Auteur : Abdoul Karim Saidou
Site de publication : GRIP
Type de publication : Rapport
Date de publication : Septembre 2019
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L’essor des réseaux sociaux au Burkina Faso
L’avènement de l’internet a révolutionné les rapports de l’homme à l’espace public. Le monde est moins fermé qu’auparavant dans la mesure où les populations disposent de facilités de créer des contenus numériques, des sons et de les partager avec leurs concitoyens. L’information qui était jadis réservée à une certaine élite, est de nos jours démocratisée et à la portée du citoyen ordinaire. Les jeunes en particulier s’adonnent à une utilisation multiforme de cette technologie. Cette nouvelle donne est à mettre à l’actif de l’expansion des réseaux sociaux notamment Facebook, la plateforme la plus utilisée dans de nombreux pays comme au Burkina Faso. Au Burkina Faso, comme partout d’ailleurs en Afrique et dans le monde, l’apparition des réseaux sociaux a fortement facilité la circulation de l’information et permet aux citoyens de communiquer librement sur des sujets variés. Les réseaux sociaux ont transformé les habitudes et les interactions dans l’espace public. Les Burkinabè de tout âge, et plus particulièrement les jeunes utilisent les plateformes qu’offrent les réseaux sociaux pour échanger, communiquer, s’informer et s’organiser. Le nombre d’utilisateurs de Facebook au Burkina ne cesse d’augmenter, même si, comparé aux chiffres des pays voisins comme le Ghana et la Côte d’Ivoire, il reste encore faible.
Les médias traditionnels concurrencés
Avec l’avènement des réseaux sociaux, les médias traditionnels, notamment la télévision, la radio, les journaux, ont progressivement perdu le monopole de l’information et de la communication qu’ils ont eu pendant des décennies. Aujourd’hui, ces médias éprouvent des difficultés à suivre le rythme effréné des transformations imposées par l’adoption massive des réseaux sociaux. Ils tentent de s’adapter principalement en orientant leur intérêt vers les sujets dominants, ces buzz dont les caractéristiques premières sont la rapidité, l’éphémère, et le caractère accrocheur. Les attentions se sont tournées vers les réseaux sociaux. La situation est similaire au Burkina Faso, où les réseaux sociaux tiennent à devenir, en milieu urbain, les principaux canaux d’information pour la population dans la mesure où les médias traditionnels ont une couverture limitée du territoire et ne couvrent pas toujours les sujets qui l’intéressent.
La montée fulgurante des TIC
Il y a aujourd’hui trente ans que le Web a vu le jour. Depuis lors, l’internet mobile a connu un essor spectaculaire à la faveur de l’avènement de la 3G chez la plupart des opérateurs de téléphonie mobile. Cet essor de l’Internet mobile se manifeste surtout par l’usage fréquent par les populations des différentes plateformes de réseaux sociaux. Les Smartphones représentent désormais les deux tiers des connexions mobiles mondiales, ce qui indique que près de 6 milliards de Smartphones sont actuellement utilisés dans le monde. Au Burkina Faso, les tarifs des forfaits de la connexion à internet sont également devenus à la portée du citoyen moyen avec la 3G et la 4G à partir de 100 F CFA pour 10 Mo. Presque tous les jeunes enquêtés dans cette étude étaient détenteurs de Smartphones et ont déclaré être en permanence connectés sur internet. On peut aussi citer l’essor des ordinateurs portables qui sont plus utilisés aujourd’hui que les ordinateurs de bureau.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, les médias traditionnels, notamment la télévision, la radio, les journaux, ont progressivement perdu le monopole de l’information et de la communication qu’ils ont eu pendant des décennies. Aujourd’hui, ces médias éprouvent des difficultés à suivre le rythme effréné des transformations imposées par l’adoption massive des réseaux sociaux. Ils tentent de s’adapter principalement en orientant leur intérêt vers les sujets dominants, ces buzz dont les caractéristiques premières sont la rapidité, l’éphémère, et le caractère accrocheur
Les usages abusifs des réseaux sociaux
Les jeunes enquêtés dans la présente étude ont relevé plusieurs cas d’usages abusifs des réseaux sociaux. L’utilisation de ceux-ci est en effet multiforme et variée. Certains jeunes passent par ce canal pour faire circuler dans un temps record des rumeurs, communément appelées fake news dans le but de diffamer et de manipuler ainsi l’opinion. A titre d’exemple, dans la période de tentative de coup d’État de septembre 2015 au Burkina Faso, des rumeurs et accusations non fondées propagées par des usagers des réseaux sociaux, ont présenté un des candidats à l’élection présidentielle d’alors, feu Jean Baptiste Natama, comme étant un complice des putschistes et se serait vu proposer le poste de Premier ministre. C’est sur la base de ces ragots, que le domicile du candidat a fait l’objet d’une attaque de la part de manifestants qui l’ont pillé, incendié et saccagé. De nombreuses publications sur les réseaux sociaux sont conçues dans le but de faire du sensationnel, du buzz et de rechercher un nombre important de vues et de «j’aime» et non pas dans le but de donner une information vraie. Ces pratiques ont toujours cours malgré un contexte d’insécurité et de terrorisme dans lequel se trouve le Burkina Faso ces dernières années.
L’essor d’un espace d’interpellation des décideurs
Des citoyens s’organisent sur les réseaux sociaux pour interpeller les décideurs locaux, provinciaux, nationaux et régionaux sur des sujets de préoccupation qui sont les leurs. Ces jeunes qui le plus souvent n’ont pas accès aux décideurs publics, saisissent le canal qu’offrent les réseaux sociaux pour manifester leur mécontentement face à une question qui aurait pu trouver une solution si des cadres d’échanges permanents existaient entre administrés et administration. C’est ainsi que les réseaux sociaux sont devenus des espaces d’interpellation et de dénonciation des autorités. La veille citoyenne se manifeste à travers les réseaux sociaux. Parmi les cas cités par les enquêtés figure l’exemple du Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou). Lors de l’édition 2018, le comité d’organisation avait interdit les mets et boissons locaux sur le site du festival pour des raisons d’hygiène. Des jeunes activistes à l’image de Rasmané Ouédraogo du Balai citoyen avaient interpellé le comité d’organisation sur Facebook, qui a finalement levé la mesure, reconnaissant ainsi la nécessité de promouvoir l’économie locale.
La mobilisation d’une conscience citoyenne
Ce sont des cadres d’échanges d’expériences où les jeunes s’échangent des idées et des conseils pour surmonter les maux qui minent la jeunesse dans le domaine de l’emploi, de la santé, de l’éducation, de l’environnement, etc. Les jeunes Burkinabé utilisent ces réseaux sociaux pour chercher du travail dans la mesure où des offres d’emploi et d’opportunités diverses y sont publiées régulièrement. Les réseaux sont également mobilisés pour encourager les jeunes à voter lors des consultations électorales, comme le montre une étude: «En novembre 2015, 5,5 millions d’électeurs burkinabè sont appelés aux urnes pour élire leurs députés et leur président. Déjà en alerte sur les réseaux sociaux depuis l’insurrection d’octobre 2014, blogueurs et utilisateurs de Twitter se fédèrent autour du hashtag #Lwilivote. Lancé à quelques semaines du scrutin, il a drainé des dizaines de milliers de publications». Le vote étant un moyen pour influencer l’action publique, cet usage des réseaux sociaux s’inscrit dans la construction citoyenne.
Les réseaux sociaux sont aussi utilisés comme des outils de mobilisation et d’éveil des consciences pour lutter contre toute forme d’injustice car ils facilitent une large information rapide sur les actes d’injustice. Aussi, ces dernières années, Facebook a largement été utilisé par des jeunes pour organiser des collectes de fonds pour venir en aide à des personnes malades ou, par exemple, pour acheter des couveuses pour des centres de santé. Le cas du jeune Alain Traoré (Alino Faso sur Facebook) est très éloquent. Ce dernier a lancé plusieurs campagnes à succès sur Facebook pour venir en aide à des personnes en détresse.
Recommandations
Instaurer des cadres de dialogue permanent entre les décideurs politico-administratifs et les jeunes actifs sur les réseaux sociaux afin d’échanger sur les préoccupations des jeunes et envisager ensemble des solutions ;
Des citoyens s’organisent sur les réseaux sociaux pour interpeller les décideurs locaux, provinciaux, nationaux et régionaux sur des sujets de préoccupation qui sont les leurs. Ces jeunes qui le plus souvent n’ont pas accès aux décideurs publics, saisissent le canal qu’offrent les réseaux sociaux pour manifester leur mécontentement face à une question qui aurait pu trouver une solution si des cadres d’échanges permanents existaient entre administrés et administration
Sensibiliser les autorités administratives et politiques sur la contribution des réseaux à la cohésion sociale et à ses nombreux usages à caractère social, culturel, économique, etc. ;
Intégrer l’éducation aux réseaux sociaux dans les programmes officiels d’éducation en vue d’initier les enfants et les jeunes à leur utilisation utile et sans risques ;
Accompagner les médias traditionnels dans leur quête d’adaptation à l’ère du numérique à une prise de conscience professionnelle de l’importance d’informer l’opinion publique en vérifiant les informations plutôt que de faire la course au sensationnel comme l’utilisateur lambda des réseaux sociaux.
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