Dans le cadre du débat de WATHI sur les relations entre la Chine et l’Afrique de l’Ouest, nous sommes allés à la rencontre de M. Loïse Tamalgo, Vice-président en charge des relations publiques pour l’Afrique subsaharienne de Huawei Northern Africa. Il a partagé avec nous les stratégies mises en place par Huawei pour accompagner le continent à entrer pleinement dans la quatrième révolution industrielle. Il aborde également la question de l’accompagnement de la jeunesse en termes de connaissances et de transfert de compétences. Il a apporté aussi des précisions cruciales sur la nature des relations entre cette multinationale chinoise et les gouvernements africains.
Quelle est la perspective de Huawei concernant l’évolution digitale du continent africain ?
Tout d’abord, l’Afrique est aujourd’hui à la veille de la quatrième révolution industrielle. Cependant, elle souffre de plusieurs maux mais je n’appellerai pas cela des obstacles, il s’agit plutôt de défis, notamment des défis infrastructurels, l’insuffisance en termes d’énergie, d’électrification et de maillage du territoire. 650 millions d’Africains vivent sans électricité sans compter les 100 millions d’Africains vivant dans des zones blanches, enclavées, et les problèmes de financement en termes de projets et d’infrastructures digitales.
En octobre 2019, lors de la publication du rapport de la Banque mondiale, il a été mentionné que cette carence en infrastructures constituait un obstacle majeur empêchant l’Afrique d’entrer dans la quatrième révolution industrielle. Selon la Banque Mondiale, le continent a besoin d’un minimum de 230 000 km de fibre pour être à un niveau optimum de connectivité d’ici 2030.
C’est pourquoi, Huawei, en tant qu’acteur majeur engagé sur le continent depuis plus de 20 ans a déployé plus de 200.000 kms de fibre optique, et ne compte pas s’arrêter là. Nous sommes très conscients que parler de digitalisation en Afrique sans résoudre le problème de la connectivité, revient à placer la charrue avant les bœufs. C’est ce qui explique que nous avons fait de la connectivité en Afrique et le désenclavement rural notre cheval de bataille.
Quelle est votre relation avec vos partenaires privés et publics ?
Nous ne comptons pas connecter l’Afrique seuls, mais en collaboration avec tous les partenaires du secteur car le numérique est devenu une question d’écosystème. Ce n’est plus une question d’acteurs numériques uniquement, mais d’écosystème, ce qui implique les vendeurs, les opérateurs, les décideurs des pouvoirs publics, les start-ups et les innovateurs. C’est un mouvement commun dans lequel nous nous inscrivons pour relever ces défis de 230 000 km de fibre optique à construire dans les années à venir.
Nous sommes très conscients que parler de digitalisation en Afrique sans résoudre le problème de la connectivité, revient à placer la charrue avant les bœufs
Nous nous focalisons dans l’accompagnement des États et des différents acteurs pour la construction et la mise en place d’infrastructures numériques nécessaires pour augmenter le niveau de connectivité. Une attention particulière se porte aussi sur les solutions de connectivité en zones rurales dans un contexte de manque de ressources financières des États comme des populations. Il faut développer des solutions adaptées que nous pouvons déployer rapidement, moins chères et qui peuvent donner de la connectivité au monde rural sans trop de tracas, ni de besoins financiers, un travail collectif.
Quels sont les projets les plus importants de Huawei en Afrique ?
L’une de nos priorités porte sur la vulgarisation de nos solutions, notamment «Rural Star», une solution de connectivité 3G, 4G déployée en zones rurales dans plusieurs pays tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso et bien d’autres pays.
Une autre solution nommée «Power Cuber 1000» , solution de connectivité universelle, consiste à désenclaver sur le plan énergétique des villages non connectés à l’électricité sans passer par les réseaux nationaux. Nous avons déjà déployé près de 350 sites de cette solution au Cameroun et dans d’autres pays.
Le plan social constitue notre seconde priorité. Former les talents africains qui peuvent faire que les écosystèmes africains soient bien équipés est notre fer de lance. En effet, c’est une chose de déployer des infrastructures, mais il faut aussi les talents africains qui pourront utiliser et développer ces infrastructures afin de générer une innovation constante dont l’Afrique pourra tirer profit. Donc, nous allons continuer à investir dans l’éducation à travers nos programmes «ICT competition» et «Seeds For The Future» pour accompagner la jeunesse.
En période de Covid-19, nous soutenons également les PME locales pour qu’elles survivent vu que la covid-19 est venue les menacer. Selon certaines prédictions, 60% des PME vont disparaître d’ici la fin de la pandémie. Or, 90% des écosystèmes économiques des pays sont constitués de PME. Si ces dernières disparaissent, 80% de la force employée sera au chômage.
En tant que société, nous sommes un leader en termes de réflexion avec les autres partenaires pour influencer, convaincre les gouvernements de soutenir beaucoup plus les PME en termes de financement. En tant que conseillers, nous guidons les PME dans leur digitalisation, car en se digitalisant, elles réduisent leurs coûts et elles deviennent plus agiles et produisent plus de bénéfices.
Enfin, nous continuons de travailler sur de nouvelles technologies innovantes comme le Cloud afin d’assurer la souveraineté numérique de l’Afrique. Nous allons également soutenir nos clients à déployer les cloud africains et éventuellement identifier quelles applications de l’intelligence artificielle peuvent être adaptées au contexte des pays africains pour résoudre les défis qui se sont posés depuis longtemps dans le domaine de l’agriculture et le domaine de l’éducation. L’idée est de savoir comment régler rapidement ces questions afin de permettre à l’Afrique d’émerger et d’entrer dans la quatrième révolution industrielle.
Le continent est-il uniquement un marché pour Huawei ?
Nous sommes présents depuis une vingtaine d’années en Afrique et notre chiffre d’affaires annuel en Afrique représente 5% de notre chiffre d’affaire mondial. Le continent représente donc évidemment une opportunité en termes de marché. Mais nous y sommes aussi implantés car nous croyons que l’Afrique est un terrain où il y a encore la possibilité de mettre en place des solutions innovantes. Dans d’autres continents , tout a déjà été fait, et il est difficile de revenir sur ce qui a déjà été installé. Mais en Afrique, on a l’opportunité de mieux faire sans se tromper.
Nous reconnaissons également des similitudes entre l’Afrique et la Chine. 800 millions d’Africains ont moins de 24 ans. Et comment la Chine a-t-elle pu se développer rapidement? C’est en s’appuyant sur sa forte population jeune. Si on arrive à équiper les jeunes Africains, les éduquer, les former, l’Afrique va devenir une puissance économique au niveau mondial et nous sommes là pour aider à cela en faisant un transfert de technologie.
Sur le continent africain, nous avons 9 000 employés, dont 75% sont des Africains, nous faisons confiance aux jeunes du continent. Nous sommes l’une des rares sociétés qui recrutent autant. Nous sommes dans les 54 pays africains, dans chaque pays on a un bureau local enregistré au niveau de l’État et nous payons des taxes. Nous faisons des achats au niveau local et formons des talents, qu’ils viennent travailler chez Huawei ou non.
Le continent représente donc évidemment une opportunité en termes de marché. Mais nous y sommes aussi implantés car nous croyons que l’Afrique est un terrain où il y a encore la possibilité de mettre en place des solutions innovantes
Notre contribution dans chaque pays est importante. Nous ne fonctionnons pas comme certaines sociétés qui s’installent ailleurs et qui viennent fonctionner en offshore. Nous investissons dans le pays et à l’intérieur du pays nous contribuons aussi à donner ce que nous avons comme connaissances aux différents partenaires, notre expérience venue d’autres pays pour leur permettre de construire des stratégies digitales au niveau national.
Quelle est la nature des relations entre Huawei et les gouvernements en Afrique subsaharienne ?
Dans tous les pays où Huawei a eu à opérer, notre relation avec le gouvernement est une relation de conseil. Nous sommes un partenaire technologique, technique, nous venons parce qu’il y a peu de concurrence, et sommes considérés au même titre que nos concurrents. Il n’y a pas plus de 2, 3, 4 sociétés qui peuvent vraiment déployer de grandes infrastructures dans les domaines élevés des TICs.
C’est Huawei, c’est Nokia, c’est Ericsson, et nous sommes les leaders. C’est ce qui donne l’impression qu’on en est les seuls à collaborer avec les gouvernements, mais c’est purement lié à la structure du domaine technologique. Huawei n’a pas d’influence politique, sur aucun gouvernement.
Sur le continent africain, nous avons 9 000 employés, dont 75% sont des Africains, nous faisons confiance aux jeunes du continent. Nous sommes l’une des rares sociétés qui recrutent autant. Nous sommes dans les 54 pays africains, dans chaque pays on a un bureau local enregistré au niveau de l’État et nous payons des taxes. Nous faisons des achats au niveau local et formons des talents, qu’ils viennent travailler chez Huawei ou non
Nous sommes un partenaire technologique qui contribue à augmenter le PIB indirectement. Les TIC en Afrique contribuent au PIB à hauteur de 3 à 5%. Nous n’en sommes pas les seuls contributeurs, mais nous sommes un grand contributeur au travers des infrastructures que nous déployons dans le pays et la valeur ajoutée que cela apporte.
Si demain un autre nous dépasse en termes d’innovation, il sera naturellement consulté. Et le secret de notre leadership en innovation réside aussi dans la recherche et le développement, où nous investissons 15% de notre revenu annuel et 48% de nos 194.000 employés.
Quelle est la place des employés africains dans le dispositif de Huawei ?
Dans les années 2000-2005, nous avions des difficultés à trouver des ressources en Afrique parce que les niveaux d’alphabétisation et de qualification dans certains domaines étaient très faibles. Mais au fur et à mesure, nous avons pu employer des jeunes ingénieurs qui viennent travailler à Huawei.
Le secret de notre leadership en innovation réside aussi dans la recherche et le développement, où nous investissons 15% de notre revenu annuel et 48% de nos 194.000 employés
Avec le temps, ces jeunes commerciaux et jeunes managers ont grandi dans la société et certains d’entre eux, depuis 3 à 5 ans, ont commencé à occuper des positions importantes. Je commencerai par moi-même qui suis Africain, qui occupe le poste de vice-président régional et je dirige à peu près 22 pays. Le directeur de la maintenance de trois pays est un Ivoirien. Au Sénégal aussi, les Africains occupent des positions stratégiques. Moi-même, j’ai été directeur pays pendant 8 ans. Il y’en a bien d’autres parce que la société a compris qu’on ne peut pas faire sans une intégration des compétences locales.
Source photo : french.peopledaily.com.cn
Loïse Tamalgo est actuellement le Vice-président en charge des relations publiques pour l’Afrique subsaharienne de Huawei Northern Africa. Il est titulaire d’un MBA et d’une Maîtrise en Langues appliquées au tourisme et aux affaires. Il a rejoint Huawei en septembre 2007 et a été tour à tour, chef de produit applications et logiciels, gestionnaire de comptes opérateurs et de compte gouvernement, directeur pays pour Huawei au Burkina Faso pendant huit ans, puis vice-président des ventes pour la représentation de Huawei Côte d’Ivoire, qui regroupe, outre la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Burkina Faso et la Guinée pendant un an et demi, avant de rejoindre les relations publiques qu’il pratiquait déjà.
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Bonjour@
Est qui peut voir des opportunité pour améliorer mes compétence professionnelle a HUAWEI@ En 2019, je propose développement du RURAL STAR en GUINE BISSAU avec XI HUI. Quand il venu proposer RURAL VSAT
J’aimerais en savoir plus sur un programme évoqué par M. Tamalgo que je cite :
“Une autre solution nommée «Power Cuber 1000» , solution de connectivité universelle, consiste à désenclaver sur le plan énergétique des villages non connectés à l’électricité sans passer par les réseaux nationaux. Nous avons déjà déployé près de 350 sites de cette solution au Cameroun et dans d’autres pays.”