Dans le cadre du débat de WATHI sur les réseaux sociaux, nous sommes allés à la rencontre de M. Mouhammad Ciss, créateur de contenu, assistant de programme à la gouvernance locale ouverte chez AfricTivistes . Dans cet entretien, il a eu à montrer l’impact que peuvent avoir les réseaux sociaux sur les projets communautaires et les atouts du numérique pour améliorer la gouvernance locale. Il a aussi souligné les erreurs à corriger au niveau des réseaux sociaux créés par des Africains.
Un hashtag et son utilité
Un #hashtag est un mot ou un groupe de mots, une clé qui commence par un dièse (#) qui nous permet de centraliser toutes les informations par rapport à une activité, un évènement, une marque, une entreprise. Cela permet à toutes les personnes intéressées par un sujet de pouvoir se retrouver facilement autour de ce hashtag.
Atouts des réseaux sur les projets communautaires
Les atouts des réseaux sociaux sont considérables, car ils permettent d’atteindre des cibles que nous ne pouvions pas atteindre il y a quelques années. En effet, aujourd’hui chacun est muni d’un smartphone qui est accessible et à portée de main. Si on passait uniquement les messages à la radio, à la télévision, au journal de 20h ou 13h, aujourd’hui on a l’opportunité de faire une publication sur Facebook ou sur Twitter et permettre à notre audience d’être informée à l’instant T, directement à travers une notification sur leur téléphone.
Il est important de sensibiliser et de pousser les personnes à prendre leurs responsabilités. Lorsqu’une personne ouvre son fil d’actualité et découvre que cette semaine, par exemple, la « Team Niitché » ou celle de « J’existe » de Sophie Gueye a fait une activité dans une zone, cela peut l’influencer, la pousser à réfléchir sur comment elle peut impacter, être utile à sa communauté. C’est pourquoi, nous misons sur les réseaux sociaux pour impulser cette dynamique et permettre à d’autres personnes de voir qu’il y a de très bonnes choses qui se font et qu’elles peuvent aussi à leur tour contribuer à ce qui se fait de mieux.
L’entrepreneuriat à l’ère des réseaux sociaux
D’abord, il y a le « personal branding » qui permet à un entrepreneur ou toute personne qui fait une communication sur une plateforme digitale, d’être reconnue dans son domaine d’expertise, les différentes compétences qu’il possède et cela permet aussi à l’entrepreneur de mettre en avant ce qu’il sait faire et comment il peut aider les autres avec ses aptitudes.
Il y a un autre aspect également qui permet de réunir les personnes autour d’une cause. On parle de communauté, de dynamique communautaire; le réseau social met en relation ces personnes et l’entrepreneur peut les réunir autour de sa marque ou des services qu’il propose.
La base de toute activité est de pouvoir réunir des personnes, de pouvoir partager la passion qu’on a avec ces personnes afin qu’elles portent avec nous la cause qu’on défend. Si on a le soutien de la communauté, on peut impacter facilement les personnes. En vérité, ce sont les mêmes personnes qui ont les smartphones que nous rencontrons dans la vie réelle.
Le Local Open Gov Lab d’AfricTivistes
Il s’agit d’un projet qui vise à outiller et à accompagner les collectivités locales pour qu’elles puissent intégrer le numérique dans tout ce qu’elles font. Cela va de la dématérialisation des procédures administratives à la mise en place de plateformes pour mettre en valeur ce que fait l’administration locale pour les populations, en passant par la transparence et la redevabilité.
Il est important que les populations sachent où vont les impôts qu’elles payent. Ce programme aussi crée des cadres de concertation au niveau local avec les différents acteurs notamment les élus, les conseillers municipaux, les sages, les chefs religieux, les représentants des associations de jeunesse, les femmes, bref tous les acteurs qui contribuent à la marche de la communauté au niveau local.
L’objectif est de créer des collectivités locales modèles qui vont soutenir cette dynamique qui va au-delà des collectivités locales, pour créer une nouvelle relation avec les administrations. L’idée est d’outiller les collectivités locales mais aussi de former les citoyens à pouvoir surveiller l’action publique à travers les plateformes qui seront mises en place.
Le projet sera déployé dans 4 pays africains qui sont le Sénégal, la Guinée, la Guinée-Bissau et le Niger. Pour chaque pays, ce sera un volontaire africTiviste pour la gouvernance locale ouverte qui sera envoyé sur place. Ce sera un jeune africain compétent sur tout ce qui concerne la gouvernance locale, la création de plateformes, de cadres de concertation au niveau local. C’est le type de profil qui sert d’appui pour soutenir le déploiement du projet au niveau local.
C’est pourquoi, on a mis en ligne un formulaire d’inscription pour bénéficier du programme LOG et un autre pour les jeunes qui souhaitent être volontaire africTiviste de la gouvernance locale ouverte. L’objectif est aussi d’aller au-delà de ces quatre pays pour que les collectivités locales africaines intègrent le « Open Government Partnership ». Il est important que les citoyens aient une relation nouvelle avec les administrations pour soutenir les principes de démocratie.
Défi à relever pour moderniser les collectivités locales
Les défis sont énormes. Si on regarde les pays dans lesquels le projet sera déployé, il y a beaucoup à faire. Déjà, les défis sont infrastructurels. Si on doit intervenir dans une collectivité, il faudra d’abord que cette dernière ait accès à Internet. Il leur faut aussi au moins un local pour accueillir le volontaire qui sera sur place. Il faut aussi que ces localités aient de l’électricité. Tout cela démontre l’importance de ce projet, car il permettra de déceler les failles sur le terrain.
L’objectif est de créer des collectivités locales modèles qui vont soutenir cette dynamique qui va au-delà des collectivités locales, pour créer une nouvelle relation avec les administrations. L’idée est d’outiller les collectivités locales mais aussi former les citoyens à pouvoir surveiller l’action publique à travers les plateformes qui seront mises en place
Un autre défi aussi consiste à pouvoir déployer ce type de projet dans des zones très reculées. Lorsqu’une personne est à Dakar et a besoin d’un extrait de naissance à Kolda ou à Tambacounda, il doit être possible de faire la demande avec son smartphone et que le document demandé puisse être envoyé par mail ou même via WhatsApp.
Un réseau social africain à visée mondiale, comment y arriver?
Il y a beaucoup de jeunes africains qui essaient de bien faire. J’ai essayé pas mal de réseau social et pour moi, on oublie l’essentiel. Aujourd’hui, si on voit que les plateformes qui passent le mieux sont européennes ou américaines, c’est parce qu’ils (Européens et Américains) ont pris le temps de bien travailler sur leur plateforme et de bien la faire tester avant qu’elle ne soit déployée. On se lève du jour au lendemain, et on voit un réseau social qui naît, mais est-ce qu’en amont des personnes l’ont testé pendant six (6) mois par exemple ? Est-ce qu’on a vérifié si ce nouvel outil est à la hauteur des attentes des Africains ? Qu’est-ce que ce réseau social apporte de plus par rapport à ce que m’offrent Facebook ou Twitter ? Est-ce que ce réseau social entre dans mon quotidien ?
Il est important que les citoyens aient une relation nouvelle avec les administrations pour soutenir les principes de démocratie
Si aujourd’hui, nous avons cultivé le réflexe d’aller sur Twitter pour nous informer, c’est parce que c’est une plateforme d’épuration et qui permet d’avoir de l’information en temps réel. Si on crée un réseau social, on doit faire un focus sur un besoin spécifique. On doit répondre à un besoin. Quel que soit le domaine d’intervention, il est important de savoir précisément à quel besoin répond la création de son projet.
La deuxième chose à savoir c’est qu’aujourd’hui, tout commence avec une communauté. Si Facebook a connu ce boom, c’est parce qu’à la base, c’était une communauté d’étudiants et d’amis qui voulaient mettre sur pied quelque chose. Une fois que la communauté a bien testé l’outil, et que chacun y a apporté du sien, le produit final est à la hauteur des attentes.
On se lève du jour au lendemain, et on voit un réseau social qui naît, mais est-ce qu’en amont des personnes l’ont testé pendant six (6) mois par exemple ? Est-ce qu’on a vérifié si ce nouvel outil est à la hauteur des attentes des Africains ? Qu’est-ce que ce réseau social apporte de plus par rapport à ce que m’offrent Facebook ou Twitter ? Est-ce que ce réseau social entre dans mon quotidien ?
On se rend compte que les gens créent des choses en Afrique mais de manière solitaire. Il y a des développeurs et des UX designers qui sont disponibles, donc on doit favoriser une collaboration. C’est cette dynamique collaborative qui nous permettra de sortir la tête de l’eau dans tout ce que l’on fait en termes de création. On a toutes les compétences, il faut juste collaborer et éviter de faire cavalier seul.
Une autre chose qui est importante à mon avis est l’UX Design, tout ce qui est expérience utilisateur. Si j’utilise un réseau social africain et qu’il ne répond pas à mes attentes en termes de fluidité ou n’est pas adapté à mon téléphone, ou les dispositifs débordent par-ci, par-là, le sentiment est frustrant. Aujourd’hui, de tout ce qu’on a, on nous vend l’expérience utilisateur. En termes de vision 360, est-ce que la marque, le produit ou le service correspond à la manière dont l’utilisateur aimerait se sentir ?
Si j’achète des lunettes, il faut qu’elles soient en adéquation avec ce que je recherche lorsque je les porte. Donc, c’est la même logique avec un réseau social, on doit se sentir à l’aise avec, pourvoir y naviguer avec facilité. Selon moi, ce sont les points sur lesquels il faut travailler tout en accentuant la collaboration.
Source photo : Agence Ecofin
Mouhammad Ciss est assistant de programme à la gouvernance locale ouverte chez AfricTivistes. Il est également ambassadeur de marque, spécialiste des réseaux sociaux, créateur de contenus digitaux et formateur en communication digitale.