Auteur(s) : Groupe de la Banque Mondiale
Type de publication : rapport
Date de publication : juillet 2018
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La nécessité de mobiliser tous les acteurs
Tant la lutte contre le changement climatique que son adaptation passent par une prise de conscience collective qui devra se traduire par des changements de comportement individuels. Si l’Etat peut mettre en place des cadres de références, voir des incitations et des sanctions, leur mise en œuvre va dépendre de leur appropriation par l’ensemble des acteurs.
Aujourd’hui, les acteurs locaux de la société civile et du monde des affaires semblent relativement peu engagés en Côte d’Ivoire. L’absence ou le peu de débats publics sur les questions de changement climatique en Côte d’Ivoire et le peu d’intérêt qu’accorde l’opinion à ce sujet traduisent l’idée communément répandue que les effets des changements climatiques se manifesteront dans le futur. Il n’en demeure pas moins que les stratégies pour s’adapter ou atténuer les changements climatiques nécessitent des actions coordonnées et une adhésion de tous les acteurs nationaux (gouvernement, politiques, société civile, secteur privé).
Cette implication des acteurs commence par une plus grande compréhension au sein de la population de ce qu’est le changement climatique, ses origines, ses conséquences et les moyens d’adaptation disponibles pour y faire face. Il est important que chaque Ivoirien(ne) comprenne qu’il ou elle peut améliorer sa relation avec la nature et contribuer à son humble niveau à la lutte contre le changement climatique. Cela peut être un individu qui favorise les transports publics plutôt que l’utilisation de la voiture ou encore une entreprise citoyenne qui finance un projet de reforestation.
Les acteurs gouvernementaux
Bien que la question des changements climatiques soit la responsabilité du ministère en charge de l’environnement, le changement climatique n’est pas uniquement une question environnementale, c’est aussi un problème pour le développement économique et social des pays. Une plus forte implication des ministères régaliens comme celui en charge des finances et autres ministères sectoriels comme celui de l’agriculture ou des infrastructures économiques est indispensable pour faire avancer le débat sur le climat dans le pays.
Rôle du ministère de l’économie et des finances. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, tout comme dans de nombreux pays africains, les ministres en charge de l’économie et des finances sont traditionnellement restés en marge de l’action et du débat climatique (par exemple, la Côte d’Ivoire ne dispose pas d’une estimation économique de l’impact du changement climatique ; alors qu’une telle étude pourrait inciter le gouvernement à investir dans des mesures d’adaptation.
Il est important que chaque Ivoirien(ne) comprenne qu’il ou elle peut améliorer sa relation avec la nature et contribuer à son humble niveau à la lutte contre le changement climatique
Le ministère de l’Economie et des Finances a un rôle essentiel à jouer et doit être remis au centre de l’action climatique. Ce ministère détient en effet les instruments clés pour lutter contre le changement climatique – réformes fiscales environnementales et outils fiscaux (taxes carbones) pour accroître la résilience et gérer les risques climatiques – tout en fournissant les incitations appropriées aux ménages et aux entreprises (BM-CAPE, 2015).
Les acteurs non étatiques
La Société civile. Le rôle des ONG et de la société civile ainsi que des médias est essentiel en matière de sensibilisation des citoyens aux défis du changement climatique et de développement durable.
Le Secteur privé. Sensibiliser le secteur privé quant aux risques que pose le changement climatique sur leur investissement (impact de l’érosion côtière sur l’hôtellerie balnéaire par exemple) tout en les invitant à afficher leurs engagements en matière d’adaptation et d’atténuation au changement climatique dans leurs processus productifs. Un des éléments peut être de sensibiliser et renforcer les capacités du secteur bancaire à développer des produits financiers innovants en soutien d’une économie verte et résiliente.
La Côte d’Ivoire ne dispose pas d’une estimation économique de l’impact du changement climatique , alors qu’une telle étude pourrait inciter le gouvernement à investir dans des mesures d’adaptation
Les champions locaux. Aux actions précitées, il est important d’impliquer des « champions locaux » de haut niveau pour gagner en visibilité dans les discussions sur le changement climatique et surmonter les obstacles politiques à l’utilisation de l’information climatique. L’exemple du groupe de musique « Magic System », qui a porté la thématique du changement climatique dans ses tournées en Afrique, est à saluer et à multiplier.
Les opportunités d’investissement climato-intelligent
En visant un objectif de 42% de son mix énergétique en énergie renouvelable d’ici 2030, la Côte d’Ivoire s’offre graduellement une alternative certaine aux énergies fossiles tout en bénéficiant d’une énergie qui est de plus en plus moins chères (comparé aux prix des combustibles fossiles qui augmente sans cesse), et contribue à la sécurité énergétique du pays tout tant réduisant la pollution locale. Une plus grande adoption du solaire hors réseau placera le pays à l’avant-garde de l’innovation dans le secteur de l’énergie. La vulgarisation des transports en commun va permettre de réduire la congestion et la dépendance des populations vis-à-vis des prix du pétrole tout en réduisant la pollution locale avec ses bénéfices avérés sur la santé des populations.
La réduction de la déforestation aura des impacts positifs sur la biodiversité, les moyens de subsistance et la résilience des populations. Enfin, l’adoption d’une tarification sur le carbone constituerait une bonne politique budgétaire et pourrait faire partie de la réforme fiscale pour apporter plus de revenus au gouvernement en levant des fonds d’une source plus facile à percevoir.
Outre ces co-bénéfices, les opportunités d’investissement dans une agriculture intelligente face au climat (y compris l’élevage et la pêche), la conservation des zones côtières, les infrastructures résilientes, l’énergie renouvelable, et les mesures d’adaptation proactives peuvent créer des emplois verts.
En visant un objectif de 42% de son mix énergétique en énergie renouvelable d’ici 2030, la Côte d’Ivoire s’offre graduellement une alternative certaine aux énergies fossiles tout en bénéficiant d’une énergie qui est de plus en plus moins chères
Afin de mieux comprendre ces opportunités, l’accent est mis ci-dessous sur deux initiatives liées à l’adaptation aux changements climatiques:
- l’adaptation de la filière cacao
- la gestion intégrée du littoral
Ainsi que deux initiatives liées à l’atténuation du changement climatique :
- les énergies renouvelables
- la modernisation et la résilience du transport routier
L’adaptation aux changements climatiques de la filière cacao
Deux types d’actions peuvent être envisagés pour la filière cacao. La première vise à réduire son impact sur la déforestation, qui est devenue une catastrophe nationale.
Pour être efficace, la lutte contre la déforestation se doit d’inclure des sanctions à l’encontre des producteurs qui ne respectent pas les règles mais aussi des incitations. La logique est simple : pour que les producteurs ne s’attaquent plus aux forêts, il faut leur donner le moyen d’améliorer leur rendement en menant une politique de semence améliorée et d’entretien du verger. Leur revenu peut aussi être augmenté en valorisant, par exemple, les déchets agricoles cacaoyers. Les cabosses offrent un potentiel bioénergétique pour une combustion domestique ou pour produire de la bio-électricité à usage communautaire.
L’adoption d’une tarification sur le carbone constituerait une bonne politique budgétaire et pourrait faire partie de la réforme fiscale pour apporter plus de revenus au gouvernement en levant des fonds d’une source plus facile à percevoir
La deuxième action s’inscrit dans la stratégie d’adaptation que se doit de mener la Côte d’Ivoire pour atténuer les effets néfastes du changement climatique sur l’exploitation de cacao :
Accroître les zones d’ombrage. Au cours des dernière décennies, il y a eu une réduction des zones d’ombres dans les plantations cacaotières (Ruf, 2011; Läderach et al., 2013). Aujourd’hui, il est estimé que 50 % des plantations bénéficient d’un ombrage moyen et 35 % n’ont aucun ombrage (Läderach et al., 2013). Avec le réchauffement prévu, l’augmentation des zones d’ombrage devient naturellement une priorité car il protège le verger en réduisant l’évaporation.
Améliorer les techniques de greffage. La réhabilitation des arbres à travers l’usage du greffage a été utilisée avec succès en Costa Rica, (voir Encadré). Son adoption en Côte d’Ivoire pourrait améliorer la résistance du verger au changement climatique tout en nécessitant moins de travail et d’argent que la plantation de nouveaux arbres pour remplacer les plus anciens.
Encourager le développement de nouvelles variétés. Le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) ivoirien a participé au décryptage du génome du cacaoyer, premier arbre fruitier tropical de longue génération à avoir été séquencé. Ces résultats ouvrent le champ à de nombreuses études qui permettront d’améliorer son adaptation aux conditions environnementales, sa résistance aux maladies et ses qualités aromatiques (UNDP, 2013). À titre d’exemple, la nouvelle variété de plants de cacao baptisée « Mercedes » offre un cycle court et produit 2 t à l’hectare, contre 0,4 t pour l’ancienne variété (Mieu, 2016).
Pour que les producteurs ne s’attaquent plus aux forêts, il faut leur donner le moyen d’améliorer leur rendement en menant une politique de semence améliorée et d’entretien du verger
L’adaptation du littoral ivoirien
Un des objectifs majeurs de la gestion intégrée du littoral est d’augmenter la résilience des communautés, des écosystèmes, et des infrastructures clés en zone côtière. Pour ce faire il faudra que l’Etat investisse sur le long terme dans des stratégies qui assureront la durabilité des actions déjà menées et des efforts à venir, à savoir :
L’aménagement du territoire – L’exacerbation des phénomènes liés au changement climatique demande une attention particulière à la planification de l’espace. Un développement climato-intelligent requiert des arbitrages quant aux décisions d’expansion urbaine et industrielle et de localisation d’infrastructures économiques (grands ouvrages de travaux publics ou opérations du secteur privé).
Avec le réchauffement prévu, l’augmentation des zones d’ombrage devient naturellement une priorité car il protège le verger en réduisant l’évaporation
La promotion de la recherche et la formation scientifique dans les domaines tels que: l’ingénierie côtière, l’océanographie, et la télédétection et système d’information géographique – Il est très difficile, voire impossible dans certains cas, de faire des prévisions ou de la modélisation en termes de l’évolution du trait de côte, des pertes en terres, des impacts liés au changement climatique sans données scientifiques crédibles et spécifiques au pays.
La mise en place d’un système d’alerte lié au littoral et ceci en vue de l’intensification et la fréquence des évènements météorologiques.
L’intégration de l’adaptation au changement climatique et de la gestion des risques de catastrophes dans les plans de développement aux niveaux national, régional et local ainsi que dans les stratégies sectorielles les plus pertinentes (par exemple transport, agriculture, pêche, exploitation pétrolière, construction).
L’intégration de l’adaptation au changement climatique et de la gestion des risques de catastrophes dans les plans de développement aux niveaux national, régional et local ainsi que dans les stratégies sectorielles les plus pertinentes (par exemple transport, agriculture, pêche, exploitation pétrolière, construction).
L’atténuation du changement climatique : Les énergies renouvelables
Parce que le secteur énergétique est l’un des principaux contributeurs de l’effet de serre observé au niveau de la planète, ce secteur a reçu une attention particulière dans les stratégies visant à la protection de l’environnement. Dans ce contexte, le développement de l’énergie solaire présente une opportunité pour de nombreux pays, notamment grâce à la chute rapide des coûts de production au cours des dernières années. Ceux-ci sont à présent au-dessous de 5 cents US par KW, comme le montrent les récents exemples de l’Afrique du Sud, la Zambie, le Maroc et le Sénégal. Ces coûts sont hautement compétitifs comparés à d’autres sources d’énergie comme celles basées sur les hydrocarbures, et nettement moins polluantes.
La Côte d’Ivoire se trouve à l’avant-garde du développement de projets d’énergie solaire qui ne sont pas connectés au réseau. Un marché s’est développé, avec plusieurs entreprises privées, dans la distribution de kits, de panneaux et de mini grid à usage individuel ou communautaire. Les bénéfices sont d’accroitre l’accès à l’électricité pour des utilisateurs isolés ou avec des moyens financiers relativement limités.
A l’instar d’autres pays qui bénéficient aussi de conditions d’ensoleillement favorables, la Côte d’Ivoire pourrait accélérer ses investissements dans l’énergie solaire. Non seulement les coûts sont aujourd’hui largement maitrisés et ce type de projets peut se développer plus rapidement que la construction d’usines thermiques ou hydrauliques. Ils permettront au pays de diversifier ses sources d’énergie et de créer de nombreux emplois comme le montre l’exemple du Bangladesh où plus de 140 000 emplois ont pu être créés grâce à des investissements dans l’énergie solaire en zones rurales.
L’atténuation au changement climatique : la modernisation du transport
Avec l’Énergie, le secteur des Transports représente l’une des principales sources mondiales de production de GES [gaz à effet de serre], principaux responsables du changement climatique. Afin de garantir un développement soutenable du point de vue environnemental, la Côte d’Ivoire se doit de minimiser l’empreinte écologique de ses principaux secteurs d’activités, dont celui des transports. De façon classique, la croissance économique induit une augmentation du nombre de déplacements des biens et des personnes : dans le cas ivoirien, les parts modales étant nettement en faveur du transport routier individuel, cela se traduira en une augmentation du taux de motorisation et du nombre de véhicules en circulation, notamment en milieu urbain.
Le développement de l’énergie solaire présente une opportunité pour de nombreux pays, notamment grâce à la chute rapide des coûts de production au cours des dernières années
Plusieurs solutions durables sont envisageables pour inverser la tendance. D’une part, il faut moderniser l’équipement automobile ivoirien et le rationaliser. Par exemple, les transporteurs professionnels – de marchandise ou de personnes – doivent moderniser leurs flottes afin d’améliorer l’efficacité énergétique de leurs véhicules, réduire les coûts de maintenance et améliorer la sécurité des employés et des riverains. Surtout, cela permet une réduction conséquente des émissions : réduire de 10 ans l’âge moyen du parc de taxis compteurs, taxis communaux ou minibus Gbaka permettrait de baisser de 10% au moins leurs émissions de CO2 (SFI, 2017).
En effet, les « France au-revoir», ces voitures d’occasion importées, jugées «trop polluantes», seront soumis à une stricte limite d’âge à partie de juillet 2018 quand le décret du 6 décembre 2017 sera mis en vigueur : pas plus de 10 ans pour les camions, pas plus de sept ans pour les minicars et camionnettes et surtout pas plus cinq ans pour les véhicules de tourisme.
Avec l’Énergie, le secteur des Transports représente l’une des principales sources mondiales de production de GES [gaz à effet de serre], principaux responsables du changement climatique
D’autre part, il est urgent de procéder à un report modal du véhicule particulier vers des modes moins polluants tels que les transports en commun. La mise en place de systèmes de transports de masse performants dans les agglomérations urbaines réduirait significativement les émissions de polluants et de GES [gaz à effet de serre], mais réduirait également la congestion, diminuerait les temps de trajets et aurait un impact économique majeur sur l’aire urbaine.
Enfin, la conception des infrastructures de transports doit s’inscrire dans une logique de résilience face au changement climatique déjà en marche sur la planète. Le niveau des eaux augmente, l’érosion côtière est à l’œuvre sur les côtes ivoiriennes et la pluviométrie est irrégulière d’une année à l’autre. Pourtant, la façon de construire et d’entretenir les routes est toujours la même. En somme, les transports doivent se réinventer afin de catalyser une croissance économique soutenable et minimiser les retombées négatives de ce secteur sur le climat.
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