Auteur : Mouna Lyoubi
Site de publication : Zoinet
Type de publication : Rapport
Date de publication : avril 2019
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De nombreux pays d’Afrique sont déjà confrontés à d’importants défis, démultipliés en raison des effets du changement climatique et de la dégradation des ressources naturelles. L’économie verte est une opportunité pour les pays, notamment ceux d’Afrique francophone, pour atteindre des objectifs de croissance économique et de développement durable, cela tout en contribuant à la lutte contre les effets du changement climatique. L’économie verte devrait faire partie des stratégies mises en œuvre afin d’assurer une croissance qui intègre la préservation et la valorisation du capital naturel et humain.
L’Afrique francophone se doit aujourd’hui d’adopter un modèle qui prenne en compte la croissance verte. L’entrepreneuriat vert est un atout pour accompagner l’Afrique
francophone dans sa transition économique, technologique et environnementale. En outre, l’entrepreneuriat vert constitue une nouvelle dynamique économique en pleine évolution dans un contexte de prise de conscience des enjeux environnementaux planétaires.
Définition d’un entrepreneuriat vert
L’entrepreneuriat vert est un choix d’engagement dans une économie verte. Il englobe les activités économiques, technologies, produits et services moins polluants qui visent à réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre et l’empreinte écologique, minimiser la pollution et économiser les ressources.
Faits & Chiffres
Les jeunes en Afrique : un capital humain à renforcer dans le continent…
Avec 230 millions de jeunes, l’Afrique compte la jeunesse la plus nombreuse au monde. Les jeunes représentent plus de 60 % de l’ensemble des chômeurs africains.
En 2015, 12 millions de jeunes sont entrés sur le marché du travail africain, pour seulement 3,1 millions d’emplois créés : les jeunes se retrouvent donc par millions sans perspective d’activité économique. Dans ce contexte, l’entrepreneuriat est souvent considéré comme une approche antichômage importante pour les jeunes Africains.
À l’horizon de 2050, 26 % de la population mondiale sera africaine. Le nombre de jeunes entre 14 et 25 ans passera de 230 millions à 460 millions, faisant ainsi de l’Afrique le continent du monde avec la population la plus jeune et le plus grand nombre de chômeurs.
… avec une grande dynamique entrepreneuriale
L’accélération de la dynamique entrepreneuriale est motivée par la recherche d’opportunités : 72 % des jeunes sont attirés par l’entrepreneuriat. L’Afrique est la région où sont enregistrées les attitudes les plus positives à l’égard de l’entrepreneuriat : les trois quarts de la population en âge de travailler estiment que l’entrepreneuriat est un bon choix de carrière.
Les défis de l’entrepreneuriat vert en Afrique francophone
Défis institutionnels et politiques : des instruments d’appui limités
De toutes les régions analysées, l’Afrique subsaharienne a le score le plus bas en ce qui concerne les facteurs institutionnels : 0,3. Ainsi, pour mieux exploiter leur potentiel entrepreneurial, les pays d’Afrique subsaharienne doivent améliorer leurs conditions institutionnelles pour l’entrepreneuriat vert. Certains pays adoptent des stratégies et des plans ou programmes nationaux de développement de l’entrepreneuriat de façon générale, en vue de réduire le chômage des jeunes dont le taux reste élevé. D’autre part, certains pays ont mis l’accent sur des politiques d’encouragement à l’économie verte et d’incitation à l’entrepreneuriat vert. En Afrique du Nord, par exemple, trois secteurs semblent émerger : le secteur de la dépollution/gestion des déchets (assainissement des eaux usées, ordures ménagères et autres types de déchets), qui représente à lui seul 50 % de toutes les entreprises environnementales en Tunisie ; la maîtrise de l’énergie (stratégie du Maroc en énergies renouvelables) ; enfin, l’agriculture biologique. Cependant, les aspects politiques de l’entrepreneuriat vert restent relativement nouveaux car le travail d’institutionnalisation et de réglementation (normes) n’avance pas à la même vitesse (normes de réutilisation des eaux usées, privatisation des sites de production solaire, etc.). Dans certains cas, l’existence de politiques publiques ou de plans nationaux encourageant l’utilisation de processus de production propre ne se traduit pas toujours par des activités concrètes (cadre juridique / norme, suivi et sanction) sur le terrain.
L’entrepreneuriat vert est un choix d’engagement dans une économie verte. Il englobe les activités économiques, technologies, produits et services moins polluants qui visent à réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre et l’empreinte écologique, minimiser la pollution et économiser les ressources
Certains gouvernements ont pris des mesures pour mieux aider les entrepreneurs, centraliser l’information et fournir des incitations à investir dans des startups. Mais le manque d’encouragement des secteurs environnementaux spécifiques, comme le recyclage, l’agriculture, les énergies ou la dépollution, empêche l’entrepreneuriat vert de se développer davantage.
Défis de coordination : un écosystème en croissance mais fragmenté
De nombreuses parties prenantes nécessaires à la construction d’un écosystème d’entrepreneuriat vert existent, mais les rôles de tous les acteurs de l’écosystème et du gouvernement sont encore peu précisés. En effet, au sein de l’écosystème il y a une déconnexion et une faible synergie qui sont exacerbées par un manque de communication entre les principaux intervenants – à savoir le gouvernement et le secteur privé. Cela entraîne un soutien insuffisant aux activités entrepreneuriales en général et à l’entrepreneuriat vert en particulier.
Défis de connaissance / compétence : les entrepreneurs manquent d’accompagnement et de soutien à différents stades
Là où existent des opportunités d’accompagnement pour les entrepreneurs verts dans les premières phases de leurs projets, il est constaté un manque de soutien lors de la phase de développement. Le manque d’information sur les marchés verts en Afrique conduit souvent les entrepreneurs verts à créer leurs produits avant même de voir s’il existe une demande ou une capacité de les écouler sur ce marché. De plus, la difficulté d’accès au marché vert fait que, souvent, les opportunités sont réservées aux grandes entreprises.
Les opportunités de l’entrepreneuriat vert en Afrique francophone Opportunités environnementales : stimuler l’innovation verte au niveau sociétal
La nature est un capital pour les pays d’Afrique dans la mesure où l’entrepreneuriat vert prend en considération la variable nature et la mobilise sans pour autant la compromettre. Cependant, les pays sont confrontés à de nombreux défis environnementaux qui peuvent devenir de véritables opportunités économiques.
Provenant principalement d’un niveau d’innovation technique tel que la réduction de la pollution, les processus de production propres et l’efficacité des ressources, l’entrepreneuriat vert va au-delà des aspects technologiques. Il peut nourrir une culture de la pensée basée sur le cycle de vie (« life cycle ») et stimuler l’innovation verte au niveau sociétal. En effet, les entrepreneurs verts contribuent à modifier la mentalité des gens en faveur d’une pensée plus verte et d’une demande accrue de produits et de services écologiques, renforçant le double effet de l’emploi et des gains environnementaux.
Opportunités économiques : des effets positifs tant au niveau régional que local
La création d’emplois verts compensera la suppression de certains emplois due à l’interdiction de la production de certains biens. Investir 2 % du PIB mondial dans le verdissement des dix principaux secteurs économiques pourrait assurer, à l’horizon 2050, une croissance économique élevée. Cela en créant des emplois, en réduisant la pauvreté et en limitant les risques écologiques et les pénuries liées aux effets du changement climatique – comme une plus grande pénurie d’eau ou bien la perte de services écosystémiques.
- Un taux de croissance économique encourageant : l’Afrique subsaharienne francophone demeure la championne de la croissance africaine. Pour la troisième année consécutive, et pour la quatrième fois en cinq ans, elle a réalisé les meilleures performances économiques du continent selon la Banque mondiale. Cet ensemble de 22 pays a enregistré une croissance globale de 3,7 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne affichait un taux de 0,8 %.
- Développement économique local : l’entrepreneuriat vert en Afrique permet de favoriser les circuits courts de commercialisation et des modes de production plus intégrés. Le travail de l’entrepreneur vert valorise les savoir-faire et les produits locaux. L’impact local est réel : il s’agit de promouvoir le développement local et de créer des emplois durables.
Opportunités sociales : une force de travail disponible en Afrique
Avec une population jeune importante et sans emploi, un milieu rural précaire et une vulnérabilité au changement climatique importante, l’entrepreneuriat vert représente une opportunité d’emploi et de développement local inconditionnels afin d’assurer un développement économique durable en Afrique francophone. Il s’agit d’un modèle de croissance économique qui prend en compte les domaines écologique et social : l’entrepreneur social/vert participe au développement local en créant des emplois. Les exemples d’initiatives vertes et d’entreprises vertes montrent que les entrepreneurs verts se distinguent par deux critères : la défense d’un intérêt général et un réel impact local se traduisant par des activités qui répondent à un marché dans un premier du temps localisé (emploi, accès à des produits et services). L’entrepreneuriat vert en Afrique requiert un esprit engagé et la promotion des produits verts qui sont au cœur du métier de l’entrepreneur vert.
Enjeux clés
Enjeu clé 1 : l’entrepreneuriat vert comme élément important de la transition vers une économie verte
L’entrepreneuriat vert constitue une nouvelle dynamique économique en pleine évolution dans le contexte d’une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux planétaires. Il est un atout pour l’Afrique francophone en contribuant à sa transition vers une économie verte.
Enjeu clé 2 : un capital humain à renforcer : beaucoup d’idées et peu de moyens pour les réaliser
Les profils des entrepreneurs verts sont divers et variés, à l’image des idées qu’ils développent. Ces entrepreneurs ont beaucoup d’intentions mais rencontrent des difficultés quant à la mise en œuvre de leurs idées. Bien que le niveau de perception d’opportunité en Afrique francophone soit proche du niveau mondial, des efforts sont à fournir en termes d’éducation, de compétences entrepreneuriales (« startup skills ») et d’innovation (« product innovation »). Les besoins en formation sont de deux types : des formations de base liées à l’entrepreneuriat (gestion des ressources humaines, gestion administrative et financière, étude de marché, élaboration d’un business plan, montage de projets, marketing et stratégies de communication et de commercialisation) ainsi que des formations plus spécifiques sur les filières/chaînes de valeur de l’économie verte (par exemple : l’agriculture durable, les énergies renouvelables, la valorisation des déchets ou le charbon vert).
Enjeu clé 3 : créer davantage d’opportunités d’appui et d’accompagnement par les acteurs de l’écosystème
Les organismes d’appui et de suivi doivent penser à favoriser la collaboration entre les différents acteurs de l’écosystème et faciliter l’intégration des jeunes. Cet objectif sera atteint en développant des bases de données de porteurs de projets et des guides d’apprentissage, en organisant des forums et en proposant des ateliers de formation sur l’entrepreneuriat vert. Les grandes entreprises, quant à elles, devraient s’ouvrir aux secteurs liés au développement durable, trouver un moyen d’impliquer plus le secteur privé – qui doit s’engager pour l’entrepreneuriat vert et l’innovation à travers des collaborations, des parrainages, le mentoring de startups – et contribuer davantage aux activités des organismes de suivi : recherche, développement, innovation, etc.
Plusieurs types de structures d’accompagnement offrent un appui aux entrepreneurs verts selon le stade d’avancement de leur projet. Les services que proposent les structures d’accompagnement sont principalement les locaux, le conseil, le réseautage et le financement.
La tendance aujourd’hui est aux LabFabs. Ce sont des laboratoires de fabrication ouverts à tout type de public et qui mettent à disposition des outils et machines-outils pour la conception et la réalisation d’objets. L’Afrique compte dix-huit LabFabs, dont six en Afrique francophone.
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