
Quels sont les programmes de formation des enseignants proposés dans votre pays ? Quelle est la durée moyenne de ces formations ?
« Après la réussite au concours de l’enseignement élémentaire, le Concours de Recrutement d’Élèves-Maîtres (CREM), les lauréats suivent une formation dans les Centres régionaux de formation des personnels de l’éducation (CRFPE). Au sein des CRFPE, la formation des enseignants se fait pour une durée de neuf mois. La formation est axée sur la pédagogie et sur l’enseignement de certaines matières à l’élémentaire, à savoir le français, les mathématiques, l’histoire, la géographie et le vivre ensemble et vivre dans son milieu. À la suite de ces 09 mois, nous avons eu à passer un examen de sortie. Après cet examen de sortie, les enseignants sont invités à rejoindre les régions et les écoles.
La formation que nous avons suivie est excellente. Cependant, la critique que l’on pourrait formuler concerne la durée de celle-ci. Personnellement, je pense qu’il faut au minimum deux ans pour former correctement un enseignant. Former un enseignant en seulement moins d’une année semble insuffisant. La formation devrait être axée sur une durée plus longue pour garantir un meilleure encadrement.
Cela dit, je peux tout de même affirmer que la formation que j’ai suivie était très bonne. Lors de ma première année en classe, malgré quelques difficultés liées à la localité et à la gestion des élèves, je n’ai rencontré aucun problème en termes de pédagogie.
Cependant, on remarque récemment que la formation tend à être encore plus abrégée qu’auparavant. Il faut aussi noter que la durée de formation des professeurs est différente de celle des enseignants du primaire (élèves maitres). Cela se reflète dans l’organisation du concours. Le concours pour les professeurs est mieux structuré que celui des élèves-maîtres. En effet, le concours des élèves-maîtres s’étale sur une longue période. Tout commence par une première étape éliminatoire, à savoir l’épreuve de dictée. Ensuite, il faut attendre trois ou quatre mois avant de passer à la deuxième étape, qui est l’épreuve écrite, composée des différentes matières proposées. Après cette étape, il faut encore attendre deux ou trois mois avant de passer à ce que l’on appelle l’entretien. À mon avis, la durée totale de ce concours est beaucoup trop longue. Si l’on réduisait cette durée et consacrait le temps économisé à renforcer la formation, cela permettrait de redynamiser les choses. »
Quels sont les critères d’admission aux écoles de formation des enseignants ?
« Le concours est relativement large, car il s’adresse à des candidats ayant au moins un niveau baccalauréat. Tous ceux qui ont au moins le bac peuvent s’inscrire à ce concours.
La vérité est qu’il y a beaucoup plus de candidats qui font le concours du CREM que le concours de la Faculté des Sciences et Technologies de l’Éducation et de la Formation (FASTEF ex École normale qui forme les professeurs des collèges et lycées).
Le concours de la FASTEF est beaucoup plus ciblé que celui du CREM, qui est beaucoup plus ouvert. Ce dernier attire un grand nombre de candidats. Par exemple, l’année où j’ai participé au concours, il y avait plus de 36 000 inscrits pour seulement 2 800 postes d’enseignants. C’est pourquoi ce concours est organisé en plusieurs étapes pour réduire progressivement le nombre de candidats.
Quelle évaluation faites-vous de la formation des enseignants dans votre pays ? Quel est l’impact de la qualité de cette formation sur les résultats scolaires et l’apprentissage des élèves ? Quelles sont les opportunités de formation continue offertes aux enseignants en exercice ?
« Je pense que la formation reçue après le concours a un impact significatif sur les résultats scolaires. Pour expliquer cela, il faut revenir au niveau requis pour le concours. Bien qu’il soit obligatoirement accessible au niveau bac, dans les faits, la plupart des candidats admis ont un niveau supérieur : bac+2, bac+3, ou plus. Il est rare de trouver des élèves-maîtres qui ont uniquement un niveau bac et ne sont pas déjà inscrits à l’université.
Cela participe à revaloriser le système éducatif, car vous avez des produits qui ont un certain bagage intellectuel et qui ont une certaine curiosité dans certains domaines. Ainsi, si vous les insérez à l’élémentaire, ils seront beaucoup plus capables d’expliquer ou bien d’expliciter certaines matières. Ils peuvent même amener leurs contributions dans certaines thématiques.
Au Sénégal, l’État offre une opportunité aux enseignants ayant suivi une formation spécifique de rejoindre l’enseignement moyen-secondaire ou le lycée en tant que chargés de cours. Dans certaines Inspections de l’Éducation et de la Formation (IEF), il existe un gap. Ainsi, lorsque les professeurs diplômés de la FASTEF sont affectés, il reste parfois des postes vacants. Pour combler ces lacunes, on invite les enseignants titulaires de certains diplômes dans des domaines spécifiques à déposer leur dossier. Sur cette base, des enseignants sont sélectionnés pour devenir professeurs. Ces enseignants quittent alors l’enseignement élémentaire pour intégrer l’enseignement moyen-secondaire et lycée.
Selon les textes officiels, après avoir dispensé des cours pendant deux ans, les enseignants sont censés être admis à la FASTEF pour une formation continue. Pour mon cas, je suis à ma deuxième année. Normalement, l’année prochaine, je devrais suivre une formation à la FASTEF pour devenir professeur titulaire. Cependant, on observe ces dernières années un problème : l’État ne prend plus, ou très rarement, des enseignants pour les former en tant que professeurs. Cela tarde la formation. D’après les textes, après deux ans de pratique en tant que chargé de cours, il faut se rapprocher de l’Inspection Académique (IA) pour soumettre une demande. Ensuite, le ministère de l’Éducation nationale publie une liste des enseignants retenus pour suivre une formation à la FASTEF. Cette formation dure environ un an et est suivie d’un examen final. Une fois cet examen réussi, l’enseignant devient professeur titulaire de collèges ou de lycées ».
Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la formation des enseignants ? Quelles recommandations avez-vous pour prendre en charge ces défis ?
« Les défis, selon moi, se situent principalement au niveau de la durée de la formation, mais aussi dans la dimension pratique de celle-ci. Il est essentiel que les élèves-maîtres, c’est-à-dire les enseignants en formation, puissent pratiquer davantage en classe. La formation ne doit pas se limiter aux aspects théoriques, mais insister sur la partie pratique qui implique d’être sur le terrain, face aux élèves.
Si la formation reste uniquement théorique, sans suffisamment d’immersion dans les écoles, cela pose des problèmes. Par exemple, après mes sept années d’expérience dans l’enseignement — ce que je ne trouve pas excessivement long — j’ai remarqué que certaines promotions plus récentes d’élèves-maîtres rencontrent des difficultés sur le terrain. Quand on leur demande d’où viennent ces difficultés, ils répondent souvent qu’ils n’ont pas eu assez d’occasions de pratiquer en classe pendant leur formation. Certains disent même qu’ils n’ont pratiquement jamais été en classe lors de la formation. Je pense que si l’État doit intervenir, c’est précisément dans ce domaine qu’il doit concentrer ses efforts : renforcer la pratique des élèves-maîtres pendant leur formation. »
Quelle évaluation faites-vous de vos conditions de travail en tant qu’enseignant ? Combien d’heures par semaine enseignez-vous ? La charge de travail est-elle équilibrée ?
« Les conditions de travail sont un peu difficiles, notamment dans les localités lointaines où les enseignants sont affectés, le manque de moyens pédagogiques qu’on y trouve, mais aussi la fonctionnalité des salles de classes.
En ce qui concerne les horaires de travail, c’est très exigeant, notamment à cause des problèmes de personnel. En raison de ces problèmes de personnel, on est obligé de se répartir entre nous, les horaires que devaient prendre les autres professeurs.
Ainsi, lorsqu’un enseignant a 20 heures par semaine ou même 22 heures de cours par semaine, cela représente une charge considérable. Ce qui signifie que vous avez cours du lundi au vendredi. Imaginez, chaque jour, vous êtes à l’école. Le soir, vous rentrez chez vous, vous préparez vos cours, vous corrigez les devoirs et les exercices. Vous n’avez donc aucun temps pour vous reposer. Du lundi au dimanche, vous êtes constamment surchargé.
À la fin de l’année, notamment dans le dernier mois, on se sent complètement épuisé. Les conditions de travail deviennent alors vraiment difficiles, surtout lorsque les classes sont surchargées. Cela entraîne de nombreux problèmes. Non seulement les classes sont bondées, mais les horaires sont également très lourds. Ce n’est donc pas facile.
Pour ma part, j’ai exercé dans me primaire pendant 7 ans dans un village et j’ai vécu dans un habitat provisoire pendant ces années. Il y avait du vent, de la poussière, et de la chaleur. Ce qui était difficile. En principe, l’État ne nous fournit pas de logement. C’est à nous de trouver et de payer notre propre logement. Dans le village où je vivais, c’est le chef du village qui m’avait attribué une case, ce qui m’a permis de me loger pendant les sept années passées.
Quand je suis arrivé à Kassack, dans le collège, l’établissement ne fournissait pas de logement. Le maire, qui habitait dans la localité, fournissait des logements aux professeurs, mais ceux-ci devaient payer une compensation à la fin du mois. Comme les logements étaient tous occupés, j’ai dû chercher un autre endroit où loger. J’ai trouvé une maison où l’on m’a attribué une chambre. C’est l’enseignant qui prend en charge son logement et c’est souvent dans des conditions qui ne sont pas optimales pour assurer la productivité de l’enseignant.
Concernant la sécurité, on ne peut pas dire qu’on est en totale sécurité, mais on ne peut pas non plus affirmer qu’il y a une insécurité flagrante. En fait, cela dépend beaucoup de la relation que l’on a avec les élèves et avec la localité. Si nous nous concentrons uniquement sur notre travail, je ne pense pas qu’il y ait un réel sentiment d’insécurité. Si nous nous en tenons à notre rôle d’enseignant et que nous entretenons de bonnes relations avec les élèves et les autres habitants de la localité, il n’y a pas de raison de ressentir une insécurité. Il n’y a pas lieu à créer un sentiment ou bien des conditions d’insécurité dans les écoles.
Comment évaluez-vous votre rémunération par rapport au coût de la vie ? Bénéficiez-vous de primes ou d’avantages supplémentaires (logement, transport, assurance) ?
« Pratiquement, la rémunération est effective pour tous les enseignants suivant la même hiérarchie ou le même grade. Cependant, lorsqu’on se demande si cette rémunération est suffisante par rapport au coût de la vie, on peut dire qu’il serait possible de faire plus.
À la fin du mois, avec le salaire, si vous couvrez pratiquement toutes vos dépenses et vos besoins, il vous reste peu, pour pouvoir épargner et investir dans quelque chose d’autre.
Si l’État pouvait créer une sorte de compensation sur l’éloignement de la famille respective ou pour certaines zones enclavées, cela pourrait motiver quelques enseignants à rester dans certaines zones rurales reculées
Cependant, on sent une nette évolution, car ces dernières années, l’État a procédé à une augmentation suite à la revalorisation salariale. Ainsi, on rend grâce à Dieu et vivons mieux grâce à notre travail. Par contre, si l’État pouvait faire une prime par rapport à l’éloignement de certaines localités, cela pourrait motiver certains enseignants ou professeurs. Si vous voyez la tendance du moment, nous sommes dans les périodes de mouvement national, on constate que de nombreux enseignants quittent les zones rurales pour retourner en ville et se rapprocher de leur famille. Cela crée un déséquilibre, à l’intérieur du pays il y a un manque énorme d’enseignants ou de professeurs, alors que les villes connaissent un surplus. Un enseignant qui est éloigné de sa famille et n’évolue pas dans de bonnes conditions, avec le stress et les problèmes répétitifs, aura tendance à vouloir rentrer chez lui.
Si l’État pouvait créer une sorte de compensation sur l’éloignement de la famille respective ou pour certaines zones enclavées, cela pourrait motiver quelques enseignants à rester dans certaines zones rurales reculées ».
Quelles améliorations souhaiteriez-vous voir dans le système éducatif de manière générale ?
« Concernant les propositions que j’ai à formuler envers le nouveau gouvernement actuellement en place au Sénégal, cela porte d’abord les horaires de travail, particulièrement ceux des élèves. Le quantum horaire est très élevé et trop important pour les apprenants, cela mérite une réflexion. Je me concentre en priorité sur les élèves, car il ne faut pas oublier que tout ce que nous faisons est orienté vers leur réussite. Ainsi, si le quantum horaire s’avère trop lourd pour l’enfant, il faut imaginer l’impact que cela peut avoir sur une durée de neuf mois.
À la fin de l’année, si vous observez les élèves en classe, vous remarquerez qu’ils sont très fatigués, voire saturés, car ils accumulent une grande quantité de leçons et passent de longues heures à l’école. Le fait de maintenir les élèves dans cette routine, enfermés entre quatre murs pendant de longues heures, peut être épuisant pour eux.
Concernant l’aspect pédagogique, il serait également intéressant d’intégrer les notions africaines ou celles nationalistes, c’est-à-dire les notions sénégalaises dans le programme. J’entends ici, enseigner à l’enfant l’histoire du Sénégal
En plus du quantum horaire, il y a aussi le volet pédagogique. Le programme est excessivement chargé et beaucoup trop vaste pour les élèves. Ils doivent assimiler une quantité énorme de matières, ce qui au bout du compte, ne leur sert pas toujours. Même nous, en tant qu’enseignants, nous savons que certaines parties du programme ne sont pas pleinement utiles aux élèves. Il est préférable d’éliminer certaines leçons ou matières qui sont un supplice pour l’enfant.
Concernant l’aspect pédagogique, il serait également intéressant d’intégrer les notions africaines ou celles nationalistes, c’est-à-dire les notions sénégalaises dans le programme. J’entends ici, enseigner à l’enfant l’histoire du Sénégal. Cela pourrait le motiver. L’histoire européenne ou asiatique fait partie du programme et les élèves doivent l’apprendre, car cela fait partie des exigences pour obtenir de bonnes notes. Mais si l’on pouvait intégrer davantage d’éléments locaux, cela pourrait rendre l’apprentissage plus pertinent et plus engageant pour les élèves ».
1 Commentaire. En écrire un nouveau
Un très magnifique parcours