Auteur (s) : Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (CEA)
Type de publication : Rapport d’étude
Date de publication : 2013
Lien vers le document original
L’économie verte, un concept à controverse dans ses définitions, est considérée comme un outil de promotion du développement durable et reste au cœur des débats nationaux et internationaux en matière de lutte contre les changements climatiques et pour la création massive d’emplois respectueux de l’environnement.
Le modèle de développement dominant auquel le monde est confronté présente de multiples crises simultanées, d’épuisement des ressources naturelles et de dysfonctionnements de marché qui ont marqué les premières décennies du nouveau millénaire.
Parallèlement, les investissements ont du mal à être orientés vers des secteurs créateurs d’emplois respectueux de l’environnement. Le modèle économique actuel n’a pas permis de créer suffisamment d’emplois décents et a engendré l’inefficacité du système financier dont les coûts restent très élevés auprès des entreprises et des travailleurs dans l’économie réelle.
Cependant, ces investissements ont été relativement faibles dans les secteurs des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les transports publics, l’agriculture durable, la protection des écosystèmes et de la biodiversité, la préservation des sols et de l’eau, qui constituent autant de niches pour l’économie verte. Par contre, la plupart des stratégies de développement et de croissance économique ont favorisé l’accumulation rapide du capital physique, financier et humain au prix d’un épuisement et d’une dégradation excessifs des ressources naturelles, en particulier de l’agriculture de subsistance dont dépendent près de 1,3 milliard de personnes.
Les conséquences de la crise planétaire du développement affectent sévèrement les économies mondiales. Les plus affectées sont les économies fragiles des pays en voie de développement notamment ceux de l’Afrique et en particulier dans sa région subsaharienne.
Cependant, l’Afrique a connu une croissance économique rapide au cours de la dernière décennie, avec des taux de croissance annuels des pays en moyenne de 5 à 6 %, et qui dépasse régulièrement celle des autres régions.
Le modèle de développement dominant auquel le monde est confronté présente de multiples crises simultanées, d’épuisement des ressources naturelles et de dysfonctionnements de marché qui ont marqué les premières décennies du nouveau millénaire
Malgré ces taux de croissance remarquables, les inégalités du progrès sont grandissantes d’une région à une autre, d’un pays à un autre, et au sein d’un même pays entre milieu rural et urbain. La pauvreté, le chômage et la sécurité alimentaire sont des problèmes persistants.
L’urgence pour l’Afrique est de garantir à sa population en âge de travailler estimée à environ un demi-milliard de personnes en 2020 selon la BAD une forte croissance socialement inclusive qui crée des opportunités économiques pour tous dans des secteurs à forte intensité de main d’œuvre.
L’économie verte propose de rompre avec le modèle peu efficace de développement actuel, pour aller vers des modèles de développement plus durables, caractérisés par un faible taux d’émission de carbone, et une utilisation rationnelle et inclusive des ressources naturelles.
Le PNUE définit l’économie verte comme « une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources ».
ANALYSE DU POTENTIEL ET DES DÉFIS DE L’ÉCONOMIE VERTE EN AFRIQUE DE L’OUEST
Le contexte ouest-africain montre que les secteurs basés sur les ressources naturelles telles que l’agriculture, la foresterie, le secteur minier, les ressources halieutiques, les énergies renouvelables, la maîtrise de l’eau et les autres secteurs du transport et des déchets constituent les plus importantes niches de création d’emplois et de croissance verte. Les secteurs de l’agriculture, de la foresterie, des mines et des ressources halieutiques génèrent 80 % des emplois en Afrique. Les secteurs de l’industrie et de la manufacture, bien que pourvoyeurs potentiels de l’économie verte, sont encore embryonnaires et peu diversifiés pour produire une grande variété de produits intermédiaires et finis. Au sein de la CEDEAO, l’industrie manufacturière est dominée par l’agro-industrie et ne représente que 7,36 % du PIB en 2006.
L’importance de l’économie verte basée sur des secteurs spécifiques
La majorité des économies africaines dépendent principalement de leur patrimoine en ressources naturelles, qui, à leur tour, sont fortement vulnérables aux aléas climatiques.
Le secteur de l’agriculture
L’agriculture est le plus grand employeur en Afrique de l’Ouest avec plus de 70 % de la population active. Le secteur contribue pour 33 % de PIB en 2009 et emploie un grand nombre d’ouvriers agricoles, faiblement rémunérés, et d’agriculteurs vivriers (essentiellement des femmes). Les recettes tirées des terres cultivables occupent une grande part de l’ensemble des richesses de la sous-région. Les produits de l’agriculture sont essentiellement destinés à l’autoconsommation et à la commercialisation dans les marchés domestiques. Cependant, le secteur est marginalement connecté au marché international. Seulement un certain nombre de produits tels que le café, le coton, le cacao, l’arachide sont massivement exportés et souvent à l’état brut.
Au sein de la CEDEAO, environ 80 % des besoins alimentaires des populations sont satisfaits par des productions agricoles régionales.
Le sous-secteur de l’élevage joue un rôle important dans l’économie de la sous-région ouest-africaine avec une contribution à hauteur 44 % du PIB agricole. En 2009, le cheptel de la CEDEAO était estimé à plus de 60 millions de bovins, 160 millions de petits ruminants et 400 millions de volailles. Le secteur produit annuellement 20,35 millions de tonnes de viande et 2,05 millions de tonnes de lait. Ainsi, la production animale contribue directement à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest
Le secteur de la foresterie occupe une place primordiale dans les économies locales de la sous-région avec une contribution capitale dans les moyens de subsistance, la fourniture des ressources sauvages et les services environnementaux. Le patrimoine forestier africain représente 23 % de la superficie terrestre totale du continent et près de 17 % des forêts mondiales. Le secteur contribue à hauteur de 6 % du PIB africain. En 2005, selon la FAO, les activités forestières ont généré des emplois estimés à 571 000 personnes en Afrique.
L’urgence pour l’Afrique est de garantir à sa population en âge de travailler estimée à environ un demi-milliard de personnes en 2020 selon la BAD une forte croissance socialement inclusive qui crée des opportunités économiques pour tous dans des secteurs à forte intensité de main d’œuvre
Le secteur de la pêche est capital dans la création de la valeur ajoutée et demeure parmi les secteurs à haute intensité de main-d’œuvre en Afrique, particulièrement dans les régions côtières de l’Afrique de l’Ouest. La pêche concerne 10 millions d’Africains dont le revenu est essentiellement tiré du secteur. En 2006, l’industrie de la pêche employait environ 7 millions de personnes et contribuait à 15-17 % du PIB ouest-africain. Il représente une source principale de nourriture quotidienne, notamment en apport de protéine animale, à des milliers de ménages africains.
Le secteur de l’énergie
Le sous-secteur énergie fossile (pétrole, gaz, électricité) demeure encore très important avec une contribution de plus de 20 % à la formation du PIB régional, en raison de la production pétrolière du Nigeria qui représente à elle seule 19,9 % du PIB de l’Afrique de l’Ouest. La contribution au PIB des énergies nouvelles et renouvelables est quasiment inexistante.
Néanmoins le secteur des énergies renouvelables présente un grand potentiel sous-exploité capable de relancer le développement économique de l’Afrique de l’Ouest. L’accès aux énergies renouvelables et à la prise en compte de l’efficacité énergétique peut en effet renforcer la rentabilité des activités productives de tous les secteurs économiques.
Le secteur de l’industrie
En 2009, le secteur de l’industrie ouest-africain (industrie manufacturière, mines, énergie et BTP) qui n’emploie que 2 à 10 % de la population active selon les pays, a contribué 36 % à la réalisation du PIB. En 2006, les productions industrielles des pays de l’Afrique de l’Ouest placent le Nigeria en tête avec 40,7 % du PIB et à l’autre extrémité la Gambie et la Sierra Leone avec respectivement 8,9 % et 8,6 % du PIB. Cette faible contribution à la formation du PIB reflète la faible valeur ajoutée confirmée par la contribution de seulement 7,4 % de l’industrie manufacturière au PIB de la région. Cela démontre que les ressources naturelles de la région, notamment les productions agricoles, sont peu valorisées.
ANALYSE DU POTENTIEL DE DEVELOPPEMENT DE L’ECONOMIE VERTE
Le secteur de l’agriculture
En Afrique de l’Ouest, le potentiel de terres agricoles reste encore très important. Selon la FAO, la région dispose d’environ 236 millions d’hectares de terres cultivables, soit environ 0,9 ha par habitant en 2005 et 1,5 ha par habitant en zone rurale. Environ 55 millions d’hectares sont mis en valeur chaque année, mais cela ne représente que 24 % du potentiel. Le secteur regorge également de potentialités pour le développement de l’élevage avec quelque 119 millions d’ha de pâturage. La répartition spatiale de cette disponibilité laisse entrevoir d’importantes potentialités dans les franges forestières, notamment dans trois pays : le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana qui, bien que diversement dotés, n’abritent pas moins de 37 % des terres encore inexploitées de la région. Ce sont aussi les trois pays les plus peuplés, avec plus de 64 % de la population totale.
Le secteur de l’agriculture présente d’importantes niches de création de croissance verte :
- Le développement d’activités de transformation agro-alimentaire sur des produits à forte valeur ajoutée. L’accompagnement dans la création d’entreprises agricoles et d’entreprenariat des jeunes et des femmes dans le secteur de l’agriculture, notamment en milieu rural permettrait de mieux fixer la main-d’œuvre locale.
- La promotion de techniques agricoles propres par le développement des pratiques durables utilisant moins de pesticides dans les entreprises agricoles, les exploitations familiales productives et l’adaptation réussie aux changements climatiques. Les pratiques agricoles actuelles consomment plus de 70 % des ressources en eau douce de la planète et sont responsables de plus de 13 % des émissions de gaz à effet de serre. On peut également leur imputer de 3 à 5 millions de cas d’empoisonnement aux pesticides et plus de 40 000 décès par an.
- Dans le sous-secteur de la foresterie, il s’agira de garantir une sécurisation du droit foncier en accompagnant cela par des politiques d’intensification agricole dans les terres déjà défrichées et dans des systèmes agro-forestiers ou de sylvo-pâturage.
- La valorisation des produits forestiers non ligneux et leur distribution dans les marchés locaux et internationaux. L’aménagement participatif des forêts et la diffusion des méthodes de cuisson modernes qui consument moins de bois-énergie en vue de remédier à la surexploitation des forêts.
- La régénération des écosystèmes forestiers en privilégiant les options sobres en carbone pour s’inscrire dans la dynamique volontariste des NAMAS. La conservation et le reboisement pourraient amplifier l’emploi formel de 20 % dans le secteur de la foresterie d’ici 2020.
Le secteur de l’industrie
Le potentiel de marché de l’Afrique de l’Ouest est estimé à plus de 400 millions de consommateurs en 2020, dans un espace économique et social caractérisé par une grande diversité culturelle et économique. Les potentialités du secteur industriel des pays membres de la CEDEAO sont caractérisées par le sous-secteur de la manufacture dominé par l’industrie agro-alimentaire. Les géants de la création de valeur ajoutée manufacturière sont le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal. En 2006, ils ont contribué au PIB manufacturier pour 39,7 %, 23,4 %, 10,0 % et 9,3 % respectivement. L’Afrique de l’Ouest regorge aussi des richesses minières gigantesques sous-exploitées et faiblement transformées localement. La sous-région abrite de grandes réserves mondiales de bauxite (Guinée, Ghana, Guinée Bissau), des gisements d’or de haute teneur (Burkina Faso, Ghana, Guinée, Liberia, Sierra Leone, Mali, etc.), d’uranium (Niger), les gisements de fer les plus riches (teneur de 65 % en Guinée, au Liberia, etc.), de diamant (Guinée, Liberia, Sierra Leone, etc.), de pétrole et gaz naturel (Côte d’Ivoire, Ghana, Niger, Nigeria, etc.), de phosphate (Sénégal, Togo, etc.) ainsi que des ressources considérables pour de nombreux autres minerais (charbon, calcaire, manganèse, marbre, platine).
Les niches de croissance verte du secteur de l’industrie :
- L’efficacité énergétique dans l’industrie, l’adoption de technologies et de procédés industriels sobres en carbone sont autant de niches de création de richesses. Ces actions peuvent être menées dans des industries manufacturières qui sont à l’origine de 17 % des problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique qui, à son tour, génère des préjudices équivalents à 1-5 % du PIB mondial. L’industrie des minerais est aussi à l’origine des conflits, de dégradation environnementale et de pollution de l’air.
- D’importantes niches de croissance verte liées aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique et au recyclage des déchets se trouvent également dans les industries agro-alimentaires, l’industrie de la pêche, de la forêt, du bâtiment, du transport, des déchets, etc.
- L’implication des entreprises notamment les nombreuses PME et PMI de l’Afrique de l’Ouest dans les processus internationaux de normalisation peut affecter positivement leur compétitivité.
Le secteur de l’énergie
La consommation totale d’énergie primaire dans les pays de la CEDEAO est d’environ 155 Mtep par an. Les principales sources d’énergie sont le bois et le charbon de bois, qui représentent 77 % de la consommation finale d’énergie en 2008. Les hydrocarbures placés au second rang des consommations finales sont principalement importés dans la plupart des pays et représentent plus de 40 % des recettes d’exportation des pays. Les réserves de gaz naturel dans les pays de l’UEMOA (Côte d’Ivoire, Ghana, Niger) sont estimées à 23 300 millions de m3, soit 0,23 % des réserves africaines correspondant à une capacité électrique de 0,84 Gw. D’importantes réserves de pétrole se trouvent également dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, le Niger et le Nigeria.
Le potentiel hydroélectrique est assez important dans la zone mais très faiblement exploité. La République de la Guinée dispose d’un potentiel de 6 000 MW dont seulement 2 % sont mis en valeur. Au sein de l’UEMOA, malgré le potentiel important d’environ 5 860 MW (Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), le développement de l’hydroélectricité s’est concentré principalement sur les grandes centrales dont la production d’électricité est destinée aux agglomérations urbaines et aux industries. Les microcentrales et les petites centrales hydroélectriques, qui peuvent être exploitées pour couvrir les besoins en électricité des municipalités et petits villages, ont été entièrement ignorées dans tous les pays.
En ce qui concerne l’énergie solaire, la sous-région affiche d’énormes potentialités de développement de la filière avec des niveaux d’irradiation de l’ordre de 5 à 7 kWh/m2/j. Des résultats encourageants réalisés avec les systèmes photovoltaïques (PV) ont été enregistrés dans les pays comme le Ghana, le Sénégal, le Mali et le Niger. Malgré les contraintes d’accès, la technologie photovoltaïque est adaptée aux besoins énergétiques des ménages ruraux éloignés des réseaux électriques. Dans plusieurs pays, les programmes d’électrification rurale par voie solaire PV sont initiés. Les bioénergies, y compris les biocarburants et l’éolienne, constituent aussi d’autres sources d’énergies renouvelables porteuses d’emplois verts et des potentialités de génération de richesse.
Les niches de croissance verte :
- La filière des énergies renouvelables capitalise des niches importantes de création d’emplois verts et d’atténuation des changements climatiques. Elles peuvent procurer une importante main-d’œuvre qualifiée dans les domaines de la fabrication de matériels et d’équipements, la distribution des équipements, l’installation, la maintenance et de l’exploitation.
- Des options d’adaptation se révèlent à travers la promotion de combustibles de substitution (GPL, biogaz, bio-charbon, etc.) au bois et charbon de bois, mais également dans l’exploitation et la gestion durable des forêts à travers les aménagements forestiers communautaires.
Les Wathinotes sont soit des résumés de publications sélectionnées par WATHI, conformes aux résumés originaux, soit des versions modifiées des résumés originaux, soit des extraits choisis par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au thème du Débat. Lorsque les publications et leurs résumés ne sont disponibles qu’en français ou en anglais, WATHI se charge de la traduction des extraits choisis dans l’autre langue. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
The Wathinotes are either original abstracts of publications selected by WATHI, modified original summaries or publication quotes selected for their relevance for the theme of the Debate. When publications and abstracts are only available either in French or in English, the translation is done by WATHI. All the Wathinotes link to the original and integral publications that are not hosted on the WATHI website. WATHI participates to the promotion of these documents that have been written by university professors and experts.