Dans le cadre du débat sur l’alimentation en Afrique de l’Ouest, WATHI a échangé avec Madame Diarou SOW. Elle est entrepreneuse dans le secteur agricole et gérante de l’entreprise Diariou & djibril en Guinée Conakry. Dans cet entretien, elle nous parle de l’état de la sécurité alimentaire en Guinée Conakry, de son entreprise de transformation de céréales locales et les défis auxquels font face les entrepreneurs dans le secteur agricole guinéen.
Diarou Sow
Quel est selon vous l’état de la sécurité alimentaire en Guinée?
En Guinée, l’alimentation occupe une place particulière dans notre culture. Le repas est sacré et représente un moment privilégié entre les membres de la famille. Manger n’est pas seulement un acte vital, c’est aussi un moment de plaisir et un vecteur de lien social. Malheureusement, nous constatons que la moitié de la population qui se trouve dans les zones rurales souffre d’insécurité alimentaire. Les couches les plus vulnérables sont les femmes et les enfants.
Quels sont les obstacles liés à l’accès à l’alimentation en Guinée?
L’état de la sécurité alimentaire en Guinée est confronté à de nombreux défis. Plusieurs facteurs entravent l’accès à l’alimentation en Guinée. Le premier facteur est lié à l’enclavement des communautés. Les agriculteurs guinéens sont le plus souvent victimes du circuit d’approvisionnement mal organisé entre les zones de productions et les zones d’écoulement.
Le deuxième facteur est lié à l’approvisionnement en eau et à la non-maîtrise du calendrier agricole par faute de renforcement de capacité des agriculteurs. Le troisième facteur est lié à l’accès au foncier. Nous avons des terres cultivables qui sont le plus souvent privatisées et le coût d’achat des terres en Guinée reste un sérieux problème.
Pensez-vous que les populations guinéennes consomment des produits de qualité?
Les marchés guinéens sont inondés de produits importés et certains d’entre eux sont vraiment malpropres à la consommation. La jeunesse guinéenne essaye tout de même de sortir la tête de l’eau en prenant conscience de l’importance de l’agriculture.
Les agriculteurs guinéens sont le plus souvent victimes du circuit d’approvisionnement mal organisé entre les zones de productions et les zones d’écoulement
Que faire pour qu’un pays comme la Guinée produise tout ce qu’elle consomme?
Pendant la première république, les Guinéens consommaient exclusivement des produits locaux, mais au fil des années les choses ont changé. La Guinée est un pays très riche en terres cultivables. Aujourd’hui, nous avons des jeunes agriculteurs qui sont vraiment motivés, mais qui n’ont pas les moyens. Je pense qu’il faut une bonne politique gouvernementale d’accompagnement de ces jeunes entrepreneurs pour développer le secteur agricole du pays.
Si le gouvernement commence à investir dans le secteur agricole, on pourra produire tout ce que nous consommons sans pour autant importer. En Guinée, nous sommes loin du compte, mais avec un accompagnement sérieux du secteur agricole, la sécurité alimentaire du pays pourra être assurée.
Pourquoi avez-vous choisi précisément le secteur agricole pour y entreprendre?
Tout a commencé quand je me suis installé à Kindia, Yaya est la zone agricole par excellence en Guinée. J’ai été séduite par cette ville et j’ai commencé par rencontrer des femmes qui avaient des petits potagers. L’amour de l’entreprenariat dans le secteur agricole m’est venu de là. J’ai loué un demi hectare à Kindia parce que je n’avais pas les moyens de m’acheter un hectare et j’ai commencé. Je me suis lancé sans formation, sans rien. Aujourd’hui, par la grâce de Dieu, nous produisons du maïs et nous transformons les céréales locales.
Pouvez vous nous parler de votre entreprise (DI PERFECT POUSSE)?
PerfectPouss est une entreprise de transformation de céréales locales. C’est un peu un rêve qui s’est réalisé. Quand j’ai créé mon entreprise en 2018, j’avais un objectif bien défini de créer une chaîne de valeur à travers ce que je produisais. Je vous avoue que le début n’a pas été facile. J’ai commencé en produisant la nona, j’ai eu des gains et ensuite, je me suis lancé dans la transformation du maïs . En Guinée, le couscous de mais est un repas symbolique qui est servi dans toutes les cérémonies.
En Guinée, nous sommes loin du compte, mais avec un accompagnement sérieux du secteur agricole, la sécurité alimentaire du pays pourra être assurée
Comment avez-vous financé votre entreprise?
J’ai commencé par le «love money» avec la contribution de ma famille et de mes amis. Je n’ai pas attendu un quelconque investissement pour commencer. Le conseil que j’ai à donner aux entrepreneurs qui veulent s’investir dans l’entrepreneuriat, c’est d’abord de croire en leurs projets, de commencer et ensuite l’investissement (les bailleurs de fonds) viendra.
Quelles sont vos ambitions pour le futur?
Perfectpouss a comme ambition d’être la plus grande unité de transformation de céréales locales en Guinée. Aujourd’hui, nous sommes petits, mais nous espérons avec le temps grandir et attirer des investisseurs pour notre entreprise de transformation de céréales locales. Nous voulons atteindre le seuil d’exporter nos produits à l’extérieur du pays. Pourquoi pas aux États-Unis ou en Europe?
Source photo : Di Perfect Pouss
Madame Diarou Sow est entrepreneure dans le secteur agricole et gérante de l’entreprise Perfectpouss en Guinée Conakry.