Auteur : Youssouf Mahamat Youssouf
Site de publication : thinkingafrica.org
Type de publication : Note de recherche
Date de publication : Novembre 2021
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Introduction
Ayant déjà conquis l’Europe, les GAFAM s’intéressent désormais à l’Afrique en y multipliant leur présence. L’IA est un outil de puissance car elle pourrait aider, à travers ses solutions innovantes, à progresser plus rapidement vers la réalisation des objectifs de développement dans des domaines aussi variés que celui de la santé, de l’éducation, de l’urbanisme, de partage de connaissance, etc.
Pour les gouvernements, le traitement et le croisement des données et leur partage entre les différentes structures permettront d’optimiser la prise de décision, de mieux faire des prévisions et de rendre efficace l’action publique.
En outre, leur ouverture au grand public (open data) constitue un vecteur d’innovation et favorise la recherche. Quant aux entreprises, cette explosion quantitative des données présente également des enjeux commerciaux privilégiés.
L’Afrique : un terreau fertile pour l’IA convoité par les GAFAM
Si à l’époque les outils classiques utilisés étaient limités dans leur capacité à traiter une quantité massive de données, aujourd’hui avec les algorithmes de l’intelligence artificielle le traitement d’une telle quantité est désormais simplifié.
Les États africains ne semblent pas avoir encore pris véritablement conscience de l’enjeu de la donnée, mais les GAFAM qui détiennent déjà les plus grands stocks des données mondiales (80%) en sont plus que conscientes.
Le Continent africain représente une part importante de marché pour les géants du numérique, tant il affiche des conditions sociodémographiques favorables. En Afrique, Google vise probablement la démographie galopante et source des données massives et les compétences en matière d’innovation. Ceci est d’autant plus vrai que les incubateurs de startups financés par les GAFAM pullulent sur le Continent.
En somme, cette ruée des GAFAM vers l’Afrique démontre que le Continent dispose d’énormes potentialités numériques qu’elle n’arrive pas à valoriser. C’est pourquoi les GAFAM veulent se positionner en pionnières et exploiter à sa place cet « or noir du XXIe siècle ».
Dans l’absolu, la présence de ces entreprises en Afrique n’est pas que négative, elle permet bien au contraire de booster le développement de plusieurs secteurs et pourrait même améliorer les conditions de vie des citoyens africains en leur offrant des services modernes, adaptés et à moindre coût.
Les États africains ne semblent pas avoir encore pris véritablement conscience de l’enjeu de la donnée, mais les GAFAM qui détiennent déjà les plus grands stocks des données mondiales (80%) en sont plus que conscientes
Une menace pour les services publics des Etats africains ?
Pour satisfaire les usagers, les États sont obligés d’être agiles et performants à l’instar de ces entreprises numériques et surtout d’avoir une bonne capacité d’adaptation.
Cependant, dans un contexte de raréfaction de ressources et d’insuffisance des services publics africains qui souffrent de plusieurs maux (lourdeur, corruption, etc.), les États africains peinent à satisfaire les usagers en leur fournissant des services performants, efficaces et adaptés.
Cette situation alarmante laisse une grande marge de manœuvre aux plateformes dont la révolution numérique a favorisé l’émergence.
Jouant souvent le rôle d’intermédiation entre les utilisateurs et les fournisseurs, brandissant une hypothétique “gratuité’’ en guise d’argument marketing, ces plateformes développées par les GAFAM – pour la plupart – ne sont pas sans incidence sur le périmètre du service public.
Ainsi, assiste-t-on à une situation où les services privés sont en train de prendre le relais des services publics. Or, les entreprises numériques, quoiqu’elles prétendent souvent servir l’intérêt général, leurs actions s’inscrivent fondamentalement dans une logique marchande.
Dans la plupart des États africains – surtout subsahariens -, l’État demeure le principal employeur, ce qui fait que la fonction publique est déjà engorgée et les jeunes talents se trouvent au chômage, en dépit de leurs formations.
Dans une telle situation, lorsque les GAFAM viennent s’installer, elles pourraient non seulement capter tous ces jeunes talents en chômage, mais aussi ceux travaillant déjà dans les administrations publiques.
En tout état de cause, si les États africains ne prennent pas garde et n’améliorent pas la qualité des services qu’ils offrent en les modernisant, et par voie de conséquence celle de leur image auprès des usagers, rien n’empêchera les GAFAM de venir s’installer pour concevoir et de prester plusieurs services à leur place.
De l’IA pour lutter contre la « vassalité » des GAFAM
La performance de la technologie de l’IA est telle qu’il serait vain de tenter de lui faire face avec des outils classiques.
Pour faire face à une domination fondée sur une IA, il faut avoir recours à l’IA.
L’Intelligence artificielle pourrait participer pleinement à la modernisation des services publics en ce sens qu’elle permet de « ‘‘démocratiser’’ les moyens de production [et] de distribution des services publics. » .
On pourrait ainsi généraliser l’usage de certaines applications mobiles basées sur l’IA et qui permettent aux agriculteurs d’arroser leur champ avec leur Smartphone pour optimiser la production agricole, de suivre les cours de vente sur le marché en temps réel, de surveiller la mobilité de leur bataille, de gérer leur gestation, etc.
Lorsque les GAFAM viennent s’installer, elles pourraient non seulement capter tous ces jeunes talents en chômage, mais aussi ceux travaillant déjà dans les administrations publiques
Le développement de l’administration électronique serait une des premières choses que les États africains doivent pouvoir mettre en place. Car, ce type d’administration permet de rendre l’action publique plus agile, plus efficace, moins couteux et surtout accessible à tout moment.
Par exemple avec la digitalisation des procédures administratives, on pourrait éviter le contact entre les usagers et les agents et réduire, par- là, le risque de corruption.
Les défis de l’usage et du développement de l’IA en Afrique
Sur le plan institutionnel, les États africains doivent créer des structures qui permettront de développer la technologie de l’IA. Cela peut déboucher par exemple à la création des instituts interdisciplinaires de l’IA.
Sur le plan juridique et réglementaire, les États doivent d’abord légiférer au niveau national et supranational pour encadrer l’usage et le développement de cette nouvelle technologie.
Ensuite les États doivent transposer de façon effective dans leurs ordres juridiques internes les dispositions communautaires liées au développement de cette technologie.
En outre, il est important que le législateur se penche également sur la question d’éthique et de transparence des IA, car celles-ci sont capables de biais dangereux.
Sur le plan technologique, l’inscription des TIC dans les curricula des formations, très tôt dès le primaire, est une action importante à mener par les pouvoirs publics. Les États doivent également favoriser l’émergence de cerveaux africains des TIC par la mise en place d’organismes d’accompagnement ; de fonds publics pour l’innovation et surtout former dans les domaines de l’IA.
Enfin, sur le plan socio-culturel, les États doivent communiquer autour de ces outils numériques pour permettre aux citoyens de mieux se les approprier et doivent surtout veiller à faciliter l’accès à l’Internet en réduisant le coût et en connectant les territoires de façon la plus homogène possible, pour réduire le risque de la fracture numérique.
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