Les priorités par rapport à l’environnement « Le réchauffement climatique est une préoccupation mondiale. Ce phénomène ne concerne pas seulement l’Europe et les États-Unis mais menace toute la planète entière. Il faut mettre en place une politique pour préserver notre planète. L’Afrique doit repenser son développement et mettre en place une politique qui soit en adéquation avec les défis environnementaux et le développement durable. Pour parvenir à cela, il est nécessaire de réconcilier l’économie avec l’environnement. En effet, jusqu’à maintenant, l’environnement a été considéré comme une ressource inépuisable dont on pouvait se servir à volonté. Il faut désormais revoir les modes de développement, de consommation, les pratiques de tous les jours. Il faut mettre l’environnement au cœur de toute politique. La gestion des déchets plastiques est une problématique importante. Les déchets plastiques sont devenus un problème sanitaire. Un autre défi majeur est la préservation de la biodiversité. Les perspectives sont nombreuses en Afrique, et notamment en Sénégal. Il y a des espaces pour lutter contre le réchauffement climatique, pour recréer des forêts par exemple ou encore pour booster l’agriculture. La pêcherie aussi doit être préserver. Mais il est difficile de concilier pêcherie et exploitation du pétrole car le second risque de détruire le premier, ce qui est inacceptable au vu des conséquences sociales pouvant découler de l’arrêt de cette pêcherie. Un des aspects les plus importants pour la préservation de l’environnement est l’éducation, la formation, la sensibilisation et la conscientisation. La prise en charge des impacts de l’exploitation pétrolière sur l’environnement Les conséquences sur l’environnement de l’exploitation pétrolière ne commencent pas au moment de l’exploitation mais dès la recherche pétrolière. Celle-ci a déjà un impact sur la faune marine. L’exploitation pétrolière est génératrice de déchets et porteuse de risques potentiels comme par exemple l’échouage d’un chargement de pétrole en mer. Afin d’éviter la malédiction du pétrole, il faut pacifier l’exploitation du pétrole, c’est-à-dire que les populations doivent y trouver leur compte. Exploitants, gouvernants et populations doivent parler le même langage. Des conflits empêchent une exploitation sereine du pétrole. La Constitution stipule que les ressources naturelles appartiennent aux populations. C’est pourquoi nous avons créé un Observatoire du pétrole et du gaz pour essayer de sensibiliser les populations et aider les exploitants et le secteur privé à faire partie de cette exploitation. On apporte un accompagnement aux populations, à l’État, et au secteur privé qui doit s’impliquer. Tous les dividendes de l’exploitation pétrolière ne doivent pas aller à l’étranger. Les personnes travaillant sur les exploitations pétrolières ont besoin de loger leur famille, d’avoir une bonne école, une bonne crèche, un service d’alimentation pour s’approvisionner. Il sera nécessaire d’embaucher du personnel. Mais l’exploitation de pétrole aura un impact environnemental fort. L’Observatoire a proposé de mettre en place un monitoring des indicateurs environnementaux où l’on suit par exemple la pollution de l’air, ce qui va se déverser dans la mer, etc. A chaque fois qu’un indicateur augmente, cela signifie qu’une pollution est en train de s’installer et peut entraîner des conséquences dramatiques sur la pêcherie. Cela permettra d’alerter l’exploitant pétrolier sur la pollution. Ainsi, l’Observatoire va permettre d’établir des données de référence avant l’exploitation. La plus grande crainte reste la disparition de la pêcherie qui mettrait en péril la sécurité alimentaire des populations et provoquerait un appauvrissement des familles. Renforcer les compétences nationales pour tirer profit de l’exploitation pétrolière Quand l’exploitation commencera, les exploitants voudront des jeunes pour travailler sur les plateformes mais n’en trouveront pas parce qu’ils n’ont pas anticipé sur les besoins réels de cette exploitation pétrolière. Des entreprises étrangères s’installent pour capter ce marché. Supposons par exemple qu’il y ait un déversement accidentel. Sommes-nous outillés par rapport à cela ? Avons-nous les produits chimiques pour neutraliser ce déversement, les bouées de mise en confinement de ce naufrage ? Est-ce que les services des pompiers, de police sont outillés pour gérer ces situations ? Est-ce que les juristes s’y connaissent en termes de déversements accidentels ? Tout cela est du ressort de l’État et des institutions de formation. Les institutions de formation doivent former les compétences dont l’État aura besoin dans les années à venir. En termes d’exploitation du pétrole, ceux qui vont travailler sur une plateforme ne seront pas très nombreux. Ce seront des électromécaniciens, des électriciens, des techniciens de surface, des cuisiniers… Aujourd’hui, les États africains doivent mutualiser leurs besoins notamment pour installer des centres de formation sur la santé, la sécurité au travail, l’hygiène… Cela permettra aux pays de raffermir leurs liens. Faire les choses en commun, c’est d’abord être forts et ensuite avoir une vision. Rester à l’échelle nationale ne permettra pas de progresser. Les réformes dans l’enseignement supérieur et le financement de la recherche Il faut reconnaître que le système éducatif et en particulier l’université est malade. La recherche est pratiquement inexistante. La mutation a échoué à l’université. Au départ, l’université de Dakar avait été mise en place pour former des enseignants. Les programmes étaient élaborés pour former les enseignants pour la sous-région, notamment au sein de l’Afrique de l’Ouest où on parlait français. Cet objectif a été atteint mais la mutation a échoué. L’université doit mettre à disposition des formations professionnelles pour donner aux jeunes des compétences pour pouvoir s’insérer. De l’autre côté, le secteur privé n’a pas su mettre en place des unités pour permettre d’embaucher ces jeunes. Les entreprises doivent présenter clairement leurs besoins pour que les jeunes soient formés en fonction de ces besoins. Ainsi, les jeunes qui sortiront de leur formation seront assurés d’être embauchés rapidement. De plus, l’université de Dakar a une population de 80 à 90000 étudiants ce qui rend difficile le fait de dispenser une formation de qualité. L’université est devenue un dépotoir parce que ceux qui ont les moyens vont dans les instituts privés ou quittent le pays. Ainsi, il y a deux catégories de Sénégalais, ceux qui ont les moyens et ceux qui n’en ont pas, et se retrouvent à l’université. Seulement une minorité fera le cycle long jusqu’à la maîtrise puis jusqu’à la thèse. La recherche est également une composante de l’université. Mais si on fait un bilan depuis 1960, l’impact de la recherche sur la vie quotidienne et sur le plan social est très faible. En effet, la recherche n’est pas en adéquation avec les défis rencontrés par la société. Les publications par les chercheurs, soit la recherche fondamentale, n’a eu aucun impact sur la société. Il faut que les recherches s’intéressent aux problèmes rencontrés par les entreprises, aux besoins en termes d’éducation… Il faut créer des pôles de scientifiques ayant pour objectif de régler les problèmes sociétaux. La première étape est de mettre en contact les entreprises, les universitaires et les chercheurs. La deuxième étape consiste en l’identification des problèmes des entreprises du pays. Enfin, la troisième étape est de chercher une solution à ces problèmes. L’entreprise participera financièrement à cette étape. Un autre aspect important est de se demander à qui profite la recherche. Il faut qu’elle profite à des entreprises sénégalaises. L’université doit aussi être une source financement. Elle a des fonds, notamment grâce aux services en formation payante. Une partie de ce budget peut être consacrée à la recherche. Il est important de faire appel à un cabinet, ou mettre en place une cellule en charge de recherche de financement auprès de partenaires extérieurs (ONG, Banque mondiale…). La veille financière peut être externalisée. Une cellule de rédaction de projet peut également être mise en place. Les financements externes existent mais il est nécessaire de développer des mécanismes nationaux. En effet, les partenaires internationaux ne défendent pas les intérêts nationaux. De plus, ils peuvent arrêter les financements à tout moment. Les priorités nationales globales pour assurer le bien-être collectif Premièrement, il faut trouver un emploi aux jeunes. C’est une bombe qui peut exploser à tout moment. Mais pour trouver un emploi aux jeunes, il faut leur donner des compétences. Une bonne formation est donc nécessaire. L’Etat n’a pas pour but de créer des emplois. Les emplois doivent être créés par des entreprises privées. L’État doit booster le secteur privé en encourageant la création d’entreprises qui pourront absorber cette jeunesse. L’environnement est un élément central. Cela passe notamment par des politiques de développement durable qui aspirent à ce que chaque citoyen vive avec un certain bien être. Des politiques de sensibilisation, conscientisation et de formation doivent également être mises en place. De plus, il est nécessaire d’améliorer le système de santé du pays. Il faut que les autorités développent la pharmacopée. Les plantes peuvent répondre à de nombreuses maladies mais sont trop peu exploitées. Par exemple, beaucoup d’africains ont la drépanocytose. L’Europe et la Chine fournissaient les médicaments pour se soigner mais ont arrêté leur production. Un ou deux pays africains devraient se mettre ensemble pour acheter la licence et créer une usine de fabrication de ce médicament. Il faut créer un institut sur la pharmacopée, notamment sur la médecine traditionnelle. L’avenir du pays ne peut pas dépendre de l’Europe, des États-Unis, du monde extérieur. Toutes ces préoccupations sont liées et ne peuvent être traités de manière isolée. »
Pr Adams Tidjani – Ph D. en Physique Nucléaire et Ph D. en Photochimie des Polymères, est enseignant chercheur, directeur du laboratoire de rayonnements à la Faculté des sciences et techniques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. En 2003, devant l’urgence des défis environnementaux, le Pr Tidjani met en place un Master professionnel en environnement (MPE, www.crefast.ucad.sn/mpe) à la Faculté des sciences et techniques. Dans le souci de promouvoir l’information environnementale, il a lancé en 2007 un magazine sur l’environnement dénommé « vert-information environnementale » (VIE, www.environnement-afrique.com). Il crée également l’Association de lutte pour la préservation de l’environnement (ALPE). En décembre 2013, en collaboration avec des scientifiques et professionnels de l’environnement, le Pr Tidjani met en place le 1er Institut spécialisé en sciences de l’environnement et de la métrologie (sciences des mesures) en Afrique de l’Ouest. Cet Institut (http://www.imem-senegal.com) propose des programmes de formation initiale et continue aux métiers émergents de l’économie verte pour un développement durable du continent africain. Dans le cadre de ses activités de recherche, Pr Tidjani privilégie la recherche-action innovante qui débouche sur la création de PME/PMI, génératrices d’emplois pour la jeunesse africaine.
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Nos félicitations pour toutes les actions menées dans le cadre de la préservation de l’enseignement, notamment dans le cadre de la recherche action. Vous proposez des modèles simples.