Organisations : Le Programme international de stages sur les Droits de l’Homme et La Fondation suédoise pour les Droits de l’Homme
Type de publication : Rapport
Date de publication : 1995
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L’activisme en faveur des droits de l’homme existe depuis longtemps en Afrique. Voilà des décennies que des individus engagés, avocats, journalistes, syndicalistes et membres d’organisations religieuses, suivent de près l’évolution des droits de l’homme et en dénoncent les abus, souvent dans des circonstances très hasardées.
Cependant, ce qui est nouveau pour beaucoup de pays africains est l’apparition d’organisations des droits de l’homme qui se sont déclarées comme telles au cours des dernières années. Surtout depuis les dernières années 80, ces associations volontaires de citoyens ont pris sur elles la tâche de contrôler les abus des droits de l’homme, en informant les populations de leurs droits sous le droit internationale et nationale, et en faisant des recommandations aux gouvernements pour améliorer la protection des droits de l’homme.
C’est désormais une banalité de faire allusion aux changements démocratiques qui ont déferlé sur l’Afrique, surtout depuis la fin de la Guerre Froide, et à l’élargissement des possibilités pour les institutions et les sociétés civiques non seulement les organisations des droits de l’homme, mais aussi les organisations politiques, les syndicats, les organisations de femmes, les sociétés de droits et d’autres. Cela a été le modèle dans des pays aussi variés que le Bénin, l’Éthiopie, le Malawi et la Zambie.
Hélas, cette démocratisation ne représente qu’une partie du panorama. A l’autre extrême il y a des pays tels que le Rwanda et l’Angola, où les organisations naissantes des droits de l’homme ne peuvent pas fonctionner dans des situations chaotiques qui vont de la paralysie politique à la guerre civile. Au Libéria et au Mozambique, qui sortent à peine de guerres civiles qui avaient entraîné des abus grossiers des droits de l’homme, les organisations font toujours face à d’énormes obstacles y compris la crainte de voir sombrer leurs pays dans une nouvelle vague de violence incontrôlée, à la suite du Rwanda et de l’Angola. Dans d’autres pays, tels que le Kenya et le Sénégal, où la société civile a une histoire plus solide, les groupes des droits de l’homme sont néanmoins entravés dans leurs efforts pour contrôler la violence politique et les abus des droits de l’homme.
L’activisme en faveur des droits de l’homme existe depuis longtemps en Afrique. Voilà des décennies que des individus engagés, avocats, journalistes, syndicalistes et membres d’organisations religieuses, suivent de près l’évolution des droits de l’homme et en dénoncent les abus, souvent dans des circonstances très hasardées
De toute évidence, la transition à un environnement politique plus démocratique dans certains pays africains offre de nouvelles possibilités aux organisations des droits de l’homme. En même temps cette transition force plusieurs organisations à redéfinir leurs liens avec les partis politiques. Dans le passé, quand les partis d’opposition politique ne pouvaient pas fonctionner, la démarcation entre une critique politique du gouvernement et la défense des droits de l’homme s’estompait ou disparaissait totalement.
Puisque la transition a bien eu lieu, beaucoup d’activistes des droits de l’homme ont émergé comme personnages proéminents dans les partis politiques souvent, bien sûr, dans un parti politique qui vient au pouvoir dans des élections démocratiques. C’est ainsi que de nombreux groupes des droits de l’homme se trouvent dans la nécessité de redéfinir leur mission avec une plus grande clarté dans plusieurs pays par exemple en Afrique du Sud, au Malawi et en Zambie afin de mettre en évidence l’impartialité politique de leur œuvre. Dans d’autres pays, on n’a pas encore réussi à réaliser une telle séparation entre les droits de l’homme et l’engagement politique actif.
Beaucoup d’autres pays appartiennent à une catégorie moyenne dans laquelle l’activité en faveur des droits de l’homme est tolérée mais où les activistes sont constamment harcelés et travaillent dans des conditions difficiles.
Dans un petit nombre de pays au Libéria, au Mozambique, en Somalie et tout dernièrement au Rwanda l’État a presque cessé d’exister et la plupart de ses fonctions ont été assumées par des agences intergouvernementales. Dans d’autres pays par exemple, en Afrique du Sud jusqu’à récemment il y a une forte présence d’organisations intergouvernementales qui cherchent à promouvoir le rapprochement ou à faciliter la transition politique. Cependant, ces organes intergouvernementaux sont devenus à leur tour des acteurs politiques qui doivent faire l’objet d’un examen minutieux et d’un contrôle indépendant.
Les troupes des Nations Unies en Somalie et les forces de l’Afrique occidentale pour le maintien de la paix au Libéria (ECOMOG), par exemple, ont été accusés de violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international, tandis que les forces de l’ONU au Mozambique auraient aussi commis des abus contre la population civile. En même temps, il est peu clair qui contrôle ces corps ou par quelles normes ils doivent être jugés; les forces de l’ONU en Somalie ont indiqué qu’elles ne se considèrent pas soumises aux dispositions de la Convention de Genève, et au Libéria, les groupes des droits de l’homme locaux ont eu du mal à critiquer ECOMOG parce qu’ils voient ces forces comme le garant principal de leur sécurité.
On peut citer deux grandes exceptions où des organisations des droits de l’homme ont analysé des questions sociales et économiques d’une perspective des droits et ont mené des campagnes dans ce sens. D’abord, il y a l’Afrique du Sud où, pour des raisons historiques particulières, des questions telles que le logement, les pensions, l’éducation et la propriété figurent comme des éléments essentiels dans la lutte pour les droits de l’homme.
L’autre exception est le grand nombre d’organisations africaines faisant campagne pour les droits des femmes, qui ont manifesté un activisme tant sur le plan des droits individuels que sur celui des problèmes économiques et sociaux. Nous avons observé que dans ce domaine comme dans plusieurs autres le mouvement africain des femmes peut offrir des leçons importantes à la communauté plus large des droits de l’homme.
Beaucoup de pays africains sont tourmentés par la violence politique, ce qui crée des difficultés énormes pour le travail des organisations des droits de l’homme. Dans un nombre croissant de cas, cette violence est initiée par des agences de gouvernement et exécutée par d’autres éléments à la place du gouvernement. En partie, cette tactique vise à échapper au contrôle de ceux qui veillent aux droits de l’homme, tant à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale.
Il s’agit peut-être du côté négatif d’une transition au multipartisme que plusieurs gouvernements africains ont fait un peu à contre cœur. En présentant la violence actuelle comme “traditionnelle” en quelque manière et résultant de rivalités ethniques profondément assises, les gouvernements africains flattent bassement la caricature occidentale du “continent noir” et esquivent ainsi la responsabilité de leurs propres actions.
Le fait même de qualifier de tels abus de “violence” au lieu de les dénoncer comme des “violations des droits de l’homme” sert à dissimuler leur nature réelle et implique que tous portent une responsabilité égale pour leur résolution. Ainsi, en Afrique du Sud “la violence” a été incitée en grande partie par le mouvement Inkatha soutenu par le gouvernement contre les partisans de l’Assemblée Nationale Africaine (ANC), qui était illégale en ce temps. On prétendait à tort que la violence dérivait de la rivalité “tribale” entre les Zoulous d’Inkatha et d’autres ethnies.
Les autorités policières conscientes du refrain inlassable des organisations des droits de l’homme que prisonniers politiques doivent être “accusés ou mis en liberté” ont recouru de plus en plus aux accusations criminelles contre les adversaires, les journalistes et les activistes politiques des droits de l’homme
La plupart des gouvernements africains comprennent que la communauté internationale ne tolérera pas les détentions sans procès. Les autorités policières conscientes du refrain inlassable des organisations des droits de l’homme que prisonniers politiques doivent être “accusés ou mis en liberté” ont recouru de plus en plus aux accusations criminelles contre les adversaires, les journalistes et les activistes politiques des droits de l’homme. Dans certains pays un pouvoir judiciaire est prêt à se plier aux vœux de l’exécutif en emprisonnant des critiques du gouvernement dans une parodie de la procédure judiciaire en bonne et due forme.
Cela a été le cas, par exemple, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Cameroun et parfois au Kenya. Ailleurs, on a fait un usage frivole d’accusations criminelles, sans aucune intention de faire passer l’accusé en jugement. Au contraire, les hommes politiques d’opposition, les journalistes et d’autres doivent vivre sous la menace d’accusations de subversion ou de sédition. Dans les pires des cas, l’accusé se voit refuser la mise en liberté sous caution et passent ainsi des mois ou des années en prison avant que les accusations soient retirées. Par exemple, au cours de ces dernières années en Uganda plus d’une centaine de personnes ont été accusés de trahison un délit pour lequel les tribunaux n’ont pas le droit d’accorder la mise en liberté sous caution. Il n’y a que peu de ces cas qui soient passés en jugement.
L’efficacité de cette tactique des accusations criminelles pour punir les dissidents politiques se situe dans le fait que la communauté internationale est peu disposée à “intervenir” dans les affaires intérieurs d’un pays en critiquant le fonctionnement de son système judiciaire. S’ils font l’objet de critiques, ces gouvernements peuvent prétendre que ceux qui leur reprochent des abus des droits de l’homme “changent les règles du jeu” en invoquant le droit pénal plutôt que la détention administrative. En même temps, les procédures juridiques peuvent embrouiller les avocats et les organisations des droits de l’homme dans une défense coûteuse de cas qui ne passent jamais en jugement.
Un développement plus positif sur le front légal dans certains pays africains a été l’adoption récente d’un garanti réel des droits de l’homme soit dans les constitutions soit par la législation d’institutions chargées de la protection des droits de l’homme, tels que des commissions nationales ou des protecteurs des citoyens. La possibilité de faire appel à un organe prévu par la loi pour entamer des procès constitutionnels ou pour poursuivre des plaintes donnent une légitimité aux activités des organisations non-gouvernementales des droits de l’homme tout en leur dotant d’un nouvel instrument efficace.
D’abord, il convient de répéter que les organisations africaines des droits de l’homme varient beaucoup quant à leur histoire, leur structure et leurs objectifs. Par exemple, plusieurs organisations mettent l’accent sur l’aspect juridique et ont certainement évolué à partir de comités de la société de droit locale ou du barreau d’avocats. D’autres y compris certaines des plus efficaces proviennent des organisations religieuses et peuvent faire appel aux ressources et à la structure de l’église.
Encore d’autres sont des associations d’adhésion volontaire, mais il y en beaucoup qui ne sont pas. Certaines ont une mission bien précisée, comme celles qui se penchent sur des problèmes liés à la santé des femmes, tandis que la plupart ont une mission beaucoup plus large et moins précise. Le manque de collaboration et de coordination régionale: Un des problèmes principaux est que l’expression qu’on vient d’évoquer “le mouvement africain des droits de l’homme” relève plus du désir que de la réalité.
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