Auteur : Anton Eberhard
Organisation affiliée : CAIRN.INFO
Type de publication : Article de Revue
Date de publication : Août 2016
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Les lacunes du réseau électrique africain
L’Afrique subsaharienne est confrontée à des problèmes d’alimentation électrique chroniques, notamment une capacité de production insuffisante, une faible connectivité, une fiabilité médiocre et des coûts élevés, qui entravent le développement.
La capacité de production d’électricité globale des 48 pays d’Afrique subsaharienne est d’environ 80 gigawatts (GW). La Corée du Sud à elle seule dispose d’une capacité de production supérieure. Si l’on exclut l’Afrique du Sud, la capacité de production globale de la région est inférieure à 40 GW. Le Nigeria, dont la population est plus de trois fois supérieure à celle de l’Afrique du Sud, dispose seulement du dixième de sa capacité de production installée.
Seuls 12 pays disposent d’une capacité de production supérieure à 1 GW. Ils représentent 85 % de la capacité de production d’électricité de l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud). En outre, 30 pays d’Afrique subsaharienne disposent d’une puissance installée inférieure à 500 mégawatts (MW) et 13 d’une puissance installée inférieure à 100 MW. La puissance installée de l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) est de 44 MW par million d’habitants, contre 192 MW en Inde, 590 MW en Amérique latine et 815 MW en Chine.
Par ailleurs, on estime qu’il faudrait environ 40,8 milliards de dollars US par an pour répondre aux besoins du secteur électrique en Afrique subsaharienne, soit 6,35 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique
Des études ont permis d’évaluer l’investissement nécessaire pour atteindre la capacité de production qui permettrait d’assurer le développement économique et d’élargir l’accès à l’électricité. En utilisant l’année 2005 comme référence, la Banque mondiale a estimé que la capacité de production d’électricité de l’Afrique subsaharienne devrait augmenter de près de 8 GW par an jusqu’en 2015 pour répondre à la demande insatisfaite, atteindre et maintenir le rythme de croissance économique prévu et soutenir la création de nouveaux réseaux électriques, conformément aux objectifs de réduction de la pauvreté, au lieu des 1 à 2 GW par an ajoutés en moyenne au cours des dix dernières années.
Par ailleurs, on estime qu’il faudrait environ 40,8 milliards de dollars US par an pour répondre aux besoins du secteur électrique en Afrique subsaharienne, soit 6,35 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique. Les finances publiques des pays africains ne permettent pas de combler l’important déficit de financement en faveur de nouveaux projets énergétiques. Heureusement, comme indiqué ci-dessous, l’investissement privé en faveur de la production d’électricité en Afrique augmente.
Le paysage financier a considérablement évolué ces dernières années et de nouveaux donateurs et partenaires tels que la Chine jouent désormais un rôle de premier plan. Une meilleure compréhension de ces tendances émergentes pourrait aider les pays africains à prendre des décisions plus éclairées et à tirer efficacement parti des investissements et de l’assistance financière provenant d’un éventail de partenaires plus large et plus diversifié.
Tendances de l’investissement en faveur de la production d’électricité en Afrique subsaharienne
Si l’on ne tient pas compte de l’Afrique du Sud, l’ajout de capacités de production en Afrique subsaharienne a été négligeable entre 1990 et 2000, avec seulement 1,8 GW supplémentaire. Au cours de cette période, un certain nombre de pays ont même assisté à une contraction de leurs réseaux, notamment en raison de guerres civiles et du manque d’entretien des réseaux, en particulier en République démocratique du Congo (RDC) et en Côte d’Ivoire, mais également dans des pays tels que l’Angola, la République centrafricaine, le Ghana, le Liberia, le Nigeria, la Sierra Leone, la Somalie ou le Zimbabwe.
On estime qu’il faudrait environ 40,8 milliards de dollars US par an pour répondre aux besoins du secteur électrique en Afrique subsaharienne, soit 6,35 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique
Les investissements en faveur du secteur électrique en Afrique proviennent traditionnellement des gouvernements ou des services publics, et dans certains pays de l’aide publique au développement (APD) et des institutions de financement du développement (IFD). Or, ces dernières années, ces types de financement ont stagné. Aujourd’hui, les nouvelles sources de financement qui augmentent le plus rapidement proviennent des projets énergétiques indépendants (PEI) et de la Chine.
Projets énergétiques indépendants
Au total, quelque 130 projets énergétiques indépendants ont été mis en œuvre en Afrique subsaharienne. Si l’on ne tient pas compte de l’Afrique du Sud, ce chiffre tombe à 67. L’Ouganda, qui arrive en deuxième position, ajoutera prochainement un total de 19 projets à son portefeuille si le financement des projets approuvés dans le cadre de son programme GET FiT est bouclé.
Il convient de noter que 74 des projets menés dans ces deux pays se sont concrétisés au cours des deux seules dernières années. Ainsi, environ 55 % du nombre total de projets énergétiques indépendants se concentrent dans deux pays et sont relativement récents. Quant aux autres projets, il a fallu en moyenne 20 ans pour les mettre en œuvre, le financement du premier projet énergétique indépendant de grande ampleur ayant été bouclé en 1994 en Côte d’Ivoire.
Les variations des investissements privés sont particulièrement visibles, notamment du fait que le nombre d’investissements a été relativement restreint et que les projets individuels engendrent des pics dans les données, mais également du fait que l’investissement privé a décliné suite à la faillite d’Enron au début des années 2000, de nombreux porteurs de projets énergétiques indépendants américains s’étant retirés d’Afrique, mais également après la crise financière de 2008. Une hausse des investissements privés a toutefois été constatée ces dernières années.
Projets chinois
Les projets chinois constituent la source de financement de projets énergétiques en Afrique qui augmente le plus rapidement, avec 5 GW ajoutés entre 1990 et 2011 et 4,7 GW supplémentaires prévus pour la période 2012‑2014, ce qui représente un total de 30 projets dont le financement a été bouclé et/ou qui sont en cours d’élaboration. Ces projets ne suivent aucun schéma précis, dans le sens où l’investissement chinois en faveur de la production ne semble pas viser en priorité les pays dotés de ressources importantes (ce qui dissipe le mythe selon lequel les entreprises chinoises s’intéressent uniquement aux ressources de l’Afrique).
En outre, les projets chinois semblent concerner les 16 pays suivants : le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Ghana, la Guinée, la Guinée équatoriale, le Liberia, le Mali, le Nigeria, l’Ouganda, la RDC, le Congo, le Soudan, le Togo, la Zambie et le Zimbabwe. Huit de ces 16 pays accueillent des projets énergétiques indépendants, de nouveau sans mettre en évidence les pays qui pourraient être la cible des investissements chinois.
En dehors de toute autre considération macroéconomique pouvant contribuer à déterminer les investissements, la principale caractéristique qui se dégage concerne les technologies, à savoir la prédominance de projets hydrauliques de grande envergure (7,6 GW, soit environ 77 % des projets) qui ont fait la renommée des entreprises chinoises d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction à travers le monde. La plupart de ces projets ont bénéficié de financements provenant de la Banque d’import-export de Chine, qui est responsable des prêts concessionnels et des crédits à l’exportation au nom du gouvernement chinois.
Pour résumer, alors que les services publics assuraient traditionnellement la majeure partie du financement des nouvelles capacités de production d’électricité, cette tendance est en train d’évoluer. La plupart des gouvernements africains ne sont pas en mesure de financer leurs besoins énergétiques et la majorité des services publics ne disposent pas d’une notation incitative et sont incapables de lever des crédits suffisants à un taux abordable. L’APD et les IFD n’ont que partiellement comblé ce déficit de financement. Aujourd’hui, les sources de financement qui augmentent le plus rapidement sont les sources privées et les financements chinois.
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