Les réformes par rapport aux domaines d’expertise « Le Sénégal est un pays qui depuis son indépendance a entamé des politiques de décentralisation en plusieurs étapes. Pour les réformes d’aménagement la planification territoriale intégrée est primordiale. Les plans d’aménagement du territoire intégrés doivent prendre en compte les besoins des communautés, la préservation de l’environnement, le développement économique et les infrastructures de transport. Cette planification va permettre de corréler les ressources des régions naturelles du Sénégal à tout ce qui est lié aux infrastructures de transport mais aussi à la commercialisation. Elle doit être basée sur les besoins des communautés à toutes les échelles de développement, notamment national, régional et départemental. Le deuxième axe important est le développement des infrastructures. Le Sénégal est une macrocéphalie avec Dakar qui représente la grosse tête et domine tout le reste. Aujourd’hui, il faut promouvoir une politique de développement des infrastructures au niveau national pour relier les lieux et les espaces rapidement. C’est pourquoi, il est prioritaire de développer tout d’abord des infrastructures, des transports de communication et d’énergie pour connecter les régions puis de relier également les espaces de production et les espaces de commercialisation. Le troisième élément concerne la décentralisation et la gouvernance locale. Il est important de renforcer la décentralisation en donnant plus de pouvoir aux acteurs locaux afin qu’ils prennent des décisions qui vont impacter positivement le local avant de toucher le global. Le gouvernement au niveau central doit allouer des ressources adéquates pour que les acteurs au niveau des collectivités territoriales aient des moyens pour prendre des initiatives porteuses d’insertion des jeunes, mais également porteuses d’impacts pour les territoires eux-mêmes, qu’ils soient ruraux ou urbains. Un autre axe est lié à la protection de l’environnement et à la gestion des risques naturels. Le Sénégal est assez petit sur le plan géographique, mais riche en ressources naturelles. Dans toutes les régions, il y a une ressource qui peut être vecteur de développement, mais également source de changement économique, politique et social. Il faut mettre en place des politiques de conservation pour promouvoir une gestion durable des ressources et qui profitera aux populations locales. Les ressources du pays doivent avant tout profiter aux Sénégalais. C’est grâce à cela qu’on peut arriver à créer des richesses, mais surtout à lutter contre le chômage et à promouvoir l’emploi et l’insertion des jeunes dans le secteur de production, pour mieux exploiter les ressources naturelles, minières et gazières du Sénégal. Il est important de promouvoir le développement rural. Les villages sont des zones oubliées dans l’écosystème sénégalais. Ceci s’explique par le fait que les politiques font la promotion de la ville au détriment du rural. Pourtant, c’est dans les villages que les terres sont riches, on y pratique l’agriculture avec des terres propices et les ressources forestières, végétales sont disponibles. Malheureusement, avec la concentration des efforts de développement dans les villes, les zones où les ressources sont disponibles ne bénéficient pas d’infrastructures. Il faut donner une place importante aux zones rurales dans les politiques de développement et de planification. La mise en œuvre effective et efficace des réformes Il faudrait donner un sens réel à la notion du « local au global », car c’est fondamental pour le développement à la base. En réalité, les bénéficiaires de projets ou de programmes de développement sont peu intégrés. Il faut intégrer les acteurs à la base dans la formulation des politiques publiques et renforcer la démocratie locale en donnant du pouvoir et de l’importance aux populations locales et à leurs besoins. La décentralisation est primordiale, mais elle le sera davantage si l’on connecte le national au local via les décideurs intermédiaires. Cette décentralisation est encore inachevée, car il y a une forte dépendance des territoires envers les acteurs nationaux et le pouvoir exécutif national. Il faut donner des moyens aux comités territoriaux afin qu’ils prennent non seulement des mesures au niveau local mais aussi qui répondent aux aspirations des populations locales. Il est essentiel de promouvoir la valorisation des ressources locales, notamment humaines. Les ressources dans les territoires créent de la richesse et de la valeur. Il faut promouvoir l’emploi au niveau local. Il est nécessaire d’améliorer la formation des jeunes afin qu’ils aient une meilleure qualification. Cela passe par l’adaptation de l’offre de formation par rapport à la demande d’emploi et aux besoins des secteurs prioritaires du pays. Il faut donc renforcer la corrélation entre la demande et l’offre d’emploi à travers un cadre social apaisé. Il faut faire confiance à l’expertise locale parce qu’il y a des secteurs minimisés et des acteurs marginalisés qui peuvent pourtant jouer un rôle extrêmement important dans le pays. La valorisation de l’expertise et de l’expérience au niveau local permettront de renforcer la création, l’innovation, ainsi que la créativité au profit de l’économie sénégalaise. Les priorités dans la gestion du foncier au Sénégal Le foncier est une bombe à retardement. La plupart des conflits sont liés au foncier alors que la terre est un symbole, à la fois culturel, social, ethnique et religieux. Avec l’inflation la pression foncière augmente. La terre ne grandit pas mais les hommes sont de plus en plus nombreux. Il faut améliorer la sécurisation foncière pour que chaque Sénégalais ou chaque demandeur de terre puisse avoir une parcelle sécurisée. Ainsi, des conflits peuvent être évités, car des titres de propriété matérialisent l’appartenance d’une terre à son propriétaire. Le monde rural a changé et forcément le statut des terres a également changé. Il faut promouvoir un cadastre rural parce que le cadastre a toujours été urbain. La nécessité d’une politique de recherche en fonction des besoins nationaux Il n’y a pas de développement sans la recherche et la formation. Il faut donner davantage de moyens à la recherche. Celle-ci peut booster l’innovation et donc l’emploi, qui va lui-même booster la créativité et impacter le développement social et économique du pays. L’État doit donner plus de moyens aux universités, mais également avoir une politique de recherche qui prend en compte les besoins et les priorités nationales. Il doit également mettre en place des conditions, des moyens et des équipements afin que les chercheurs aient un cadre propice pour trouver des résultats qui vont guider les politiques publiques. Cela éviterait la dépendance aux financements de partenaires étrangers qui impulsent les thématiques de recherche aux chercheurs sénégalais. La demande doit venir des besoins nationaux pour que la recherche ait un impact national pertinent pour le développement du Sénégal. Il faut un investissement sur le plan humain et matériel. Les laboratoires doivent être équipés de matériels adéquats qui permettront aux chercheurs de travailler sans qu’ils n’aient besoin d’aller ailleurs pour trouver un cadre minimum de recherche. De plus, il est essentiel de renforcer le recrutement d’enseignants-chercheurs. Le ratio entre le nombre d’étudiants et d’enseignants est important. Les enseignants du Sénégal souffrent de la surcharge de travail, car il n’y a pas assez de ressources humaines. Le recrutement de personnels d’enseignement de la recherche permet de soulager les enseignants pour qu’ils aient le temps d’effectuer des recherches. Il n’y a pas de développement sans la recherche. Tous les pays qui sont développés n’ont jamais sous-estimé la place de la recherche dans les politiques publiques au niveau national. Les priorités nationales globales pour assurer le bien-être des populations Au Sénégal, la première priorité est l’accès à des soins de qualité pour tous. Le système de santé est malade. Le deuxième axe prioritaire est l’emploi et l’insertion des jeunes. Beaucoup de diplômés au Sénégal peinent à trouver leur premier emploi ou stage. Ce n’est pas par manque de compétence, mais ils ne trouvent pas d’opportunités. La question de l’emploi des jeunes, de l’insertion des personnes qualifiées et des diplômés est un axe prioritaire majeur. Au vu du nombre de jeunes, c’est une bombe sociale à retardement que tout politique doit prendre en compte. Surtout que les jeunes sont bien formés, compétents et demandent à avoir leur chance de démontrer leur savoir-faire. La formation et l’éducation de qualité sont prioritaires. Les ressources humaines sont des piliers essentiels du développement. De ce fait, il faut des hommes et des femmes qualifiés pour changer un pays. Cela passe par le renforcement de l’éducation et la formation du niveau élémentaire jusqu’au niveau supérieur. Cette masse de jeunes Sénégalais qualifiés va impacter durablement et positivement l’économie du pays. La formation englobe une multitude de choses. Sur le plan formel, il y a l’artisanat, la menuiserie et la mécanique. Il faut que le pays soit autonome dans tous les secteurs pour qu’on n’ait pas besoin de faire appel à l’expertise internationale pour régler les problèmes. Pour y parvenir, il faut une formation dans tous les secteurs, car tous les secteurs comptent au niveau national. L’agriculture au Sénégal a un rôle central. Il n’y a pas un pays au monde qui s’est développé sans l’agriculture. Il faut arriver à produire ce que nous mangeons et à manger ce qu’on produit. Cela passe notamment par la promotion des qualités agricoles des régions et par le choix des espèces culturelles consommées par les Sénégalais. Il faudrait que les agriculteurs aient des moyens de production, mais également de commercialisation de leurs productions. L’exploitation durable et rationnelle des ressources naturelles, pétrolières ou gazières du Sénégal est aussi prioritaire. Les ressources minières, gazières, pétrolières sont des sources de développement. Mais, il faut qu’elles entrent dans une politique qui prenne en compte les intérêts du pays et puissent profiter de manière efficace aux Sénégalais. Enfin, il faut s’assurer de conserver un climat de paix, de sécurité pour que chaque Sénégalais se sente en sécurité dans son pays, qu’il ait envie de vivre, de grandir, et de mourir dans son pays. Chaque Sénégalais doit pouvoir réaliser ses rêves et ses projets. »
Dr Labaly Touré est enseignant-chercheur et responsable de la filière géomatique à l’Université du Sine Saloum El Hadj Ibrahima Niasse de Kaolack. Titulaire d’un doctorat en Géographie de l’ Université Gaston Berger de Saint Louis, il est le vice-président du Réseau des professionnels africains de la géomatique. Passionné de la géomatique appliquée et de l’entreprenariat, avec plus de 10 ans d’expérience dans l’enseignement, la recherche et l’expertise, il a fondé l’entreprise Geomatica. En tant que manager de Geomatica, il effectue plusieurs missions de collecte de données géographiques, il fait dans le traitement des images satellitaires et de drones.