Dans le cadre du débat de WATHI sur les réseaux sociaux, nous sommes allés à la rencontre de M. René Edouard Mendis, politiste, entrepreneur social et chef de projet à Social Change Factory. Dans cet entretien, il a eu à souligner l’importance de l’usage des réseaux sociaux dans les projets à impact communautaire et est revenu sur la manière dont ces outils digitaux pourraient creuser les inégalités en termes d’accès à l’éducation.
Les réseaux sociaux : leviers de politiques du bas vers le haut
Je pense que les réseaux sociaux constituent des leviers fondamentaux sur lesquels il faudrait s’appuyer pour impulser un développement au niveau macro, mais aussi au niveau micro, c’est-à-dire sur le plan local. Ces dernières années, nombreuses sont les populations qui utilisent les réseaux sociaux notamment Facebook qui rassemblent le plus d’abonnés, Twitter, Instagram, etc.
Les autorités locales ont intérêt à s’appuyer sur ces outils digitaux pour impacter leur communauté, influencer de façon positive les populations ainsi que les décisions prises. On a vu récemment que les réseaux sociaux ont joué un rôle très important durant les manifestations du mois de mars au Sénégal à travers l’impulsion d’idées, de directives, d’informations. Au demeurant, c’est une nécessité de s’appuyer sur ces leviers pour tout projet de développement local.
Impact des réseaux sociaux sur des projets socio-éducatifs
Nous sommes des organisations qui utilisent énormément les réseaux sociaux parce que nous avons vu leur impact réel au niveau de l’information. Ils permettent d’informer nos cibles, d’informer la communauté, ceux qui suivent nos actions au quotidien. Ils participent aussi à la mobilisation des personnes et de fonds afin d’aider les citoyens avec qui nous interagissons sur le terrain. Les réseaux sociaux servent aussi de support dans la mise en œuvre de nos activités sur le terrain en termes de communication, de vulgarisation et d’informations. Ces outils nous permettent non seulement d’aider des personnes mais aussi d’inspirer des personnes et de les pousser à s’intéresser à ce qui se fait dans l’éducation, l’entrepreneuriat et tout cela peut nourrir de nouveaux engagements et de nouvelles vocations.
Toutefois, il y a parfois des travers dans l’utilisation des réseaux sociaux. La parole est très démocratisée et chacun est libre d’exprimer ses idées ou son désaccord. C’est légitime, mais certains internautes s’y prennent mal. Par exemple, de manière concrète, lorsque nous déroulons nos activités et que nous communiquons dessus, certaines personnes pensent que nous le faisons pour avoir de la notoriété et non un impact réel et positif sur les communautés. Donc, il y a effectivement des effets positifs et négatifs, mais tout dépend surtout des valeurs que vous incarnez et l’utilisation que vous faites des réseaux sociaux.
Réseaux sociaux et inégalité d’accès à l’éducation
Je pense que les réseaux sociaux sont en train de creuser les inégalités d’accès à l’éducation. Le numérique crée une fracture, car dans les zones reculées, les personnes n’ont même pas accès à l’électricité. Par conséquent, sans électricité, on ne peut pas profiter d’Internet.
Les réseaux sociaux servent aussi de support dans la mise en œuvre de nos activités sur le terrain en termes de communication, de vulgarisation et d’informations. Ces outils nous permettent non seulement d’aider des personnes mais aussi d’inspirer des personnes et de les pousser à s’intéresser à ce qui se fait dans l’éducation, l’entrepreneuriat et tout cela peut nourrir de nouveaux engagements et de nouvelles vocations
Mais il existe des acteurs qui mènent un travail remarquable sur les réseaux sociaux pour freiner ces inégalités. Par exemple, il y a le projet « École au Sénégal » qui partage des informations, des ressources éducatives et pédagogiques. Le ministère de l’Éducation nationale aussi avait au début de la pandémie lancé l’initiative « Apprendre à la maison » et a appuyé celles existantes.
Il faut retenir qu’il y a d’une part un travail qui est en train d’être fait et l’État doit soutenir et renforcer la dynamique, mais d’autre part, il faut développer certains secteurs notamment l’accès à l’électricité et la décentralisation de l’information pour permettre aux personnes dans les zones reculées de profiter des atouts qu’offre le numérique.
Une injonction à l’adaptation
Plusieurs domaines sont concernés par cette obligation d’adapter les manières de faire avec l’avènement des réseaux sociaux. Depuis le début des années 2000 avec l’arrivée des Technologies des l’information et de la communication (TIC), tout le monde est obligé de s’adapter, de se mettre à niveau individuellement et collectivement. La pandémie de la Covid-19 a accéléré la “numérisation” de la société avec le télétravail et les conférences en ligne, etc. Ceux qui travaillent dans le cadre du développement local ne sont pas exempts de cette exigence d’adaptation.
Il faut noter aussi que beaucoup de jeunes ainsi que le ministère de la Santé se sont beaucoup appuyés sur les réseaux sociaux pour participer à l’effort de lutte contre la Covid-19. En ce qui nous concerne, nous avons mis en place des programmes de vulgarisation d’informations, de sensibilisation contre la maladie. Je ne suis ni pour ni contre les réseaux sociaux, tout dépend de la manière dont nous les utilisons et nous devons renforcer leur utilisation positive pour impacter nos communautés.
Source photo : Anatole Magazine
René Edouard est diplômé en Sciences politiques et relations internationales. Il s’intéresse aux questions relatives à la politique, la géopolitique, à l’éducation, au leadership, au développement local et à la citoyenneté. Il est également entrepreneur social et a été sélectionné en 2021, comme Talent à Dalberg, un cabinet de conseil en stratégie dédié au développement et à l’innovation. René est actuellement chef de projet à Social Change Factory, un centre d’innovation et de leadership citoyen.