Auteur : M. Fatsah Ouguergouz
Date de publication : Avril 2018
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Fonctions de la Commission
Les articles 30 et 45 de la Charte Africaine investissent la Commission de trois fonctions principales: la promotion des droits de l’homme et des peuples en Afrique, leur protection et l’interprétation de toute disposition de cet instrument; seules les deux premières fonctions nous occuperons ici.
a) Fonction de promotion des droits de l’homme et des peuples
Les attributions de la Commission en matière de promotion des droits de l’homme et des peuples sont relativement larges et la Commission accorde une importance toute particulière à cette fonction; dès sa deuxième session (Dakar, 8-13 février 1988), elle a en effet adopté un vaste programme d’action envisageant dans le détail les principaux aspects de son activité de promotion telle qu’elle a été fixée par l’article 45 (1) de la Charte Africaine.
Ce programme prévoit principalement trois axes à son action. La Commission a tout d’abord un rôle d’information et de recherche; c’est là, l’activité de promotion par excellence dans la mesure où elle a pour objet la sensibilisation de l’opinion publique africaine à la question des droits de l’homme et des peuples. A ce propos, le rôle de la Commission consistera notamment à :
– «rassembler de la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l’homme et des peuples»,
– «organiser des séminaires, des colloques et des conférences» et à
– «diffuser des informations, encourager les organismes nationaux et locaux s’occupant des droits de l’homme et des peuples».
Lors de sa sixième session, la Commission a ainsi décidé de lancer la publication d’une «Revue Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples» comme cela était déjà prévu dans son programme d’action. La Commission a ensuite un rôle de conseil auprès des États africains. A ce propos, elle a notamment pour mission de formuler «des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l’homme et des peuples et des libertés fondamentales». Il s’agit en quelque sorte ici d’un rôle d’expertise en matière d’harmonisation des législations nationales avec les dispositions de la Charte Africaine.
La Commission a encore pour mission de «coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s’intéressent à la protection des droits de l’homme et des peuples»; c’est là un des aspects de son activité promotionnelle que la Commission ne devra pas négliger car elle pourra tirer beaucoup d’enseignements de l’expérience de ses homologues européenne et interaméricaine pour ne citer que ces deux institutions.
La Commission a encore pour mission de «coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s’intéressent à la protection des droits de l’homme et des peuples
La Commission a enfin et surtout pour mission, bien que cela ne ressorte pas expressément de la Charte Africaine, d’examiner les rapports étatiques périodiques prévus par l’article 62 de ce dernier instrument et relatifs aux mesures d’ordre législatif ou autre prises par les États parties en vue de donner effet aux droits et libertés objet de leur engagement. L’article 85 du Règlement intérieur prévoit que, si de l’avis de la Commission, il s’avère qu’un État ne s’est pas acquitté de ses obligations conventionnelles, celle-ci pourra lui adresser toutes «observations générales qu’elle jugerait appropriées».
Dans tous les cas, la Commission devra communiquer à tous les États parties ses «observations générales fondées sur l’examen du rapport et des renseignements fournis» par ceux-ci. Ces observations ainsi que les rapports pourront être transmis par la Commission à la Conférence (art. 86 du Règlement), l’unique sanction dont dispose la Commission en matière d’examen des rapports périodiques consiste donc seulement dans la possibilité d’en référer à l’organe politique suprême de l’O.U.A.
On soulignera néanmoins qu’aux termes de l’article 79 du Règlement les rapports et autres renseignements présentés par les États parties en vertu de l’article 62 de la Charte Africaine sont des documents de distribution générale, il ne faut donc pas minimiser les effets possibles d’une telle publicité. Ces rapports ont une autre vertu: ils obligent les États parties à se justifier.
Lors de sa quatrième session (le Caire, 17-26 octobre 1988), la Commission a élaboré, à l’intention des États, des directives assez précises relatives à la forme et au contenu de ces rapports. Du fait d’une certaine carence des États parties en la matière, la Commission n’a pas encore eu l’occasion de procéder à l’examen desdits rapports étatiques; son président a néanmoins entrepris des démarches auprès de ces États afin qu’ils commencent à soumettre les rapports périodiques initiaux.
b) Fonction de protection des droits de l’homme et des peuples
C’est là l’autre fonction importante confiée à la Commission par l’article 45 de la Charte Africaine; aux termes de cette disposition, celle-ci a pour mission d’«assurer la protection des droits de l’homme et des peuples dans les conditions fixées par la présente Charte».
A ce propos, la Charte Africaine se présente comme un texte dont l’originalité réside dans la formulation et l’association dynamique de concepts, anciens ou nouveaux, dans un instrument unique. En effet, outre qu’elle énonce des droits de la troisième génération, et consacre le peuple comme entité juridique à part entière, la Charte Africaine consiste, au niveau normatif, en une triple juxtaposition: elle proclame des droits civils et politiques en même temps que des droits économiques, sociaux et culturels, des droits individuels en même temps que des droits collectifs et des droits en même temps que des devoirs individuels.
La particularité fondamentale de la Charte Africaine réside dans le fait qu’en matière d’engagement de l’État relativement à la mise en œuvre des droits qu’elle consacre, elle n’entérine pas, contrairement aux deux pactes des Nations Unies de 1966 par exemple, la traditionnelle différenciation entre droits de nature juridique exécutoire droits civils et politiques et droits de nature juridique programmatoire droits économiques, sociaux et culturels.
Son article premier dispose en effet que «Les États membres de l’Organisation de l’Unité Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s’engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer». En principe, les droits économiques, sociaux et culturels garantis par la Charte Africaine sont donc potentiellement «justiciables» devant la Commission au même titre que les droits civils et politiques et selon les mêmes procédures.
La Charte Africaine ne distingue pas non plus selon le caractère individuel ou collectif des droits en question et on peut là encore s’interroger sur la «justiciabilité» des droits garantis aux peuples. A priori, rien dans le libellé de la Charte Africaine ne s’oppose à ce que l’application de tels droits par les États parties fasse l’objet d’une procédure de contrôle devant la Commission dont l’activité se rapporte, comme son nom l’indique, tant aux droits de l’homme qu’aux droits des peuples.
Le seul problème en la matière, mais il est déterminant, concerne l’identification précise du contenu et du sujet passif de ces droits collectifs; et celle-ci suppose résolue par la Commission la question controversée de la définition du terme «peuple» sur laquelle la Charte Africaine demeure silencieuse. On ne saurait en effet concevoir une quelconque «justiciabilité» devant la Commission du droit d’un peuple au développement, par exemple, si celui-ci a pour unique débiteur un ou plusieurs États tiers par rapport à la Charte Africaine.
En ce qui concerne finalement la possibilité pour la Commission de contrôler le respect des devoirs individuels énoncés par la Charte Africaine, elle n’est pas exclue bien qu’elle paraisse insolite à première vue. Un tel contrôle par la Commission ne consistera alors, ni plus ni moins, qu’en un contrôle du respect par l’État des engagements souscrits au titre de la Charte Africaine. Tout État partie a, en effet, l’obligation de reconnaître et d’appliquer les devoirs de l’individu (37) et de les faire comprendre par la diffusion et l’éducation (38). Ainsi, en cas de non respect de l’un de ses devoirs par l’individu, seule la responsabilité internationale de l’État intéressé pourra être mise en cause, l’individu, pour sa part, ne pourra en aucun cas être «attrait» devant la Commission.
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