Auteur (s) : Gérard Rémy, Jean-Paul Albert, Jean Delmont, Monsieur Jean Henri Ricossé, Pierre Volpoët
Organisation affiliée : Persée
Type de publication : Article académique
Date de publication : 2018
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Certains pays de l’Afrique occidentale étendent partiellement en milieu sahélien. Toutefois considérer que ces pays sont dans leur ensemble sahéliens c’est introduire sur le plan scientifique beaucoup de confusion est aussi dissoudre la personnalité du Sahel lui enlever son identité. Une identité très particulière. Rivage du monde saharien, de son désert et de ses populations pastorales nomades, le Sahel est aussi du monde soudanien de ses savanes de ses agriculteurs noirs sédentaires. Il est un entre-deux-mondes. Par son climat et son paysage, par l’histoire, la culture et l’économie des populations qu’il héberge, il est une transition entre les mondes saharien et soudanien le lieu où l’un et l’autre se rencontrent et se relaient.
Zone de transition par son climat, le Sahel est aussi par les effets de ce dernier sur la physiologie de homme : à la fois dans l’intensité et la durée de l’agression climatique au cours de l’année.
S’agissant des pluies cette transition se développe nous avons vu, à l’intérieur du Sahel et du nord au sud elle fait apparaître des contrastes. Les autres éléments du climat se modifient également selon la latitude mais leurs variations sont moins amples.
De ce complexe climatique, l’élément le plus actif est certainement la température. Les températures diurnes sont élevées en toutes saisons. Les maxima mensuels moyens sont partout proches de 30° ou supérieurs en hiver (décembre-février) sauf exceptions locales. Ils atteignent 40° pendant la saison sèche chaude (mars-mai). Les valeurs extrêmes croissent à mesure que l’influence saharienne accentue et peuvent approcher 50°. L’apport de chaleur à l’organisme humain est important renforcé par l’intense rayonnement solaire.
Le système thermo-régulateur des individus est soumis à une rude épreuve, surtout lors d’activités physiques. Insolations et coups de chaleur sont la sanction d’un déséquilibre thermique, les gains de calories excédant les pertes. L’organisme réagit par des pertes sudorales d’autant plus importantes que l’air est sec. Lorsqu’elle est très abondante, la sudation est génératrice de désordres physiologiques, elle peut provoquer la bourbouille dermatose consécutive, l’obstruction des pores sudoripares, elle favorise l’apparition de mycoses diverses dues à des champignons ou levures surtout elle peut être l’origine de déshydratations particulièrement redoutables chez le jeune enfant.
Le seuil de déshydratation est atteint lorsque la perte eau représente au moins 2,5% du poids de l’individu. Or l’organisme humain peut éliminer plus d’un litre de sueur par heure. Les désordres physiologiques deviennent graves lorsque la perte en eau excède 5% du poids et ils peuvent laisser des séquelles au-delà de 10%. Le pronostic vital est en jeu au-delà de 15%.
Faible en saison des pluies (une dizaine de degrés), l’amplitude thermique journalière est en moyenne d’une quinzaine à une vingtaine de degrés pendant les mois hiver. Le choc pour l’organisme est rude qu’atténuent toutefois le port de vêtements par les adultes mais non par les jeunes enfants, et la nuit, l’entassement des individus sous des tentes ou dans des cases communes. C’est la période des affections respiratoires (angines pneumopathies) qui peuvent en particulier emporter les jeunes enfants lorsqu’ elles s’ajoutent à des désordres nutritionnels ou à d’autres affections parasitaires ou infectieuses ou bien encore elles surviennent comme complication majeure de la rougeole.
La sécheresse atmosphérique intervient aussi, conjointement avec les poussières véhiculées par l’air pour créer un « terrain » propice à certains agents pathogènes et pour effacer certaines barrières naturelles de l’organisme face à l’infection.
Le dessèchement et l’irritation des yeux suscitent ou aggravent des affections oculaires. Dues à des germes variés les conjonctivites sont endémo-épidémiques ; normalement bénignes, elles peuvent cependant conduire par manque hygiène et de soins à des altérations de la cornée.
Le Sahel fait partie de la « ceinture de la méningite ». Les poussées épidémiques de cette maladie surviennent généralement dans le sillage de la saison sèche froide.
Par la façon dont il efforce de lutter contre le climat ou de s’adapter, l’homme est par ailleurs un facteur de fixation au Sahel de maladies à vocation cosmopolite. L’entassement nocturne est propice à toutes les affections qui se transmettent directement d’un homme un autre par la voie rhinopharyngée : ainsi de la rougeole ou de la lèpre dont le Sahel est un des bastions. La rareté de l’eau et ses conséquences sur l’hygiène personnelle, le port de vêtements et l’usage de couvertures peu souvent lavés amplifient toutes les maladies qui se transmettent entre les hommes par la voie cutanéo-muqueuse, dont les maladies à transmission sexuelle et celles relevant une pathologie de la crasse (gale).
L’eau épidémiologiquement dangereuse
L’eau est source de vie mais aussi de maladies. Elle est impliquée directement ou non dans de nombreuses affections qui sévissent en milieu sahélien, lorsqu’elle est issue de nappes profondes l’eau peut avoir des vertus négatives : accumulée depuis de longues périodes elle est fortement chargée de minéraux (ainsi excessivement magnésienne elle provoque une hyper contractilité de la vésicule).
L’eau est surtout un maillon essentiel dans la transmission à l’homme de nombreuses maladies infectieuses et parasitaires.
La fréquence de ces toxi-infections est due à l’insuffisance de l’hygiène fécale et à la consommation d’eau polluée c’est-à-dire avant tout au comportement de l’homme. Leur gravité en particulier chez les enfants (dont elles seraient une des principales causes de décès en hivernage), varie selon l’état nutritionnel et les affections associées.
Le regroupement, en fin de saison sèche, des individus aux abords des points d’eau favorise pour sa part l’épidémisation locale des maladies à transmission humaine directe ou indirecte.
A cette situation épidémiologique caractéristique de la fin de la saison sèche, les diverses populations sahéliennes sont presque également exposées, de même elles souffrent toutes des agressions du climat particulièrement rudes en cette période. Blottis dans leurs villages, les groupes sédentaires sont probablement des victimes privilégiées des maladies à transmission flugienne (méningite cérébro-spinale rougeole).
L’eau est surtout un maillon essentiel dans la transmission à l’homme de nombreuses maladies infectieuses et parasitaires
Vivant au contact de leurs troupeaux, les éleveurs sont vraisemblablement davantage sujets à une contamination par des germes issus du bétail. Mais la proximité des uns et des autres et leurs fréquents contacts tendent à égaliser les risques.
Le Sahel délaissé
L’état sanitaire d’une population dépend de la situation épidémiologique qu’elle affronte mais aussi des actions menées pour la préserver ou la guérir des maladies. A cet égard, le Sahel se présente à nouveau comme un et divers ; un par l’état de délaissement dont il est victime et divers parce que les populations sédentaires et nomades bénéficient inégalement des actions qui peuvent être menées.
Les équipes mobiles de dépistage de vaccination se déplacent malaisément et sont peu efficaces, elles touchent peu de personnes. Pour obtenir un taux de présence élevé aux rassemblements lors d’enquêtes ou de prospections, les médecins doivent faire preuve de beaucoup de psychologie et de patience. A l’occasion d’épidémies ou de calamités famines) les secours parviennent tardivement et sont mal répartis.
Au demeurant pendant longtemps la santé des populations sahéliennes a peu retenu l’attention. Les actions de grande envergure ont concerné de façon privilégiée les endémies dominantes parmi les populations les plus nombreuses.
Un relais d’influences écologiques, les unes soudaniennes les autres sahariennes, et une rencontre de populations dont le genre de vie et l’activité sont différents : tel est environnement sahélien
Le peu qui est fait au Sahel en matière de médecine fixe ou mobile est essentiellement au profit des sédentaires, l’éparpillement des nomades en petits campements autour des points d’eau pendant la saison sèche, leur mobilité et leur dispersion en hivernage, leur répugnance à venir se rassembler dans les villages des populations sédentaires où sont les équipements et où ils sont convoqués par les équipes mobiles posent des problèmes.
Un relais d’influences écologiques, les unes soudaniennes les autres sahariennes, et une rencontre de populations dont le genre de vie et l’activité sont différents : tel est environnement sahélien. Expression de ce dernier, le milieu épidémiologique est comme écartelé. Entre la pluie aléatoire et la saison des pluies affirmée : cette unité, cette place du Sahel au niveau climatique en fait un glacis épidémiologique.
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