Site de publication : PNUD, Bureau du Sénégal
Date de publication : Juin 2020
Type de publication : Rapport
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Un arrêt brusque de l’économie mondiale et des effets à grandes échelles
La pandémie de la COVID-19, au-delà des pertes humaines considérables qu’elle a entrainé, a produit un choc économique sans précédent sur cette dernière décennie. Ses effets ont été accentués par la vitesse de propagation de la maladie qui a nécessité des mesures drastiques de confinement, d’espacement social et de limitation des déplacements. Le confinement d’une part considérable de la force de travail mondiale a engendré une baisse inévitable de la production, débouchant sur des pertes d’emploi et de revenus et donc sur un ralentissement de la consommation globale. Cette simultanéité des chocs d’offre et de demande a plongé le monde dans une récession dont l’ampleur dépasse largement celle de 2008, selon le FMI.
Les estimations de la Banque mondiale prévoient un ralentissement plus prononcé de l’activité économique, à hauteur 2,1%. Les régions en développement de l’Asie de l’Est et du Pacifique connaitraient un recul de la croissance qui passerait de 5,8% en 2019 à 2,1% en 2020. En Chine, la croissance qui se situait à 6,1% en 2019 passerait à 2,3% en 2020. Les pertes de production pour 2020 risquent de se chiffrer entre 37 milliards et 79 milliards d’USD, en Afrique.
L’impact de la COVID-19 aura également des conséquences sur la sécurité alimentaire dans plusieurs économies vulnérables. L’Indice FAO des prix des produits alimentaires est tombé à son niveau le plus bas depuis dix-sept mois. Il s’est établi en moyenne à 162,5 points en mai 2020, soit une baisse de 3,1 points par rapport au mois d’avril et sa plus baisse moyenne mensuelle depuis décembre 2018. Étant donné que les répercussions négatives de la COVID-19 sur l’économie perdurent, l’Indice continue de fléchir pour le quatrième mois consécutif.
Au plan du développement humain, le PNUD estime que les déclins dans les domaines fondamentaux du développement humain se font sentir dans la plupart des pays – riches et pauvres – et toutes les régions. Le bilan mondial des décès dus à la COVID-19 est de plus de 300 000 personnes, tandis que le revenu mondial par habitant devrait chuter de 4 % cette année. Et les estimations du PNUD du « taux effectif de déscolarisation » – le pourcentage d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire ajusté pour refléter ceux qui n’ont pas accès à Internet – indiquent que 60 % des enfants dans le monde ne reçoivent pas d’éducation, un recul jamais enregistré depuis les années 1980.
L’impact combiné de ces chocs pourrait correspondre à la plus grave inversion de tendance du développement humain jamais enregistrée. Cela ne tient pas compte des autres effets significatifs, par exemple en ce qui concerne les progrès vers l’égalité des sexes. Les impacts négatifs sur les femmes et les filles s’étendent sur le plan économique – diminution des gains et de l’épargne, plus grande précarité du travail, effets sur la santé génésique, prestations de soins non rémunérées et violences sexistes.
Une pandémie en constante évolution : entre des taux de guérison remarquables et une transmission communautaire problématique
La pandémie de COVID-19 se développe au Sénégal officiellement depuis le 2 mars 2020. Au 8 juin 2020, 4 427 cas de contamination et 49 décès sont confirmés. Et nous assistons dès lors à une augmentation constante des cas confirmés de COVID-19 sur le territoire national. Le taux de létalité de 1,1% se situe en deçà des 3,9% observé en Afrique. Pour contenir la pandémie de la COVID-19, le Gouvernement sénégalais a très vite mis en œuvre des mesures limitant les rassemblements et la circulation des personnes.
Ces mesures ont été accompagnées par l’identification des cas infectés, la recherche des probables contacts, la mise en quarantaine des personnes et la mise en place de mesures d’éloignement physique. Cette stratégie précocement mise en œuvre a contribué à l’endiguement de la flambée de la maladie A l’instar des autres pays touchés par la crise sanitaire, le plus grand défi du Sénégal a été de contenir le nombre d’infections et de cas sévères sous le seuil de la capacité des services hospitaliers, en utilisant toutes les méthodes de prévention à leur portée.
Au Sénégal, la tranche d’âge 20-39 ans est la plus touchée et le sex-ratio Homme/Femme est de 1,25
La capacité initiale de 500 lits et 12 lits pour cas graves a progressivement été renforcée par la mise en place de sites de prise en charge extrahospitalière et la mise aux normes de certains centres de santé. Au Sénégal, la tranche d’âge 20-39 ans est la plus touchée et le sex-ratio Homme/Femme est de 1,25. Toutefois, il est établi que la mortalité et l’occurrence des cas graves sont fortement corrélés à la fragilité des patients, notamment les personnes âgées et celles déjà touchées par d’autres maladies chroniques. Il apparait à cet égard que la prévalence globale du diabète est de 3,4 % chez les personnes âgées de 18 à 69 ans et la prévalence globale de l’hypertension artérielle chez les adultes de 18-69 ans est de 29,8 %.
Au total l’ensemble des 14 régions du Sénégal ont été touchées par la pandémie de la COVID19. 50 des 79 districts sanitaires existant sur le territoire national ont enregistré un cas au moins, soit une proportion de 63%. Toutefois les grands foyers restent les régions de Dakar, Thiès et Diourbel. En matière de prise en charge des patients atteints de la COVID-19, les autorités sénégalaises ont, dès l’apparition des premiers cas, décidé d’administrer l’hydroxy chloroquine aux patients consentants. Sans établir la causalité entre l’utilisation de ce médicament et la rémission des malades, il est important de noter que le Sénégal enregistre un taux de guérison relativement satisfaisant, comparativement à d’autres foyers de référence.
Le Ministère de la Santé et de l’Action sociale continue d’alerter sur la brulante problématique des cas communautaires qui se multiplient de façon alarmante et dénote un non-respect et/ou relâchement dans l’application des gestes barrières par les populations. Le 19 avril 2020, au regard du nombre croissant de ces cas communautaires, le Gouvernement impose le port obligatoire de masque dans les services publics et privés, les commerces et les transports. On assiste toutefois, à un assouplissent de plusieurs restrictions qui tient compte de la fragilité économique et sociale du pays, face à la crise.
Une crise de l’emploi et des revenus !
Au Sénégal, 40% des actifs travaillent dans des secteurs impactés par la pandémie du COVID-19 (Commerce de détail, hôtels, restaurants, industrie de fabrication). Il est, dans ce cadre, attendu une hausse du taux de chômage global de respectivement, 0,20% et 0,15% en 2020 et 2021. A cet égard, si on considère que le revenu du travail représente, en moyenne, 67% du revenu des ménages au Sénégal, il devient évident que cette crise de l’emploi aura un impact considérable sur le bienêtre des ménages. L’enquête sur la crise du COVID-19 au Sénégal établit dans ce cadre que, 86,8 % des ménages déclarent que leurs revenus au cours des sept derniers jours ont été inférieurs à la normale (avril 20). Ce pourcentage ne varie pas de manière significative entre Dakar (83,8%) et le reste du Sénégal (87,8%).
En réponse à ce contexte et pour sauver le maximum d’emplois et redynamiser le marché du travail sénégalais, le Gouvernement, à travers la composante “Stabilité macroéconomique et financière pour soutenir le secteur privé et maintenir les emplois” de son Plan de résilience a adopté un certain nombre de mesures : (i) remise partielle de la dette fiscale ; (ii) suspension des délais de recouvrement de la TVA ; remise/suspension de l’impôt, pour les entreprises qui consentent à maintenir leur emploi ou à payer au moins 70% des salaires ; (iii) apurement de la dette intérieure ; (iv) différé du paiement des impôts et taxes.
Une baisse de 30% des transferts de fonds des migrants sénégalais, quels impacts sur le bien-être des ménages ?
Les transferts de fonds des migrants sont devenus une source importante de financement étranger pour le Sénégal. Ces transferts ont atteint 10% du PIB en 2018. Ils représentent 3 fois les Investissements Directs Etrangers et 2,5 fois de l’Aide publique au développement. L’un des principaux canaux de transmission de ce choc de la COVID-19 est le transfert de fonds des migrants. Son flux devrait connaitre à un recul colossal. La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest table sur une baisse de 30% du transfert de fonds des migrants au Sénégal, en 2020. En effet, les principaux pays qui abritent les migrants pourvoyeurs de fonds (Italie, France et Espagne) ont été des épicentres à forte flambée de la maladie et où les populations ont été confinée sur une période relativement longue.
Des effets majeurs sur les progrès accomplis en termes d’égalité des sexes : les femmes parmi les plus impactées par la crise
Au plan économique, les femmes sénégalaises sont très actives dans les secteurs durement touchés par la crise de la COVID-19 (aides domestiques, serveuses, coiffeuses, etc.). et la majorité des femmes travaille dans le secteur informel et ne bénéficie donc pas d’une protection sociale satisfaisante.
Au Sénégal, les femmes peuvent produire jusqu’à plus de 6 heures de travail domestique par jour
Par ailleurs, le poids du travail domestiques est très inégalement réparti entre les hommes et les femmes au sein des ménages. Au Sénégal, les femmes peuvent produire jusqu’à plus de 6 heures de travail domestique par jour, alors les hommes ne dépassent pas en moyenne 1H de temps18. Les restrictions sur les déplacements, le recul de l’emploi domestique rémunéré et la fermeture des écoles, risquent fortement de creuser ces inégalités dans la production de travail domestique. Cette situation risque fortement de réduire la participation des femmes au marché du travail.
Enfin, comme cela l’a été constaté lors de la crise Ebola, le resserrement budgétaire que va engendrer la crise du COVID-19 risque fortement d’évincer le financement pour l’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle, et ainsi de saper l’ensemble des progrès obtenus dans ce domaine, au cours de la dernière décennie.
Inversion de la tendance du Développement Humain avec l’impact de la crise sur ses trois principales dimensions que sont le Revenu, l’Education et la Santé
Sur l’éducation, les écoles sénégalaises ont fermé depuis le 14 mars 2020, ce qui oblige les parents et les enfants à trouver des solutions pour poursuivre l’éducation des enfants. L’interruption des enseignements /apprentissages pose plusieurs défis d’une part lié aux acquis scolaires et d’autres part aux services connexes (l’accès à des services de santé et nutrition) dont bénéficient plusieurs apprenants en situation de vulnérabilités, à travers le système éducatif. A cela s’ajoute, le manque d’expérience des gestions du système, des établissements, des enseignants et des parents d’élèves à l’apprentissage à distance mais aussi le faible accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) et à la connectivité.
16,6% des enfants ne poursuivent aucune activité éducative
L’enquête sur la crise du COVID-19 au Sénégal montre que 16,6% des enfants ne poursuivent aucune activité éducative, avec un taux beaucoup plus élevé parmi les personnes interrogées sans éducation (24%) par rapport à celles ayant un niveau d’éducation primaire (18,5%) ou secondaire ou tertiaire (7,1%). Les enfants vivant dans des ménages pauvres sont également plus susceptibles de ne pas poursuivre d’activités d’apprentissage (19,7% contre 14,8% dans les ménages non pauvres). 38% des personnes interrogées déclarent que les enfants étudient seuls et il s’agit de la seule activité d’apprentissage mentionnée par 13% des personnes interrogées, ce qui présente probablement moins d’avantages éducatifs que lorsqu’ils sont soutenus par un parent ou un enseignant.
En fait, 29,6% des enfants ne participent pas à des activités d’apprentissage ou étudient seuls et ce chiffre est beaucoup plus élevé lorsque les personnes interrogées n’ont pas d’éducation (37%). La participation des enseignants dans la continuité éducative semble être marginale (4,5%) et peu d’enfants suivent des cours à la télévision/radio (10,1%) ou en ligne (0,9%).
Les mesures mises sur pied n’ont pas été suivies et capitalisées par les parents ainsi que les apprenants
L’ensemble des résultats de cette enquête montre que les mesures mises sur pied n’ont pas été suivies et capitalisées par les parents ainsi que les apprenants. On peut donc raisonnablement conclure que les résultats des apprentissages en termes d’acquis scolaire escomptés seraient difficilement atteints cette année.
En outre, ces statistiques au niveau national cachent de grandes disparités non seulement au niveau des régions (zones urbaines et zones rurales) mais aussi au niveau des familles en fonction des niveaux de vie. Sur la santé, les estimations de la CEA montrent l’impact de la COVID-19 sur celle-ci en relation avec la géographie urbaine de l’Afrique : 43,5% de la population africaine – soit 600 millions de personnes – habite dans les zones urbaines et, à l’exception de l’Afrique du Nord, 56% des personnes mentionnées habitent dans les bidonvilles. À cet égard, on aura deux (02) problèmes concomitants : (1) – l’impossibilité ou en tout cas des difficultés notoires dans la distanciation sociale et (2) – la propagation, à toute vitesse, de la COVID-19.
Ce scénario deviendra pire à cause de la prévalence de la tuberculose, du VIH et la malnutrition, des conditions de santé vraiment propices à l’élévation de la courbe de la mortalité liée à la COVID-19. Si, en termes de santé, le scenario n’est pas positif, il faut mentionner la relation entre santé, pauvreté et emploi.
Les dépenses en santé, en général, sont estimées à 36% des dépenses totales des foyers africains. Avec la situation COVID-19, ces dépenses augmenteront exponentiellement les inégalités économiques et sociales. A cette relation santé pauvreté, la CEA estime qu’il faut ajouter qu’entre 5 et 29 millions de personnes vivront en dessous de la ligne de 1,90 dollar par jour, comme conséquence de l’impact de la COVID-19. Pour le cas du Sénégal, les estimations montrent une baisse respective de 0,06% et 0,45% du taux d’accès aux services de soins de base, en 2020 et 2021.
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2 Commentaires. En écrire un nouveau
Belle synthèse de l’impact de cette pandémie !
Contenus trés avec riches explications claires et nettes