Auteur: Claire Le Roy-Hatala
Organisation affiliée: Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DDTEFP)
Type de publication: Guide pratique
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Cadre légal
La législation a largement évolué ces dernières années, avec notamment la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui donne du handicap la définition suivante: «Constitue un handicap (…) toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un poly-handicap ou d’un trouble de santé invalidant.»
Inspirée de la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette définition remet en perspective déficience et environnement, et reconnaît clairement la dimension handicapante que peuvent avoir les troubles psychiques dans la vie sociale.
En matière d’emploi, les textes rappellent la priorité au «maintien dans un cadre ordinaire de travail». Ils réaffirment et concrétisent également le principe de non-discrimination et d’égalité de traitement dans l’emploi. Ils renforcent enfin l’obligation d’emploi dans les entreprises de plus de vingt salariés en y ajoutant diverses obligations de moyens.
Qu’est-ce que le handicap psychique?
Malgré les efforts apportés par la loi handicap de 2005, il n’existe pas de définition scientifique du handicap psychique qui soit unanimement reconnue et admise. Des professionnels de la santé mentale travaillent à identifier et repérer ses particularités. On parle de handicap psychique lorsque l’on observe : «Un dysfonctionnement de la personnalité caractérisé par des perturbations graves, chroniques ou durables du comportement et de l’adaptation sociale.
Les troubles psychiques sont plus ou moins intenses, ponctuels ou permanents ou encore plus ou moins précoces. Ils entraînent des itinéraires de vie très différents selon le degré d’autonomie (ou de dépendance) des personnes. Certains malades mènent une existence normale, d’autres vivent de manière plus ou moins permanente en institution ou ont un besoin continu d’aides psychosociales: on parle alors généralement de personnes handicapées psychiques.»
Dépasser quelques préjugés
Le handicap psychique se distingue du handicap mental (déficience intellectuelle). En revanche, il peut entraîner (lorsque la personne est gravement atteinte) une détérioration des capacités cognitives (effets sur la qualité de la concentration, la compréhension, la mémoire…). Toutes les personnes atteintes de troubles psychiques ou de maladie mentale ne sont pas nécessairement handicapées par les symptômes. Les troubles peuvent parfois être totalement stabilisés et ne pas «gêner» le salarié dans sa vie sociale et professionnelle.
Toute situation de handicap psychique n’est jamais définitive : les maladies psychiques sont généralement évolutives. Les malades passent par des phases de stabilisation plus ou moins longues, parfois entrecoupées de moments plus difficiles. Il ne faut jamais considérer une situation comme définitivement acquise mais envisager la variabilité de l’état de la maladie.
Un aménagement de poste pour un salarié handicapé psychique est tout à fait envisageable en entreprise. Il ne prendra pas la forme d’une compensation technique de la déficience mais peut se réaliser autour de l’accompagnement du salarié ou d’une réorganisation du travail.
Comprendre les manifestations du handicap
La situation de handicap n’est pas fonction du type de maladies ou de troubles.Elle est principalement déterminée par l’intensité, la durée et la chronicité des symptômes, entraînant des besoins de soins plus ou moins importants et une situation de dépendance. Les troubles sont divers et multiformes.Tous ne génèrent pas de handicap.
■ Les troubles de la pensée : délires, idées obsessionnelles, fuite ou incohérence des idées, lenteur ou appauvrissement de la pensée …
■ Les troubles de la perception : hallucinations, déréalisation…
■ Les troubles de la communication et du langage : repli autistique ou,au contraire,exaltation et excitation…
■ Les troubles de l’humeur : troubles dépressifs ou états maniaques, c’est-à-dire excitation et agitation psychomotrice…
Il ne faut jamais considérer une situation comme définitivement acquise mais envisager la variabilité de l’état de la maladie
■ Les troubles du sommeil : beaucoup de personnes souffrent d’insomnies ou de difficultés d’endormissement et vivent parfois à des rythmes totalement décalés (elles dorment le jour et restent éveillées la nuit).
Les ressources et acteurs sur lesquels s’appuyer pour permettre l’insertion professionnelle
Pour permettre à une personne handicapée psychique d’entrer dans le monde du travail, de se maintenir dans l’emploi ou se réinsérer professionnellement, l’accompagnement à différents niveaux est souvent indispensable. Un premier lieu incontournable depuis la loi handicap de 2005 est bien entendu la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). La MDPH exerce une mission d’accueil, d’information, d’accompagnement et de conseil des personnes handicapées et de leur famille ainsi que de sensibilisation de tous les citoyens au handicap.
Soigner:
Dans l’entourage de la personne
L’entourage familial et affectif joue souvent un rôle important de suivi et d’accompagnement de la personne. Il est parfois le seul interlocuteur possible pour la personne et son seul lien avec la vie sociale. Par ailleurs, lorsque le lien est rompu entre le salarié et le monde du travail, l’entourage peut être un moyen de retrouver un dialogue et ainsi d’éviter parfois une désinsertion professionnelle totale. La réussite de l’insertion socioprofessionnelle est souvent garantie par un suivi médico-social soutenu.
Intégrer:
Dans l’entreprise
La réussite de l’intégration et les conditions de la compensation vont varier selon le secteur de l’activité, la taille et la culture de l’entreprise. Il est fondamental d’intégrer la question du handicap psychique dans la politique des ressources humaines. La présence d’un salarié souffrant de ce type de handicap génère une pression importante auprès des professionnels. Une sensibilisation de ces derniers semble utile pour atténuer cette pression, améliorer la tolérance et induire une progression positive de la personne en situation de handicap psychique. L’appui et l’importance du travail en réseau autour de la personne en souffrance sont également des facteurs indispensables pour lui garantir un cadre de travail suffisamment sécurisant qui permette à la fois son maintien dans l’emploi et la création d’un climat de compréhension du côté de ses collègues.
Quels sont les acteurs ressources dans et à l’extérieur de l’entreprise?
■ Le médecin du travail (en interne ou en externe)
Il garantit un accompagnement médical indispensable et joue un rôle de veille technique rassurant pour le salarié et pour l’entreprise.
■ Les infirmiers : ils ont un rôle d’écoute et une disponibilité importante sur le terrain.
■ Le supérieur hiérarchique : c’est à lui qu’incombera la responsabilité d’innovation en termes d’organisation du travail. Il a besoin d’être épaulé et reconnu par rapport à ce travail. C’est un acteur déterminant pour le salarié avec lequel il doit créer une relation de confiance.
■ Les services des ressources humaines : ils jouent le rôle d’appui technique en terme d’aménagement de poste.Ils mobilisent les ressources et outils de gestion des hommes de l’entreprise pour maintenir le salarié et lui permettre une évolution professionnelle (formation, mutation…).
…et accompagner
Dans le dispositif d’insertion professionnelle
Des structures spécialisées dans les problématiques spécifiques au handicap psychique par rapport à l’insertion professionnelle représentent un réel appui à la fois pour le salarié et pour l’entreprise en matière d’intégration ou de maintien dans l’emploi.
Handicap psychique et travail en milieu ordinaire : quelle rencontre possible?
Travailler en milieu ordinaire est tout à fait envisageable pour un certain nombre de personnes handicapées psychiques, contrairement à certaines idées reçues qui véhiculent une image des troubles psychiques comme étant incompatibles avec une activité salariée. Cette insertion professionnelle peut nécessiter des aménagements et suppose une participation active de la personne à son insertion. Quelle forme cette démarche prend-elle?
S’engager
Comment être acteur de son insertion professionnelle?
Accepter que l’entreprise ne puisse réparer les troubles et que « travail » ne signifie pas nécessairement guérison. S’engager à être suivi à l’extérieur et continuer à prendre son traitement (lorsqu’il est prescrit) et à être suivi médicalement (un contrat moral peut être passé avec le médico-social). Savoir que l’on peut s’appuyer sur des personnes ressources dans l’entreprise pour ne pas s’isoler (médecin du travail, assistante sociale, supérieur hiérarchique lorsqu’il existe une relation de confiance, cellule médico-psychologique).
Il s’agit pour le travailleur de développer un réseau à l’intérieur de l’entreprise sur lequel il peut compter en cas de difficultés professionnelles ou personnelles. La personne est la première à pouvoir déterminer ses besoins en matière d’insertion professionnelle et à proposer des pistes d’aménagement de poste. Le contrat passé avec l’entreprise est un contrat professionnel avant tout, et la personne doit s’appuyer sur ses compétences et habiletés professionnelles pour l’honorer.
En pratique
Comment aménager le poste de travail
C’est la confiance en soi et en ses compétences professionnelles qui manquent souvent le plus à un travailleur handicapé psychique. Par ailleurs, le long processus de compréhension et d’acceptation des troubles entraîne parfois, au début, un déni de son handicap et de sa situation. Le maintien et l’intégration du salarié demandent donc un effort d’aménagement du travail pour l’assurer dans sa participation professionnelle tout en identifiant ses besoins spécifiques du fait du handicap.
Sur quelles dimensions professionnelles peut porter l’aménagement de poste?
Ne pas oublier que c’est la personne handicapée psychique elle-même qui est porteuse d’un aménagement du travail et qui est la mieux à même de définir ses besoins. Les professionnels de l’insertion sont des médiateurs pertinents pour proposer un aménagement du travail.
■Le temps de travail : certains traitements fatiguent beaucoup les salariés. Le temps partiel peut être un moyen de maintenir dans l’emploi une personne en situation de handicap psychique lorsque les troubles sont envahissants.
■ La répartition des horaires : certaines personnes sont plus à l’aise avec une répartition des horaires rassemblés sur certains jours de la semaine. De même, une annualisation du temps de travail peut parfois être envisagée.
■L’organisation du travail : du fait de troubles relationnels, il est parfois pertinent d’envisager une organisation du travail en autonomie. Inversement, certains salariés sont rassurés par un travail en équipe bien organisé et solide.
Écouter et agir
Comment se positionner face à un salarié handicapé psychique?
Il faut autoriser le salarié à parler de ses troubles et définir ses besoins pour le rendre acteur de son insertion professionnelle. L’objectif est d’établir un dialogue avec la personne. Une attitude de respect et de bienveillance est indispensable pour développer une écoute de qualité qui sera le point de départ à son intégration.
La reconnaissance administrative du handicap peut être un outil de compréhension des troubles et de définition de ses besoins par la personne. C’est également un moyen d’officialiser la maladie et de déculpabiliser la personne. Cette reconnaissance est cependant un outil limité dans la mesure où elle est également un vecteur de stigmatisation que le salarié peut rejeter.
Il faut autoriser le salarié à parler de ses troubles et définir ses besoins pour le rendre acteur de son insertion professionnelle
Il faut lever les ambiguïtés. Les symptômes liés aux troubles psychiques font souvent l’objet d’incompréhension, de surinterprétation ou de projections fantasmatiques. En nommant la maladie dans le monde du travail, on se donne les moyens de considérer les besoins particuliers du salarié.
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