Auteur : Wendy Williams
Organisation affiliée : Centre d’Études stratégiques de l’Afrique
Type de publication : Article
Date de publication : 3 avril 2020
Lien vers le document document
La pandémie de la Covid-19 se propage en Afrique alors même que le continent est confronté à un chiffre record de déplacement de population. L’Afrique fait actuellement face à plus de 25 millions de personnes déplacées de force personnes déplacées en interne (PDI) et réfugiés le résultat de conflits et de la répression. Environ 85 % de ces déplacés sont originaires de huit pays: la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud, la Somalie, l’Éthiopie, le Soudan, le Nigéria, la République centrafricaine et le Cameroun.
L’Afrique connaît aussi des taux élevés de migration des personnes qui quittent leur domicile en quête de meilleures opportunités souvent vers des zones urbaines où l’activité économique est plus importante. Les destinations clés sont l’Algérie, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Maroc, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Les migrants ont tendance à suivre trois itinéraires principaux: de l’Afrique de l’Ouest et de l’Est vers l’Afrique du Nord, de l’Afrique de l’Est vers le Moyen Orient, et de l’Afrique de l’Est vers l’Afrique du Sud. Environ 80 % des migrants économiques restent en Afrique.
Si ces groupes n’ont pas été identifiés comme des vecteurs importants de transmission de la COVID-19, les fortes densités de population parmi les populations déplacées, couplé à la haute mobilité des migrants, rend les deux groupes particulièrement vulnérables à l’exposition au virus. Ils seront donc prioritaires pour réduire la propagation du virus en Afrique. Ceci nécessitera des engagements politiques avisés et efficaces et des messages destinés au public, ainsi que l’atténuation de la stigmatisation et de la xénophobie basée sur la peur envers ces groupes.
Risques auxquels sont confrontés les déplacés de force en Afrique
Un grand nombre des déplacés de force d’Afrique se trouvent dans des camps gérés et des quartiers informels. Ceux-ci abritent souvent des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes. Dix pays africains hébergent la plus grande partie de personnes déplacées.
- Le Soudan héberge plus d’un million de réfugiés et 1,86 millions de PDI, parmi lesquels 1,6 millions se trouvent dans des camps au Darfour.
- L’Ouganda héberge plus d’un million de réfugiés. L’agglomération informelle de Bidi Bidi, le plus grand camp de réfugiés en Afrique, abrite plus de 230 000 réfugiés du Soudan du Sud.
- En raison de l’insurrection de Boko Haram, plus de deux millions de personnes sont déplacées internes au Nigeria. Elles vivent dans 32 camps gérés par le gouvernement.
- L’Éthiopie héberge plus de 700 000 réfugiés. La région de Gambela abrite plus de 300 000 réfugiés du Soudan du Sud dans ses sept camps. La région Somali héberge près de 160 000 réfugiés de Somalie dans cinq camps.
- Les trois camps de Dadaad au Kenya hébergent quelques 200 000 réfugiés somaliens.
- La RDC, le Tchad, le Cameroun, le Soudan du Sud et la Tanzanie hébergent chacun plus d’un quart de million de réfugiés.
Pour trouver un emploi, un grand nombre de populations déplacées de force s’installent dans des zones urbaines surpeuplées. Dans tous ces environnements camps, quartiers informels, bidonvilles les services de santé sont débordés ou inaccessibles, aggravant le risque d’exposition et de vulnérabilité à l’infection. La capacité de ces communautés à pratiquer la distanciation sociale est quasiment impossible. Si le coronavirus parvenait à atteindre ces communautés, sa propagation serait rapide et destructive.
Si ces groupes n’ont pas été identifiés comme des vecteurs importants de transmission de la COVID-19, les fortes densités de population parmi les populations déplacées, couplé à la haute mobilité des migrants, rend les deux groupes particulièrement vulnérables à l’exposition au virus
Risque pour les migrants économiques
Le continent voit un flux vigoureux de migration informelle : des centaines de milliers de personnes traversent officieusement les frontières chaque année. En majorité des jeunes hommes et femmes, dont beaucoup de marchands saisonniers et journaliers, ils voyagent tous en dehors des voies légales. En Afrique, la migration informelle représente une solution temporaire à un système de gestion migratoire brisé ou peu développé. Sans une forme de reconnaissance légale, les personnes voyagent à leurs propres risques. Quand elles traversent les frontières pour travailler, elles demeurent légalement portées disparues et introuvables.
Ces migrants informels sont attirés vers des centres urbains économiquement dynamiques à haute densité. Un grand nombre de ces villes et localités sont entourées de bidonvilles surpeuplés où les systèmes d’égout et d’approvisionnement en eau courante propre font défaut. Ils viennent s’ajouter dans ces quartiers qui logent aussi les habitants les plus pauvres de la communauté hôte. Tous ces résidents vivent au jour le jour et sont incapables de rester chez eux et encore moins de pratiquer la distanciation sociale.
Conscients du fait qu’ils ne jouissent d’aucun statut juridique, les migrants informels craignent non seulement d’être identifiés aux frontières, les entrainant à les éviter, mais ils évitent aussi d’attirer l’attention au quotidien. Au-delà des forces de l’ordre, les demandeurs d’asile et les migrants informels craignent aussi d’être victimes de la violence de populations locales apeurées par la pandémie. Ceci signifie que s’ils étaient exposés au virus ou en présentaient des symptômes, ils éviteraient fort probablement de chercher de l’aide ou de se faire remarquer, accélérant donc la propagation du virus.
Que faire?
La solidité de la chaîne sociétale n’est aussi forte que son maillon le plus faible. Les gouvernements doivent souligner que cette pandémie nécessite de se concentrer sur les communautés dans leur intégrité, y compris les personnes les plus marginalisées et vulnérables. Ceci inclut les personnes déplacées de force et les migrants économiques, ainsi que les communautés appauvries qui les accueillent. La stigmatisation, l’hostilité et la persécution répandront le virus au lieu de le contenir. Ceux qui ressentent le besoin de cacher leur statut de migrant pour travailler et vivre librement se sentiront également obligés de cacher leur exposition au virus ou à tout autre symptôme, devenant alors une menace pour l’ensemble de la communauté.
Conscients du fait qu’ils ne jouissent d’aucun statut juridique, les migrants informels craignent non seulement d’être identifiés aux frontières, les entrainant à les éviter, mais ils évitent aussi d’attirer l’attention au quotidien. Au-delà des forces de l’ordre, les demandeurs d’asile et les migrants informels craignent aussi d’être victimes de la violence de populations locales apeurées par la pandémie
Dans de nombreux contextes, que ce soit dans les bidonvilles urbains ou dans les camps, ne donner que des conseils sur les mesures d’hygiène et la distanciation sociale ne suffit pas. Des adaptations sont requises pour augmenter l’accès au savon et à l’eau. Il est également nécessaire d’assurer l’accès à la nourriture et au carburant pour limiter le besoin des habitants de se déplacer hors des camps.
Heureusement, il existe déjà de bons modèles, allant de l’approvisionnant les services publics (écoles, cliniques et points d’eau potable) dans les bidonvilles urbains, à la production d’annonces de services publics dans les dialectes locaux et à la création de cuisines communautaires dans les zones vulnérables pour servir des millions de repas à la fois. De tels modèles doivent être adaptés au contexte et reproduits autant que possible.
Jusqu’à présent, aucun cas de COVID-19 n’a été signalé dans les camps de réfugiés et de déplacés internes africains. Néanmoins, le HCR a mis en place des plans pour contrôler, signaler, atténuer et réagir aux menaces à la santé publique dans ses camps de réfugiés. Ces pratiques doivent être reproduites par les autorités qui gèrent d’autres populations déplacées. L’État de Borno au Nigéria a interdit les visites dans ses camps de PDI.
D’autres mesures sont nécessaires pour empêcher le virus de s’infiltrer dans les camps. Les administrateurs de camps, en coopération avec les résidents doivent également réfléchir à la manière de modifier la manière de distribuer les denrées essentielles afin d’éviter les grands rassemblements, fournir des réserves de médicaments à ceux qui souffrent de maladies chroniques et développer des sections d’auto-isolement pour réduire les transmissions au sein des ménages et du camp lorsque les résidents tombent malades.
Les Wathinotes sont soit des résumés de publications sélectionnées par WATHI, conformes aux résumés originaux, soit des versions modifiées des résumés originaux, soit des extraits choisis par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au thème du Débat. Lorsque les publications et leurs résumés ne sont disponibles qu’en français ou en anglais, WATHI se charge de la traduction des extraits choisis dans l’autre langue. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
The Wathinotes are either original abstracts of publications selected by WATHI, modified original summaries or publication quotes selected for their relevance for the theme of the Debate. When publications and abstracts are only available either in French or in English, the translation is done by WATHI. All the Wathinotes link to the original and integral publications that are not hosted on the WATHI website. WATHI participates to the promotion of these documents that have been written by university professors and experts.