Au Mali, l’Institut d’économie rurale (IER) est un Établissement public à caractère scientifique technique et culturel (EPSTC), doté d’une autonomie financière. Le mandat de l’IER est l’amélioration de la production et de la productivité agricole, pastorale et aquacole pour la sécurité et la souveraineté alimentaire ainsi que pour la préservation de la santé humaine et de la biodiversité au Mali. Il procède à la mise au point des technologies appropriées pour l’accroissement de la production et l’amélioration de la productivité du monde rural. Il contribue aussi à la formation et à l’information scientifique et technique du personnel de la recherche et du développement. L’IER, dans sa quête permanente de réponses aux contraintes rencontrées par le monde rural, a toujours évolué en synergie avec les services techniques, les organismes d’encadrement du monde rural et les établissements d’enseignement/recherche (les Universités de Bamako, l’Institut polytechnique rural de Katibougou, le Laboratoire central vétérinaire et les Centres nationaux de la recherche agricole et de la recherche scientifique et technologique). Les objectifs de développement agricole sont orientés essentiellement vers l’amélioration de la sécurité alimentaire, la conservation des ressources naturelles et la lutte contre la désertification, le développement et la diversification de la production agricole et l’amélioration des revenus des agriculteurs. L’IER fonctionne avec 17 programmes de recherche (mil, sorgho, riz de bas-fonds, riz irrigué, maïs, niébé, arachide, coton, fruits et légumes, bovins, petits ruminants, volaille, ressources forestières, ressources halieutiques, système de production et de gestion des ressources naturelles, économie des filières, et machinisme agricole) répartis dans six (6) Centres régionaux de recherche agricole (CRRA) par la création de portefeuilles scientifiques régionaux en fonction des potentialités locales. Les programmes concernées (coton, riz de bas-fonds, sorgho, fruits et légumes) traitent de la sélection variétale, de l’agronomie et la protection phytosanitaire.
Les principaux projets de recherche « J’ai été impliqué dans le développement des populations de sorgho pour améliorer leur adaptation dans les environnements difficiles au Mali, où la pluviométrie se situe entre 100 et 800 millimètres par an. Ce projet est principalement lié à l’implication de marqueurs moléculaires sur les croisements de sorgho. Pendant deux ans, nous avons développé des populations en station. L’année suivante, avec l’épandage de gènes complémentaires, nous avons obtenu 8 lignées testées dans les stations avec l’aide des paysans collaborateurs. Après cette phase, j’ai été impliqué dans un autre projet de développement de sorgho en utilisant des parents avec des caractéristiques complémentaires très variées, comme la résistance au seigle, la résistance aux punaises, la qualité du grain. Les projets ont été financés par l’International Crop Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT) au Mali. On a pu développer de nombreuses populations de sorgho en utilisant des marqueurs moléculaires avec la collaboration du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et de l’Institut d’économie rurale (IER). Récemment, j’ai également introduit un autre projet au niveau du Fonds compétitif pour la recherche et l’innovation technologique qui vise l’amélioration de la culture fourragère du sorgho. Le Mali étant un pays agro-pastoral, il y a peu d’agriculteurs sans animaux, donc il faut intégrer cette qualité pour que le paysan puisse bénéficier du grain et du fourrage. Il importe de stocker ces aliments afin de pouvoir nourrir les animaux pendant la période sèche. » L’impact des activités de recherche « Au sein de l’IER, nous recherchons des connaissances scientifiques et technologiques. La technologie doit répondre aux besoins quotidiens de tous. Il faut avoir des variétés productives résilientes au changement climatique, surtout avec la fluctuation de fin de saison des pluies. Nos activités sont organisées comme suit : en premier lieu, nous créons une variété en fonction des critères des paysans. Cette phase est développée dans la station-mère. Puis, nous coopérons avec les paysans collaborateurs pour expérimenter les variétés dans les sous-stations. Nous identifions les variétés performantes afin de les soumettre à un test d’homologation. L’homologation est la valeur agronomique, technologique et environnementale de la variété et la distinction entre homogénéité et stabilité de la variété.
Il faut avoir des variétés productives résilientes au changement climatique, surtout avec la fluctuation de fin de saison des pluies
Le comité d’homologation décide d’accepter la variété ou non, et introduit la variété dans le catalogue au niveau national et au niveau de la CEDEAO. Cela signifie que tous les pays de la CEDEAO qui ont une enveloppe climatique semblable au Mali peuvent exploiter ces variétés dans leur zone. » L’adaptation des utilisateurs à ces nouvelles variétés « Le développement d’une technologie et son adoption par les paysans peuvent prendre du temps. Il est difficile de voir un paysan adopter une variété améliorée alors qu’il est habitué à une variété locale. Cependant, les paysans adoptent de plus en plus nos variétés, particulièrement aux alentours de Bamako ou dans le bassin cotonnier près de Sikasso. » La valorisation des nouvelles variétés « On a homologué 6 variétés et il faut maintenant plus d’implication pour les diffusions. La Fondation Syngenta nous aide à faire des parcelles de démonstration pour que les producteurs voient l’importance des nouvelles variétés améliorées. Nous organisons des rencontres inter-paysannes au niveau de la parcelle de démonstration pour communiquer sur les propriétés de la nouvelle variété. » Les principales difficultés « Les difficultés sont financières. Le financement vient surtout des institutions internationales et des universités, mais récemment le gouvernement malien a créé un fonds pour aider les chercheurs à développer des projets.
Cela signifie que tous les pays de la CEDEAO qui ont une enveloppe climatique semblable au Mali peuvent exploiter ces variétés dans leur zone
C’est une réelle bouffée d’oxygène. Cela nous permet de faire de la recherche pour nos propres besoins alors qu’en présence de collaborateurs, nous sommes obligés de suivre leur orientation. L’autre difficulté majeure est le manque des ressources humaines. Il y a un ralentissement dans le recrutement des chercheurs et techniciens. Avoir un chercheur de qualité prend du temps car une formation est nécessaire. De la même manière, nous manquons de techniciens, alors qu’ils sont essentiels à l’exécution des recherches. » Le défi principal dans le domaine de la recherche au Mali « Il faut renforcer les capacités et les fonds financiers des chercheurs. Il faut un fonds qui permet aux chercheurs de mener des activités porteuses d’intérêts. Malheureusement, la recherche est organisée de sorte que quand le projet n’est pas financé, les chercheurs ne peuvent pas travailler. L’agriculture est le moteur du pays, il faut donc investir dans ce secteur. » L’impact de la situation sécuritaire dans la mise en œuvre des activités de recherche « Dans la région de Mopti, nous avions un projet financé par l’AID (Agency for International Development*) pour réfléchir sur les bonnes manières de production, de commercialisation et d’organisation des coopératives.
Il faut renforcer les capacités et les fonds financiers des chercheurs
Les paysans se sont réunis en une coopérative de producteurs afin de vendre leur production sans intermédiaires qui fragmentent la vente. Ce projet a duré 1 à 2 ans et les paysans étaient très satisfaits car ils apprenaient à produire la semence et possédaient de bonnes terres. Malheureusement, avec l’insécurité croissante, les Américains ont abandonné ce projet car ils ne voulaient pas travailler dans une zone où la sécurité n’était pas garantie. » Message aux chercheurs « Les chercheurs doivent être patients et avoir une vision. Ce que nous proposons en tant que chercheurs doit bénéficier aux paysans et aux consommateurs. Mais il faut également supporter le chercheur dans sa démarche ; le FCRIT, mis en place en 2018, représente une vraie une solution à la crise de financement des chercheurs. Quand on fait de la recherche, il faut se sacrifier car nous n’allons pas prospérer financièrement. Il faut aimer son métier. Il faut aussi beaucoup s’intéresser à son personnel et ses collaborateurs car sans eux, nous ne pouvons rien faire. »
Chercheur à l’Institut d’économie rurale depuis 1980, Niaba Tiémé a commencé comme technicien d’agriculture et de génie rurale. Il a par la suite obtenu une bourse pour aller aux États Unis où il a fait son Master et son PhD en agronomie spécialisée en amélioration variétale en appliquant les marqueurs moléculaires.
De retour au Mali en 2007, il est affecté au laboratoire de biotechnologie de l’Institut où il s’occupe de l’amélioration variétale surtout en ce qui concerne le Sorgho.