. Many saw this as a stopgap measure to prevent a succession crisis. There is still no obvious successor expected to run in next year’s presidential election, and some have called for Biya to run again. Some of the current protesters, however, have made it clear that they strongly oppose another Biya term.
Where Are the 47 Political Exiles Sent by Nigeria to Cameroon?
Chidi Odinkalu is senior team manager for the Africa regional work of the Open Society Justice Initiative.
Over the past few months, thousands of refugees from Cameroon have fled across the country’s western border into Nigeria, escaping an increasingly vicious conflict that has been largely unnoticed outside the region. Hundreds of civilians have been killed; many more have been tortured, disappeared, or taken into custody by forces loyal to Paul Biya, the president of Cameroon—who is currently the longest-serving leader in Africa today, having held power for 35 years.
The trouble started when teachers and lawyers in the Cameroon’s minority Anglophone regions—who complained of being marginalized by the country’s Francophone majority—launched a mass protest. These complaints soon turned into more militant demands for greater self-determination, then became a secessionist demand for the creation of an independent (and Anglophone) state of “Ambazonia.”
Nigeria itself has reacted to the trouble by appealing for international aid to support the influx of refugees, and by showing itself ready to support its neighbor against the secessionist threat. Unfortunately, that support has included a readiness to breach international law. In late January, the Nigerian government rounded up a group of 47 Cameroonian opposition members and sent them back to Yaoundé, Cameroon’s capital. This was done despite the opposition members’ status as asylum seekers and refugees.
The group included Sisiku Ayuk Tabe, leader of the self-proclaimed interim government of Ambazonia—who, along with his supporters, was denounced as a terrorist by the Biya government. On January 17, 2018, he and many of the other 46 persons were attending a meeting in a hotel in the Nigerian capital of Abuja. They were abducted and detained, without charges and in secret, by hooded agents of Nigeria’s State Security Service. They were not allowed to see a lawyer or their families. Nine days later, without a court order or a thought to how they’d be treated upon arrival, Nigeria expelled the oppositionists to Cameroon.
On arrival in Yaoundé, the government of Cameroon—in secret—took the 47 into custody. On January 29, 2018, a spokesman for Cameroon confirmed that the government had custody of the group. Nothing further was heard until April 9, when Cameroon’s information minister said, “All of them are doing very well, all of them are in very good health, all of them are enjoying whatever is enshrined in our constitution.”
But since neither their families nor legal representatives have been allowed access to these people, there is no way to verify the truth of the government’s claim. For all practical purposes, they have disappeared.
Four of the 47 expelled had Nigerian nationality. Cameroon does not presently allow dual nationality, and Nigerian law prohibits the expulsion of its nationals. By expelling these four, in other words, Nigeria effectively rendered them stateless—in violation of clear international law.
Nigeria’s conduct is also an assault on the very foundations of international refugee and human rights law. The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees, to which Nigeria is a leading party, prohibits the forced return—or “refoulement”—of a refugee “in any manner whatsoever to the frontiers of territories where his life or freedom would be threatened on account of his race, religion, nationality, membership of a particular social group, or political opinion.’’
But the responses of regional human rights institutions of the African Union, as well as of the United Nations High Commissioners for Human Rights and for Refugees, have so far been muted. This is a mistake; if only to avoid exacerbating other crises in Africa, these institutions should be more visible and active in defense of basic rights.
Regardless, it is necessary to verify the whereabouts and safety of these 47 individuals, and to guarantee them access to redress. Pending these steps, the United Nations organs should reaffirm the inviolability of the principle of nonrefoulement and require Nigeria—a country with tens of thousands of refugees of its own—to provide verifiable guarantees that it is prepared to comply with this vital international principle.
It is also necessary to hold Cameroon to account for the numerous human rights violations committed in the course of the Anglophone crisis, including for the enforced disappearance of the 47 persons sent back by Nigeria, as well as the continuing heavy-handed way that security operations in the Anglophone regions are conducted.
BTI 2018 | Cameroon Country Report
Bertelsmann Stiftung
Political and Social Integration
Given the huge majority of the ruling party in the legislature (holding 148 out of 180 seats in the National Assembly at present), Cameroon qualifies as a dominant party system. The second and biggest opposition party gained only 18 seats in the last elections.
Cameroon’s political parties are institutionally weak and have very limited social roots, although the four to five politically relevant parties are reasonably known in the country’s urban centers. By and large, political party life is dormant outside of election periods. The fact that most parties do not bother to have programs or to articulate positions on specific issues (e.g., the Boko Haram conflict, corruption, the Anglophone question or inadequate access to public services) explains their poor standing with the population.
In addition, most parties display no or limited internal democracy, considering that all of them have been ruled by the same individual since their inception, typically in the early 1990s. As a result, clientelism is pervasive within the political parties. The once powerful opposition party, the SDF, led by the Anglophone John Fru Ndi, has been plagued by internal factionalism. Finally, the government is not sparing efforts to make life for the opposition as difficult as possible. For example, in 2016 as in previous years, press conferences were forcefully dissolved. Meanwhile, public media coverage of the parties is extremely limited and biased towards the ruling party. Around 60% of the population thinks that the government is intimidating the opposition to various degrees.
Cameroon has two very different types of interest groups. One is informal, and made up of networks and associations that revolve around markers of identity (notably in terms of local and ethnic origins, but also religion). Depending on how well these groups are connected to patronage networks of the state, these groups can be quite influential when it comes to safeguarding the interests of their members and communities. Some of these groups (tontines) wield substantial financial weight.
With regard to more formal organizations, Cameroon has a broad range of groups (NGOs, civil society groups), which could be described as interest groups. However, this type of organization has two major deficiencies. First, they often have no substantial roots in society, and are unable to represent the interests of the wider population. Consequently, they have little influence in the public sphere or on government. Second, this sector is relatively weak and fragmented, and is often engaged in competition over outside funding.
Cameroonians are generally in favor of a democratic system. According to the 2016 Afrobarometer, 82% of respondents approved of free and fair elections and 73% of respondents approved of multiple political parties. However, 56% of respondents stated that they were not satisfied with the way the Cameroonian democracy is currently working. For example, the same proportion (56%) of respondents do not think that parliament is representing the interest of citizens. Likewise, more than half of all respondents do not trust the electoral commission (Elections Cameroon, ELECAM) to organize fair and free elections. Only 26% think that the government never intimidates the opposition.
However, and somewhat surprisingly, trust in major institutions is not insignificant, considering that 66% trust the president and 70% trust the army (compared to only 50% for the police). Public opinion surveys on the sense of solidarity and trust among citizens do not exist, but it seems fair to state that trust among Cameroon’s communities is relatively low. This is demonstrated by the fact that most organizations in the country are by and large mono-ethnic or dominated by an ethnic group, or are perceived as such. The alleged under- or over-representation of certain groups in state structures, universities or churches is the subject of heated discussions.
Regional and ethnic balancing (i.e., government-led distribution of benefits and posts) for the purpose of national unity is in fact a divide-and-rule strategy, which reinforces primary identities. In the absence of effective national institutions, political and economic insecurity is compensated for through the recourse to primary identities. In a sense, the Anglophone protests since late 2016 are typical of this pattern in that they revolve around valid grievances which are not first and foremost linguistic or cultural, but political and identity-based. They are also typical to the extent that the government’s divide-and-rule political strategy is successful, as there are few signs of solidarity between diverse groups. The latter criticize Anglophones for fighting for specific, identity-based rights and not for a better governance system in the whole country.
The Problem of Political Transitions in Africa: The Cameroon Question
John Mukum Mbaku Nonresident Senior Fellow Brookings
Political transitions in francophone sub-Saharan Africa have consistently been problematic due in part to the fact that incumbent heads of state have been obsessed with retaining political power for life. For example, Omar Bongo (Gabon), Félix Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire), Gnasssingbé Eyadéma (Togo) and Lansana Conté (Guinea) remained presidents of their respective countries until they died in office. Except in Gabon, where the death of President Bongo resulted in a peaceful transfer of power to his son, transitions in the other countries were accompanied by a significant level of political violence.
For example, in Togo, just hours after the death of President Gnassingbé Eyadéma, the military violated the constitutional provision requiring the Speaker of the Togolese National Assembly to take over power in the event of a vacancy in the presidency by appointing the late president’s son, Faure Gnassingbé, interim president. Faure later contested and won a highly controversial election later that year. An even more destabilizing scenario occurred in Guinea following the death of President Lansana Conté in 2008. Just a few hours after the announcement of the death of the president, the young soldier Moussa Camara seized power, dissolved the government, and suspended the constitution and all republican institutions. Guinea then plunged into deep political chaos for almost two years until the 2011 democratic elections.
Will Cameroon be able to avoid the violent and contested transitions of these countries if current President Paul Biya, age 79 and in power since 1982, dies in office? In spite of his various public pronouncements that he would democratize Cameroon’s politics, Biya has twice (in 1996 and 2008) manipulated the constitution to allow him to prolong his term in office. Also, although Cameroon officially became a multiparty state in 1992, under Biya’s leadership the country has not conducted a presidential election in which the opposition has had a fair chance of defeating the incumbent.
While the opposition bears some blame for its ineffectiveness, there is no question that Biya has used the power of incumbency as well as his control of various institutions such as the national media, the Supreme Court and the National Assembly to ensure his success at the polls. Thus, many observers believe that political transition in Cameroon is likely to result only when Biya dies or is removed from office by a military coup d’état. Each of these options, unfortunately, has extremely destabilizing consequences for Cameroon and the sub-region.
Given Cameroon’s current institutional arrangements, two major concerns regarding presidential succession exist. One of these concerns is legal and the other political. On the legal front, the Cameroon 2008 Constitution has a number of ambiguous provisions that could easily be exploited by opportunistic military officers. Take, for example, Article 6(4), which states, “Where the office of President of the Republic becomes vacant as a result of death, resignation or permanent incapacity duly ascertained by the Constitutional Council, the President of the Senate assumes function as interim president for a period not less than 20 (twenty) days and not more than 40 (forty) days, during which fresh presidential elections will be held, at which the interim president is not eligible to run.”
The problem here is that Cameroon has neither a Constitutional Council nor a Senate despite the fact that Article 6(4) has existed since 1996.Later articles attempt to fill these voids: Article 67(3) stipulates, “[t]he National Assembly shall exercise full legislative power and enjoy all Parliamentary prerogatives until the Senate is set up,” while Article 67(4) states, “[t]he Supreme Court shall perform the duties of the Constitutional Council until the latter is set up.”
Yet, the nonexistence of the Senate and Constitutional Council does not play well for a country whose institutions lack legitimacy and where ethno-linguistic and regional tensions are rife. The distrust that the Cameroonian public has for the Supreme Court and the National Assembly increased significantly when the former failed to annul a glaringly flawed presidential vote in October 1992 and when the latter hastily amended the constitution in 2008 to allow Paul Biya to run for a third consecutive term as president. These concerns about the legitimacy of political institutions in Cameroon could encourage opportunistic military officers to declare a constitutional crisis in the event of a vacancy in the presidency and seize power. Such action could plunge the country into prolonged political violence as happened in Guinea.
On the other hand, the present latent struggles for capture of the presidency of Cameroon, notably between the Muslim-dominated North and the Christian-dominated South, coupled with secessionist threats by the minority English-speaking Southern Cameroons National Council (SCNC), which has been clamoring for independence from the rest of French-speaking Cameroon, add complexity to an already thorny political transition process.
The political transition process in Cameroon is further complicated by the absence of a validated country-wide electoral register. Following the controversial presidential elections of October 2011, the Cameroon government embarked on a reform of the electoral system, notably by dissolving the then-existing electoral register and replacing it with a biometric system. Yet Elections Cameroon (ELECAM)—the organ in charge of organizing elections in the country—recently claimed that it will take a minimum of one year to finalize the new biometric system for elections, which is why the tenure of legislators and municipal councilors scheduled to end in 2011 has been extended until late 2013. Given the current state of affairs, in the event of a vacancy in the presidency, and even if there is a peaceful transition to an interim president, Cameroon will face political crisis as a result of its inability to hold national elections within the short window stipulated by the constitution.
In many respects, political transition in Cameroon is too important to be allowed to go wrong given the wide-ranging implications that this transition might have for the entire Central Africa sub-region. First, Cameroon plays host to the central bank of the countries of the Central African Economic and Monetary Union (CEMAC). Second, Cameroon is a major exporter of food and energy to several neighboring countries, notably Gabon, Equatorial Guinea, Central African Republic and Nigeria, which means that a political and eventual economic crisis in Cameroon would negatively impact these countries.
Similarly, the Cameroonian port of Douala is the largest in the sub-region and serves Cameroon’s two resource-rich but land-locked neighbors, Central African Republic and Chad. Third, the war against terrorism and insecurity related to growing Islamic fundamentalism across central Africa would be much more difficult to manage if one of the few remaining politically stable countries in the region—Cameroon—also descends into political violence. It is important then, for the African Union and other global actors to take an interest in Cameroon’s transition and make certain that the process is undertaken democratically and peacefully.
To diffuse any eventual constitutional and political crisis in Cameroon, the Cameroon people should demand, first, that the government immediately provide the two institutions prescribed by the Constitution—the Senate and the Constitutional Council. In this light, the recent amendment of the constitution making it possible for senatorial elections to be held even without a complete country-wide electoral register is welcome.
Second, the Cameroon people should intensify their demands for institutional reforms to provide the country with credible democratic institutions, namely, a truly independent electoral body and a constitution that effectively guarantees the rule of law and separation of powers. Such an institutional structure will ensure a peaceful transition and provide for the type of political stability that is critical for trade and economic growth not just in Cameroon but also in the sub-region. France and the United Kingdom—Cameroon’s historical and traditional benefactors—and the United Nations, should support the efforts of Cameroonians to force their government to effect the necessary reforms.
The political framework of Cameroon
The International Trade Portal
Political Outline
- Executive Power
- The President is the chief of the state and holds the executive powers. The President is also the head of the armed forces. He is elected by popular vote for a seven-year term . He appoints the Prime Minister (who is the head of the government) and the Cabinet. The President has the power to dissolve the National Assembly and declare by decree a state of emergency which shall confer upon him special powers.
- Legislative Power
- The legislature is unicameral. The members of the parliament (called National Assembly) are elected by direct popular vote to serve five-year terms. The President can either lengthen or shorten the term of the legislature elections. The constitution of the country calls for an upper chamber for the legislature (Senate) but it has not yet been ( as of 2006) formed. The main responsibility of the National Assembly is to pass laws, but rarely has it changed any laws or blocked the passing of a legislation. The political rights of the people of Cameroon are very much limited.
- Main Political Parties
- Cameroon has a multi-party system, yet more than two-thirds of parliamentary seats are delegated to the Cameroon People’s Democratic Movement (CPDM) party. The most notable political forces include:
– Cameroon People’s Democratic Movement (CPDM): right-wing
– Social Democratic Front (SDF): centre-left, main opposition party, promotes social democracy
– National Union for Democracy and Progress (UNDP): anti-communist
– Cameroon Democratic Union (UDC)
– Union of the Peoples of Cameroon (UPC): left-wing - Current Political Leaders:
- President: Paul Biya (since 6th November 1982, re-elected several times) – RDCP
Prime Minister: Ebua Philémon Yunji Yang (since June 2009) – RDCP
Source photo : afrique.latribune.fr