Situation politique, Guinée-Bissau
Auteur: École de Politique Appliquée, Université de Sherbrooke
Organisation affiliée: Perspectives Monde (perspective.usherbrooke)
Type de publication: Etude
Date de publication: Octobre 2018
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C’est en 1974 que la Guinée Bissau accède à la souveraineté internationale, après une guerre de libération portée par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Elle est régie par une Constitution introduite en 1984 par João Bernardo Vieira, grâce à laquelle il s’arroge tous les pouvoirs. Dix-sept (17) ans après, en 1991, la Guinée-Bissau passe du monopartisme au multipartisme, accompagnée de mesures de consolidation de la démocratie comme l’indépendance des syndicats, la liberté syndicale, le droit de grève et la liberté de la presse… La première élection présidentielle pluraliste se tint le 7 août 1994 et fut remportée avec 52% des voix par João Bernardo Vieira contre Kumba Yala, le candidat du Parti de la Rénovation Sociale.
Le processus de démocratisation est cependant perturbé dès 1998 par l’entrée en rébellion d’une majeure partie de l’armée. Le président Vieira est renversé en 1999. Le retour aux institutions démocratiques est marqué par l’élection à la présidence de la République de Kumba Yala en janvier 2000 avec 72% des suffrages face au candidat du PAIGC, Malam Bacai Sanha. Après deux nouveaux coups d’État militaires (en 2000 et en 2003) et la mise en place d’un gouvernement civil de transition, le processus démocratique reprend avec la tenue d’élections législatives (mars 2004), qui portent au pouvoir l’ancien parti unique, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC).
Il se clôt avec l’élection présidentielle de juillet 2005, remportée par l’ancien président João Bernardo Vieira, face au candidat du PAIGC Malam Bacai Sanha. Ces deux scrutins sont jugés « libres, justes et transparents » par les observateurs internationaux, en dépit d’un certain nombre de dysfonctionnements.
Le processus de démocratisation est cependant perturbé dès 1998 par l’entrée en rébellion d’une majeure partie de l’armée. Le président Vieira est renversé en 1999. Le retour aux institutions démocratiques est marqué par l’élection à la présidence de la République de Kumba Yala en janvier 2000 avec 72% des suffrages face au candidat du PAIGC, Malam Bacai Sanha.
Lors du premier tour de l’élection présidentielle du 18 mars 2012, selon la Commission nationale des élections, Carlos Gomes Júnior (PAIGC), Premier ministre jusqu’au 10 février 2012, a obtenu 48,97 % des voix, Kumba Yala (PRS), ancien président, 23,36 %, Manuel Serifo Nhamadjo 15,75 %, Henrique Rosa 5,4 %. Après le coup d’état de 2012, des élections générales ont eu lieu le 13 avril 2014, avec un second tour pour les élections présidentielles du 18 mai, aucun candidat n’ayant obtenu la majorité au premier tour.
Plusieurs problèmes logistiques et des retards ont entraîné le report répété des élections, initialement prévues pour le 24 novembre 2013 puis le 16 mars 2014. Au second tour, José Mário Vaz du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert a été déclaré président élu avec 62% des voix. La prochaine élection présidentielle bissau-guinéenne de 2019 a lieu les 24 novembre et 29 décembre 2019 en Guinée-Bissau afin d’élire le président de la république pour un mandat de cinq ans. Ce scrutin sera le tournant d’une longue série de crises depuis 2015 marquée par des limogeages de premiers ministres et leur gouvernement.
Un accord de sortie de crise est signé à Conakry le 12 octobre 2016, et Umaro Sissoco Embaló (PAIGC) devient Premier ministre le 18 novembre 2016 avec pour objectif l’organisation au plus vite de nouvelles législatives, mais il démissionne le 12 janvier 2018.
Un nouvel accord de sortie de crise est conclu le 14 avril 2018 à Lomé au sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Celui-ci abouti à la désignation d’un Premier ministre de consensus, Aristides Gomes, chargé de conduire le pays aux législatives, fixées au 18 novembre. Le 19 avril, le Parlement prolonge son mandat, qui devait expirer le 23 avril 2018, jusqu’à la proclamation des résultats des nouvelles élections législatives.
A la veille des campagnes pour l’élection présidentielle, le président José Mario Vaz a nommé par décret un nouveau gouvernement le jeudi 31 octobre. Cette décision de limoger le Premier ministre Aristide Gomes et de nommer à sa place Faustino Imbali a été dénoncé par la CEDEAO et l’UA.
Un nouvel accord de sortie de crise est conclu le 14 avril 2018 à Lomé au sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Celui-ci abouti à la désignation d’un Premier ministre de consensus, Aristides Gomes, chargé de conduire le pays aux législatives, fixées au 18 novembre.
En effet, il faut rappeler que lors du sommet d’Ouagadougou au mois de Juin, la CEDEAO avait établi une feuille de route qui maintenait le président à son poste avec des prérogatives limitées car le mandat avait expiré depuis le 23 Juin. La charge était au gouvernement d’Aristide Gomez de préparer le scrutin et de gérer les affaires de l’État. A moins d’un mois de la présidentielle, la CEDEAO insiste pour que le calendrier soit respecté, au risque de « plonger le pays dans une situation chaotique ».
Organisation des pouvoirs
Le pouvoir exécutif : Le président de la République est le chef de l’État. Il est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable deux fois. Il nomme le Premier ministre en fonction de la majorité parlementaire. Le Premier ministre est le chef du gouvernement.
Le pouvoir législatif : Le pouvoir législatif est exercé par un Parlement unicaméral, l’Assemblée nationale populaire (Assembleia nacional popular, ANP). Ses membres (102) sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale. Le président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale. La Constitution bissau-guinéenne garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Le pouvoir judiciaire : La Cour suprême est composée de neuf juges nommés par le président. Chacune des neuf régions est dotée d’une cour régionale qui officie comme première cour d’appel des 24 tribunaux de première instance et entend les litiges civils supérieurs à 1 000 $. Les juges de première instance sont compétents pour les petits délits et, au civil, lorsque la somme litigieuse n’excède pas 1 000 $.
Mode de scrutin
Le président de la Guinée Bissau est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Si aucun candidat ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, un second est organisé entre les deux candidats arrivés en tête, et celui recueillant le plus de suffrage est déclaré élu.
Guinée-Bissau : l’ONU appelle au maintien de la présidentielle à la date prévue
Auteurs (s): Jeune Afrique
Date de publication: 02 novembre 2019
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Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies a appelé vendredi, dans une déclaration adoptée à l’unanimité de ses 15 membres, au respect de la date de l’élection présidentielle en Guinée-Bissau, en rejetant le changement de pouvoir décidé par son président.
En début de semaine, le président de la Guinée-Bissau, José Mario Vaz, a limogé son Premier ministre, remplacé jeudi par un nouvel exécutif. L’adoption de la déclaration du Conseil de sécurité fait suite à une réunion à huis clos jeudi soir de cette instance, convoquée à la demande des trois membres africains de l’instance (Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale).
Le Conseil de sécurité souligne «la nécessité urgente de tenir le scrutin présidentiel le 24 novembre comme convenu, afin d’achever le cycle électoral permettant un transfert pacifique du pouvoir au président qui sera élu
Le Conseil «exprime sa profonde préoccupation face à la situation politique et sociale» dans le pays. Il « appelle le président José Mario Vaz et le gouvernement dirigé par le Premier ministre Aristides Gomes, chargé de conduire le processus électoral, à résoudre leurs divergences dans un esprit de respect et de coopération».
Le Conseil de sécurité souligne «la nécessité urgente de tenir le scrutin présidentiel le 24 novembre comme convenu, afin d’achever le cycle électoral permettant un transfert pacifique du pouvoir au président qui sera élu», indique aussi le texte. Rappelant qu’il peut prendre des sanctions à l’égard de ceux qui déstabilisent le pays, le Conseil de sécurité salue enfin la «stricte neutralité» observée jusqu’à présent par l’armée et les forces de sécurité. Le mandat de José Mario Vaz a expiré en juin, mais la communauté internationale avait accepté qu’il reste à son poste jusqu’à la présidentielle. Il est candidat à sa propre succession.
Guinée-Bissau : le président Vaz persiste et défie la communauté internationale
Auteurs (s): Jeune Afrique
Date de publication: 31 octobre 2019
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Le président de la Guinée-Bissau José Mário Vaz a nommé jeudi 31 octobre un nouveau gouvernement, continuant ainsi de défier la communauté internationale, qui refuse le limogeage de la précédente administration. José Mário Vaz persiste et signe, maintenant le pays en état de crise politique chronique et nourrissant l’incertitude sur la tenue de l’élection présidentielle à la date prévue du 24 novembre. La Guinée-Bissau avait de fait deux gouvernements jeudi, celui démis cette semaine par le président n’acceptant pas de céder la place.
Après avoir remercié le gouvernement Gomes avec effet immédiat lundi soir, et nommé mardi Faustino Imbali nouveau Premier ministre, le président a publié jeudi un décret portant nomination de 17 ministres et 14 secrétaires d’État. Nombre de membres de ce cabinet avaient servi dans un gouvernement de transition après le coup d’État de 2012.
Ses agissements ont été fermement désavoués par la Cedeao, l’ONU, l’Union africaine, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) ou encore l’Union européenne. Elles affirment leur attachement au processus fixé en juin par la Cedeao, chargeant le gouvernement démis lundi de préparer la présidentielle et de diriger jusque-là les affaires du pays.
Guinée-Bissau : Redéfinir les priorités pour une stabilisation à long terme
Auteurs: Paulin Maurice Toupane, Aïssatou Kanté et Adja Khadidiatou Faye
Organisation affiliée: Institute for Security Studies (ISS)
Type de publication: Rapport d’étude
Date de publication: Mars 2019
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Introduction
En août 2015, un peu plus d’un an après des élections présidentielles et législatives jugées crédibles et transparentes, le président de la Guinée-Bissau, José Mário Vaz, a dissous le gouvernement du Premier ministre Domingos Simões Pereira, plongeant le pays dans une crise politique et institutionnelle. Les négociations menées sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont conduit à la signature, le 14 octobre 2016, de l’accord de Conakry conçu pour atteindre un double objectif : mettre fin à l’impasse politique immédiate et poser les bases d’une stabilité durable à travers la mise en œuvre de réformes prioritaires. Ces réformes, qui portent notamment sur la Constitution, les lois électorales, la loi-cadre sur les partis politiques et les secteurs de la défense, de la sécurité et de la justice, font l’objet de discussions récurrentes depuis plusieurs décennies.
La crise de 2015 montre que l’instabilité politique récurrente que connaît le pays ne résulte pas seulement de querelles politiques, mais aussi des défaillances de l’architecture institutionnelle. Il est donc nécessaire d’initier un dialogue national pour créer les conditions de mise en œuvre des réformes pour une stabilisation à long terme du pays.
De l’optimisme post-électoral de 2014 à la crise politique de 2015
Les élections présidentielles et législatives de 2014 avaient suscité l’espoir d’un retour à l’ordre constitutionnel tant au sein de la population que de la communauté internationale. Une nouvelle crise a rapidement rendu vaine cette attente et compromis la mise en œuvre des réformes ainsi que les perspectives socioéconomiques du pays.
L’espoir du changement en 2014
Les citoyens bissau-guinéens ont participé massivement aux élections d’avril 2014 avec l’espoir de tourner la page de l’instabilité politique et de la pauvreté qui caractérisaient le pays depuis l’indépendance en 1974. Ces scrutins ont mis fin à la transition installée après le coup d’État du 12 avril 2012, qui avaient interrompu le processus électoral organisé à la suite de la mort de l’ancien président Malam Bacai Sanhá, en janvier 2012.
Sur le plan politique, au-delà des divergences entre les acteurs sur l’organisation des élections de 2014, la transition a entraîné une reconfiguration de la scène politique en favorisant l’émergence de nouveaux acteurs indépendants, mais aussi au sein des grands partis. C’est finalement grâce à la pression internationale que les élections se sont tenues en avril. En plus de garantir le retour à l’ordre constitutionnel, les résultats semblaient traduire le désir de changement de la population. Le choix porté sur les candidats du PAIGC – José Mário Vaz à la présidence et Domingos Simões Pereira à la primature – reposait notamment sur leur image de bons gestionnaires mise en avant par le parti.
La crise de 2015 montre que l’instabilité politique récurrente que connaît le pays ne résulte pas seulement de querelles politiques, mais aussi des défaillances de l’architecture institutionnelle
Après les élections générales, les nouvelles autorités se sont attelées à instaurer une nouvelle ère de stabilité, de développement économique et de promotion de la cohésion nationale en formant un gouvernement d’unité composé de tous les partis présents à l’Assemblée nationale populaire (ANP) comme le PRS, l’Union pour le changement (UM), le Parti pour une nouvelle démocratie (PND) et le Parti de la convergence démocratique (PCD). Les mesures prises par ce gouvernement ont conforté l’espoir nourri par le peuple et rétabli la confiance des partenaires internationaux.
C’est dans ce contexte de normalisation que le gouvernement a organisé une table ronde des partenaires internationaux pour la Guinée-Bissau le 25 mars 2015 à Bruxelles. À l’issue de celle-ci, les partenaires internationaux se sont engagés à verser 1,2 milliard7 de dollars pour appuyer le plan stratégique et opérationnel 2015-2020 du gouvernement. Dénommé « Terra Ranka », ce plan posait les jalons d’un développement économique et d’une stabilisation politique de la Guinée-Bissau.
La crise de 2015
La dissolution du gouvernement de Pereira a déclenché une nouvelle crise. Vaz accusait Pereira entres autres de manque de transparence dans l’attribution des marchés publics, de corruption, de népotisme et d’obstruction à la justice. En plus des désaccords profonds entre les deux hommes sur la gestion du pays, la crise politique aurait aussi été alimentée par la rivalité pour le contrôle du PAIGC, constatée lors du congrès de Cacheu de février 2014 durant lequel les organes du parti étaient renouvelés et les candidats aux législatives et à la présidentielle élus.
Si les tensions internes du parti ont affecté le fonctionnement des institutions, c’est en partie dû au manque de clarté et de précision des dispositions constitutionnelles définissant les fonctions du président de la République et celles du Premier ministre. La Guinée-Bissau a un système semi-présidentiel, inspiré de celui du Portugal, avec un pouvoir exécutif bicéphale partagé entre un président élu au suffrage universel et un Premier ministre désigné par la majorité parlementaire.
La fragilisation des institutions
Le rejet de décision de la Cour suprême
Après la dissolution du gouvernement de Correia, le président a déclaré qu’il appartenait au parti pouvant obtenir la confiance de l’ANP de désigner le Premier ministre, écartant la possibilité pour le PAIGC de le faire. Il a justifié sa décision de nommer Baciro Djá le 25 mai 2016 par la nécessité d’obtenir la confiance de la nouvelle majorité parlementaire. Même si ce critère n’est pas expressément défini dans la Constitution comme déterminant pour le choix d’un Premier ministre, il est requis pour approuver tout programme de gouvernement.
La Cour suprême a reconnu la légalité de la nomination de Baciro Djá au poste de Premier ministre le 14 juillet. Elle a donné au PRS-G15, qui constituait la nouvelle majorité, le pouvoir de choisir le Premier ministre et de former un gouvernement. Cette décision s’est fondée sur l’impossibilité pour le PAIGC, malgré qu’il ait été vainqueur des dernières élections, d’obtenir l’approbation par l’ANP du programme de gouvernement de Correia.
Si les tensions internes du parti ont affecté le fonctionnement des institutions, c’est en partie dû au manque de clarté et de précision des dispositions constitutionnelles définissant les fonctions du président de la République et celles du Premier ministre
Toutefois, en plus des éventuelles difficultés financières et techniques qu’elle aurait entraînées, l’organisation d’un scrutin n’aurait pas permis de sortir de l’impasse. Si le PAIGC était sorti vainqueur, Pereira aurait occupé de nouveau le poste de Premier ministre. C’est en partie pour cette raison que le président Vaz a écarté cette option et fait appel à la CEDEAO afin de trouver un règlement à la crise.
Une difficile sortie de crise
La CEDEAO a lancé, à partir de septembre 2016, un processus de négociations. D’abord, une délégation des ministres des Affaires étrangères a mené des discussions avec les acteurs politiques et internationaux présents à Bissau, du 5 au 8 septembre. Elles ont débouché sur la signature, le 10 septembre 2016, d’un accord pour une sortie de la crise politique en Guinée-Bissau comprenant une feuille de route en six points:
1. La réunion de toutes les parties prenantes autour d’une table de dialogue inclusif sur la base d’une plateforme réunissant les 15 dissidents, le PAIGC, le PRS, les autres partis, la société civile et les religieux.
2. La formation d’un gouvernement consensuel inclusif pour l’exécution de la plateforme issue de la table ronde pour diriger le pays jusqu’aux élections législatives de 2018.
3. Le lancement de la réforme de la Constitution, des lois électorales, de la charte des partis, la réforme de l’administration territoriale et le renforcement de la justice pour plus de crédibilité.
4. L’instauration d’un mécanisme de suivi évaluation.
5. La mise en œuvre du Programme de réforme défense et sécurité.
6. La démobilisation progressive, dans un délai de six mois, de l’ECOMIB, après la formation d’un contingent guinéen pour suppléer la force dans son rôle de protection des institutions et des hautes personnalités de l’État.
Ensuite, comme prévu dans la feuille de route, un dialogue politique a eu lieu à Conakry du 11 au 14 octobre 2016 sous la présidence du président guinéen Alpha Condé, désigné médiateur par la CEDEAO. Le processus a conduit à la signature le 14 octobre 2016, d’un accord dit « accord de Conakry », qui constitue la première étape de la mise en œuvre de la feuille de route.
Les difficultés d’application de l’accord de Conakry
Au lieu d’apaiser les tensions, l’accord de Conakry et la conduite de la médiation ont augmenté les divergences au sein des acteurs politiques. En vertu de l’accord, tous les partis représentés à l’ANP et présents aux discussions de Conakry devaient choisir par consensus un Premier ministre, dont le choix était cependant limité aux trois personnalités suggérées la veille des discussions par le président Vaz : Mamadu João Fadia, Umaro Sissoco Embaló et Augusto Olivais.
Ensuite, le nom du Premier ministre sur lequel un consensus avait été trouvé n’avait pas été communiqué aux participants à la fin des discussions, amenant une confusion. Le G15 et le PRS, soutiens du président, ont fait valoir que sur la liste des trois candidats examinée à Conakry, aucun nom n’avait été définitivement retenu alors que le PAIGC, le PCD, le PND et l’UM ont soutenu qu’un consensus avait été trouvé sur la personne d’Augusto Olivais. De plus, l’accord de Conakry a donné au président la prérogative de nommer un Premier ministre bénéficiant de sa confiance. Si celle-ci semblait nécessaire au dénouement de la crise, elle est apparue contradictoire à la Constitution puisqu’il lui est seulement donné le pouvoir de nommer celui désigné par la majorité parlementaire.
Cette décision n’était pas conforme à l’accord de Conakry. Bien qu’Umaro Sissoco Embaló bénéficiait de la confiance du président, il n’avait pas été choisi de façon consensuelle. En outre, sa nomination n’était pas conforme à la Constitution, qui prévoit la nomination d’un Premier ministre issu du parti majoritaire à l’Assemblée.
Les réactions négatives à la nomination de Sissoco d’un nombre important de partis politiques, à commencer par le PAIGC, étaient donc parfaitement prévisibles.
Le maintien de Sissoco, malgré l’expiration du délai constitutionnel prévu pour l’adoption de son programme et les appels de la communauté internationale pour l’application de l’accord, ont exacerbé les tensions. C’est finalement sous la pression de la CEDEAO, qui a donné lors de son sommet du 16 décembre 2017 un délai d’un mois pour trouver une solution sous peine de sanctions, que Sissoco a remis sa démission, le 12 janvier 2018.
Face à l’absence de progrès significatif dans la mise en œuvre de l’accord de Conakry entre octobre 2016 et décembre 2017, la CEDEAO a adressé un ultimatum au président Vaz afin qu’il nomme un Premier ministre consensuel, et aux partis signataires pour qu’ils s’accordent sur la mise en place d’un gouvernement avant le 31 janvier 2018.
La fermeté de la communauté internationale
Le 4 février 2018, la CEDEAO a adopté des sanctions à l’encontre de 19 Bissau-Guinéens considérés comme étant à l’origine des blocages. Ce qui a marqué un tournant décisif dans la résolution de la crise. Ces sanctions visaient huit députés du Groupe des 15, six du PRS ainsi que cinq proches du président, dont son fils dotée d’une légitimité démocratique et aurait bénéficié de plus grandes marges de manœuvre dans la lutte pour le contrôle du pouvoir d’État.
C’est dans ce contexte que le PAIGC et le PRS ont entamé des discussions facilitées par l’évêque de Bissau, José Câmnate na Bissign. Les deux partis ont poursuivi les discussions en marge du sommet extraordinaire de la CEDEAO sur la Guinée-Bissau, tenu à Lomé le 14 avril 2018, mettant ainsi fin à la crise. En effet, les efforts soutenus de la CEDEAO ont finalement amené le président Vaz à accepter la nomination d’Aristides Gomes au poste de Premier ministre le 16 avril et à fixer par la même occasion la date des élections législatives au 18 novembre 2018. En outre, le 19 avril 2018, pour la première fois depuis deux ans, une séance de l’Assemblée nationale s’est tenue afin de proroger e mandat des députés jusqu’aux élections législatives.
Les avancées considérables enregistrées dans la mise en œuvre de l’accord de Conakry ont conduit la CEDEAO à lever les sanctions en juillet 2018, et le nouveau gouvernement à s’atteler à l’organisation des élections législatives. Les élections législatives L’organisation des élections législatives a constitué la priorité du gouvernement de Gomes et des acteurs nationaux et internationaux. Les résultats du scrutin clarifieront le jeu politique en favorisant la constitution d’une majorité parlementaire et en permettant la formation d’un gouvernement légitime. Cependant, la persistance des divergences au sein des principaux acteurs politiques sur la transparence du processus électoral menace la bonne conduite du scrutin.
Retard et défis
Initialement planifiées pour le 18 novembre, les élections législatives ont été reportées au 10 mars 201930 principalement en raison de difficultés d’ordre financier et technique et de divergences entre les acteurs politiques sur la conduite du recensement. Ce retard a entraîné la compression des délais initialement prévus pour la réalisation des opérations électorales, réduisant les garanties d’inclusion et de transparence. Le peu de temps accordé au recensement, combiné aux difficultés techniques liées à l’insuffisance des kits et aux problèmes logistiques, a empêché l’enrôlement d’un grand nombre d’électeurs. Le 8 octobre, soit 18 jours après le début du recensement, seuls 99 477 électeurs avaient été recensés sur les 900 000 prévus.
Cette situation s’explique en grande partie par la non actualisation du fichier électoral depuis 2014. Une mise à jour annuelle, comme prévu par la loi électorale, aurait favorisé un recensement plus rapide. La prorogation du recensement jusqu’au 19 décembre a permis d’enregistrer 761 676 électeurs, soit 86 %, grâce aux kits supplémentaires mis à disposition par les acteurs internationaux. Sur le plan politique, les critiques des partis sans assise parlementaire tels que l’Assemblée du peuple uni – Parti démocratique de la Guinée-Bissau (APU-PDGB) et le Mouvement pour l’alternance démocratique – G15 (MADEM-G15), et celles du PRS, notamment sur les irrégularités du recensement, laissaient présager une remise en cause du scrutin si la date du 18 novembre était maintenue.
Le 8 octobre, soit 18 jours après le début du recensement, seuls 99 477 électeurs avaient été recensés sur les 900 000 prévus.
Une scène politique en reconfiguration Depuis les élections générales de 2014, de nouveaux partis politiques ont émergé en Guinée-Bissau. Les plus en vue dans la perspective des législatives sont l’APU-PDGB créé en 2014 par Nuno Gomes Nabiam, candidat indépendant arrivé second à la présidentielle de 2014, et le MADEM-G15 fondé en 2018 par les dissidents du PAIGC. Ces partis feront face au PAIGC et au PRS qui ont dominé la vie politique depuis des décennies. Si ces deux derniers restent favoris pour les législatives de 2019, l’émergence de nouveaux partis pourrait provoquer des changements dans la configuration de la prochaine législature.
Le PAIGC réorganisé face à de nouveaux défis
Malgré sa victoire aux élections générales de 2014, le PAIGC a été profondément secoué par les querelles de leadership qu’il traverse depuis le congrès de Cacheu de 2014. Il a été affaibli par la bataille pour son contrôle entre d’une part, le président de la République et ses soutiens et, d’autre part, Pereira et les instances dirigeantes. Cependant, depuis la tenue de son congrès, du 30 janvier au 5 février 2018 à Bissau, le parti s’est réorganisé autour de Pereira qui, réélu à sa tête, garde le contrôle.
Cette reprise en main s’est d’abord traduite par l’expulsion définitive de 14 des 15 députés dissidents, permettant à Pereira de neutraliser toute velléité de remise en cause de son autorité. En outre, la révision des statuts du parti a renforcé les pouvoirs de son chef concernant le choix des candidats aux postes de président de la République ainsi que des candidats à la députation et aux fonctions importantes du parti.
Repenser le processus de stabilisation
Le PAIGC, le PRS, le MADEM-G15, et APU-PDGB sont les formations politiques considérées comme pouvant composer la prochaine législature en Guinée-Bissau. Si aucune d’entre elles ne parvient à obtenir la majorité absolue, le jeu d’alliance sera décisif pour la constitution d’une majorité parlementaire en mesure de mettre en place un gouvernement stable dans la durée. Cependant, le manque de clarté des dispositions constitutionnelles relatives à la nomination du Premier ministre et à la formation du gouvernement rend plausible le risque d’une nouvelle crise.
Une situation fragile
Les élections ont souvent été perçues comme une solution aux différentes crises que la Guinée-Bissau a connues. Ce fut le cas après le conflit armé de 1998-1999, lors de la deuxième transition en 2004-2005, ou, plus récemment, pour sortir de la situation créée par le coup de force de 2012.35 Le format adopté chaque fois pour sortir de l’impasse a été l’installation d’un gouvernement d’union nationale ayant pour principale mission l’organisation d’élections. Même si elles ont permis à court terme le retour à l’ordre constitutionnel et le fonctionnement des institutions, elles n’ont pas apporté de changements majeurs dans la gouvernance du pays et n’ont pas renforcé les institutions.
L’idée d’un pacte de stabilité en Guinée-Bissau n’est pas nouvelle. Depuis le coup d’État de 2012, plusieurs entités nationales et internationales ont réclamé un pacte pour l’établissement de relations politiques et institutionnelles pacifiques fondées sur la primauté du droit et le respect de la Constitution. En outre, après le déclenchement de l’impasse politique et institutionnelle en août 2015, la nécessité d’un pacte de stabilité avait été à nouveau soulevée par les principaux partis politiques, les organisations de la société civile et certains partenaires internationaux.
Le pacte a été adopté le 14 février par les 21 partis politiques en lice. Il prévoit entre autres le respect des résultats des élections, la mise en place d’un gouvernement stable après les élections et la mise en œuvre des réformes institutionnelles à savoir : la réforme de la Constitution, de la loi électorale, de la loi-cadre sur les partis politiques, du système judiciaire, du secteur de la défense et de la sécurité ainsi que de l’administration.
En théorie, le pacte de stabilité constitue un bon moyen de prévenir une nouvelle crise surtout après les élections. Il engage en effet les acteurs politiques non seulement au respect des résultats des urnes, mais aussi à œuvrer pour un gouvernement stable dans la durée. Il remet surtout au cœur du processus de stabilisation les réformes institutionnelles prévues par l’Accord de Conakry, qui ont une longue histoire en Guinée-Bissau.
Même si elles ont permis à court terme le retour à l’ordre constitutionnel et le fonctionnement des institutions, elles n’ont pas apporté de changements majeurs dans la gouvernance du pays et n’ont pas renforcé les institutions
La nécessité des réformes institutionnelles
La demande pour l’application des réformes institutionnelles prévues par Conakry transcende les clivages politiques et n’a probablement jamais été aussi forte en Guinée-Bissau. Elle se fonde sur un diagnostic établi par les acteurs institutionnels, politiques et de la société civile portant sur différents aspects importants de la Constitution, du cadre électoral, de la loi sur les partis politiques, du système judiciaire et du secteur de la défense et de la sécurité.
Ce diagnostic met en évidence les lacunes de la Constitution dans l’organisation du pouvoir politique, en particulier quant à la délimitation des pouvoirs et des compétences des organes de souveraineté ainsi qu’à la définition de leurs relations. Le manque de clarté et de précision représente l’un des facteurs des crises politiques récurrentes en Guinée-Bissau.
Un processus de révision constitutionnelle visant à corriger ces lacunes avait débouché sur l’adoption par l’ANP d’un projet de Constitution en 2001 qui n’avait pas été promulgué par l’ancien président Kumba Yalá. Au lendemain des élections législatives de 2014, l’ANP avait créé une commission de révision de la Constitution, dont le fonctionnement a été entravé par la paralysie de l’ANP depuis janvier 2016. Sa réouverture en avril 2018 a favorisé la reprise des travaux de la commission.
La demande pour l’application des réformes institutionnelles prévues par Conakry transcende les clivages politiques et n’a probablement jamais été aussi forte en Guinée-Bissau
La justice, quant à elle, est considérée comme inaccessible, instrumentalisée notamment par le pouvoir politique et inefficace en raison de la faiblesse de ses moyens financiers, infrastructurels et humains. Un programme de réforme de la justice (2015-2019) a été élaboré par le gouvernement de Pereira avec l’appui du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Il établit un diagnostic approfondi et propose des axes de réformes prioritaires. Sa réalisation a toutefois été entravée par la crise politique de 2015. Il apparaît nécessaire de relancer le débat sur ce programme afin de parvenir à un consensus sur sa mise en œuvre.
Conclusion
Après plus de quatre décennies d’indépendance, la Guinée-Bissau continue de souffrir de crises politiques récurrentes. Les acteurs politiques n’ont pas su apprécier la gravité de la situation dans laquelle se trouvait le pays en 2015, les ambitions personnelles et partisanes ayant primé sur l’intérêt collectif.
Différents processus de réformes ont été initiés, mais leur application a été contrainte par l’instabilité politique. Ces réformes sont pourtant essentielles. Leur mise en œuvre doit être pensée de façon séquentielle, à court, moyen et long terme, en donnant la priorité à celles susceptibles de prévenir une crise après les élections.
Évolution de la situation en Guinée-Bissau et activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau
Auteur: Conseil de Sécurité de l’ONU
Organisation affiliée: Organisation des Nations Unies
Type de publication: Rapport
Date de publication: 2019
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Le présent rapport est soumis en application de la résolution 2458 (2019), par laquelle le Conseil de sécurité a prorogé le mandat du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS) jusqu’au 28 février 2020 et m’a prié de lui rendre compte tous les six mois de la situation en Guinée-Bissau ainsi que des progrès accomplis dans l’application de la résolution. Il décrit également les principaux faits nouveaux concernant la situation politique, la sécurité, les droits de la personne et la situation socioéconomique survenus dans le pays depuis mon rapport du 7 février 2019 (S/2019/115).
Évolution de la situation
- Situation politique
Malgré un processus préparatoire difficile, comme souligné dans mon précédent rapport, les élections législatives, qui avaient été reportées à deux reprises, se sont finalement déroulées le 10 mars 2019 et ont été jugées crédibles par les observateurs électoraux internationaux envoyés par la Communauté des pays de langue portugaise, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les États-Unis d’Amérique, l’Organisation de la coopération islamique, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et l’Union africaine. Toutefois, de nouvelles tensions sont apparues au lendemain des élections législatives.
Le Groupe des cinq partenaires internationaux représentés en Guinée-Bissau (CEDEAO, Communauté des pays de langue portugaise, ONU, Union africaine et Union européenne) a continué d’encourager les acteurs politiques du pays à rechercher des solutions reposant sur la Constitution bissau-guinéenne et respectueuses de l’état de droit. Le 8 février, la Cour suprême de justice a publié la liste définitive des candidats des 21 partis politiques autorisés à se présenter aux élections législatives. Le 14 février, les partis ont signé le Pacte de stabilité et le Code de conduite et d’éthique électorale lors d’une cérémonie tenue dans les locaux de l’Assemblée nationale.
Lancée le 16 février, la campagne électorale pour les élections législatives a pris fin le 8 mars. Lors de la cérémonie officielle qui s’est tenue au siège de la Commission électorale nationale, le Président de cette dernière a exhorté tous les partis politiques à respecter le Code de conduite et d’éthique électorale et à s’abstenir de tout discours ou acte susceptible d’inciter à la violence. Si la campagne électorale s’est déroulée dans une atmosphère globalement pacifique, un climat de méfiance s’est installé durablement entre les partis politiques.
Le 21 février, la Ministre de l’administration territoriale a officiellement remis la liste électorale définitive au Président de la Commission électorale nationale, clôturant ainsi l’inscription des électeurs. Le même jour, le Président de la République a rencontré des membres du Gouvernement, de la Commission électorale nationale, des partis politiques et des organisations de la société civile pour parler des résultats d’un contrôle du processus d’inscription des électeurs, qui avait été fait par la CEDEAO à la demande du Gouvernement.
Selon les contrôleurs, malgré quelques problèmes techniques, le processus d’inscription des électeurs avait produit un ensemble de données électorales crédibles, garantissant des élections libres, régulières et transparentes. Par la suite, les deux principaux détracteurs du processus d’inscription sur les listes électorales, à savoir le Movimento para Alternância Democrática [Mouvement pour l’alternance démocratique (MADEM-G15)] et le Partido da Renovação Social [Parti du renouveau social (PRS)], ont publiquement reconnu les résultats du contrôle.
Le 13 mars, le Président de la Commission électorale nationale a annoncé les résultats provisoires du scrutin : six partis politiques siégeraient au Parlement nouvellement élu, à savoir le Partido Africano para a Independência da Guiné e Cabo Verde [Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et de Cabo Verde (PAIGC)], le MADEM-G15, le PRS, l’Assembleia do Povo Unido – Partido Democrático da Guiné-Bissau [Assemblée populaire unie-Parti démocratique de Guinée-Bissau (APU-PDGB)], l’União para a Mudança [Union pour le changement (UM)] et le Partido da Nova Democracia (Parti pour une nouvelle démocratie). Le PAIGC est sorti vainqueur, avec 47 sièges. Le MADEM-G15, parti dissident du PAIGC, est arrivé deuxième, avec 27 sièges. Le PRS et l’APU-PDGB ont remporté respectivement 21 et 5 sièges, tandis que le Parti pour une nouvelle démocratie et l’UM ont obtenu chacun 1 siège.
Le 18 mars, quatre des six partis siégeant au Parlement nouvellement élu (le PAIGC, l’APU-PDGB, l’UM et le Parti pour une nouvelle démocratie) ont adopté formellement un accord visant à former une coalition parlementaire, obtenant ainsi une majorité globale de 54 sièges (sur 102). Entre-temps, le 12 mars, le MADEMG15 et le PRS ont également signé un accord pour former une coalition, devenant ainsi le principal groupe d’opposition au sein de l’Assemblée nationale, avec 48 sièges au total.
La majorité parlementaire a élu deux candidats du PAIGC aux fonctions de Premier et Deuxième Secrétaires du Bureau de l’Assemblée nationale, en l’absence de l’opposition. Le poste de Deuxième Vice-Président étant réservé à un candidat du MADEM-G15, deuxième parti le plus représenté au Parlement, il est resté vacant.
Les tensions au sujet de la composition du Bureau de l’Assemblée nationale ont exacerbé la rivalité existante entre la coalition majoritaire et l’opposition. Le 23 avril, le Président de l’Assemblée nationale a convoqué une réunion avec les dirigeants des six partis politiques siégeant au Parlement pour discuter de cette impasse, mais aucun accord sur la voie à suivre n’a pu être dégagé. Le 24 avril, en raison de la controverse électorale, les députés du PRS et du MADEM-G15 ont quitté la séance de l’Assemblée.
La majorité parlementaire a élu deux candidats du PAIGC aux fonctions de Premier et Deuxième Secrétaires du Bureau de l’Assemblée nationale, en l’absence de l’opposition. Le poste de Deuxième Vice-Président étant réservé à un candidat du MADEM-G15, deuxième parti le plus représenté au Parlement, il est resté vacant. Par la suite, les deux coalitions parlementaires se sont publiquement accusées l’une l’autre d’avoir enfreint les règles et dispositions régissant l’élection des membres du Bureau.
Face à l’impasse politique dans laquelle était le Parlement et celle entourant la nomination d’un Premier Ministre, une délégation ministérielle de haut niveau de la CEDEAO, conduite par le Ministre nigérian des affaires étrangères, s’est rendue à Bissau le 30 avril. Dans son communiqué final, la délégation a préconisé la nomination d’un Premier Ministre et la formation d’un nouveau gouvernement sans délai; prié instamment les acteurs politiques de renoncer à leurs positions intransigeantes et de donner la priorité aux intérêts nationaux; engagé instamment les groupes parlementaires à mener à bien la formation du Bureau de l’Assemblée nationale conformément aux résultats des élections législatives.
Le 17 juin, une délégation du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’est rendue à Bissau, où elle a rencontré les autorités nationales et le Groupe des cinq. Cette visite faisait suite à la réunion du Conseil de paix et de sécurité du 11 juin, à laquelle celui-ci avait demandé l’envoi d’une mission à Bissau dans le but d’évaluer la situation et de proposer une voie à suivre pour appuyer les efforts de la CEDEAO. À l’issue de sa visite, la délégation du Conseil de paix et de sécurité a confirmé que des mesures étaient à l’étude, y compris des mesures punitives, pour le cas où l’impasse politique se poursuivrait.
Le 17 juin également, le Président Vaz a adressé une lettre au PAIGC pour que ce dernier lui propose un candidat au poste de Premier Ministre. Le PAIGC a répondu le jour même, proposant la candidature de son dirigeant, Domingos Simões Pereira. Le 19 juin, le Président Vaz a rejeté cette candidature et a demandé qu’un autre nom lui soit soumis. Le 20 juin, le PAIGC s’est enquis des raisons de ce rejet. Le 21 juin, mettant en avant ses prérogatives de garant du fonctionnement des institutions de l’État et son évaluation du candidat, le Président Vaz a répondu estimer que le candidat n’était pas à la hauteur.
Le 26 juin, se prononçant sur une motion présentée par le groupe majoritaire au Parlement, l’Assemblée nationale a adopté une résolution retirant les pouvoirs constitutionnels au Président Vaz et nommé son Président, Cipriano Cassamá, Président de la République par intérim, faisant valoir que la fin du mandat de la présidence en cours, le 23 juin 2019, entraînait la cessation complète du mandat constitutionnel du Président Vaz. Le 27 juin, le MADEM-G15 et le PRS ont publié des communiqués condamnant l’inconstitutionnalité de cette résolution. Le 28 juin, le Procureur général a ordonné l’ouverture d’une procédure pénale contre le Président de l’Assemblée générale et dirigeant du groupe parlementaire du PAIGC, Califa Seide, pour avoir violé l’état de droit en proposant cette résolution.
Le 2 juillet, le Procureur général, Bacari Biai, a remis sa démission au Président Vaz. Le 3 juillet, le Président Vaz a nommé Ladislau Embassa, membre de la Cour suprême et Président du Conseil national de la communication sociale, au poste de Procureur général. Le même jour, à l’issue d’intenses consultations avec le Premier Ministre, le Président Vaz a promulgué un décret portant nomination d’un nouveau gouvernement composé de 16 ministres (dont 8 femmes) et de 15 secrétaires d’État (dont 3 femmes).
Tous les membres du nouveau gouvernement sont issus du PAIGC et de ses alliés. Lors de la cérémonie d’investiture, le Premier Ministre a déclaré que le Gouvernement centrerait ses efforts sur la situation socioéconomique critique, le plan stratégique et opérationnel du pays, « Terra Ranka », et l’organisation de l’élection présidentielle. Toutefois, il a déploré que la nomination du Procureur général n’ait pas fait l’objet d’un consensus comme l’avait demandé la CEDEAO.
Le 2 juillet, le Procureur général, Bacari Biai, a remis sa démission au Président Vaz. Le 3 juillet, le Président Vaz a nommé Ladislau Embassa, membre de la Cour suprême et Président du Conseil national de la communication sociale, au poste de Procureur général.
Le 4 juillet, en réaction à la formation du nouveau gouvernement, le Mouvement pour l’alternance démocratique a protesté contre la nomination d’un Secrétaire d’État chargé de la gestion des élections, affirmant que cela provoquerait une nouvelle crise et compromettrait la transparence de l’élection présidentielle. Il a également demandé la création d’une entité inclusive indépendante chargée de superviser l’établissement des listes électorales.
Observations et recommandations
Je suis persuadé que 2019 est une année charnière pour la Guinée-Bissau et que le pays doit saisir cette occasion pour sortir du cycle récurrent de l’instabilité politique qui entrave son développement socioéconomique depuis des années. Le bon déroulement des élections législatives le 10 mars 2019, après une impasse politique et institutionnelle qui a duré trois ans et demi, est une étape importante à cet égard. Je me félicite de la nomination du nouveau Premier Ministre et de la formation d u nouveau gouvernement, et me réjouis particulièrement de constater que davantage de femmes y sont représentées.
Je prends également note de la date de l’élection présidentielle, fixée au 24 novembre 2019 ; j’ai bon espoir que les autorités nationales ne ménageront aucun effort pour assurer la tenue en temps voulu d’une élection présidentielle inclusive, crédible et pacifique, qui respecte la loi sur la parité pour la participation des femmes aux sphères politique et décisionnelle. J’encourage également les partenaires internationaux à fournir l’appui financier nécessaire à la tenue de l’élection présidentielle.
D’importantes réformes sont nécessaires pour garantir une paix et une stabilité durables en Guinée-Bissau. La signature du Pacte de stabilité par tous les partis politiques le 14 février dernier montre bien qu’il existe un consensus sur la nécessité de procéder à des réformes multidimensionnelles. La tenue de l’élection présidentielle en novembre complétera le cycle électoral et permettra aux autorités du pays de se consacrer à la mise en œuvre des réformes prévues par les Accords de Conakry, notamment la révision de la Constitution, de la loi électorale et de la loi sur les partis politiques.
La promotion et le respect des droits de la personne demeurent indispensables à la pérennisation de la paix et à la garantie d’une stabilité et d’un développement à long terme en Guinée-Bissau. J’encourage les autorités nationales à redoubler d’efforts pour instaurer une culture du respect des droits de la personne et de la responsabilité, à tous les niveaux et dans toutes les institutions. Une étape importante, qui doit rester l’un des objectifs fondamentaux du pays, est la mise en place d’une institution nationale indépendante de promotion et de protection des droits de la personne, conformément aux Principes de Paris, tout en garantissant le fonctionnement effectif de la commission interministérielle des droits de la personne, pour assurer le suivi des recommandations émanant des mécanismes régionaux et internationaux relatifs aux droits de la personne.
Guiné-Bissau: “Maioria dos candidatos sem manifestos e com discursos paupérrimos”
Autor: Deutche Welle (DW)
Tipo de publicação: artigo de imprensa
Data da publicação: 18 de Novembro de 2019
A Guiné-Bissau entra na derradeira semana da campanha eleitoral rumo às presidenciais de domingo, 24 de novembro. A campanha eleitoral termina na sexta-feira (22.11) sem que os eleitores tenham conhecido o manifesto da maioria dos candidatos, segundo as organizações juvenis do país.
Os jovens acusam alguns candidatos presidenciais de proferirem discursos “paupérrimos”, que apelam ao voto étnico-religioso, sem no entanto citar os nomes desses candidatos.
À DW África, os jovens guineenses alegam que a maioria dos candidatos às eleições presidenciais do próximo domingo não tem manifesto eleitoral e que muitos confundem os poderes do Presidente da República com os do Executivo nas promessas eleitorais que fazem nos comícios.
Maioria dos candidatos sem manifesto
Para os jovens, esta está a ser uma campanha eleitoral com discursos antigos, acusações infundadas, ataques pessoais, apelos à retaliação e insultos. Por isso, as oito maiores organizações de jovens da Guiné-Bissau convocaram os doze candidatos presidenciais para um debate cara-a-cara, para discutir com a juventude o futuro da nação guineense.
“Essas organizações compreenderam que as eleições presidenciais de 24 são cruciais para o país. Talvez sejam as mais determinantes na vida do país, tendo em conta os cenários que se desenham. Serão umas eleições que vão determinar que Guiné-Bissau teremos nos próximos tempos”, disse Seco Duarte Nhaga, líder da Rede Nacional das Associações Juvenis (RENAJ) e um dos mentores do debate de dois dias.
DSP, o único presente
Na primeira sessão, esta segunda-feira (18.11), em que se previa um debate entre seis dos doze candidatos à Presidência, só compareceu o candidato suportado pelo Partido Africano para a Independência da Guiné-Bissau (PAIGC), Domingos Simões Pereira. “Reconheço que, infelizmente, os candidatos não se limitam a não estar presentes, também não nos apresentam ideias concretas sobre aquilo que pensam que vão desenvolver enquanto primeiro magistrado da nação”, disse o antigo primeiro-ministro e líder do PAIGC ao abrir o debate, que decorreu no salão polivalente de um centro de formação em Bissau.
Organizaram o evento o Conselho Nacional da Juventude (CNJ), a Rede Nacional das Associações Juvenis (RENAJ), o Fórum Nacional da Juventude e População (FNJP), a Rede das Associações Juvenis (RAJ), o Projeto Universidade Aberta (PUA), Rede Nacional das Jovens Mulheres Líderes (RENAJELF), a Confederação Nacional das Associações Estudantis (CONAEGUIB) e o Fórum Nacional de Inserção para Formação Extra-Escolar e Profissional (FONAIFEP).
“Candidatos com discursos paupérrimos”
A quatro dias do fim da campanha eleitoral, o jovem Duarte Nhaga, porta-voz do grupo, manifesta-se dececionado com o conteúdo dos discursos da maioria dos candidatos.
“Pena que não termos a oportunidade de conhecer todos os manifestos, porque não se sabe se todos os candidatos dispõem do manifesto”, afirma em entrevista telefónica a partir de Bissau. “Os discursos a que estamos a assistir não nos dão esperança de que esses candidatos poderão garantir um futuro com esperança para o povo guineense. Estamos a assistir a discursos com bases étnico-religiosas que acabam por minar a esperança do povo guineense”.
Essa ausência de manifesto eleitoral por parte da maioria dos candidatos leva os jovens a desconfiar se esses concorrentes estão mesmo preparados para assumir a Presidência da Guiné-Bissau nos próximos cinco anos.
“O nível dos nossos políticos deixa muito a desejar. Em vez de proferirem discursos e terem projetos políticos capazes de dar alento e esperança ao povo guineense, fundamentados em visão futura, estamos a assistir discursos paupérrimos. O povo esperava ouvir discursos de unidade nacional, de esperança, de um futuro melhor”, afirma Duarte Nhaga.
Código de conduta eleitoral
Entretanto, as organizações da sociedade civil da Guiné-Bissau, agrupadas na Célula de Monitorização Eleitoral, já colocaram no terreno 422 observadores nacionais para monitorizar focos de violência, apelar à participação feminina nas eleições e evitar a incitação ao voto étnico e religioso. A Célula fez com que os doze candidatos assinassem um código de ética e conduta eleitoral.
“Os candidatos comprometeram-se a aceitar o veredito das urnas e, em caso de contestação dos resultados, será feita de acordo com a lei. E dizem que se o caso chegar ao Supremo Tribunal de Justiça, qualquer que for a sua decisão irão acatar”, diz à DW Erikson Mendonça, secretário permanente da Célula.
No decurso da campanha eleitoral, o grupo tem constatado que alguns candidatos continuam a proferir discursos a pedir o voto de uma determinada religião ou etnia, o que constitui uma preocupação para a sociedade civil.
“O código que assinaram acautelou para não proferirem discursos que podem incitar à violência ou apelar ao voto baseado nas questões étnicas e religiosas. Mas temos seguido na campanha com alguma preocupação alguns candidatos a fazerem esses discursos. A Célula tem reunido com esses candidatos em privado”, afirma Mendonça à DW África.
Observadores da CPLP em Bissau
A Bissau começaram a chegar as missões de observação eleitoral. A missão da Comunidade dos Países de Língua Portuguesa (CPLP), constituída por 23 membros, já está no terreno para acompanhar o encerramento da campanha eleitoral, o dia da eleição e o apuramento parcial de resultados, prevendo-se a permanência na capital Bissau e o desdobramento em equipas enviadas para outras regiões.
Antes de 24 de novembro, a missão de observação eleitoral da CPLP, chefiada por Oldemiro Balói, ex-Ministros dos Negócios Estrangeiros de Moçambique, deverá encontrar-se com as autoridades guineenses, com a Comissão Nacional de Eleições (CNE), com os representantes diplomáticos dos Estados-membros da organização neste país e com outras missões internacionais de observação eleitoral.
CEDEAO e Guiné-Bissau: Apoio ou ingerência?
Autor: Deutche Welle (DW)
Tipo de publicação: artigo de imprensa
Data da publicação: 13 de Novembro de 2019
Desde o último pronunciamento da Comunidade Económica dos Estados da África Ocidental (CEDEAO), na semana passada, frisando que o Presidente cessante, José Mário Vaz, é um Presidente interino, e que “todos os seus atos devem ser subscritos pelo primeiro-ministro”, mais ninguém mostrou resistência às decisões da organização e a o ambiente de tensão política parece ter acalmado.
Analistas dizem que o Presidente cessante José Mário Vaz sofreu uma “derrota político-diplomática”: os chefes de Estado da CEDEAO ordenaram aos membros do Governo de Faustino Imbali, nomeado no final de outubro pelo chefe de Estado, que se demitissem em bloco, e reforçaram os poderes do primeiro-ministro Aristides Gomes, cujo Executivo é reconhecido unanimemente pela comunidade internacional.
A CEDEAO anunciou ainda o reforço da sua força militar, a ECOMIB, estacionada na Guiné-Bissau desde 2012, de forma a assegurar as eleições presidenciais, marcadas para 24 de novembro.
Vários políticos criticam a posição da CEDEAO, afirmando que se trata de uma ingerência nos assuntos internos do país. Ao renunciar ao cargo de primeiro-ministro na semana passada, Faustino Imbali afirmou que a “CEDEAO usurpou os poderes dos cidadãos” guineenses.
Já esta terça-feira (12.11), o antigo primeiro-ministro guineense Artur Sanhá lançou em Bissau o Movimento Patriótico Contra a Colonização do país, desferindo fortes ataques ao bloco. Em conferência de imprensa, Artur Sanhá apresentou o que diz ser um “movimento para acordar os guineenses contra a invasão estrangeira” por parte da CEDEAO e pediu aos guineenses que se levantem e se manifestem contra as decisões tomadas na última cimeira de líderes da organização em relação à Guiné-Bissau.
“É o mínimo que a CEDEAO devia fazer”
No entanto, para o especialista em relações internacionais Midana Pinhel, a organização está a cumprir o seu dever. “Enquanto organização comunitária, deve estar presente quando há coisas deste género, porque a Guiné-Bissau faz parte da CEDEAO, de uma forma que deve respeitar os princípios e valores que norteiam o funcionamento dos países nesta organização”, afirma. “É o mínimo que devia fazer”.
Na visão de Midana Pinhel, “a Guiné-Bissau cedeu uma parte da sua soberania quando decidiu integrar a CEDEAO. Integrando a organização, deve respeitar os valores da democracia, dos direitos humanos, a livre circulação e outros valores. Se não está em condições de respeitar, que faça um pedido de retirada da organização”.
Quanto ao reforço da força militar da CEDEAO na Guiné-Bissau, a ECOMIB, o analista considera normal e não prevê nenhuma situação complicada: “A força da CEDEAO na Guiné-Bissau não vem para entrar em choque ou para combater a força nacional. Vem para reforçar a capacidade da força nacional para garantir a segurança e a estabilidade do país, que são indispensáveis”.
Guineenses divididos
Nas ruas de Bissau, os cidadãos têm opiniões distintas quanto à intervenção da CEDEAO no processo político guineense. Calilo Camará, vendedor ambulante, considera que “a CEDEAO deve resolver os problemas na Guiné-Bissau, de forma diplomática e não com intervenção militar”.
Já Bá Wié Mané, jovem ativista social, enaltece a intervenção da CEDEAO no país e deseja mais: “É muito mais importante ainda a intervenção da CEDEAO. Se puder aumentar a dinâmica, para ter a paz duradoura e harmonização entre os políticos guineenses, eu agradeceria”.
Amândio Fonseca, estudante universitário, considera mesmo que, se não fosse a organização da África Ocidental, a Guiné-Bissau entraria numa situação complicada e “não só atrasaria, como também voltaria à época das cavernas, porque dá para notar que o Presidente nada quer, além do seu interesse”.
A Guiné-Bissau viveu momentos de tensão política, quando o chefe de Estado, José Mário Vaz pediu publicamente que as forças armadas interviessem e facilitassem o acesso aos Ministérios dos membros do Governo de Faustino Imbali, por ele nomeados a 31 de outubro. Entretanto, José Mário Vaz veio a público dizer que as suas orientações não tinham sido acatadas e, por isso, tinha desistido do decreto, numa altura em que a CEDEAO já tinha ordenado ao Governo de Imbali que se demitisse, sob pena dos seus elementos serem sujeitos a pesadas sanções.
Em paralelo, continua a campanha eleitoral no país. Os 12 candidatos à Presidência da República, incluindo José Mário Vaz, continuam à “caça” de votos. Ao mesmo tempo, a população relata as suas principais dificuldades, que vão desde a falta de infraestruturas rodoviárias, à falta de acesso aos postos sanitários e à justiça, bem como a falta das escolas.
Source photo : la-croix.com