Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les enseignants, notamment dans le milieu de la formation privée en Mauritanie ?
À mon avis, la première difficulté est le manque de formation des éducateurs. Lorsque j’évalue les éducateurs qui sont déjà passés par l’école normale des instructeurs et qui viennent dans mon école, je remarque tout de suite, que les professeurs, que j’ai formés, sont de niveau supérieur. Ils souffrent beaucoup d’un manque de formation.
Deuxièmement, bien que j’ai une école privée, parfois, je suis obligé de refuser du monde. La démographie est galopante et cela dépasse les prévisions de notre gouvernement. C’est clair que tous les enfants ne peuvent pas s’inscrire.
Nous sommes parfois obligés de refuser du monde, surtout dans les petites classes. Dans les classes supérieures aussi, il y a des élèves qui sont refusés par l’école publique que j’ai essayé de récupérer dans l’école privée, mais visiblement, cela ne marche pas. C’est seulement parce que les éducateurs ne sont pas bien formés pour gérer parfois des classes pléthoriques avec beaucoup d’élèves.
Quelle évaluation faites-vous des conditions de travail de vos enseignants ou bien des enseignants de l’enseignement privé en général?
Pour ma part, j’ai mis un point d’honneur à mettre mes enseignants dans de bonnes conditions. En réalité, je discute d’un contrat avec l’enseignant que je respecte. Et quand je trouve satisfaction, je me sens obligé parfois d’aller au-delà de ce que j’ai promis à mon professeur. Je considère que mettre les enseignants dans les bonnes conditions est essentielle. Par exemple, il y a des choses qui doivent être faites à l’école comme le petit-déjeuner des enseignants ou encore le fait de les réunir à chaque trimestre, afin de favoriser un cadre sain de collaboration entre enseignants. Pour ce faire, une salle des professeurs leur est dédiée, ainsi qu’une bibliothèque qu’ils/elles peuvent consulter. J’essaie de les aménager, afin qu’ils puissent bien faire leur travail.
Également, les professeurs ont du mal avec les élèves dont les niveaux sont plus faibles. Ils se doivent de faire plus attention à eux. Parfois, il y a des élèves dont le niveau est tellement bas, qu’ont peut les considérer comme des élèves qui sont « irrécupérables ». C’est un défi supplémentaire pour les enseignants.
Le milieu dans lequel j’évolue est un milieu pauvre, car nous sommes à la périphérie. Il y a beaucoup de délinquance. Parfois, nous sommes obligés de faire de la réinsertion, afin de récupérer des jeunes qui sont sur le point de décrocher.
C’est un tas de difficultés. Alors, nous essayons de rendre les professeurs conscients des difficultés que ces jeunes rencontrent, nous essayons de leur faire comprendre que c’est possible de travailler avec eux.
Est-ce que les infrastructures telles que les salles de classe, les bureaux, les installations sanitaires sont-elles adéquates et en bon état dans les établissements privés de manière générale ?
Les infrastructures ne sont pas du tout adaptées. Dans la plupart des cas à Nouakchott, les écoles privées sont des maisons d’habitation que nous avons louées. Nous essayons d’agrandir des pièces pour en faire des salles de classe.
Un point d’honneur est mis sur les conditions sanitaires. Nous veillons à ce que les toilettes soient toujours propres. Cependant, ce n’est pas le cas de tout le monde.
Les élèves et leurs parents ne donnent pas beaucoup d’importance à la sobriété des espaces sanitaires. Les parents doivent être formés et prendre conscience que les questions sanitaires restent inéluctables pour notre société. Les espaces que nous louons sont loin d’être adaptés aux besoins que nous avons. Nous aurions aimé avoir des toilettes pour filles et pour garçons, et ce n’est pas le cas. En dehors d’ici, il y a beaucoup d’écoles que j’ai vues où il n’y a même pas de toilettes.
Comment évaluez-vous les rémunérations des enseignants par rapport au coût de la vie en Mauritanie ?
La rémunération est clairement nulle. Les enseignants perçoivent des sommes dérisoires. En Mauritanie, une dame de ménage est rémunérée à hauteur de 50 et 60 000 ouguiyas, c’est la même somme que touche un professeur de mathématiques dans le lycée. D’ailleurs, c’est l’une des causes des difficultés à recruter de bons enseignants.
De mon côté, j’ai eu la chance de former des jeunes femmes tout de suite lorsque j’ai créé l’école. Je les ai formées et elles me sont restées fidèles. Ce sont des femmes qui sont motivées par le simple fait d’être enseignante, cela leur offre un statut dans la société, au-delà même de la rémunération.
Je rémunère certes mal, mais ce n’est pas plus terrible que mes collègues. À la question de savoir si les enseignants bénéficient des avantages comme les logements, transports etc., je répondrai non, mais il m’arrive de proposer aux professeurs étrangers un logement. Par exemple, j’ai logé gratuitement une enseignante pendant trois années.
Il faut noter aussi que comparativement aux autres pays d’Afrique de l’Ouest, le coût de la vie à Nouakchott n’est pas si élevé .
Quelles améliorations souhaiteriez-vous voir mises en place dans le système éducatif pour assurer de meilleures conditions de travail aux enseignants ?
J’aurai voulu ne pas avoir à mentionner le gouvernement, mais malheureusement, il y a beaucoup de choses qui relèvent des décisions publiques ou politiques. Les infrastructures qui sont mises en place doivent suivre le développement démographique de la population.
Pour le moment, notre gouvernement est en train d’enlever l’école primaire aux établissements privés. L’année dernière, on n’a pas eu de Classe élémentaire I ni de Classe Primaire II. Et l’année prochaine aussi, nous n’en aurons pas. C’est-à-dire qu’on est en train d’écarter les écoles privées du niveau primaire.
Pourtant, les écoles privées représentent surtout une aide pour l’école publique, car les écoles publiques étaient pléthoriques et elles vont l’être encore beaucoup plus après, parce que les écoles privées ne pourront plus épauler le gouvernement. Il y a également un problème de formation au niveau des professeurs.
Au sein de mon école, je propose une formation continue. Par exemple, chaque vendredi, tout le corps enseignant se retrouve une première semaine pour l’école primaire, une autre semaine pour l’école secondaire. L’idée est d’aborder tous ensemble des difficultés que nous rencontrons et nous essayons de nous former ensemble, de découvrir les nouvelles méthodes, et d’essayer de nous mettre à jour.
Les enseignants du privé d’une manière générale doivent collaborer, parce qu’il n’y a pas de syndicat des enseignants de l’école privée. Et même s’il en existe, il est encore trop faible, et n’a pas un grand écho pour braver les difficultés et aider les directeurs d’école à prendre les bonnes décisions.
De plus, chaque école doit avoir un excellent bureau de parents d’élèves et proposer des solutions au gouvernement, et ainsi, prendre en compte nos revendications, nos demandes.
Nous avons des idées, mais les décisions nous viennent du gouvernement, et ne sont pas forcément adaptées à nos réalités. Nous, les directeurs, avons besoin de chaque partie prenante de l’éducation. Il faut l’implication de tout le monde, notamment des parents d’élèves, des corps enseignants et des autorités publiques. Nous devons faire pression sur les autorités, afin que nos revendications soient prises en compte.
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En realitè ces reformes vont audelas de l’éducation, elles visent a aneantir la majeure partie de la population et permettre a une minorite de garder tous les pouvoirs.