Qu’entend-on par intelligence artificielle (IA)?
L’intelligence artificielle (IA) est une technique qui permet aussi bien au robot qu’à une voiture, un moteur de recherche, ou même un téléphone portable, d’exécuter des tâches habituellement réalisées par des humains. Elle existe grâce à des systèmes informatiques qui fonctionnent à l’aide d’un algorithme, des programmes qui sont écrits et qui exécutent certaines tâches qui sont définies par les auteurs de ce programme.
Un programme doté d’une intelligence artificielle peut réussir à analyser ou identifier des visages, ou réussir à analyser des paramètres pour en choisir ceux qui sont optimaux afin de résoudre des problèmes. Il peut prédire un phénomène ou prédire les prix des actions d’une entreprise sur les marchés financiers par exemple.
Quels sont les prérequis pour se former et devenir un expert en intelligence artificielle?
Il faut des connaissances de base, à priori, avant de s’engager dans l’apprentissage de l’IA. En particulier, il faut avoir certaines connaissances en langages de programmation, notamment Python qui est le langage de référence ou l’un des langages de référence en IA. Il faut aussi avoir des compétences en langage « R » et des compétences en statistiques. Une personne désireuse de se former en IA doit avoir certaines notions et capacités d’analyse et d’interprétation des données.
Face à une courbe tracée, il faut être capable de dire quelle est l’intuition qui se cache derrière les données ou quelle conclusion tirer en observant l’évolution de cette courbe avant même de s’avancer à développer des modèles d’IA. Cette étape est très importante et il faudra avoir des compétences de base, complétées par les statistiques, les compétences en langages de programmation et langages basiques pour y arriver.
Quelles sont les formations en matière de IA ?
Aujourd’hui, le domaine de l’IA connait un essor, que ce soit sur le marché de l’emploi, dans les entreprises, les startups, les institutions, etc. Nous pouvons dire que c’est un secteur qui connait une croissance fulgurante. Ceci dit, il est facile de se former, soit dans les écoles de formation, soit en “open source” sur Internet, où des fora de formation sont organisés.
Il y a par exemple la plateforme Github que des milliers de personnes rejoignent chaque jour pour se former. Il y a également la plateforme Kaggle totalement orientée vers la science des données, une branche de l’IA, dans laquelle des personnes collaborent dans des projets.
Ceci dit, il est facile de se former, soit dans les écoles de formation, soit en “open source” sur Internet, où des fora de formation sont organisés
Il est donc facile, sans même se rendre dans une école de formation, de se former en IA. Mais, nous sommes dans un monde dans lequel les diplômes sont requis pour attester de la connaissance et de la maitrise d’un domaine. A un certain moment, la nécessité de s’orienter vers une école s’impose aux apprenants. Il leur faut s’inscrire dans une école de formation pour avoir un diplôme reconnu..
Des écoles proposent plusieurs formations structurées, en partenariat avec des entreprises ou avec des centres de recherche afin d’offrir aux étudiants la possibilité de travailler sur des cas réels pour allier la pratique à la théorie. Mieux encore, des initiatives sont lancées un peu partout. Au Sénégal, l’initiative dénommée Institut des algorithmes du Sénégal a récemment été lancée. Cette initiative est une plateforme en ligne qui a été créée par des jeunes sénégalais vivant en France pour permettre aux étudiants sénégalais, et africains en général, de s’orienter vers les métiers du numérique, dont l’IA.
Quid de la qualité de l’enseignement des centres de formation à l’IA en Afrique et en Afrique de l’Ouest ?
Il reste beaucoup à faire, car le niveau n’est pas le même qu’ailleurs. En effet, dans le domaine de l’IA, il faut proposer des solutions concrètes, des applications qui répondent aux besoins des populations. Il ne s’agit pas que de la théorie. A un certain moment, il faut se mettre devant un ordinateur, avoir des projets sur lesquels travailler.
Actuellement en Afrique, il n’y a pas cette connexion entre le monde des entreprises, les centres de recherche et les écoles de formation
Actuellement en Afrique, il n’y a pas cette connexion entre le monde des entreprises, les centres de recherche et les écoles de formation. C’est un grand retard à rattraper. Alors qu’en Europe, aux États-Unis, en Chine, cette interconnexion existe entre centres de recherche, entreprises et écoles de formation, de sorte que les étudiants formés dans ces domaines peuvent facilement avoir accès à des projets. Ils peuvent travailler pour appliquer les connaissances théoriques apprises à l’école. A mon avis, le retard en Afrique se situe à ce niveau. Il faudrait arriver à connecter ces deux mondes : la formation et les entreprises.
Il faut aussi mettre beaucoup plus de rigueur dans les formations. Partir de la base, car il faut un minimum de connaissance en langages de programmation et en théories statistiques. Il faut démarrer par la base avant même d’arriver à développer des modèles d’intelligence artificielle qui peuvent être jugés pertinents et performants.
En somme, il y a un écart entre la qualité de formation en Afrique et celle en Europe, ou en Chine. Il faudrait y mettre beaucoup plus de rigueur d’une part, mais d’autre part, aller vers l’interconnexion entre le marché du travail et les écoles de formation.
Pour un jeune africain qui désire se former à l’IA, quels sont les coûts de la formation ?
Le coût de la formation est bien calibré avec le niveau en Afrique. Aujourd’hui, nous pouvons voir des écoles telles que Dakar Institute of Technology au Sénégal qui vient d’ailleurs de lancer une filière en intelligence artificielle. Il y a donc des écoles qui proposent des formations en IA, certes avec un niveau pas encore très élevé, mais à des coûts acceptables en milieu africain et ouest-africain également.
Des bourses de formation sont offertes aux jeunes par les Nations Unies et la Banque mondiale afin d’accéder aux métiers du numérique. Et qui dit numérique, dit également intelligence artificielle face à une multitude de demandeurs de données. Le PNUD a lancé un programme dénommé Accelerator Labs. Ce programme permet d’identifier ou de trouver des projets innovants des jeunes de moins de 28 ans afin de les aider à monter en compétences dans les métiers de l’intelligence artificielle.
En fonction de leur innovation, le programme peut leur donner la possibilité de se former gratuitement avec des frais pris en charge par les institutions. Nous voyons au niveau institutionnel, des efforts qui sont menés, par l’octroi de bourses de formation, de financements de projet, afin d’aider les jeunes à se former aux métiers du numérique, dont l’IA.
Quels sont les débouchés pour un étudiant qui est formé en IA ?
C’est une question très importante, surtout que l’IA est un domaine assez ouvert, mais aussi accessible qui facilite l’insertion au marché du travail. Pourquoi? Parce que de plus en plus les entreprises, les PME, les startups, à travers leurs activités quotidiennes génèrent massivement des données de manière continue. Et l’intelligence artificielle a pour rôle d’exploiter ces flux de données pour modéliser, étudier et apprendre des phénomènes, afin d’aider les chefs d’entreprises, les startups, les institutions à prendre des décisions non seulement pour le présent, mais aussi pour l’avenir.
Toute activité entraine inéluctablement une génération de données, et du fait de la disponibilité de ces données, l’IA entre en jeu
Un autre aspect de l’intelligence artificielle est qu’elle intègre tous les secteurs, sans exception. Que ce soient le secteur aérien, l’aéronautique, l’éducation, la santé, les transports, l’économie en général, aucun secteur n’est épargné. Dans tous ces secteurs, il y a une activité qui entraine inéluctablement une génération de données, et du fait de la disponibilité des données, l’IA entre en jeu.
Tous les secteurs d’activité peuvent faire appel à l’intelligence artificielle. Former des jeunes dans ce domaine permet de réduire le taux de chômage. Et cela permet aux entreprises d’accroître leur efficacité, leurs compétences et booster leurs chiffres d’affaires avec beaucoup plus d’optimalité.
Que peuvent faire les pouvoirs publics pour accompagner les jeunes intéressés par les métiers de l’IA ?
Nous sommes aujourd’hui dans un monde du numérique. Il faudrait commencer par la base. Il ne faut pas attendre l’université pour initier les jeunes aux métiers du numérique. Il faudrait commencer plus tôt au lycée. Il faudrait, pour se former en IA, avoir certaines notions de base dans les langages de programmation. Il faudrait, dès le lycée, intégrer quelques cours sur les langages de programmation ou quelques notions de base dans le cursus scolaire des jeunes. Ensuite, une fois à l’université, il s’agira de renforcer ces prérequis orientés vers le numérique, vers l’intelligence artificielle. Il faut donc donner aux jeunes les compétences nécessaires et adopter les dispositions idoines pour ce faire.
Aujourd’hui, les jeunes sont innovants et ont vraiment l’esprit entrepreneurial. Mais ce qui pose problème, c’est le défaut d’encadrement et le développement des compétences. Malgré ces contraintes, rappelons que des jeunes se forment de manière autodidacte sur les plateformes en ligne et sont en train d’innover, de créer, d’apporter des solutions fantastiques.
Par exemple, un jeune sénégalais Djimm Momar Lo, a développé très récemment un détecteur de somnolence. Il a utilisé des techniques de l’intelligence artificielle pour développer un outil qui permet aux conducteurs d’éviter les accidents. L’outil installé sur le pare-brise de la voiture, dispose d’une caméra qui capte les regards du conducteur. Lorsque ce dernier ferme ses yeux durant cinq secondes environ, une alarme retentissante se déclenche pour signaler l’état de somnolence.
Ceci pour dire que les jeunes sont partants pour se former et innover. Mais il faudrait qu’il y ait une politique d’accompagnement pour créer un environnement favorable afin de permettre aux jeunes de développer leurs projets de manière optimale. La plupart ont du mal à démarrer leurs projets, en raison des soucis techniques, mais aussi à cause d’un manque de financement. Aujourd’hui, l’État doit initier des politiques dans ce sens et les adapter aux besoins et aux réalités du Sénégal.
Par rapport à l’application de Djimm Momar Lo, nous voyons qu’au Sénégal, nombreux sont les “cars-rapides” qui circulent et dont il n’est pas possible d’intégrer un dispositif de somnolence de la même manière qu’une voiture BMW. Donc, il fallait créer un nouvel outil adapté à ce besoin local. Et c’est ce qui doit-être fait.
J’appelle l’État, les pouvoirs publics et les institutions africaines à agir dans ce sens. Encadrer les jeunes, offrir un meilleur cadre favorable à l’évolution de la jeunesse dans les domaines du numérique, dans les domaines de l’intelligence artificielle. Ce sont des domaines prometteurs. En œuvrant de la sorte, cela permettra de résoudre le problème du chômage et de garantir aux jeunes de l’emploi. Cela permettra aussi à nos pays africains, au Sénégal en particulier, d’avoir leur place dans la création de multinationales dans le monde du numérique.
Source photo :
Dia Ndiaye est étudiant sénégalais à l’École polytechnique de Paris X, en France. Il y étudie l’intelligence artificielle appliquée au secteur des télécommunications. Actuellement en année d’application pour les quatre années du cycle d’ingénieur polytechnique, il suit également un parcours à l’École nationale des télécoms du numérique de Toulouse N7. Avant d’étudier en France, Dia Ndiaye a obtenu une Licence en Mathématiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est le cofondateur de l’Institut des algorithmes du Sénégal.
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Une très bonne analyse. Je pense que relation école entreprise une des meilleures techniques pour former produits opérationnels dans les secteurs clés du développement économique, social, sanitaire etc.
Merci l’ingénieur Ndiaye Dia.
Intéressant ainsi que faire pour un littéraire d’avoir des connaissances sur l’Ai….. programmation tout ça .et quelques sont les voies a suivre même si nous n’avons pas de moyen pour payer une école de formation
Le Dakar Institute of Technology (DIT), l’école spécialisée en intelligence artificielle dont monsieur Dia Ndiaye parle dans son interview offre divers formations variées dans le domaine de l’IA. Vous pouvez vous spécialiser en Data analys, data science ou encore data ingénieur et même pour un littéraire. Il suffit juste d’être très à l’aise avec les maths. Voici le lien du site du DIT, vous verrez toutes les formations et programmes de l’école: http://www.dit.sn