Auteurs : Aka Assale Félix et Mamoutou Toure
Type de publication : Article
Date de publication : Aout 2020
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Introduction
Depuis la fin des années 1950, le développement urbain est l’un des changements les plus marquants de l’histoire des pays d’Afrique subsaharienne et il est en grande partie imputable à la colonisation. Dès leur accession à l’indépendance, les États africains ont poursuivi la construction urbaine dans la continuité des stratégies coloniales ou à travers des programmes de développement. Les capitales africaines furent les reflets d’un essor économique et d’une planification spatiale réussis. Toute comme dans le reste de l’Afrique, l’aménagement des villes en Côte d’Ivoire, s’est fait à l’image de la politique coloniale qui a érigé successivement en capitale Grand-Bassam, Bingerville puis Abidjan. Situé à 5° N et à 4° O, dans le centre du bassin sédimentaire ivoirien le long de l’océan Atlantique, l’aménagement de la ville d’Abidjan est rendu possible grâce au miracle économique ivoirien entre 1960 et 1970.
Ainsi, l’essor économique de la Côte d’Ivoire a permis un aménagement moderne de la métropole semblable à celles des villes des pays nantis avec des espaces urbains projetés dans le futur. Cette planification sa configuration très particulière réussie de la ville d’Abidjan explique son appellation de « Perle des lagunes ». Le développement de la ville va entamer une croissance démographique très significative.
Abidjan polarise la majeure partie des activités économiques de la Côte d’Ivoire
Capitale économique de la Côte d’Ivoire, vitrine des pays d’Afrique subsaharienne, Abidjan polarise la majeure partie des activités économiques de la Côte d’Ivoire (la moitié des activités et les trois quarts des rémunérations). Ainsi, cette forte concentration des activités en son sein va favoriser une forte migration androgène et exogène, entraînant ainsi une croissance quasi vertigineuse de sa population. Alors, partie de petits villages d’une centaine d’habitants en 1900, Abidjan est devenue l’une des plus grosses agglomérations d’Afrique noire avec une population qui est passée de 1 929 080 habitants en 1988 à 3 796 677 habitants, soit un triplement en dix ans de l’effectif de la population. Cette population qui était estimée à près de 6 351 086 habitants en 2011, soit 20 % de la population totale de la Côte d’Ivoire, elle est actuellement à plus de 6 707 000 habitants.
Avec une économie de base fragile dominée par l’agriculture et les industries extractives, la Côte d’Ivoire, à l’image de la plupart des pays africains, va connaître de séries de crise économique depuis les années 1980. Ces crises vont mettre en difficulté la poursuite du projet d’urbanisation d’Abidjan. Les conséquences de ces crises sont nombreuses et perceptibles. Il s’agit entre autres l’extrême paupérisation des populations avec moins d’un dollar par jour, la raréfaction de l’emploi, l’élévation du taux de chômage, la délinquance, le vol. Comme alternative de la paupérisation croissante des populations urbaines, l’initiative privée et l’entrepreneuriat sont encouragés par les décideurs politiques. À travers cette politique d’incitation, plusieurs activités commerciales et métiers informels se sont développés sur des espaces publics. Une crise spatiale publique est alors installée dans le paysage urbain.
Politique d’édification des marchés abidjanais dans la ville naissante
Depuis l’émergence de la ville d’Abidjan, au début du xxe siècle, alors qu’elle n’était qu’un gros village constitué d’un noyau administratif et commercial géré par la colonie française, la dynamique spatiale urbaine suivait le plan d’urbanisme directeur. Actuellement, ville macrocéphale, Abidjan s’illustre par son centre-ville construit à l’image des villes américaines. Cette ville s’est transformée radicalement en rénovant son paysage et en étoffant ses infrastructures équipements et surtout les édifices commerciaux. Cette politique de développement des infrastructures a valu sa position de plateforme commerciale de la Côte d’Ivoire avec d’innombrables infrastructures commerciales à l’image des pays développés. Ainsi, Abidjan est-elle devenue le centre névralgique du commerce et de négoce de l’Afrique occidentale, le siège des banques, des grosses entreprises nationales et multinationales.
Pour faire d’Abidjan une plateforme commerciale, vitrine économique de la Côte d’Ivoire, un grand intérêt a été accordé à la réalisation infrastructurelle suscitée par une synergie d’action des décideurs politiques dans la fourniture infrastructurelle commerciale organisés autour des différents plans d’urbanisme directeurs et de détail. Il s’agit notamment le plan Badani (1948 à 1956), le plan de la Société d’Étude technique d’Aménagements planifiés (SETAP, en 1960), le plan d’Étude Socio-Economique de la zone urbaine d’Abidjan (SEMA, de 1962 à 1967) et l’actuel plan d’Actualisation du schéma directeur d’Abidjan (ASDA, en 1994). Cette politique d’aménagement a permis l’identification de multiples besoins infrastructurels des communes afin de déterminer au mieux de solutions des plus appropriées pour leur développement. Elle a permis la formalisation, la configuration, la redynamisation et la transformation de l’espace d’Abidjan.
Développement des infrastructures commerciales à Abidjan
L’essor véritable des infrastructures commerciales d’Abidjan a été concrétisé à partir de 1970, date à laquelle la Côte d’Ivoire a connu ce que le monde entier a appelé le « miracle ivoirien ». Le développement du pays s’est accéléré, en particulier dans la ville d’Abidjan. L’espace abidjanais s’est accru rapidement pour représenter 70 % de l’espace urbain total, avec la création de nouveaux quartiers. La loi de 1980 relative à l’organisation municipale qui a donné le droit à chaque municipalité, la responsabilité de la mise en œuvre de sa politique de développement économique, social et culturel a boosté le développement des équipements commerciaux amorcé en 1970.
C’est alors que les communes comme Plateau, Cocody, Treichville, Abobo, Marcory et Adjamé se sont-elles engagées dans le système de contrat BOT (Build Operate Transfert), une forme de financement importée des États-Unis pour le développement de leurs respectives communes. Ainsi, le principe de base du système de contrat BOT consiste sous l’initiative d’un État ou d’une collectivité à confier la conception, le financement et construction d’une infrastructure à un opérateur en vue de son exploitation pendant une durée déterminée pour l’amortissement du capital investi. Cette politique contractuelle a permis au district d’Abidjan de réaliser sa politique infrastructurelle.
Comme résultats de ces initiatives contractuelles entre les municipalités et les acteurs privés, quelques infrastructures commerciales issues du système BOT sont le forum des marchés d’Adjamé en 2002, le marché de la rue 12 de Treichville en 2003, le marché Dabanini d’Adjamé en 2010, le complexe Gouro en 2012, de l’hypermarché de Yopougon en 2018, le marché N’gouan Aka de Cocody en 2018.
Ainsi, dans chaque quartier des communes du district sont parsemés de marchés satellites et de boutiques qui ravitaillent les ménages éloignés des marchés centraux. Ces marchés regroupent toutes les activités banales jusqu’aux plus rares avec différentes variétés de produits. Ce qui frappe, c’est l’ampleur et l’animation du marché, car il s’étend de façon tentaculaire dans toutes les rues adjacentes. Le grand marché est fréquenté pour sa large palette de produits et services, ainsi que pour ses prix moins élevés et la possibilité d’acheter en gros. Le centre du marché est occupé par un vaste bâtiment à étage et le pourtour par des étals couverts. En dépit d’une existence politique de développement des infrastructures commerciales, on note une pression démographique et foncière sur celles-ci.
Infrastructures commerciales à l’épreuve de la pression démographique et foncière
La planification des tissus urbains selon les normes d’urbanisme est sous le contrôle de l’État qui est en monopole foncier, créateur spatial et principal aménageur de l’espace urbain. Avec cette position, l’État ivoirien conçoit, oriente et contrôle l’ensemble de la politique urbaine. De ce fait, l’exécution des projets immobiliers, même si elle est réalisée par des entreprises parapubliques ou privées, sous appel d’offres, son contrôle est assuré par l’Etat à travers le ministère de l’Urbanisation et de Construction de l’Habitat. Ce contrôle permet ainsi l’État de tenir compte des besoins fonciers pour l’édification infrastructurelle publique. Ce contrôle de l’État centralisateur et interventionniste, avec le suivi rigoureux et le respect scrupuleux des cahiers de charge des dossiers d’appel d’offres public, dans la période de 1960 à 1970, a permis aux décideurs urbains de réussir un pari : celui de l’élaboration d’un projet d’urbain abidjanais ambitieux aux normes élevées similaires aux villes européennes, avec un aménagement foncier viable des centres-ville des communes de Plateaux, Treichville et de Cocody, planifié à l’équerre et au compas pour l’accueil équipementier commercial urbain. Ces centres urbains, des souches urbaines devenues d’anciens noyaux centraux des différentes communes, portent la marque de cette planification réussie.
Cependant, depuis les années 1980, l’étude de la dynamique spatiale d’Abidjan met en évidence l’extension spatiale rapide liée à la célérité dans la production d’habitat conséquence de la rapide création des quartiers périphériques sur l’impulsion d’une très forte demande de logements formulée par une population sans cesse croissante. Si l’on se base sur les dernières estimations du taux d’urbanisation de 57 % en 2014, l’appréhension de la dynamique spatiale abidjanaise demande l’étude de certaines variables comme la croissance rapide de l’effectif démographique, la production de masse immobilière, la naissance de quartiers périphériques, la raréfaction et la spéculation foncière.
Dès lors, un accent particulier est mis sur la construction de l’habitat. Ainsi, des efforts ont-ils été faits par l’État en construisant 6000 logements chaque année depuis 2010 à Abidjan avec l’aide de partenaires parapublics et privés selon le ministère de l’Urbanisation et de la Construction de l’Habitat. Cette politique de promotion immobilière n’est pas sans conséquence sur l’assiette foncière d’Abidjan. Elle a modifié la carte foncière, engendrant ainsi une extension rapide de son espace et la prolifération des quartiers périphériques.
Au moment où sa population double, l’assiette foncière décuple
Ainsi, au moment où sa population double, l’assiette foncière décuple. La politique immobilière a certes permis à plusieurs ménages d’avoir un logis, cependant l’accent n’a pas été porté sur les réserves foncières utiles aux futures édifications infrastructurelles commerciales au point que la plupart de ces nouveaux quartiers sont déficitaires en édifices commerciaux. Actuellement, les servitudes publiques sont devenues des lieux du commerce informel sous le regard impuissant de l’État dans sa mission régalienne de contrôleur du fait de son laxisme exacerbé lors de la constructions des lotissements fonciers urbains dans un contexte de crise politico-économique, vers la fin de 1993.
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