Auteur: Nisrine Eba Nguema
Organisation affiliée: La revue des droits de l’homme
Type de publication: Article
Date de publication: 2017
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«Promouvoir les droits de l’homme et des peuples et (…) assurer leur protection en Afrique» est l’objectif de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine). Cette dernière a en effet été créée pour assurer la mise en place d’un système de protection des droits de l’homme, permettre son développement et veiller à son efficacité. À ce titre, elle a été pendant plus de vingt ans la seule garante de l’effectivité des droits de l’homme au niveau de l’Afrique. Toutefois, cette Commission dont l’autonomie est garantie en théorie n’existe qu’en contrepartie d’une certaine soumission aux États africains. En d’autres termes, l’autonomie réelle de la Commission africaine est très limitée, puisque son fonctionnement dépend largement des États africains.
Par ailleurs, la Commission africaine ne peut fonctionner sans un financement conséquent. Ce dernier est à la charge des États membres qui s’acquittent de cette obligation en fonction de leur bonne volonté. En effet, s’ils n’exécutent pas cette obligation, ils n’encourent aucune sanction. Or, le bon fonctionnement de la Commission africaine et la réalisation de ses activités sont conditionnés par l’allocation des fonds par les États.
Elle n’a pas de pouvoir dissuasif immédiat
D’autres critiques ont souvent desservi la Commission africaine et renvoient à son manque de pouvoirs. Ainsi, le fait que la Commission africaine soit contrainte à la confidentialité jusqu’à ce que la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement en décide autrement est un frein à son indépendance.
De plus, le fait que la Commission africaine ne puisse sanctionner les États en cas d’inobservation de ses recommandations limite son impact auprès d’eux. Elle n’a pas de pouvoir dissuasif immédiat. D’ailleurs, ces différentes critiques ont été à l’origine de la mise en place d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine).
Les moyens d’action de la Commission africaine pour pallier ses limites normatives
La Commission africaine a rencontré durant son existence de nombreux obstacles, mais la principale entrave rencontrée demeure la résistance des États à se conformer aux exigences posées par le système africain des droits de l’homme. D’ailleurs, l’adhésion à ce système ne fait pas l’unanimité au sein des États africains, puisque seule la CADHP a été ratifiée par l’ensemble des États. Par ailleurs, de nombreux États ne se plient pas à leurs obligations. L’absence ou le retard des États dans la soumission de leurs rapports périodiques est de coutume. Seuls neuf États africains ont soumis tous leurs rapports, tandis que vingt-deux États ont plus de trois rapports en retard.
La principale entrave rencontrée demeure la résistance des États à se conformer aux exigences posées par le système africain des droits de l’homme
En outre, si un État commet des violations des droits de l’homme, la CADHP offre la possibilité aux autres États de saisir la Commission africaine. Cette prérogative n’a été exercée qu’une seule fois18 en plus de vingt-cinq ans. Un constat qui montre le peu de volonté des États africains de participer au renforcement des droits de l’homme. Le respect de la souveraineté apparait être un enjeu plus important vu le silence observé par les États africains face aux situations de violations des droits de l’homme.
L’amélioration de la saisine de la Commission africaine
Les ONG sont de plus en plus actives lorsqu’il s’agit de faire respecter les droits de l’homme. Indirectement, elles font augmenter le taux de saisine des instances régionales des droits de l’homme, car elles motivent les victimes à saisir ces instances. D’ailleurs, dans le système européen, elles occupent une place intéressante, puisqu’elles ont un rôle de « consultants ». En effet, elles peuvent agir en tant que « tiers intervenants » afin de fournir des observations pertinentes permettant d’éclairer les décisions de la Cour. C’est notamment dans le cadre des contentieux dirigés contre le Royaume-Uni et la Turquie que cette pratique s’est beaucoup développée, même si certains États ont accusé ces ONG d’instrumentaliser les requérants et d’influencer la Cour.
Les ONG ont largement participé à dynamiser le travail de la Commission africaine
L’influence des ONG est plus visible dans le système africain, car elles sont à l’origine de la plupart des communications adressées à la Commission africaine. Ce constat s’explique par le fait que la Commission africaine n’exige pas que le plaignant soit la victime. Sans cette souplesse, la saisine de la Commission africaine aurait été très faible, car les États semblent désintéresser de cette prérogative et les victimes ne sont pas toujours en mesure de faire valoir leurs droits. Ainsi, les ONG ont largement participé à dynamiser le travail de la Commission africaine.
Le traitement des communications alléguant des cas de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants
La Commission africaine a procédé à un aménagement de ses procédures pour faciliter le traitement des communications se référant aux actes de tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. En effet, la gravité de ces actes et la fragilité des victimes ont encouragé la Commission africaine a adopté des mesures particulières. Mais ce revirement s’imposait surtout du fait du problème de l’établissement de la preuve. Quel que soit le type de violences, la preuve n’est pas évidente à établir. En cas de violences physiques, les blessures peuvent ne pas être visibles, du fait des parties du corps où elles sont infligées ou du temps écoulé avant le dépôt de la plainte et même lorsque ces dernières sont visibles, l’État peut s’en défendre de différentes façons.
L’applicabilité de la CADHP
La CADHP ne contient aucune clause dérogatoire concernant l’application des droits de l’homme. Il ne s’agit pas d’un oubli, mais d’un moyen d’affirmer le respect des droits de l’homme aussi bien en temps de paix qu’en temps de crise selon la Commission africaine. Il s’agit d’un principe propre au système africain des droits de l’homme, puisqu’au niveau européen et au niveau américain, il est possible de suspendre l’effectivité de certains droits en période de guerre.
Au niveau africain, l’affirmation du respect des droits de l’homme en temps de paix et en temps de crise permet de responsabiliser les États des violations des droits de l’homme commises en période de crise. Il s’agit d’un principe qui se justifie dans un continent où de nombreux États sont souvent en crise. L’existence de telles dérogations permettrait de plus grands abus et surtout limiterait l’action de la Commission africaine pendant les périodes de crise. D’ailleurs, la Commission africaine a précisé que la restriction des droits de l’homme n’était pas une solution aux problèmes nationaux.
Suivi des communications et surveillance des États
La Commission africaine ne limite pas sa saisine. À tout moment, un plaignant dont le dossier a été clos ou rejeté peut de nouveau saisir la Commission africaine. Ainsi, la Commission africaine peut toujours revoir ses décisions, prenant en compte des faits nouveaux, des faits mal appréciés ou sous-estimés. Les États ne sont pas à l’abri d’un revirement de la Commission. Ils restent sous surveillance de la Commission africaine, qui peut modifier d’elle-même sa décision selon l’évolution de la situation dans un État donné. D’ailleurs, la Commission africaine ne considère pas qu’un changement de régime éteigne son action. En cas de changement de régime politique, la Commission africaine veille à ce que les États réparent les violences causées par l’ancien régime.
La Commission africaine ne considère pas qu’un changement de régime éteigne son action
Toutefois, la Commission africaine vise toujours à faire aboutir les parties vers un règlement à l’amiable, même lorsqu’elle constate des violations graves des droits de l’homme. Ses décisions n’ayant pas de force exécutoire, c’est un moyen pour la Commission africaine de s’assurer de la bonne volonté des États. Dans ce sens, elle se met au service des parties pour parvenir à un accord, mais elle prend en compte les intérêts de la victime.
Saisine de la Commission africaine et règlements à l’amiable
Les décisions de la Commission africaine n’ont pas de force contraignante, mais sa simple saisine peut parfois être décisive. Ainsi, la Commission africaine est considérée par de nombreux États comme un organe ayant de l’influence sur la scène internationale, la mauvaise publicité auprès d’elle est donc néfaste. Il ne faut pas oublier que la plupart des donateurs conditionnent l’octroi de fonds au respect des droits de l’homme par l’État demandeur. À ce titre, certains États mettent fin aux violations dès que la Commission africaine est saisie; ils préfèrent éviter une décision sur le fond.
La Commission africaine a souvent été critiquée pour ses longues procédures; une durée de quatorze mois à huit ans peut s’écouler entre sa saisine et sa décision au fond
Il faut préciser que certains règlements à l’amiable sont des leurres. En effet, certains États ont essayé de tromper les plaignants en promettant un règlement à l’amiable pour y renoncer dès que la Commission africaine était dessaisie.
Les décisions sur le fond de la Commission africaine
La Commission africaine a souvent été critiquée pour ses longues procédures ; une durée de quatorze mois à huit ans peut s’écouler entre sa saisine et sa décision au fond. Une échéance qui parait relativement très longue en comparaison avec la Cour européenne qui rend une décision finale dans un délai de trois ans. Un tel écart est critiquable, mais il ne faut pas perdre de vue l’ambition de la Commission africaine d’aboutir à un règlement à l’amiable. Par ailleurs, elle permet à chaque partie de répondre à chacune des étapes de la procédure et d’apporter de nouveaux éléments.
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