Auteur : Jeanne Durieux
Type de publication : Article
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Les pays d’Afrique de l’Ouest doivent repenser leurs systèmes économiques, sociaux et politiques pour remédier à la crise. Si la réactivité des États d’Afrique de l’Ouest a été plutôt exemplaire en terme de rapidité, il n’en reste pas moins que ces mesures rapides doivent être repensées pour éviter de faire sombrer l’économie.
Le FMI a pris en avril 2020 la décision rapide de mettre en place un moratoire d’urgence en suspendant temporairement le remboursement des dettes de certains pays : Tchad, Guinée, Niger, Togo, pour éviter de couler les économies. Si la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest ont réagi immédiatement en imposant des mesures radicales, le confinement n’est en décembre 2020 plus une solution recevable. Dans des pays fortement dépendants de l’économie informelle, il est absolument nécessaire de maintenir une circulation des biens et des personnes minimales pour éviter d’étrangler les économies locales. La carte, qui fait état des pays ayant leurs frontières fermées au mois de juillet 2020, montre que la quasi-totalité de l’Afrique de l’Ouest a suivi une logique isolationniste. Si les frontières sont en décembre 2020 majoritairement rouvertes, il n’empêche que les séquelles de ces fermetures frontalières sont lourdes de conséquences.
Dans des pays fortement dépendants de l’économie informelle, il est absolument nécessaire de maintenir une circulation des biens et des personnes minimales pour éviter d’étrangler les économies locales
Au Burkina par exemple, cinq mois après la réouverture des marchés d’Ouagadougou, fermés le 26 mars 2020 pour tenter d’endiguer la propagation du virus, la reprise se fait attendre, condamnant les populations à vivre au jour le jour. Ces populations du Burkina qui font partie du secteur informel n’ont ni couverture sociale, ni statut juridique, et se retrouvent démunies. En outre, les gouvernements se sont retrouvés réduits à un rôle de gestionnaire de l’aide internationale, sans possibilité d’action publique et de transfert financiers de l’Etat à la population et aux entreprises. Il est maintenant absolument indispensable d’envisager des solutions à long terme, par le biais de politiques publiques qui permettraient aux gouvernements africains d’être les principaux gestionnaires de la crise qui sévit dans leur pays.
Alors que la crise met en évidence l’importance sociale et économique de l’économie informelle, qui fait vivre la grande majorité de la population et constitue un moteur essentiel de la croissance économique, le secteur informel n’est pas suffisamment reconnu ni valorisé. Il faudrait changer de perception et reconnaitre le secteur informel comme un espace pluriel en perpétuelle évolution. L’extension de la protection sociale, l’amélioration des infrastructures adaptées aux besoins, l’augmentation de la productivité et des salaires, et la prise en compte des acteurs de l’économie informelle sont des leviers nécessaires dans la promotion du dynamisme de ce secteur. En Afrique de l’Ouest, la réalité économique s’appelle informalité, et la prise en compte des réalités du terrain est nécessaire dans la mise en œuvre de politiques efficaces.
Dès lors, la synergie entre les acteurs économiques devrait devenir la clé des systèmes économiques des pays d’Afrique de l’Ouest. Les perturbations causées par la COVID-19 mettent en évidence la nécessité impérieuse d’un renforcement de la coordination régionale, pour assurer le bon fonctionnement alimentaire de chaines d’approvisionnement alimentaire. La réunion des ministres en charge de l’alimentation et de l’agriculture de la CEDEAO du 31 mars 2020 a permis d’appeler à l’adoption d’une série de mesures, à savoir la sécurisation de la campagne agropastorale actuelle, la libre circulation y compris transfrontalière des intrants et des produits agricoles… Il faut, pour eux, maintenir les fonds alloués à l’agriculture, malgré les pressions budgétaires exercées par les secteurs de la sécurité et de la santé. Des concepts tels que les « bassins alimentaires », ou encore les « systèmes alimentaires ville-région », qui ciblent le renforcement des liens entre zones rurales et urbaines, peuvent aider à cartographier la structure des systèmes alimentaires et, par là même, éclairer l’élaboration des politiques. Si la crise du COVID-19 pose d’immenses défis aux responsables politiques, elle peut aussi servir de catalyseur pour sensibiliser à la nécessité d’une approche territoriale en faveur de systèmes alimentaires plus résilients et de stratégies de développement durables de manière plus générale.
Les perturbations causées par la COVID-19 mettent en évidence la nécessité impérieuse d’un renforcement de la coordination régionale, pour assurer le bon fonctionnement alimentaire de chaines d’approvisionnement alimentaire
Le projet de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf ) devrait jouer un rôle significatif dans le redémarrage des économies africaines. Cette ZLECAf devrait amortir les effets négatifs de la COVID en soutenant le commerce régional et les chaines de valeur grâce à la réduction du coût des échanges, permettant la circulation des biens essentiels tels que les fournitures médicales, et surtout, les denrées alimentaires. La ZLECAf remplacerait la mosaïque d’accords régionaux et rationaliserait les procédures aux frontières en donnant la priorité aux réformes commerciales, et permettrait de réorganiser les marchés et les économies de la région, en entrainant la création de nouvelles industries et l’expansion de secteurs clés. Ainsi, la Côte d’Ivoire et le Zimbabwe, où les coûts commerciaux sont parmi les plus lourds de la région, enregistreraient les résultats les plus favorables avec une augmentation de 14% des revenus dans chaque pays. D’ailleurs, selon l’économiste Jeff Gable, l’Afrique devrait être soutenue et applaudie pour avoir choisi la collaboration quand le reste du monde choisit l’isolationnisme. Réduire ces coûts commerciaux exige donc une action volontariste de l’ensemble des pays concernés, et souligne la nécessaire synergie des acteurs.
Dès lors, si la résilience locale joue un rôle crucial dans la lutte contre l’insécurité, la faim, la sécheresse, la coopération transnationale s’avère néanmoins indispensable. Dans un monde post-COVID aux conséquences sociales et économiques dramatiques, il est capital de repenser une politique régionale pour subvenir aux besoins des populations, à l’heure où les ressources se raréfient et le danger de l’isolationnisme rode.
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