Réformes prioritaires pour les universités publiques « Le gouvernement doit aller vers la mise en œuvre de ce qui a déjà été recommandé, notamment durant les assises et la concertation nationale. Premièrement, des efforts ont été consentis dans la construction d’universités pour élargir la carte universitaire. Il y a désormais huit universités au Sénégal. Ces efforts ne sont pas négligeables. Mais dans la plupart des universités, les constructions n’ont pas été achevées. Les salles de cours ne sont pas assez nombreuses. Parfois, les étudiants doivent marcher des kilomètres pour aller d’un campus à un autre, d’un département, d’un building à un autre. Ces travaux à achever doivent être une priorité du nouveau gouvernement à venir. Deuxièmement, le recrutement du personnel enseignant doit être une priorité. En fait, Le déficit de personnel enseignant dans les universités publiques oblige à avoir recours à beaucoup de vacataires qui rencontrent des difficultés à être payés. D’ailleurs, certains vacataires refusent de venir à cause des salaires, malgré qu’ils soient titulaires de doctorats. Auparavant, les vacataires étaient des doctorants mais désormais ce sont des chercheurs avec des années d’expérience, obligés de faire de la vacation dans les universités publiques, car il n’y a pas de poste. Quand on parle de recrutement, on parle de budget et c’est un problème réel dans les universités publiques. Le budget doit être revu à la hausse, même si le Sénégal est un pays en voie de développement. Le numérique doit être une priorité pour le prochain gouvernement. L’accès à Internet est central pour l’utilisation du numérique, mais c’est une véritable problématique dans les universités. Quand on parle de numérique, on parle d’accès à Internet. La connexion Internet est un vrai problème dans les universités. Les étudiants, souvent, n’ont pas accès, même au sein de l’université. C’est un coût important pour les universités. La gratuité de l’accès à Internet doit donc être une mesure prioritaire. Ensuite, l’offre de formation doit être revue pour être adaptée au marché du travail. De nombreuses filières sont saturées. Les étudiants ont des masters mais peinent à trouver un stage. Pourtant les qualifications ne manquent au Sénégal. Beaucoup de choses importantes ne sont pas enseignées à l’université, comme la communication ou la maîtrise de plusieurs langues par exemple. » Inclure l’enseignement de l’anglais dès le bas âge pour augmenter les compétences de nos enfants « L’apprentissage des langues est plus facile pour l’enfant avant l’âge de douze ans. Si on commence l’enseignement de l’anglais dès le primaire, c’est beaucoup plus facile pour l’élève d’acquérir toutes les connaissances dont il aura besoin plus tard. Si on attend le secondaire, c’est seulement 2 h ou 3 h de cours par semaine, on ne fait que de la grammaire, sans pratique, etc. Donc l’élève n’est pas exposé à la langue et ne peut pas donc pas la parler et la pratiquer sans difficulté. L’anglais est crucial de nos jours. Dans tous les domaines, surtout dans le domaine des sciences, il faut parler l’anglais, pour comprendre ce qui se fait et pour faire partie de ceux qui innovent. L’intelligence artificielle, les sciences, la technologie s’étudient en anglais, notamment pour les publications. Il faut donc connaitre la langue pour qu’elle ne soit pas une barrière à l’acquisition de la connaissance. L’anglais est la langue de la mondialisation. Il faut s’adapter et pour cela, il faut commencer très tôt, le plus tôt possible. » Mieux financer la recherche universitaire et l’innovation « L’université, ne se limite pas à l’enseignement, la recherche occupe également une place importante. Il faut mettre des moyens dans le budget alloué à la recherche. Les enseignants essaient sans cesse de se former au montage de projets, de concourir à des appels à projets pour avoir des fonds. Mais le soutien de l’État est nécessaire, même si le pays est en développement et que l’État ne peut pas tout financer. Il y a beaucoup de formations sur le montage de projet pour aider les enseignants chercheurs à faire du fundraising. Cela n’exclut pas que l’État aussi doit allouer un fonds à la recherche et à l’innovation. » Les priorités nationales globales pour le bien-être collectif « Le chômage est un des facteurs explicatifs des départs de jeunes, à côté du manque d’espoir et de perspective au Sénégal. Nous sommes un pays avec beaucoup plus de jeunes et c’est désolant de voir que beaucoup de nos fils partent en pirogue vers l’Europe. Les jeunes sont tellement désespérés qu’ils préfèrent tenter leur chance à l’étranger plutôt que de rester dans leur pays. Malheureusement, même en migrant, on ne peut pas être persuadé que les conditions de vie vont changer. En effet, l’Europe aussi est touchée par la crise avec une pénurie d’emplois. Une priorité devrait donc être de redonner espoir aux jeunes, leur montrer qu’ils peuvent réussir au Sénégal et leur donner ces opportunités en les aidant notamment à travers l’éducation. C’est un facteur clé car si les gens ne sont pas formés, il est très difficile de trouver un travail, d’autant que même les gens qui sont diplômés n’arrivent pas à trouver un emploi. Deuxièmement, les denrées alimentaires de première nécessité sont chères et les salaires ne suivent pas. Cependant, ce n’est pas seulement du ressort de l’État mais aussi des populations. Tout ce que les Sénégalais consomment proviennent de l’étranger. Une des solutions pour favoriser la consommation locale est d’inciter les gens à consommer ce qui est produit dans le pays et que l’État accompagne les agriculteurs, les entrepreneurs travaillant dans le domaine du consommer local pour que la production soit suffisante pour la population. ». Le domaine de la santé est également un secteur qui nécessite des améliorations. C’est très difficile quand on est au Sénégal et que payer dévient une condition pour voir le médecin. Il n’y a pas d’assurance maladie si on ne travaille pas. Une couverture maladie universelle est en cours de développement mais la mise en œuvre n’est pas encore aboutie. Dans les zones rurales, il n’y a n’a pas de personnel qualifié, les médecins ne veulent pas travailler dans ces zones. De ce fait, l’État doit prendre des mesures pour les motiver à accepter de travailler dans les zones rurales. Des mesures sont nécessaires pour que les gens aient accès à la santé. C’est un droit fondamental comme l’éducation et l’alimentation. »
Extraits de l'entretien
Docteure en Anglais, spécialisée en linguistique appliquée, Amina Gaye est enseignante-chercheure en anglais de spécialité́ (anglais des affaires, anglais pour les professionnels de la santé, de l’environnement, pour les ingénieurs, etc.) à la Haute école d’économie et de gestion (HEEG) de l’Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio. Ses activités de recherche portent notamment sur l’analyse des besoins, l’élaboration de programmes d’enseignement et la conception de matériels didactiques.Dr Amina Gaye
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Félicitation Docteur Amina Gaye