Auteur (s) : Oli Brown et Alec Crawford
Organisation affiliée : Institut international du développement durable (IISD)
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2008
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Traditionnellement considérés comme une question environnementale et énergétique, les changements climatiques sont maintenant aussi perçus comme une menace à la paix et à la sécurité internationales. Les changements climatiques exacerbent les tensions existantes et déclenchent de nouveaux conflits en redessinant les cartes de la disponibilité en eau, de la sécurité alimentaire, de la prévalence des maladies, des limites côtières et de la répartition de la population.
Sept grandes conclusions à retenir à propos du Ghana et du Burkina Faso
- Le Ghana et le Burkina Faso font déjà face à des défis considérables sur le plan du développement à cause des stress économiques, démographiques et environnementaux existants.
- Le changement de climat n’est pas un phénomène nouveau en Afrique de l’Ouest. Cette région, en général, et la région du Sahel, en particulier, sont caractérisées par la présence de climats des plus changeants de la planète.
- Les changements climatiques à venir rendront probablement les défis de développement actuels plus complexes et plus urgents.
- Il existe des liens entre les changements climatiques et la sécurité dans la région. Il existe des observations empiriques à l’effet que les changements climatiques ont déjà été associés aux conflits en Afrique de l’Ouest.
- Les changements climatiques pourraient exacerber des tensions latentes au Ghana et au Burkina Faso.
- Ce n’est que dans les scénarios pessimistes que les changements climatiques commencent à présenter un facteur déterminant de l’instabilité économique et politique seulement
- L’adaptation doit mettre l’accent sur l’ensemble des problèmes de développement touchant les pays.
Les changements climatiques en tant que « nouvelle » menace à la sécurité
Les changements climatiques jouent peut-être déjà un rôle dans les conflits existants. Dans son rapport publié en juin 2007, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) avançait que le conflit du Darfour était en partie alimenté par les changements climatiques et la dégradation environnementale.
Les changements climatiques exacerbent les tensions existantes et déclenchent de nouveaux conflits en redessinant les cartes de la disponibilité en eau, de la sécurité alimentaire, de la prévalence des maladies, des limites côtières et de la répartition de la population
Au cours des 40 dernières années, les précipitations de la région ont diminué de 30 p. 100 et le Sahara a progressé de plus de deux km par an.
Les analystes ont souligné cinq principales dimensions de liens entre les changements climatiques et les conflits, à savoir :
- La situation météorologique volatile, assortie à des changements de précipitations et de températures, peut redessiner le paysage productif de régions entières et exacerber la rareté des aliments, de l’eau et de l’énergie.
- Des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus intenses accompagnées d’un fardeau plus important de maladies telles que la malaria pourraient compromettre la capacité des pays en voie de développement à faire face aux problèmes.
- Les catastrophes naturelles et les changements de paysages pourraient contribuer à déstabiliser et à dérégler le mouvement des populations (que l’on pourrait appeler « réfugiés climatiques »).
- Le retrait de la mer et des glaces des terres émergées pourraient permettre l’accès à des ressources qui auparavant étaient inaccessibles, telles que le pétrole et le gaz de l’Arctique, et à des routes du large, telles que le Passage du Nord-Ouest, déclenchant des conflits quant à leur propriété et à leur contrôle.
- La salinisation, l’augmentation du niveau de la mer et les méga sécheresses rendent des régions entières inhabitables.
Une deuxième raison pour laquelle la « sécurisation » du débat sur les changements climatiques est plus politique vient d’un geste clair de certains militants de donner aux négociations sur le climat un plus grand sens d’urgence, d’amener les changements climatiques à un niveau politique élevé et de créer un espace politique permettant des concessions importantes sur les émissions de gaz à effet de serre.
Comme Jon Barnett l’a souligné en 2001, «la sécurité donne une certaine rigueur que l’on peut défendre comme étant nécessaire aux politiques portant sur les changements climatiques. Le fait que les changements climatiques constituent un problème de sécurité pour certains groupes, le fait de l’identifier comme tel laisse entendre qu’il s’agit d’une question justifiant une réponse politique égale en efforts sinon en nature avec ceux de la guerre».
Selon cette approche, on dépeint souvent l’Afrique comme étant « le canari dans la mine » de la sécurité climatique, le premier continent à sentir pleinement les effets des changements climatiques sur la stabilité politique et économique.
La décision des pays subsahariens de signer ou non une entente post-Kyoto aura peu d’impact sur les émissions mondiales.
Première étude de cas : Le Ghana
Le Ghana a longtemps été considéré comme un leader régional en Afrique de l’Ouest. À cause de son histoire relativement paisible et de sa stabilité économique, il a été classé dans la catégorie « Développement humain moyen », selon le plus récent IDH, soit un classement plus élevé que celui de tous les autres pays de l’Afrique de l’Ouest.
Les changements climatiques peuvent tout de même représenter un défi important malgré la position relativement forte du Ghana dans la région. Sa géographie suggère qu’elle devra faire face à l’augmentation du niveau de la mer le long de sa côte sud tout en combattant la désertification vers le nord. La réduction et la variabilité des précipitations constitueront un problème pour l’agriculture et la production d’hydroélectricité, deux secteurs cruciaux de l’économie.
La sécurité donne une certaine rigueur que l’on peut défendre comme étant nécessaire aux politiques portant sur les changements climatiques. Le fait que les changements climatiques constituent un problème de sécurité pour certains groupes, le fait de l’identifier comme tel laisse entendre qu’il s’agit d’une question justifiant une réponse politique égale en efforts sinon en nature avec ceux de la guerre
Vulnérabilités aux changements climatiques
En 2000, le Ghana a publié son premier (et seul) communiqué national sur les changements climatiques. Il y a identifié trois secteurs principaux qui pourraient être touchés par les changements climatiques :
- L’eau
Des simulations utilisant les projections de scénarios de changements climatiques ont suggéré une réduction de l’écoulement se situant entre 15 à 20 p.100 et 30 à 40 p.100 pour les années 2020 et 2050 respectivement, et ce, dans tous les bassins hydriques.
- Les productions agricoles
Les projections de l’EPA ont révélé que la température moyenne maximale pour la zone de savane soudanaise devrait augmenter de 3 °C d’ici l’an 2100, et de 2,5 °C dans toutes les zones agro-climatiques. Selon ces projections, les rendements en maïs devraient diminuer d’environ 6,9 p.100 d’ici 2020, mais les rendements en millet, culture plus tolérante à la sécheresse, ne devraient pas être affectés.
- Les zones côtières
Puisqu’un quart de la population du Ghana vit sur la zone côtière, on estime qu’une augmentation du niveau de la mer d’un mètre d’ici 2100 pourrait inonder 1120km2de terres et poser un risque pour 132000personnes.
Deuxième étude de cas : Le Burkina Faso
Le Burkina Faso est un des pays les plus pauvres au monde et se classe 176e sur 177 pays, selon l’Indicateur du Développement Humain de 2007-2008. Ce pays enclavé de l’Afrique de l’Ouest se retrouve également au confluent de différentes répercussions liées au changement climatique : la sécheresse et la désertification menacent les collectivités nordiques de la zone de transition sahélienne ; les inondations soudaines ont pris des vies et mis à l’épreuve les infrastructures du Bassin de la Volta ; et des précipitations de plus en plus variables ont précipité cette économie agraire dans des périodes d’incertitudes et de pertes financières.
Jusqu’à maintenant, le Burkina Faso a évité les pires conflits ethniques et liés aux ressources qu’ont connus ses voisins, mais son mode de gestion du changement climatique pourrait contribuer à dicter sa stabilité économique et politique à venir.
Vulnérabilité au changement climatique
Au Burkina Faso, bon nombre ont perçu l’année 2007 comme un exemple des changements à venir :augmentation de la variabilité des précipitations malgré des précipitations totales conformes aux moyennes annuelles antérieures ; inondations catastrophiques (33 décès et 28 000 sans-abris) ; menaces aux infrastructures entraînant des répercussions à l’échelle internationale (destructions de 61 barrages et ponts-jetés, déversement de l’eau provenant du Barrage de Bagré vers le Ghana, à la suite de l’inondation du mois d’août). Il a aussi la récolte médiocre ; et le déclin correspondant de la production.
L’équipe du Programme d’action national d’adaptation (PANA) du Burkina Faso, grâce à un processus de participation auprès des collectivités locales, a identifié quatre secteurs jugés actuellement comme étant particulièrement vulnérables aux changements climatiques : l’eau ; l’agriculture ; l’élevage ; et la foresterie-les pêcheries.
- Eau – sécheresse prématurée des puits et des puisards ; faible remplissage des sources d’eau ; approvisionnement en eau insuffisant ; et aggravation du cycle hydrologique.
- Agriculture – perturbation du calendrier agricole ; rendements agricoles plus faibles ; risque de disparition d’espèces moins résilientes ; déficit en eau pour les fermes ; et insécurité alimentaire.
- Élevage – déficit des ressources en fourrage ; perte de bétail ; déficit en eau pour le bétail ; et productivité plus faible.
- Foresterie-pêcherie– réserve plus faible en eau dans le sol après le décès des espèces d’arbres et de végétaux ; et perte et migration des espèces sauvages
Le GIEC estime que la fonte de la couche glacière du Groenland ferait augmenter de sept mètres le niveau mondial des mers (GIEC, 2001). Le rapport Stern indique qu’une augmentation importante du niveau de la mer découlant de la fonte ou de l’effondrement des couches de glace pourrait éventuellement menacer quatre millions de km de terre qui accueillent actuellement 5 p.100 de la population mondiale (près de 310 millions de gens).
Jusqu’à maintenant, le Burkina Faso a évité les pires conflits ethniques et liés aux ressources qu’ont connus ses voisins, mais son mode de gestion du changement climatique pourrait contribuer à dicter sa stabilité économique et politique à venir
Les conséquences des changements climatiques sur la sécurité sont devenues l’objet d’une attention internationale sans précédent ; en 2007, elles ont été le centre d’un débat du Conseil de sécurité et du prix Nobel de la paix. Nous avons tenté d’élaborer des scénarios sur les conséquences des changements climatiques sur la sécurité à l’échelle mondiale. Mais les répercussions des changements climatiques sur la sécurité nationale se sont perdues dans la rhétorique politique. Les experts locaux des pays visés sont rarement consultés.
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