Auteur : Secteur de la culture de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)
Organisation affiliée : UNESCO
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2018
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Les industries culturelles et créatives génèrent à l’heure actuelle 2 250 milliards dollars USD de revenus annuels au niveau mondial et le montant de leurs exportations s’élève à plus de 250 milliards de dollars. Source de près de 30 millions d’emplois à l’échelle de la planète, ces secteurs emploient plus de personnes âgées de 15 à 29 ans que n’importe quel autre. Ils représentent jusqu’à 10% du PIB de certains pays. L’économie créative, constituée de ces secteurs, est donc désormais l’un des principaux moteurs des stratégies commerciales, dans les pays développés comme dans les pays en développement. Près de la moitié des personnes travaillant dans ces secteurs sont des femmes qui, pour la plupart, ont un niveau d’instruction supérieur à celui des employés dans les secteurs non culturels.
Les artistes et créateurs innovent et remettent les normes en question, ils sont sources d’inspiration et de divertissement. Leur travail favorise l’énergie sociale, la confiance et un engagement propres à améliorer la vie quotidienne d’une multitude de gens. Leurs innovations et expressions culturelles stimulent des processus de développement qui élargissent l’éventail de choix des individus et les encouragent à imaginer un avenir différent. En tant que tels, ils contribuent à la promotion des valeurs universelles de paix, de démocratie, de droits de l’homme, de libertés fondamentales, d’égalité des genres et favorisent l’Etat de droit.
Au cours des deux dernières décennies, les industries culturelles et créatives ont fait l’objet d’une transformation radicale. C’est particulièrement le cas dans les pays en développement où le maintien de systèmes, processus et institutions culturels informels fait que nombre d’artistes et de professionnels de la culture ne bénéficient pas d’environnements réglementaires, de cadres de gouvernance et d’opportunités d’investissement. Tandis que les plates-formes numériques multiplient les possibilités pour les créateurs et leurs publics, on observe une forte concentration du marché des grandes plates-formes et un risque de monopole dans le secteur de l’intelligence artificielle. Ces évolutions remettent en cause la souveraineté des nations et leur aptitude à élaborer et mettre en œuvre des politiques publiques en faveur des industries culturelles et créatives nationales.
Leurs innovations et expressions culturelles stimulent des processus de développement qui élargissent l’éventail de choix des individus et les encouragent à imaginer un avenir différent. En tant que tels, ils contribuent à la promotion des valeurs universelles de paix, de démocratie, de droits de l’homme, de libertés fondamentales, d’égalité des genres et favorisent l’Etat de droit
C’est pourquoi, en 2005, la communauté internationale a adopté un instrument juridique établissant un cadre stratégique afin de répondre à ces défis. La Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, ratifiée par la plupart des pays du monde, confère aux gouvernements le droit d’adopter des politiques et des mesures afin de favoriser l’essor d’industries culturelles et créatives fortes et dynamiques. Elle fait valoir que les artistes et les professionnels et praticiens de la culture, de même que les citoyens, ont la capacité de créer, produire, diffuser et jouir d’un large éventail d’activités, de biens et de services culturels, y compris les leurs.
10 choses à savoir à propos de la Convention de 2005
- Les politiques culturelles sont un droit souverain
La Convention est le premier instrument juridique international à reconnaître le droit souverain des gouvernements à adopter des politiques et des mesures culturelles pour promouvoir la diversité des expressions culturelles au moyen d’un large éventail d’interventions législatives, réglementaires, institutionnelles et financières.
- La diversité des médias nourrit la diversité des expressions culturelles
La diversité des médias est indispensable à la promotion de la diversité des expressions culturelles. La Convention encourage les gouvernements à soutenir les médias de service public et à prendre des mesures en faveur de la diversité des médias, à soutenir la production de contenus diversifiés et à garantir pleinement l’indépendance et la liberté des médias.
- Investir dans la créativité numérique est essentiel
La Convention répond au dé numérique en préconisant la mise en œuvre de politiques et mesures qui soutiennent la créativité et l’innovation numériques tout en renforçant l’initiation au numérique et les compétences technologiques, et ce dans le respect de la liberté artistique dans l’environnement numérique. 4. La gouvernance durable de la culture doit être participative La Convention exige la participation active d’une grande diversité d’acteurs à l’élaboration, à la conception et à la mise en œuvre des politiques. An de répondre aux demandes et aux besoins de toutes les parties prenantes intervenant sur un marché en mutation rapide, il est indispensable que la société civile collabore avec les ministères chargés de la culture mais aussi de l’éducation, des affaires sociales, de l’emploi et du commerce.
- Une mobilité sans entrave est une condition indispensable de la coopération transnationale
Il est demandé aux Parties à la Convention de mettre en place des mécanismes juridiques et institutionnels pour favoriser la mobilité des artistes et des professionnels de la culture. Celle-ci préconise l’adoption de mesures pour supprimer les obstacles à la coopération culturelle transnationale telles que la simplification des procédures de délivrance des visas, des accords de coproduction, des résidences d’artistes, des bourses de voyage et l’amélioration des capacités d’exportation.
- Les activités, biens et services culturels peuvent faire l’objet d’un traitement spécial dans les accords commerciaux
La Convention reconnaît que les biens et services culturels ont une nature spécifique en vertu de laquelle ils peuvent déroger aux règles générales du commerce. Elle peut être légitimement invoquée lors de la négociation d’accords commerciaux et de stratégies d’investissement qui autorisent les gouvernements à adopter des politiques et mesures nationales pour renforcer la place de la culture dans leur pays.
- Investir dans la créativité est une priorité pour le développement durable
La Convention considère les investissements dans la créativité comme une priorité pour le développement. Les gouvernements de tous les pays doivent inscrire la créativité dans leur plan national de développement. Au niveau mondial, il leur incombe d’apporter un soutien financier aux secteurs créatifs via l’Aide publique au développement (APD), de contribuer au Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC) et de financer les programmes d’assistance technique an de renforcer les capacités humaines et institutionnelles des pays en développement.
- La contribution des femmes à la créativité doit être reconnue
Si l’égalité des genres n’est pas activement encouragée dans tous les secteurs culturels, la Convention ne peut être pleinement appliquée. La sous-représentation des femmes dans les rôles créatifs clés et les postes décisionnels, ainsi que les écarts importants de salaires et d’accès aux financements, doivent être corrigés. La Convention préconise d’intégrer une dimension genre dans l’ensemble des politiques et mesures culturelles.
- La liberté artistique est indispensable à la créativité
Les entraves à la liberté artistique et à l’accès à une diversité d’expressions artistiques entraînent des pertes culturelles, sociales et économiques majeures. Elles privent les artistes et les professionnels de la culture de leurs moyens d’expression et de subsistance et créent un environnement dangereux pour les publics. La Convention reconnaît que la diversité des expressions culturelles ne peut être promue que si les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont garantis.
- Repenser les politiques culturelles nécessite données et expertise
Le partage de l’information et la transparence sont au cœur de la Convention. En ratifiant, les pays s’engagent à faire état des politiques et des mesures qu’ils ont adoptées pour mettre en œuvre la Convention. Remis tous les quatre ans, ces rapports périodiques sont préparés en consultation avec la société civile. En s’appuyant notamment sur ces rapports, l’UNESCO publie régulièrement des rapports mondiaux, intitulés Repenser les politiques culturelles, qui identifient des bonnes pratiques, encouragent les échanges et le transfert de connaissances.
Qu’entend-on par « industries culturelles et créatives »?
En vertu de la Convention, les industries culturelles et créatives désignent les industries produisant et distribuant des biens et services culturels ou activités à contenu culturel qui transmettent des idées, des symboles et des modes de vie, indépendamment de la valeur commerciale qu’ils peuvent avoir. Cette définition s’applique aux expressions culturelles ou artistiques véhiculées par des mots (littérature), des sons (musique, radio), des images (photos, télévision, films), des mouvements (danse, théâtre) ou des objets (sculpture, peinture, design) et sous quelque forme que ce soit (vivante, imprimée, audiovisuelle, numérique). Sept sous-secteurs spécifiques peuvent prétendre à une aide financière au titre du Fonds international pour la diversité culturelle de la Convention : audiovisuel/cinéma, arts visuels, design, arts numériques, musique, arts du spectacle et édition.
Garder une longueur d’avance à l’ère du numérique
Les industries culturelles et créatives sont l’un des principaux moteurs de l’économie créative numérique et représentent 200 milliards de dollars USD dans les ventes numériques mondiales. De nouvelles questions appellent de nouvelles réponses : Comment moderniser les politiques en faveur de la créativité dans l’environnement numérique? Comment traiter le commerce électronique dans les accords culturels et commerciaux? Comment impliquer les acteurs locaux du numérique et garantir une rémunération juste des artistes? Comment réduire les fractures et les inégalités numériques? La culture numérique est de plus en plus hyperconnectée, basée sur les multimédias et interactive. Les nouvelles technologies ouvrent l’accès aux contenus numériques, réduisent les coûts de production, augmentent la visibilité et favorisent les financements innovants, entraînant ainsi une explosion de la créativité.
Cependant, la montée en puissance des grandes plates-formes et leur concentration sur le marché, la fracture numérique et le manque de connaissance des médias numériques, peuvent réduire les possibilités d’accès et les opportunités. Le piratage de matériels protégés par le droit d’auteur continue par ailleurs à poser un problème majeur. C’est également le cas de l’intelligence artificielle qui, bien qu’elle stimule les industries culturelles et créatives du Sud et qu’elle réduise la fracture numérique, risque aussi de perturber gravement la chaîne de valeur culturelle et de porter atteinte aux droits des artistes. Les Parties à la Convention ont reconnu l’importance du numérique en adoptant les directives opérationnelles pour promouvoir la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique. Ces directives établissent un cadre stratégique pour la compréhension, l’interprétation et la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique an de garantir une rémunération juste et équitable aux artistes et aux professionnels de la culture.
Vers l’équilibre des marchés mondiaux
Les échanges mondiaux de biens et services culturels souffrent d’un déséquilibre dans la mesure où moins de 30% des exportations totales de biens culturels proviennent de pays en développement. Le déséquilibre concerne également le degré d’accès des artistes et des professionnels de la culture aux pays dans lesquels ils souhaitent créer ou se produire, et ce en raison des restrictions accrues à la liberté de circulation, en particulier pour les artistes originaires de pays en développement. L’accès équitable, l’ouverture, l’équilibre des échanges de biens et services culturels et la mobilité des artistes sont des conditions essentielles à la mise en œuvre de la Convention. An qu’elles soient réunies, les pays doivent établir des cadres juridiques et des réglementations spécifiques qui accordent un ‘traitement préférentiel’ aux artistes et aux professionnels de la culture originaires du Sud. Le potentiel énorme qu’offre la Convention à cet égard reste largement inexploité. Le « traitement préférentiel », concept généralement utilisé dans le contexte des relations commerciales, constitue désormais un outil novateur pour la coopération culturelle au niveau international. Les premières clauses de traitement préférentiel intégrées aux accords de commerce visaient notamment à encourager les pays développés à appliquer des tarifs douaniers réduits sur les biens en provenance des pays en développement. Aujourd’hui, le traitement préférentiel renvoie à différents types d’avantages accordés par les pays développés aux biens et services culturels provenant des pays en développement. Ils incluent l’attribution d’un ‘traitement national’ an de leur donner accès à des programmes de financement généralement réservés aux biens et services nationaux, ou de faire en sorte que leurs œuvres entrent dans les « quotas de contenu national ».
Pour que l’accès aux marchés mondiaux devienne équitable, les pays ayant ratifié la Convention doivent également s’attaquer au problème plus général de la restriction de la liberté de circulation entre pays développés et pays en développement. Les mesures de traitement préférentiel visent à supprimer les obstacles à la mobilité, notamment en accordant des visas spéciaux aux artistes et aux professionnels de la culture à des coûts réduits.
Qu’est-ce que le traitement préférentiel?
L’article 16 de la Convention requiert des pays développés ayant ratifié la Convention qu’ils « facilitent les échanges culturels avec les pays en développement en accordant, au moyen de cadres institutionnels et juridiques appropriés, un traitement préférentiel à leurs artistes et autres professionnels et praticiens de la culture, ainsi qu’à leurs biens et services culturels ».
Éliminer les obstacles à l’égalité des genres
Bien que fortement représentées dans le secteur créatif et premières consommatrices de biens et services culturels dans la plupart des régions du monde, les femmes ont toujours du mal à accéder à certaines professions culturelles et aux postes de direction. Les écarts de salaires et les emplois précaires persistent. Les mécanismes de « gatekeeping » ou de verrous d’accès perpétuent le déséquilibre entre hommes et femmes dans certains métiers et secteurs : les chiffres montrent que les femmes ont davantage tendance à travailler dans des domaines tels que l’éducation et la formation culturelles (60%), l’édition et la presse (54%), que dans l’audiovisuel et les médias interactifs (26%), le design et les services créatifs (33%). La Convention préconise d’adopter des politiques et des mesures en faveur des femmes en tant qu’artistes et productrices de biens et services culturels, et donc de reconnaître leur droit de créer et de participer à la vie culturelle. À cette n, la Convention offre aux pays une chance sans précédent de s’attaquer aux problèmes de l’égalité des genres au moyen d’une réponse politique intégrée exigeant des mesures législatives, réglementaires et institutionnelles. Il s’agit par exemple d’appliquer le principe « à travail égal, salaire égal » ou de garantir l’égalité d’accès aux aides financières de soutien à la création.
La liberté artistique n’est pas un luxe
La liberté artistique pose un dé d’ampleur mondiale. Les menaces qui pèsent sur les droits de l’homme et la liberté artistique réduisent et affaiblissent la diversité des expressions culturelles, tout en fragilisant le bien-être et la qualité de vie des individus. Ces menaces peuvent être fatales aux artistes et aux professionnels de la culture et à leurs moyens de subsistance, en particulier lorsqu’ils vivent dans des situations de conflits. Elles vont de la censure imposée par l’État, les entreprises ou les groupes politiques, religieux ou autres à la détention, aux menaces physiques et même à l’assassinat. En réaction, certains gouvernements et organisations, comme le Réseau international des villes refuges (ICORN) ou SafeMUSE, ont créé des espaces sûrs pour protéger les artistes en danger. L’environnement numérique fait également peser de nouvelles menaces sur les droits et les libertés, comme le ‘trolling’ en ligne, qui intimide les artistes au point de les contraindre à retirer leurs œuvres. Le durcissement de la surveillance numérique a également des effets corrosifs sur la liberté artistique. La Convention affirme que « la diversité culturelle ne peut être protégée et promue que si les droits de l’homme et les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression, d’information et de communication, ainsi que la possibilité pour les individus de choisir les expressions culturelles, sont garantis ».
Le Fonds international pour la diversité culturelle
Le Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC) est un fonds volontaire multidonateur sans équivalent créé dans le cadre de la Convention an de favoriser l’essor d’un secteur culturel dynamique dans les pays en développement ayant ratifié la Convention. Son objectif premier consiste à promouvoir le développement durable et la réduction de la pauvreté en investissant dans la créativité. Fort du travail conjoint des pays du Nord et des pays du Sud, le FIDC donne une parfaite illustration de la coopération internationale et montre, résultats à l’appui, que l’investissement dans la créativité n’a pas seulement pour effet de stimuler la création d’emplois et d’accroître les revenus mais qu’il contribue également à faciliter l’accès aux marchés locaux et régionaux. Depuis sa création, le FIDC a contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques culturelles, au renforcement des capacités des entrepreneurs culturels, à la cartographie des industries culturelles et à la conception de nouveaux modèles économiques pour les entreprises culturelles. Les fonds proviennent des États membres de l’UNESCO, des particuliers et des donateurs du secteur privé.
Qui fait quoi?
La Convention est un traité international soumis aux règles et procédures des Nations Unies. Les pays ayant ratifié la Convention constituent les « Parties ». Ensemble, ils forment la « Conférence des Parties ». Vingt-quatre représentants sont élus pour un mandat de quatre ans au sein d’un organe exécutif, le « Comité intergouvernemental ». La Conférence des Parties et le Comité intergouvernemental, ensemble, constituent les organes directeurs de la Convention. Les organisations de la société civile jouent un rôle prépondérant, elles influent sur les décisions prises par les organes directeurs pour définir les futures politiques culturelles et guider la coopération internationale. À travers le Secrétariat, l’UNESCO a la charge : d’élaborer et de mettre en œuvre un programme mondial d’action pour les Parties à la Convention; de nourrir leurs décisions par des travaux de recherche et d’analyse; d’octroyer des financements aux gouvernements et aux ONG via le FIDC; de réaliser des missions de renforcement des capacités et d’assistance technique sur le terrain; d’aider les parties prenantes à remplir les obligations de la Convention. Grâce à cet instrument normatif dynamique, l’UNESCO mène le débat d’idées sur les enjeux relatifs aux industries culturelles et créatives.
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