Le combat pour les droits des femmes : un combat universel « Le combat pour les droits des femmes est un combat universel. Presque partout, au Sénégal comme ailleurs en Afrique et dans le monde, on a suivi des trajectoires, on a suivi le cheminement des groupes de femmes qui ont combattu pour la reconnaissance des droits des femmes. Beaucoup de conventions, qu’elles soient internationales, régionales ou bien alors des lois nationales, ont été prises pour aider à l’émancipation de la femme. Ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire. C’est un combat pour une justice sociale également. C’est un combat pour que la communauté puisse bénéficier des capacités des hommes et des femmes dans le développement de nos différents pays. Beaucoup de femmes émérites ont eu à poser les premiers jalons de ce combat pour l’émancipation de la femme. Avec les outils qu’elles avaient, même si ce n’était pas facile. Je pense à Madame Caroline Faye Diop, qui a été la première femme non seulement à militer dans un parti politique à côté du président Senghor, mais qui a aussi créé les premières bribes, les premières initiations de la présence de la femme, de la reconnaissance de la femme comme actrice d’un parti et comme levier de développement. Elle l’a fait avec toute la force et la conviction qu’on lui connaît. Mais elle l’a fait également avec beaucoup de difficultés, beaucoup de heurts, non seulement pour le respect de la femme elle-même, mais pour la reconnaissance de la capacité de la femme. Elle a été remplacée au bout d’une bonne vingtaine d’années par Madame Maïmouna Kane, que je cite également dans la plupart de mes écrits. En effet, c’est à cette dame qui était magistrate qu’on doit toute la théorie de l’intégration de la femme dans le développement. Son magistère avait coïncidé avec l’époque où les grandes conférences (Copenhague, Nairobi, Dakar pour préparer Pékin) se sont tenues et elle a joué un rôle fondamental dans l’élucidation de l’idée de la femme, de la femme africaine et de la femme sénégalaise dans le combat politique pour le développement de nos différents pays. » La loi sur la parité « Il faut dire que la parité n’est pas l’égalité. Bien que c’était un moindre mal. Je pense que c’est un bon aboutissement et avant la parité, on a eu la politique des quotas pour rendre plus douce la pente. C’est vrai que dans mon temps, on a beaucoup travaillé sur les quotas et on avait réussi à avoir 25 % de présence des femmes dans les partis politiques, en commençant par le Parti socialiste lui-même. C’était un grand gain. Mais à la Conférence africaine préparatoire de Pékin, ici à Dakar, le président Diouf, dans son discours, disait qu’il fallait encore plus d’audace : « vous êtes dans des structures qui appliquent les quotas maintenant plus ou moins, mais l’idéal aurait été que vous alliez vers la parité et rien ne vous empêche de le demander, rien ne vous empêche de travailler pour ». Mais vous voyez, entre 1994 et 2010, le chemin a été long, très long pour toutes celles qui ont travaillé dans cette énorme mobilisation. Mais on a eu aussi la chance d’avoir une très grande mobilisation des femmes, une conscience certainement claire des enjeux de la promotion de la femme. Elles ont été plus audacieuses que nous et elles ont demandé carrément la parité. Elles ont eu demi gain de cause parce que, en réalité, la loi sur la parité qui nous concerne ne s’adresse qu’aux fonctions électives. Mais c’est important pour nous parce que c’est mieux que le quota et c’est mieux que rien. Je dois dire que c’est la responsabilité de nos gouvernants, c’est la responsabilité de notre administration. Parce que quand une loi existe, qu’elle est votée et promulguée, je ne vois pas pourquoi on ne l’applique pas in extenso dans le fond et dans la lettre Donc, il faut dire bravo à toutes ces femmes qui se sont mobilisées, qui ont battu le macadam, qui ont été à toutes les réunions pour faire entendre leur voix et pour dire qu’il était temps que nous soyons à parité dans les différentes instances de décision. Elles l’ont eu juste pour les fonctions électives et la bataille n’était pas terminée et elle ne l’est toujours pas. Elle n’est pas terminée du tout parce qu’il y a des fonctions électives et semi électives dans lesquelles la loi sur la parité n’est pas appliquée. Je dois dire que c’est la responsabilité de nos gouvernants, c’est la responsabilité de notre administration. Parce que quand une loi existe, qu’elle est votée et promulguée, je ne vois pas pourquoi on ne l’applique pas in extenso dans le fond et dans la lettre. Je mets un bémol sur le succès de la mise en œuvre de la loi sur la parité. Elle n’est pas appliquée normalement, ni par l’État, ni par les représentants de l’État dans les communautés, que ce soit les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets. Donc, ce sont des problèmes que nous avons, des problèmes de culture, des problèmes de mentalité, des problèmes d’éducation également. Un leadership, on ne l’exerce pas en créant des failles pareilles. Et même c’est pourquoi je vous dis que la parité n’est pas l’égalité ; quand on fait les listes paritaires, les listes qu’on compte déposer pour les élections, quelles qu’elles soient, on commence toujours par un homme et on finit par un homme. Vous ne pouvez surtout pas avoir 50-50. Ce n’est pas possible. » L’absence des femmes dans les fonctions nominatives « Dans aucune direction générale, vous ne voyez une répartition paritaire des charges, dans aucun organe de l’État, vous ne voyez une répartition paritaire des charges. Depuis 1960, les femmes ont progressé dans les milieux académiques, dans les milieux de formation. Elles sortent excellentes pour la plupart de celles qui ont réussi à s’échapper de la charge familiale, de la culture et des pesanteurs sociales. Elles sont brillantes et elles sont la plupart du temps les premières dans les structures où elles sont. Je ne comprends pas que même dans l’administration centrale, il y ait peu de femmes qui commencent seulement à être nommées gouverneur. A une époque, je me souviens, un ministre m’avait dit suite à une revendication que je faisais en réunion : « mais comment pouvez-vous penser qu’une femme puisse diriger une délégation qui va dans les familles religieuses ? Être reçue par un marabout et représenter l’État à la tête d’une délégation ? » Dans aucune direction générale, vous ne voyez une répartition paritaire des charges, dans aucun organe de l’État, vous ne voyez une répartition paritaire des charges Le fait que cette personne se pose cette question et ose la poser en public était révélateur du type de mentalité que nous avions à l’époque. Donc, c’est un combat qu’on n’a pas encore gagné parce qu’il faut que dans le public comme dans le privé également, nous ayons cette notion de parité dans les instances de décision. Il n’y a que l’économie, le pays et la société qui y gagneront en fin de compte. » Préparer les femmes pour les prochaines locales « Nous allons faire des élections en 2022 et tout le monde s’y prépare, y compris notre organisation. Nous allons accompagner les candidates aux élections législatives et territoriales selon le profil qu’elles ont, selon les enjeux et également leurs objectifs. C’est un combat qu’on n’a pas encore gagné parce qu’il faut que dans le public comme dans le privé également, nous ayons cette notion de parité dans les instances de décision. Il n’y a que l’économie, le pays et la société qui y gagneront en fin de compte Parce qu’il y en a qui veulent soit être maire, soit être député, soit être présidente de collectivité territoriale. Les enseignements sont différents, bien entendu, mais il y a des bases qui sont communes. Nous allons donc faire une sélection de quelques candidates et nous allons les former non seulement au cycle électoral, mais également à un argumentaire électoral et à leurs droits civils et politiques. Aller vers une réforme des lois en faveur des femmes J’ai beaucoup d’espoir pour la jeunesse et pour les femmes jeunes qui sont actives au sein de l’Association des juristes sénégalaises. Il faut avoir le courage d’abord, ensuite la capacité et être absolument volontariste pour rouvrir les textes. Il faut les rouvrir et construire de nouveau à la faveur d’une analyse comparative pour arriver à faire répondre au corps du texte les attentes actuelles de la société féminine sénégalaise. Elles ne peuvent pas le faire non plus seules. Il s’agit de l’intérêt de toute la communauté. Donc, c’est un travail de refonte et de réforme des textes qui gouvernent les différentes situations. Et on pourrait le faire si le ministère de la Femme en particulier, accompagné de la société civile qui travaille dans ce domaine, voulait bien impulser quelque chose, que le chef de l’État les écoute également, mais que le ministère de la Femme soit absolument impliqué dans cela pour être la locomotive de cette bataille. Et il faudra aussi convaincre la communauté sénégalaise à adhérer à ces nouvelles réformes.»
Après des études de médecine à Dakar, Bordeaux et Paris, elle devient l’une des deux premières Africaines reçue à l’agrégation de médecine en 1983. Elle exerce ensuite les fonctions de chef du département d’odontologie et de stomatologie à l’Université Cheikh Anta Diop.
Elle est nommée ministre du Développement social dans le gouvernement socialiste formé en 1988. Dans le gouvernement du 27 mars 1990 elle devient ministre délégué auprès du Président de la République chargé de la Condition de la Femme et de l’Enfant. Dans le gouvernement formés en 1993, on lui confie le ministère de la Femme, de l’Enfant et de la Famille.
En 1995, en tant que présidente de la Conférence régionale des femmes africaines, elle participe activement à la préparation de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes qui se tient à Pékin en septembre de la même année.
Ancienne directrice générale adjointe de l’Organisation internationale pour les migrations, elle est aujourd’hui Présidente de l’Alliance pour la migration, le leadership et le développement.