
Quels sont les programmes de formation des enseignants proposés dans votre pays ? quelle est la durée moyenne de ces formations ? quels sont les critères d’admission aux écoles de formation des enseignants ? Y a- t-il des inégalités d’accès à la formation en fonction du genre, de l’ethnie ou de la région ?
« Il y a deux types de programme de formation, dont un programme théorique sur une durée de deux ans et un autre programme pratique, avec un stage pratique après avoir validé le programme théorique. Le stage pratique se fait sur le terrain pour une durée d’environ six mois. Les contenus diffèrent d’une spécialité à une autre, mais de façon générale, ce sont des contenus sur le volet académique, notamment lors de la formation théorique et le volet pédagogique se fait surtout lors de la formation pratique. L’admission aux écoles de formation des enseignants se fait par concours.
Tout le monde peut être candidat à condition de détenir les diplômes exigés. Pour les professeurs de collège, il est exigé d’avoir un niveau de licence et pour les professeurs de lycée, un niveau master.
Pour le concours, tout d’abord, il y a une première phase écrite, réalisée sur table, où les candidats composent. Ceux qui seront déclarés admissibles passeront ensuite à une seconde phase, dite phase orale. À l’issue de cette dernière, les candidats définitivement retenus seront sélectionnés pour intégrer l’école de formation.
Ceci constitue le premier mode d’accès à l’école de formation des enseignants. Par ailleurs, en fonction des besoins sur le terrain, l’État a la possibilité, comme cela a déjà été observé, de procéder à des recrutements. Ces recrutements ciblent certains enseignants selon des critères préalablement définis. Les candidats qui postulent et remplissent ces critères intègrent alors un programme de formation conçu selon un cadre établi par l’État. Après cette formation, ils sont déployés sur le terrain.
La sélection se fait sur la base de la méritocratie, sans distinction du genre. Cependant, les candidatures féminines sont encouragées. À l’issue du concours, il y a la publication des résultats, et à partir de ce moment, tout le monde a la possibilité de vérifier les raisons de son admission ou pas, ainsi que son rang. »
Quelle évaluation faites-vous de la formation des enseignants dans votre pays ? Les programmes sont-ils alignés sur les besoins réels des écoles et des élèves ?
Il faut prendre en compte le volet psychologique, car un enfant qui n’est pas stable psychologiquement, peu importe l’amour qu’il porte à une matière, il ne pourra pas réellement réussir
« Le premier modèle que l’enfant rencontre à l’école, c’est l’enseignant. Il va s’en dire que si l’enseignant n’est pas bien formé, cela aura des conséquences sur les résultats scolaires. Certes les parents envoient les enfants à l’école, mais c’est à l’enseignant de leur apprendre les bases. Si un enfant aime une matière, c’est parce que l’enseignant lui a transmis le savoir de sorte à ce que cet enfant puisse aimer la matière.
La formation est adaptée et adéquate pour l’enseignant. Ce qui explique cette aisance et cette facilité qu’ont beaucoup d’enseignants une fois sur le terrain. Cependant, il existe un petit bémol, qui est qu’on a pas généralement de formation sur la psychologie de l’enfant. Pourtant, c’est un volet primordial mais qu’on occulte très souvent dans notre système éducatif. En tant qu’inspecteur, je sais pertinemment que plusieurs enseignants pensent que pour réussir, l’enfant a juste besoin des maths, des physiques et SVT.
Il faut prendre en compte le volet psychologique, car un enfant qui n’est pas stable psychologiquement, peu importe l’amour qu’il porte à une matière, il ne pourra pas réellement réussir. C’est un point important à souligner. Néanmoins, l’État entend de faire des efforts significatifs pour intégrer ces aspects psychologiques dans les programmes de formation des enseignants. »
Quelles sont les opportunités de formation continue offertes aux enseignants en exercice ? Existe-t-il des programmes de recyclage ou de mise à jour des compétences ?
« Il y a des programmes de formation continue. Au niveau de l’école de formation des enseignants, en fonction des diplômes que chaque enseignant détient, il a la possibilité de s’inscrire aux formations en rapport avec sa qualification, de sorte à ce qu’il puisse évoluer et devenir un enseignant de cycle supérieur.
En ce qui concerne, les mises à jour, la Direction pédagogique et de la formation continue organise des formations, afin de recycler les enseignants en fonction des programmes éducatifs mis en place, ainsi chaque enseignant sera outillé pour mieux dispenser les cours. L’enseignement n’est pas figé, il est évolutif. En ce sens, chaque enseignant doit renouveler ses connaissances continuellement, afin d’améliorer sa pédagogie et dispenser correctement les savoirs.
Ces formations sont gratuites. Au sein de chaque antenne pédagogique, il y a une Direction de la pédagogie et de la formation continue. Ceci dans chaque ville, ainsi chaque antenne pédagogique organise, selon son programme, des formations pour les enseignants dans les différentes écoles. Ces formations sont à la charge de l’État. »
Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la formation des enseignants chez-vous ? Quelles recommandations avez-vous pour prendre en charge ces défis dans votre pays ?
« Dans les grandes villes, les formations continues semblent être organisées assez régulièrement. Cependant, dans les zones rurales, où les enseignants rencontrent des difficultés d’accès aux lieux de formation, en raison notamment de routes parfois non bitumées, ces derniers participent rarement à ces programmes. Cela limite leur accès à des formations qui pourraient pourtant contribuer à améliorer les résultats scolaires. C’est à ce niveau que je souhaite formuler des recommandations : Il serait souhaitable que ces formations continues soient organisées de manière régulière, afin que tous les enseignants, y compris ceux en zones rurales, puissent bénéficier des compétences nécessaires pour améliorer leurs pratiques pédagogiques et les résultats des élèves ».
Il serait souhaitable que ces formations continues soient organisées de manière régulière, afin que tous les enseignants, y compris ceux en zones rurales, puissent bénéficier des compétences nécessaires pour améliorer leurs pratiques pédagogiques et les résultats des élèves
Quelle évaluation faites-vous de vos conditions de travail en tant qu’enseignant ?
« Concernant les conditions de travail, je dirais que c’est un relatif. Les conditions pour un enseignant qui exerce dans une ville urbaine sont différentes d’un enseignant qui évolue dans une zone rurale.
Les conditions seront aussi déterminées en fonction du nombre d’élèves qu’ils ont à charge ainsi que des ressources pédagogiques et didactiques dont ils disposent. En Côte d’Ivoire, il y a les établissements reconnus comme établissements d’excellence. C’est notamment le cas du lycée scientifique, ainsi que le lycée Saint-Marie et bien d’autres. Ce sont des établissements qui sont assez bien logés avec des effectifs en dessous de la moyenne, autour de 30, voire 40 élèves.
Cependant, vous trouverez certains établissements où on a des effectifs pléthoriques autour de 90, voire 100 élèves par classe. Il va s’en dire qu’un enseignant qui est dans un lycée d’excellence et un enseignant qui est dans un autre lycée avec effectifs pléthoriques n’aura certainement pas les mêmes conditions de travail, vu que les charges de travail ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi, je disais tantôt que les conditions de travail varient, mais pour la plupart des enseignants se plaignent du fait qu’au sein des établissements d’excellence, les élèves ne sont pas assez nombreux.
Dans les zones rurales, on peut avoir des zones où la disponibilité de l’ eau n’est pas régulière ou l’adduction en électricité n’y est pas, cela crée des frustrations pour les enseignants
En zone rurale, plusieurs enseignants se plaignent des conditions de travail. Nombreux sont les enseignants en milieu rural qui postulent pour des affectations en ville, de sorte à avoir une certaine commodité. Dans les zones rurales, on peut avoir des zones où la disponibilité de l’ eau n’est pas régulière ou l’adduction en électricité n’y est pas, cela crée des frustrations pour les enseignants. La conséquence est qu’en zones rurales, il y a un déséquilibre au niveau des enseignants.
Il y a un manque d’enseignants, parfois même peu d’enseignants dans certaines matières, ce qui entraine une lourde charge de travail pour les enseignants déjà présents. Ces derniers doivent faire des cours dans toutes les classes avec des heures supplémentaires interminables. C’est un véritable problème que l’État cherche à résoudre. Une plateforme a été mise en place de sorte à recenser tous les enseignants, ainsi que les villes dans lesquelles ils résident et le nombre d’heures qu’ils exercent. L’idée est de faire une répartition plus juste, afin que les zones rurales puissent bénéficier également des enseignants qu’il faut. »
Les ressources pédagogiques disponibles dans votre établissement (livres, matériel didactique…) sont-elles suffisantes et accessibles à tous ?
« En ce qui concerne les ressources, celles-ci sont accessibles par tous. Cependant, elles ne sont pas adaptées. Il faut une mise à jour, car l’enseignement est évolutif. Pour les différents programmes, l’État, chaque année, met à disposition les documents qu’il faut en fonction des programmes. Mais ces documents arrivent parfois tardivement. Ce qui fait qu’on peut commencer l’année scolaire et c’est seulement au cours du second trimestre que les documents arrivent. Ce retard ne favorise pas l’adaptation des enfants aux différents contenus proposés. »
Quelle place occupent les nouvelles technologies dans les établissements d’enseignements ?
« Nous tendons vers les nouvelles technologies. Cependant, les établissements n’ont pas accès à internet et les salles informatiques ne sont pas connectées. Rares sont les établissements qui disposent de salles informatiques fonctionnelles, car avoir internet dans tout l’établissement n’est certainement pas chose donnée.
Cela coûte cher et n’encourage pas plusieurs établissements à disposer de salles informatiques. Tout de même, les cours théoriques sont dispensés, afin de donner certaines bases aux enfants, mais sans plus. »
Comment évaluez-vous votre rémunération par rapport au coût de la vie ? Bénéficiez-vous de primes ou d’avantages supplémentaires (logement, transport, assurance) ?
« La rémunération ne peut jamais nous satisfaire. Certes l’enseignant bénéficie de primes de logement et de primes de transport. Mais si on veut comparer ces primes de logement au coût de la vie actuelle, cela reste insuffisant. Récemment, les enseignants réfléchissaient sur la question. C’était même à l’ordre du jour, parmi les points débattus lors des discussions avec le ministère sur la revalorisation des primes de logement.
La prime que reçoivent les enseignants présentement, comparée au prix de logement en Côte d’Ivoire ne représente pratiquement pas le tiers. C’est dire cette prime existe, mais reste très insuffisante.
Une des raisons qui font que plusieurs enseignants préfèrent rester en ville plutôt qu’en zone rurale, c’est qu’en ville par exemple, un enseignant peut se retrouver dans une ville où il y a, dans un établissement plus de dix enseignants de physique-chimie. S’il y a dix enseignants de physique-chimie, alors la charge de travail est relativement faible et donc il pourra avoir une autre activité à côté pour compléter les fins de mois.
Par contre s’il se retrouve dans un établissement avec deux voire trois enseignants seulement de physique-chimie, la charge de travail devient lourde. Ceci avec des heures supplémentaires qui empêcheront l’enseignant de faire des cours dans un autre établissement privé. En Côte d’Ivoire, plusieurs enseignements font ces cours dans le privé. Même si, dans le statut de la fonction publique, c’est régulé, ou du moins, il y a un certain nombre d’heures qu’il ne faut pas dépasser dans les établissements privés, ce n’est pas toujours respecté comme il faut. »
Quelles améliorations souhaiteriez-vous voir mises en place pour vous assurer de meilleurs conditions de travail et rendre le système éducatif plus performant ?
« Il faut doter les établissements en infrastructures ; ainsi qu’en documents pédagogiques. Il faut doter également les laboratoires de matériels, car nombreux sont les cours qui devraient être pratiques plutôt que théoriques.
Ce sont des grands objectifs, vu le grand nombre de nos établissement, mais il faudrait qu’on puisse tendre vers ces objectifs. S’ils sont atteint, la formation des enfants sera efficace. Ensuite, les formations doivent être régulières pour les enseignants. Les sessions de mise à jour doivent être organisées pour les enseignants, afin que ceux-ci puissent être au contact des nouvelles pédagogies, ainsi que des nouveaux modes d’enseignement, pour le grand bien des enfants.
Aujourd’hui, on est parti de la formation par compétence à l’apprentissage par compétence, ceci grâce à l’évolution des choses. Avec le nouveau type d’apprenant qu’on a à ce jour, il est important d’adapter les choses, de sorte qu’ils puissent apprendre facilement.
Par ailleurs, il faudrait améliorer les conditions des enseignants. Ces derniers doivent être à l’aise, afin de mieux transmettre les cours. Ainsi, leur rémunération doit être revue. si elle est revue, cela favorisera une meilleure transparence. Les enseignants étant confronté à des conditions inadéquates se livrent parfois à la tricherie lors des examens, afin de bénéficier d’un montant par la suite.
En Côte d’Ivoire, la question des primes fait débat, car toutes les personnes qui évoluent dans les régies financières ont été formées par les enseignants du primaire et du secondaire. Cependant, ce sont eux qui ont des grandes primes comparativement à l’enseignant qui se retrouve avec des maigres moyens.
D’ailleurs, cela impacte indirectement nos élèves qui refusent de devenir des enseignants, car ils voient les conditions de travail de leurs enseignants. Ils n’ont plus l’amour pour l’enseignaement. Ainsi donc, il faudrait revoir la condition des enseignants.»
Anciennement Professeur des collèges en physique-chimie, Monsieur Silue Tienvolo est depuis deux ans inspecteur d’orientation à l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny. L’INPHB est un établissement public de formation supérieure, de recherche et de production situé à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire. Rassemblant neuf écoles supérieures et de nombreux départements de formation et de recherche, il compte environ 3000 étudiants.