Auteurs : Kanta Kumuri Rigaud, Alex de Sherbinin, Bryan Jones, Susana Adamo, David Maleki, Nathalie E. Abu-Ata, Anna Taeko Casals, Fernandez, Anmol Arora, Tricia Chai-Onn, and Briar Mills
Site de publication: Open Knowledge Repository
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2021
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Région déjà très mobile, l’Afrique de l’Ouest connaitra une augmentation des migrations internes en raison des effets du changement climatique
Il s’agit de l’une des régions les plus mobiles au monde dont le passé est caractérisé par le commerce, le pastoralisme nomade et la migration dans le but de diversifier les moyens de subsistance. Le schéma migratoire interne de la région est largement dominé par le mouvement des zones rurales vers les zones urbaines. Le pastoralisme nomade et la migration saisonnière des zones intérieures vers la côte jouent un rôle crucial dans la préservation des moyens de subsistance. Dans une grande partie de l’Afrique, les migrations sont des événements en rapport avec le passé colonial du 20ème siècle et les stratégies de l’après-indépendance, et elles sont profondément enracinées dans la géographie et le climat de la région.
Pris collectivement, les pays d’Afrique de l’Ouest pourraient connaître jusqu’à 32 millions de migrants climatiques internes d’ici 2050 (soit 4,06 % des estimations démographiques) dans le pire des scenarios
Les facteurs climatiques jouent depuis longtemps un rôle important et subtil dans la région, comme en témoignent les migrations saisonnières et celles à plus long terme entre la zone semi-aride du Sahel et la côte tropicale au sud. Ces mouvements permettent de faire face à la saison sèche du Sahel et constituent une stratégie de subsistance importante dans la région. Des études montrent que les variations climatiques entraînent des pics dans les déplacements saisonniers et de proximité. À l’inverse, on observe des flux migratoires importants vers les villes côtières exposées à l’élévation du niveau de la mer et aux ondes de tempête.
Pris collectivement, les pays d’Afrique de l’Ouest pourraient connaître jusqu’à 32 millions de migrants climatiques internes d’ici 2050 (soit 4,06 % des estimations démographiques) dans le pire des scenarios. Ces résultats sont le fruit de l’agrégation des analyses par pays. De tous les scénarios alternatifs modélisés, le scénario optimiste prédit le nombre de migrants climatiques internes le moins important, pour une moyenne atteignant 7,4 millions d’ici 2050.
Les migrations climatiques internes vont s’intensifier d’ici à 2050, le nombre de migrants climatiques se multipliant rapidement, si nous n’agissons pas vite afin de mener une action concertée pour le climat et le développement.
La courbe de la migration climatique interne en Afrique de l’Ouest pourrait s’accélérer entre 2025 et 2050, avec toutefois quelques variations de rythme d’accélération entre les scénarios et les pays. On observe une tendance à la hausse de la migration climatique interne, les scénarios à fortes émissions (les modèles de développement pessimiste et plus inclusif) affichant des rythmes plus élevés d’accélération au fil des décennies. Les migrations climatiques internes dans les pays de la région pourraient s’amplifier, se multipliant par 3,3 ou par 5 entre 2025 et 2050.
Les migrations climatiques internes vont s’intensifier d’ici à 2050, le nombre de migrants climatiques se multipliant rapidement, si nous n’agissons pas vite afin de mener une action concertée pour le climat et le développement
Les migrations climatiques internes ne sont pas uniformes d’un pays à l’autre et dépendent des schémas démographiques et des tendances économiques, mais le climat est un facteur de plus en plus important. Parmi les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, c’est le Nigeria qui, selon le scénario pessimiste, devrait compter le plus grand nombre moyen de migrants climatiques internes d’ici 2050 (8,3 millions), loin devant le Sénégal (0,6 million) et le Ghana (0,3 million).
Les migrations internes dues au climat pourraient apparaître comme le type de migration interne le plus important dans les pays d’Afrique de l’Ouest d’ici 2050.
Des mesures concrètes et opportunes en matière de climat et de développement permettent d’ajuster l’ampleur de la mobilité humaine future induite par le climat, mais les possibilités d’en tirer le meilleur parti diminuent rapidement aujourd’hui. Le sixième rapport d’évaluation (2021) du Groupe d’experts intergouvernemental des Nations unies sur l’évolution du climat (GIEC), met en lumière le caractère croissant de la crise climatique et l’urgence d’agir. Les données scientifiques les plus récentes sur le réchauffement climatique et ses conséquences pourraient remettre en question les perspectives de réduction de l’ampleur des migrations climatiques dans le cadre du scénario optimiste.
L’émergence de foyers d’immigration et d’émigration climatiques en Afrique de l’Ouest dès 2030, nécessite des réponses intégrées et lucides destinées à garantir des résultats durables et viables
L’augmentation de la fréquence, de l’étendue et de l’intensité des foyers migratoires dans les pays d’Afrique de l’Ouest, nécessite une appréciation contextuelle et une action rapide pour éviter et réduire les conséquences néfastes et tirer pleinement parti des opportunités de la migration climatique interne. Les foyers d’immigration climatique devraient voir le jour au Sahel en raison de l’augmentation des points d’eau et des pâturages disponibles. Le centre-sud de la Mauritanie, le sud-est du Mali et le nord du Nigeria seront les principaux points chauds de la migration climatique dans la région.
Mal gérés, les schémas de migration climatique ne vont pas seulement compromettre les efforts de lutte contre la pauvreté des pays, mais ils risquent aussi de réduire à néant les progrès réalisés en matière de développement dans les villes et les centres de croissance. De nombreux foyers d’immigration climatique en Afrique de l’Ouest souffrent des effets graves du changement climatique sur l’environnement, notamment les glissements de terrain, les inondations, les sécheresses et la dégradation des sols, qui viennent s’ajouter à d’autres défis de développement, à savoir les taux de pauvreté élevés, les établissements humains informels et la faiblesse des services et des infrastructures.
Une intervention rapide au niveau mondial visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre est essentielle pour atténuer l’ampleur de la migration climatique interne
Sans une réduction agressive des émissions mondiales permettant d’atteindre les objectifs de Paris, la possibilité de réduire l’ampleur de la migration climatique interne telle que prévue dans les scénarios à faibles émissions sera difficile à concrétiser. En raison des conséquences considérables de la migration climatique interne, la communauté internationale ne saurait relâcher ses efforts. La résolution des problèmes liés aux migrations climatiques internes ne peut être déléguée aux seules communautés concernées, qui pourraient être amenées à se déplacer en raison de l’intensité et de la fréquence croissantes des effets du climat.
La migration climatique interne fait partie intégrante du développement, et étant la face humaine du changement climatique, elle doit être abordée de manière globale.
Les principaux secteurs d’action, tels que préconisés dans le rapport Groundswell, restent d’une importance capitale pour :
- Réduire dès maintenant les gaz à effet de serre.
- Poursuivre des politiques de développement écologiques, inclusives et résistantes au climat. • Intégrer la migration dans la planification du développement.
- Investir dans une bien meilleure compréhension de la migration.
La diversité des contextes ouest-africains dans lesquels se produiront les migrations climatiques internes requiert plus d’attention et de solidarité au niveau mondial. Il conviendrait de s’appuyer sur les cinq domaines d’action ci-après afin de réduire les migrations dues aux effets néfastes du changement climatique :
- Adopter une approche anticipatrice fondée sur la gestion des paysages et des territoires.
- Tirer pleinement parti de la migration climatique pour les emplois et les transitions économiques.
- Renforcer les partenariats pour le développement, l’humanitaire et la paix.
- Combler les vides juridiques et intégrer les politiques migratoires dans le droit national.
La mise en œuvre de ces domaines d’action se fera au moyen d’une action locale et nationale spécifique et une plus grande coopération régionale, le cas échéant
Les migrations climatiques, qui sont une question transversale, doivent faire l’objet d’une action politique éclairée et prospective dans son approche et sa mise en œuvre
Les migrations induites par le climat sont une réalité en Afrique de l’Ouest, et l’urgence d’agir se fait ressentir, les enjeux étant chaque jour plus grands. Les pays de la région peuvent s’engager sur la voie d’un développement écologique, résilient et inclusif, en tirant pleinement parti des nouvelles opportunités économiques et en reconnaissant que les transformations structurelles doivent tenir compte du changement climatique et pouvoir y répondre. La prise en compte des migrations et des déplacements induits par le climat doit faire partie des plans et des actions climatiques des pays. La dimension spatiale et la prise en compte des foyers de migration climatique sont essentielles pour renforcer la résilience. Des mesures anticipatrices et transformatrices prises tout au long du cycle de migration contribueront à réduire la vulnérabilité. Il est urgent pour la communauté mondiale de contribuer à la baisse des émissions de gaz à effet de serre, une condition essentielle à la réduction des migrations induites par le climat.
Ce nouveau rapport de la Banque mondiale sur les migrations climatiques en Afrique de l’Ouest est également un appel à l’action collective visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à la collaboration entre les communautés professionnelles du développement, de l’humanitaire, de la gestion des catastrophes et de la sécurité. En répondant cet appel aujourd’hui, nous contribuerons à jeter les bases d’une région pacifique, stable et sûre pour les populations d’Afrique de l’Ouest, le continent africain et la communauté mondiale.
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