Auteur : Amayi Badji
Site de publication : Réussir Business
Type de publication : Entretien
Date de publication : Octobre 2013
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Avec 78 entreprises recensées par le regroupement et une production estimée à plus de 65 milliards Fcfa, la filière lait est un sous-secteur à fort potentiel. Mais au vu de l’environnement réglementaire peu favorable, du manque de formation des acteurs, de l’importance de la quantité de lait importé, force est de reconnaitre que le potentiel n’est pas entièrement exploité.
«Au Sénégal, on a deux grandes opportunités. D’abord, un gros cheptel, environ 3 millions de bovins pour une population de 12 millions d’habitants. Un ratio qui montre que le Sénégal est un grand pays d’élevage, comparé à la France qui a environ 18 millions de bovins pour 60 millions d’habitants. C’est à peu près le même ratio. Pourtant, la France est un grand pays exportateur de productions animales en général et de lait en particulier. Si on a 3 millions de bovins, on ne doit pas importer du lait.
On devrait être exportateur. Le deuxième potentiel, c’est le marché, les Sénégalais consomment énormément de produits laitiers (lait caillé, yaourt, lait en poudre…). Soit 30 kg par habitant et par an. C’est un pays où il y’a un marché de 360 millions de litres pour les produits laitiers et c’est un gros business. Il y’a en amont, beaucoup de potentiel à exploiter et en aval, beaucoup d’opportunités à saisir. On n’a pas d’industries capables de se structurer, d’être un vrai maillon qui relie les 3 millions de vaches avec les 12 millions d’habitants». Cette analyse de M. Bagoré Bathily, promoteur de la Laiterie du Berger, exprime à suffisance la situation qui prévaut présentement dans la filière laitière au Sénégal.
Le constat est clair, la filière lait dispose d’un gros potentiel. C’est pourquoi elle a été retenue parmi les piliers de la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA). Mais si disposer d’un potentiel est une chose, l’exploiter à fond en est bien une autre.
Au Sénégal, on a deux grandes opportunités. D’abord, un gros cheptel, environ 3 millions de bovins pour une population de 12 millions d’habitants. Un ratio qui montre que le Sénégal est un grand pays d’élevage, comparé à la France qui a environ 18 millions de bovins pour 60 millions d’habitants. C’est à peu près le même ratio
Même si des efforts sont en train d’être faits par des acteurs locaux, force est de reconnaitre que tout le potentiel est loin d’être exploité. En effet, avec un total avoisinant les 3 millions de vaches, seuls un tiers de la consommation nationale est produit localement.
Une facture laitière annuelle de 70 milliards Fcfa
S’il y a un acteur qui devrait encourager le développement de la filière laitière, c’est bien l’Etat du Sénégal. En effet, chaque année, la facture laitière s’élève à près de 70 milliards pour le lait importé. Mais si aujourd’hui, la filière laitière locale peine à se développer jusqu’à couvrir la demande nationale, la raison est à chercher, en partie, dans l’environnement règlementaire qui semble, selon les acteurs locaux, favoriser l’importation au détriment des producteurs locaux.
«L’environnement réglementaire n’est pas favorable à l’émergence d’une filière locale car il n’y a pas d’incitation, on n’y gagne rien. Acheter du lait local, c’est beaucoup plus compliqué. Parce qu’il faut aller dans les zones de production, travailler avec une centaine d’éleveurs, les organiser, les accompagner, il faut leur apporter des intrants. C’est toute une activité alors que c’est mille fois plus simple d’importer des containers de poudre. Si on a une usine à Dakar, on fait des commandes et on dispose de notre approvisionnement.
La facture laitière s’élève à près de 70 milliards pour le lait importé. Mais si aujourd’hui, la filière laitière locale peine à se développer jusqu’à couvrir la demande nationale
«Il n’y a aucun effort pour valoriser la production de lait local et c’est un gros paradoxe. Aujourd’hui, les importations de lait en poudre sont plus facilitées au Sénégal. Il y a aucune contrainte. Les droits de douane sont diminués à hauteur de 5% pour l’importation de lait en poudre alors que pour le lait local, les entreprises, qui sont dans la filière, payent la TVA, toutes les taxes et ne bénéficient d’aucun appui, ni d’aucune facilitation de la part de l’État. Il n’y a pas de contrainte pour décourager les importations et aucun mécanisme de protection, ni même d’incitation à la production locale».
Aujourd’hui, ce manque de soutien a fait que les industriels sont obligés de tourner le dos à la production locale. Et pour beaucoup de raisons. Selon M. Bathily, les 120 millions de litres sont produits en l’espace de 3 mois. Pour le reste de l’année, il n’y a pratiquement rien à se mettre sous la dent. Et le patron de la Laiterie du Berger croit en savoir les raisons. Selon lui, le lait change vite et comme, au niveau local, les gens le traitent à la main, il y’a des risques de contamination sur le plan sanitaire et des problèmes de qualité qui constituent d’énormes risques pour les industriels.
«Les industriels aimeraient avoir un lait qui arrive de façon constante à l’origine, un prix constant pour toute l’année et aussi une qualité constante. Finalement, les industriels disent que même si la production locale est là, elle ne nous intéresse pas. Ils préfèrent importer avec plus de sécurité. L’Etat n’offre pas d’incitation à ceux qui font l’effort d’acheter du lait frais».
Plaidoyer pour la mise en place d’une politique laitière cohérente…
Aujourd’hui, qu’on soit professionnel ou simple fermier, chacun se bat de son côté et apprend à voler de ses propres ailes. Pour cause, aucune politique laitière n’est appliquée au Sénégal. Pourtant, ce n’est pas par manque de propositions.
Les droits de douane sont diminués à hauteur de 5% pour l’importation de lait en poudre alors que pour le lait local, les entreprises, qui sont dans la filière, payent la TVA, toutes les taxes et ne bénéficient d’aucun appui, ni d’aucune facilitation de la part de l’État
En effet, selon le président des professionnels de la filière lait, depuis 2010, la Fédération a monté un dossier de plaidoirie pour l’institutionnalisation de campagnes laitières au Sénégal. Des appels du pied qui semblent tomber dans l’oreille de sourds, du moins, avec l’ancien régime. «Nous avions eu beaucoup de problèmes à le leur faire comprendre. Donc, cette question-là n’a pas été prise en charge», confie-t-il.
Par ailleurs, toujours selon M. Diaw, le ministère du Commerce a décidé d’apporter sa contribution dans cette campagne laitière en facilitant la mise en relation avec les industriels et les professionnels du lait qui utilisaient, comme matière première, le lait en poudre importé.
«Il s’agit de voir si ces industriels pourraient incorporer une partie de notre production, une partie de cette collecte, dans leur production. Si on arrivait à mettre sur pied et à valoriser, ne serait-ce que le tiers de ce surplus qui était déversé, le plan va réussir. Il est question de poursuivre les travaux pour que la campagne prochaine, c’est-à-dire l’édition de 2014, soit un succès total et que plus jamais, aucun surplus de lait ne soit négligé», espère-t-il.
«Au Sénégal, la particularité, c’est qu’on a les laiteries à Dakar parce que c’est ici leur marché. Et leur approvisionnement se fait au niveau du Port, mais pas au niveau du bassin de collecte puisqu’ils importent du lait en poudre à partir duquel elles reconstituent le lait pour en faire un produit fini. L’infrastructure de production de lait frais est positionnée en ville au lieu de la campagne. C’est pourquoi on parle de problème de transport du lait cru. C’est beaucoup plus difficile de transporter du lait cru que du produit fini sur des centaines de kilomètres.
C’est un vrai enjeu, aujourd’hui, de délocaliser les industries qui veulent traiter nos productions brutes. C’est aussi valable pour les cultures vivrières dans la vallée du fleuve. Les rizières sont là-bas et pas à Dakar. Notre particularité est de construire une usine qui soit la destination claire du lait frais sénégalais. C’est pourquoi, nous avons installé notre usine à Richard Toll, un des grands bassins de production du lait au Sénégal», indique M. Bathily.
Toujours côté attentes, il y a la question de la formation des acteurs. S’il est vrai qu’il n’est pas possible d’apprendre à un éleveur comment gérer son troupeau, il est aussi vrai que, pour un approvisionnement en lait régulier et en qualité, certaines connaissances semblent indispensables.
«On ne devient pas un éleveur moderne du jour au lendemain. Ce n’est pas le même métier. On élève des vaches dans le Sahel en transhumant. C’est tout un savoir-faire. Ce ne n’est pas la même chose que d’élever des vaches qui doivent produire une quantité de lait, avec une qualité déterminée. Il faut accompagner les éleveurs pour qu’ils allient leur savoir-faire traditionnel à un savoir-faire productif, où ils vont chercher à gagner de l’argent et être un des maillons de la chaine. Il n’y a pas d’écoles de formation pour éleveurs. Il faut que les industriels s’engagent à prendre des orientations à long terme. Il faut que les consommateurs s’engagent à cultiver une consommation de produits locaux quand la qualité est là».
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1 Commentaire. En écrire un nouveau
merci pour cette contribution, cette filière n’est pas du tout maitrisée par les acteurs de la formation en management. Vous nous offrez une occasion de produire un cas pour les étudiants sénégalais afin qu’ils puissent interroger les véritables problématiques de développement du pays