Organisation : Adoptée en janvier 2005, l’ECOWAP est la politique agricole de la CEDEAO. Cette politique régionale constitue une référence majeure dans la mise en œuvre du volet agricole du NEPAD en Afrique de l’Ouest, ECOWAP/PDDAA.
La création de l’ARAA (Agence Régionale pour I’ Agriculture et I’Alimentation) en 2011 puis son lancement officiel en Septembre 2013 s’inscrit dans le cadre de l’opérationnalisation de cette politique agricole régionale. En effet, outre le renforcement des capacités des organes de la Commission de la CEDEAO, notamment du Département de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources en Eau, le Sommet des Chefs d’États et de Gouvernements, sur proposition du Conseil des Ministres, a décidé de la création d’une structure technique spécialisée, déléguée pour gérer les projets et programmes de l’ECOWAP par le règlement C/REG.1/08/11.
Le statut Juridique de l’ARAA correspond à celui de toutes les agences spécialisées de la CEDEAO. Il s’agit d’une structure technique spécialisée dans le domaine agricole au sens large et chargée de l’exécution d’un certain nombre de missions relatives à la mise en œuvre de la politique agricole de la CEDEAO.
Site de l’organisation : www.araa.org
Date de publication : Juillet 2022
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Depuis plus d’une décennie, les crises alimentaires et nutritionnelles frappent de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest avec des fréquences de plus en plus rapprochées et une ampleur croissante. Ces crises sont à la fois structurelles et conjoncturelles et illustrent une dégradation importante des conditions de vie et des moyens d’existence des ménages. Cette situation de crise alimentaire qui est particulièrement aggravée au sahel, a réellement explosé ces dernières années sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs. L’Ukraine est le troisième fournisseur de blé en Europe et compte pour 12% des importations totales de blé du continent africain. Cependant, l’invasion russe de l’Ukraine a largement compromis ses capacités d’exportation et de production. En effet, la Russie bloque désormais les quatre grands ports ukrainiens, dont en premier lieu Odessa. Les ports non-bloqués sont, eux, soit détruits, soit inutilisables en raison de l’emprise exercée par la Russie sur la navigation en mer Noire. Plusieurs dizaines de millions de tonnes de maïs, de blé, d’oléagineux et d’orge sont ainsi immobilisées sur la côte ukrainienne. Cela a pour conséquence une flambée des prix des denrées céréalières, et une pénurie alimentaire menace les États les plus dépendants des exportations. Ajoutons à cela le fait que le prix des engrais, largement produits avec du gaz naturel russe, flambent également et font peser un risque sur les capacités de productions agro-alimentaires. En Afrique de l’Ouest et au Sahel, la consommation annuelle d’engrais est estimée entre 3,5 et 4 millions d’engrais. Fin novembre 2021, les prix des engrais CAF avaient déjà̀ plus que triplé. Cette situation a gravement perturbé l’approvisionnement en engrais pour la campagne agricole 2021/2022 en cours, et on s’attend à ce que plus de 1 500 000 tonnes d’engrais ne soient pas fournies aux agriculteurs, en particulier au détriment des cultures vivrières. Une prolongation du conflit pourrait exacerber encore davantage les problèmes de la région, avec des conséquences économiques, alimentaires et politiques désastreuses. WATHI a choisi ce document parce qu’il fait l’état des lieux sur la dépendance des 15 pays de la CEDEAO, à savoir : Bénin, Burkina, Cabo Verde, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Gambie, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo, vis-à-vis des pays en conflit et montre comment cela les rend plus vulnérables aux fluctuations extérieures. Au-delà des constats, ce document propose aussi des recommandations pour faire face à la situation.
Ce document offre une analyse des effets de la crise en Ukraine sur la situation socio-économique, alimentaire et nutritionnelle dans la région de la CEDEAO. Cette évaluation fournit des preuves sur les risques associés au conflit russo-ukrainien dans chacun des 15 pays de la CEDEAO mais aussi au niveau sous-régional. À travers les données, les auteurs évaluent les risques associés au conflit russo-ukrainien sur la production agricole, le commerce et les prix des produits agricoles et les risques humanitaires qui pourraient survenir dans les 15 pays d’Afrique de l’Ouest. Ils identifient et proposent aussi des mesures pour atténuer la crise alimentaire émergente dans la région afin de mieux renforcer la résilience des systèmes agroalimentaires de la sous-région. Ces mesures s’articulent sur le court, le moyen et le long terme.
Ces extraits proviennent des pages : 07 à 19
Les principales conclusions de l’étude
Cette étude a montré que la dépendance des pays de la CEDEAO vis-à-vis des pays en conflit les rend encore plus vulnérables aux fluctuations extérieures et menace l’environnement sociopolitique.
La hausse des prix des engrais chimiques dont la Russie et l’Ukraine sont les principales sources d’importations pour plusieurs pays de la région est une menace pour la prochaine saison agricole.
La dépendance à l’égard des importations de céréales non significative au niveau sous régional
- Les céréales principalement importées dans la CEDEAO
Le riz et le blé sont les principales céréales importées, représentant respectivement 50% et 44% des céréales importées dans la sous-région de la CEDEAO. Toutes céréales confondues, au niveau de la CEDEAO, les importations de céréales en provenance de Russie et d’Ukraine étaient d’environ 12% en 2020.
Bien qu’au niveau régional, la dépendance à l’égard du blé ne soit pas significative, lorsque nous regardons au niveau des pays, de nombreux pays seront gravement touchés par la crise en Ukraine. Des pays comme le Bénin, le Cabo Verde, la Gambie, le Sénégal et le Togo dépendent fortement de ces deux pays (plus de 50% de leurs importations de blé proviennent du commerce avec la Russie et l’Ukraine.
- Les huiles végétales
En ce qui concerne les huiles végétales, les don- nées collectées et analysées ont mis en exergue la prédominance d’une huile sur toutes les autres au niveau des 15 pays de la CEDEAO. L’huile de palme occupe la première place des importations d’huile végétale et représente plus de 85% des parts de ce secteur. Toutes les autres huiles végétales regroupées ne représentent que 15% du volume des importations de ces pro- duits. Toutefois, il faut signaler que l’importation des huiles végétales autres que l’huile de palme est en train d’augmenter, passant de moins de 10% sur la période 2015-2018 à 15% en 2020.
Les huiles dont le volume d’importation est en augmentation sont : l’huile de tournesol (3%) l’huile de fleur de soja (2%) et l’huile d’olive (2%). Il faut noter que l’huile de tournesol provient en grande partie de l’Ukraine. La désagrégation par pays des importations d’huile de tournesol montre que certains pays seront plus ou moins affectés par cette crise en raison des pays d’origine des huiles consommées.
Les Pays tels que le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Sierra Leone, importent plus de 46% de leur consommation d’huile de tournesol principalement de l’Ukraine. Ces pays pourraient éventuellement être contraints de changer la provenance de leur approvisionnement en huile de tournesol.
- Fertilisants
Bien que les pays de la CEDEAO utilisent moins d’engrais que ceux des autres continents (Amérique, Europe ou d’Asie), il n’en demeure pas moins qu’ils restent dépendants des importations d’engrais en général, et en particulier des importations en provenance de la Russie et de l’Ukraine. La Russie a fourni plus de 50 pour cent des importations de potasse à la Côte d’Ivo- ire, au Mali, au Niger, au Sénégal et à la Sierra Leone.
On estime que la région sera confrontée à un déficit d’engrais compris entre 1,2 et 1,5 million de tonnes, soit entre 10 et 20 millions de tonnes d’équivalent céréales. En d’autres termes, la région pourrait connaitre une perte de production céréalière d’environ 20 millions, soit plus d’un quart de la production enregistrée en 2021 (73 millions de tonnes).
- Risque accru de pénurie d’engrais
L’évaluation de la disponibilité des engrais dans la région est basée sur les demandes des pays ayant fourni des données et la situation du marché international des engrais. Les principales propositions pour l’évaluation des capacités de production et de la disponibilité de l’approvisionnement en engrais existants ont été faites par le projet ENGRAIS/USAID.
Les données fournies montrent qu’en Afrique de l’Ouest et au Sahel, seuls 46% des besoins en engrais étaient couverts au 30 avril 2022. À très court terme, les pays qui sont sur le point d’être les plus touchés par la pénurie d’engrais sont le Burkina Faso, le Ghana et le Mali. Quant aux autres pays, ils seront confrontés à une pénurie d’engrais lors de la prochaine campagne si rien n’est fait ou si la crise perdure.
Les Pays tels que le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Sierra Leone, importent plus de 46% de leur consommation d’huile de tournesol principalement de l’Ukraine. Ces pays pourraient éventuellement être contraints de changer la provenance de leur approvisionnement en huile de tournesol
Les résultats montrent que les besoins en engrais ne sont pas entièrement couverts, car les stocks disponibles déclarés sont bien inférieurs aux besoins estimés dans tous les pays. Le déficit varie entre -5% (Bénin) et -88% (Burkina Faso).
Certains type d’engrais sont demandés beau- coup plus que d’autres. Certains produits agricoles sont dépendants de types d’engrais spécifiques. Par exemple au Ghana selon le pro- gramme PFJ (Planting for Food and Jobs), les cultures céréalières dépendent fortement de l’engrais Azote, Phosphore et Potassium (NPK), tandis que le cacao utilise principalement le NPK 0-23-19.
Si un approvisionnement adéquat de ces catégories d’engrais n’est pas assuré, la conséquence immédiate serait un déficit de production plus important pour les produits con- cernés, puisque les projections faites sur la baisse de la production n’avaient pas pris en compte l’indisponibilité de ces engrais.
La pénurie de certains types d’engrais a eu un impact considérable sur leur prix sur le marché. Les prix de l’urée sont encore 2,5 fois plus chers que son prix moyen entre 2016 et 2020 (800 USD la tonne contre 300 USD sur la période précédente).
Au Burkina Faso, le sac d’engrais de 50 kg varie entre 30 000 FCFA et 35 000 FCFA. Les agriculteurs burkinabè ont commencé à utiliser l’urée du Nigeria, qui est récemment entrée sur le marché du Burkina Faso au prix de 28 000 FCFA par sac de 50 kg. Au Ghana, l’urée devient rare là où l’utilisation de sulfate d’ammonium a été considérée comme un substitut à cet engrais.
Le ministère ghanéen de l’Agriculture a publié les prix subventionnés approuvés des intrants pour la saison de plantation 2022. Il en va de même pour les prix des engrais phosphatés (DAP, MAP, TSP, NPK) qui restent chers et difficiles à trouver pour les approvisionnements. Par exemple, la Côte d’Ivoire, qui est le premier pays producteur de cacao, a connu une variation du prix de NPK 0-23-19, qui est passé de 14 000 FCFA par sac de 50 kg à 25 000 FCFA (+79%). L’urée a doublé, passant de 15 000 FCFA à 30 000 FCFA. La potasse est rare car la CEDEAO est largement dépendante de la Russie et de la Biélorussie (20 à 50% selon les pays).
Dans certains pays de la région, des contraintes d’offre ont été identifiées. Un exemple de ceci est le Mali où environ 100 000 tonnes ont été bloquées à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Sénégal (Africa Fertilizer, janvier 2022).
En outre, les coûts des engrais pour le coton continueront également à augmenter, ce qui aura un impact sur les recettes fiscales des pays exportateurs de coton (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal). Si un approvisionnement adéquat de ces catégories d’engrais n’est pas assuré, la conséquence immédiate serait un déficit de production plus important pour les produits concernés, puisque les projections faites sur la baisse de la production n’avaient pas pris en compte l’indisponibilité des engrais. On s’attend donc à ce que le risque élevé de réduction des récoltes fasse encore grimper les prix des denrées alimentaires dans notre région.
- En moyenne, 20% de baisse prévue de la production agricole en 2022 par rapport à la moyenne 2017-2020 de certains pays.
La production agricole a fluctué au cours des dernières années. Selon la CEDEAO, la production céréalière totale (maïs, riz, mil, sorgho, fonio et blé) attendue au Sahel et dans les pays d’Afrique de l’Ouest pour la campagne agricole 2021/2022 est de 73,3 millions de tonnes. Cette production est en baisse de 1,8% par rapport à l’année dernière pour l’ensemble des pays.
Dans le Sahel, la production céréalière a diminué de 11% par rapport à la moyenne sur cinq ans.
Au Burkina Faso, le sac d’engrais de 50 kg varie entre 30 000 FCFA et 35 000 FCFA. Les agriculteurs burkinabè ont commencé à utiliser l’urée du Nigeria, qui est récemment entrée sur le marché du Burkina Faso au prix de 28 000 FCFA par sac de 50 kg. Au Ghana, l’urée devient rare là où l’utilisation de sulfate d’ammonium a été considérée comme un substitut à cet engrais
La pénurie d’engrais pourrait entraîner une baisse de production de 10 à 20 millions de tonnes, soit près de 20 % de la production céréalière de 2021-2022. Ces déficits sont liés à plusieurs facteurs préexistants mais seront aggravés par la pénurie d’engrais induite par le conflit en Ukraine.
- Inflation et dépréciation de la monnaie
L’inflation élevée au Nigeria et les mesures restrictives sur les exportations alimentaires du Nigeria, du Bénin, du Burkina et du Mali ont un impact très négatif sur le Niger, qui vient de connaître l’une des pires saisons agricoles depuis 2005. En conséquence, les prix des denrées alimentaires sont extrêmement élevés. L’Indice FAO des prix des denrées alimentaires a grimpé de 12,6% en mars 2022 par rapport à février 2022 et a atteint son plus haut niveau depuis sa création en 1990.
Cette augmentation est principalement attribuable aux niveaux records atteints par l’augmentation des sous-indices de tous les produits alimentaires, à savoir les huiles végétales, les céréales, la viande, le sucre et les produits laitiers. L’inflation actuelle est étroitement liée à l’inflation alimentaire avec la hausse des prix des denrées alimentaires. L’inflation contribue à l’érosion du pouvoir d’achat des ménages, détériore les termes de l’échange et affecte toutes les catégories socio-économiques.
Si l’on examine l’évolution des taux de change des principales devises de la région avec le dollar américain, par rapport aux niveaux moyens de l’année précédente, on constate que plusieurs devises se sont dépréciées. Le Naira nigérian (NGN) au niveau du Bureau de Change (BDC) s’est encore déprécié (-14%). D’autres dépréciations plus faibles mais significatives au niveau interbancaire concernaient le Leone sierra-léonais (SLL) (-9%), les francs CFA de BCEAO (XOF) et l’escudo capverdien (CVE), qui sont rattachés à l’euro (-5%).
Cependant, au cours de la même période, le dollar libérien (LRD) et le franc guinéen (GNF) se sont appréciés.
Par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, toutes les autres monnaies sont inférieures à leur valeur moyenne, à l’exception du GNF, qui s’est légèrement apprécié. Les dépréciations les plus importantes ont été enregistrées dans le SLL, le cedi ghanéen (GHS) et le NGN (taux interbancaires et bureaux de change).
- Risque accru d’une nouvelle crise de la dette plus difficile que dans les années 70 et 80 pour certains pays
Au niveau macroéconomique, le déficit budgétaire de la sous-région s’est creusé en 2020, principalement en raison des dépenses liées aux effets de la Covid 19, qui ont entraîné un manque à gagner, une diminution de l’assiette fiscale en raison de la contraction économique et une baisse des importations et des exportations. L’une des mesures mises en œuvre par les pays pour faire face aux dépenses publiques a été l’utilisation de la dette, qui a eu des répercussions.
L’inflation élevée au Nigeria et les mesures restrictives sur les exportations alimentaires du Nigeria, du Bénin, du Burkina et du Mali ont un impact très négatif sur le Niger, qui vient de connaître l’une des pires saisons agricoles depuis 2005
Les pays ont dû emprunter massivement pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid 19. Selon le rapport de la CEA sur “L’avenir 2021 de la CEA” et les données du FMI : “Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne, avril 2021”, certains pays de la CEDEAO, dont le Cap-Vert, le Ghana, la Gambie et la Sierra Leone, ont même été classés comme des pays à fort endettement.
Au Cap-Vert, au Ghana, en Guinée-Bissau, en Gambie et en Sierra Leone, le ratio dette/PIB dépasse le plafond de 70 % défini dans le pacte de convergence de l’UEMOA.
- Augmentation généralisée du prix des denrées alimentaires de base
Offre contre demande
L’offre régionale de céréales est particulièrement faible cette année par rapport à l’année dernière. En mars 2022, l’Afrique de l’Ouest a atteint une production céréalière totale (maïs, riz, millet, sorgho, fonio et blé) de 73 millions de tonnes pour la campagne 2021-2022, soit une baisse de 2,2% par rapport à la campagne précédente. Elle varie selon les bassins et les spéculations. En effet, les céréales importées, en particulier le riz et le blé, sont actuellement les plus disponibles par rapport aux céréales locales.
Dans le bassin oriental de la région du Sahel, la production agricole a été relativement faible (-4%). Cependant, il a été catastrophique au Niger (-39%) par rapport à la moyenne sur 5 ans, mais relative- ment bon au Bénin (+6%) et au Nigeria (+2%).
Ce bassin comprend quatre zones d’insécurité alimentaire qui perturbent le fonctionnement des marchés : la zone liptako-gourma (ouest du Niger, nord du Bénin), la zone centrale du Nigeria, le sud du Niger et la région du lac Tchad. Cela fait du bassin oriental le plus touché par l’insécurité civile. La forte inflation au Nigeria et les mesures limitant la sortie des aliments du Nigeria, du Bénin, du Burkina et du Mali ont un impact très négatif sur le Niger, qui vient de connaître l’une des pires cam- pagnes agricoles depuis 2005. En conséquence, les prix des denrées alimentaires sont extrêmement élevés.
Dans le bassin central, l’offre céréalière locale est très faible car la production céréalière a chuté d’environ 15% pour le Mali et de 10% pour le Burkina Faso par rapport à la campagne précédente. Les mesures prises par les pays (Burkina, Bénin, Mali et Côte d’Ivoire) pour restreindre les exportations de céréales ont complètement perturbé les flux transfrontaliers.
Cela a rendu impossible la régulation de l’approvisionnement avec les flux habituels en provenance du Ghana et de la Côte d’Ivoire. Les flux internes sont également perturbés en raison des troubles civils au Mali et au Burkina (environ 2 millions de personnes déplacées pour ces deux pays). L’embargo sur le Mali a aggravé la situation. La demande est particulièrement élevée, ce qui provoque une certaine pénurie de mil (-26%), de sorgho (-24%) et de maïs (-1%).
Les approvisionnements en maïs sont très fortement demandées par les industries de la brasserie et de la volaille, dont le nombre augmente rapidement. Le Ghana (un pays du bassin qui a annoncé une bonne production) est toujours affecté par l’inflation et le coût élevé de la vie. Les prix des céréales locales ont atteint de nouveaux sommets dans plusieurs pays de la sous-région, en raison de la faiblesse des disponibilités sur le marché et des perturbations liées aux conflits.
Par rapport à la moyenne quinquennale, ces hausses de prix sont de 30 % pour le maïs, 26 % pour le mil, 24 % pour le sorgho et 18 % pour le riz. Les plus fortes hausses de prix ont été observées en Sierra Leone, au Liberia, au Ghana, au Togo, au Bénin et au Nigeria.
La moyenne des prix des 5 dernières années est comparée aux prix moyens de chaque produit en 2021 et au premier trimestre 2022. Les niveaux de prix du premier trimestre de 2022 sont supérieurs à la moyenne des cinq dernières années, mais aussi aux prix de l’année dernière. Dans certains pays, pour certains pro- duits, on observe une accélération de la hausse des prix. Les prix du premier trimestre dépassent de loin dans certains pays les prix enregistrés pendant le pic de la période de soudure.
Prix des céréales
Les niveaux de prix des céréales sont particulièrement élevés cette année. Par rapport à la moyenne des 5 dernières années pour les mêmes périodes, les prix sont en hausse de 33 à 37% au cours du mois de mars 2022 contre la hausse de 23 à 27% observée en novembre dernier au moment de la récolte (+10 points de pourcentage). Les hausses de prix sont notables pour toutes les céréales.
Les céréales locales sont les plus touchées, en particulier le maïs qui, malgré une production régionale assez stable, a été le plus perturbé par la forte demande des ménages en sorgho et en mil, l’arrêt des flux transfrontaliers, la rétention des stocks à des fins de spéculation, et les demandes des industries (brasseries, les fermes avicoles et fabrication d’aliments pour le bétail).
Dans le bassin central, l’offre céréalière locale est très faible car la production céréalière a chuté d’environ 15% pour le Mali et de 10% pour le Burkina Faso par rapport à la campagne précédente
Les hausses de prix du mil et du sorgho sont dues à la baisse significative de la production régionale due aux problèmes de précipitations et à l’insécurité civile, qui ont empêché certaines zones de cultiver cette année. Selon les bassins, comme mentionné ci-dessus, le bassin oriental est celui qui est le plus touché par la hausse des prix, suivi du bassin central. Dans le bassin occidental, l’augmentation a été plus modérée dans l’ensemble.
Cependant, si l’on descend au niveau national, les pays avec les augmentations les plus spectaculaires sont : le Nigeria, la Sierra Leone (62 %), le Togo (48 %), le Libéria, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin et le Niger. Il s’agit évidemment de variations de prix relatifs par rapport à leurs niveaux moyens des 5 dernières années.
- L’augmentation du prix des hydrocarbures
Le monde est confronté à une crise inflationniste due à la hausse des coûts des matières premières, des combustibles fossiles, des intrants chimiques et du transport logistique (voir Indice FAO des prix des denrées alimentaires). Les fluctuations des prix mondiaux du pétrole affectent les économies des pays d’Afrique de l’Ouest et entraînent des hausses systématiques des prix des matières premières et des denrées alimentaires. Déjà en mars, les prix des hydrocarbures ont commencé à augmenter à un rythme accéléré, comme le montre le graphique ci-dessous dans des pays tels que le Mali, le Niger, le Togo, le Nigeria et le Ghana.
L’impact combiné de la hausse du pétrole brut et du fret entraîne une augmentation des coûts de transport dans la région. L’augmentation du coût du transport se répercute sur le prix des denrées alimentaires puisque le coût du transport représente en moyenne 15 à 20% du coût total des denrées alimentaires dans la région. Cet effet se fait déjà sentir dans certains pays. Par exemple, au Cabo Verde, le coût du transport a augmenté de 60%.
- Situation du marché des tubercules
La production de tubercules a été générale- ment bonne pour toutes les cultures, ce qui, contrairement aux céréales, a contribué à assurer la disponibilité sur les marchés, à l’exception des patates douces, qui ont connu une légère baisse par rapport à la production de la campagne précédente.
Cependant, en raison de l’inflation générale des facteurs de production et de transport dans les principaux pays producteurs de tubercules, à savoir le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Bénin, les prix sont restés élevés, principale- ment pour l’igname, qui est en forte demande dans les pays sahéliens ; le manioc, qui est transformé en Gari et Attiéké, et est également en forte demande dans les pays sahéliens.
Déjà en mars, les prix des hydrocarbures ont commencé à augmenter à un rythme accéléré, comme le montre le graphique ci-dessous dans des pays tels que le Mali, le Niger, le Togo, le Nigeria et le Ghana
L’augmentation du prix du manioc varie de 30 à 80%. La Sierra Leone a enregistré la plus forte augmentation (73 %). L’augmentation du prix de la patate douce oscille entre 60% et 80%. La plus forte augmentation des prix est enregistrée en Gambie (78%). L’augmentation du prix de l’igname varie de 30% à 60%, la plus forte augmentation ayant été observée au Ghana.
- Aggravation de l’insécurité alimentaire dans la sous-région.
Les conclusions du Cadre Harmonisé pour la sécurité alimentaire (mars-mai 2022) indiquent que la situation alimentaire et nutritionnelle pourrait s’aggraver au cours de la période projetée (juin-août 2022), marquée par le déficit alimentaire pour les pays du nord de la région. Le nombre de zones d’insécurité alimentaire augmente et s’étend à de nouvelles régions, ce qui entraîne des taux élevés d’insécurité alimentaire.
Par rapport à la période de soudure 2021, les taux d’insécurité alimentaire sévère (correspondant à la crise aux pires phases) passent de 27,1% à 38,2%, soit une augmentation de 70%. Il est important de noter que ces projections n’ont pas pris en compte les effets de la crise ukrainienne, ce qui signifie que les proportions d’in- sécurité alimentaire pourraient être très alarmantes pendant la période de soudure 2022.
Recommandations :
- Mesures à court terme
- Supprimer les obstacles au commerce et mettre fin aux interdictions d’exportation, car nous devrions réduire la pression sur les marchés en augmentant les approvisionnements en nourriture et en engrais.
- Soutenir la production alimentaire locale, en facilitant l’accès des petits exploitants aux engrais produits et stockés localement.
- Encourager les systèmes d’irrigation de faible technologie dans les zones sèches et rurales, en particulier au Sahel, ainsi que les systèmes d’irrigation à grande échelle pour aider à réduire la dépendance des petits exploitants aux pluies.
- Promouvoir l’augmentation des capacités de production existantes des entreprises du secteur privé qui produisent des engrais dans la région.
- Réorienter immédiatement une partie des ressources pour accroître le soutien aux ménages les plus vulnérables (personnes en situation d’insécurité alimentaire et/ou personnes déplacées à l’intérieur du pays) grâce à l’expansion des systèmes de protection sociale afin d’atténuer les effets de la hausse des prix des den- rées alimentaires et du pétrole.
- Développer un mécanisme robuste d’achat groupé à l’échelle des corridors portuaires et routiers dans la région de la CEDEAO, en mobilisant les grands producteurs de la région pour répondre aux demandes des mélangeurs et des importateurs d’engrais.
- Promouvoir les bonnes pratiques agricoles pour améliorer l’utilisation des nutriments, en particulier l’adoption de semences améliorées par les agriculteurs.
- Étendre l’utilisation des usines de fabrication d’engrais au Nigeria et au Sénégal à leur pleine capacité.
- Subventionner et contrôler le prix des engrais et des intrants semenciers.
- Accroître l’accès des petits exploitants agricoles aux engrais en améliorant la communication sur leur disponibilité et en encourageant la libération des stocks locaux d’engrais.
- Réorienter les ressources financières disponibles pour résoudre les problèmes alimentaires urgents.
- Obtenir l’engagement des gouvernements des États membres à mettre en place un système de financement transparent et efficace pour soutenir le secteur privé à mettre en place des systèmes efficaces de subvention des engrais.
- Mesures à moyen et long terme
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- Initier délibérément des changements dans les habitudes alimentaires pour réduire les importations d’aliments produits loin de notre région. Cela devrait commencer dès l’âge scolaire, lorsque les enfants bénéficient de repas scolaires à l’école.
- Raccourcir les chaînes d’approvisionnement mondiales en investissant dans les capacités régionales et locales de production, de transformation et d’agro-transformation.
- Augmenter les investissements dans le secteur agricole et, au moins, atteindre l’objectif de la déclaration de Malabo.
- Soutenir le secteur privé dans l’augmentation de la transformation alimentaire et de la production d’engrais aux niveaux local et régional.
- Promouvoir une agriculture intelligente face au climat et l’utilisation d’engrais organiques tout en soutenant le développement des chaînes de valeur locales et régionales.
- Renforcer les réserves alimentaires nationales et régionales pour mieux répondre à ces chocs.
- Promouvoir l’intégration régionale et tirer davantage parti de la zone de libre-échange continentale africaine.
- Encourager le développement d’usines régionales de fabrication d’engrais afin de réduire la dépendance à l’égard des importations.
- Consolider les stocks de réserve d’engrais régionaux et nationaux à utiliser en cas de choc.
- Constituer un stock stratégique de cultures vivrières de base.
- Diversifier le panier alimentaire avec des cultures pérennes.
- Développer l’utilisation d’intrants d’engrais organiques comme complément dans la mesure du possible.
- Construire des systèmes et des capacités pour l’utilisation à grande échelle d’intrants organiques.
- Adopter un mécanisme de distribution des produits hydrocarbonés qui soit efficace, pour réduire les cas de détournement des produits pétroliers et exploiter une raffinerie fonctionnelle régulière.
Source photo : araa.org