Auteur : Veronica Mendes
Site de publication : La Grande Afrique
Type de publication : Article
Date de publication : 20 novembre 2020
Lien vers le document original
Le succès des séries sénégalaises
Aujourd’hui, le succès des séries sénégalaises est tel que le Sénégal pourrait, d’ici quelques années, s’imposer comme une grande industrie cinématographique. Certains médias comme le Monde Afrique évoquent même la possibilité pour ce dernier de détrôner le Nigeria devenant ainsi un « Dakarwood ». Sur la chaîne YouTube de la société de production Marodie, le nombre total de leur visionnage a dépassé la barre d’un milliard.
Leur montée en puissance a commencé en 2019 avec le lancement de « Maîtresse d’un homme marié ». Depuis son lancement, elle compte pour chaque épisode entre 2 et 5 millions de vues sur YouTube.
Si les Sénégalais suivent de très près chaque épisode, leur essor est en partie expliqué par le succès rencontré auprès de la Diaspora. En effet, aujourd’hui près d’un tiers des personnes qui les suivent sont issues de la Diaspora. Étant ainsi largement regardées à l’étranger, il est intéressant d’aborder la question de l’image du Sénégal qu’elles renvoient au monde entier et plus précisément à la Diaspora.
Une société de moins en moins influencée par la mode et les standards de beauté occidentaux
Les femmes de la Diaspora qui regardent les séries sénégalaises se disent fières de voir des femmes qui leur ressemblent à l’écran.
L’ensemble de ces séries produites par la société Marodie ont pour point commun la promotion de la beauté des femmes noires. La première chose à noter lorsque l’on regarde ces dernières, c’est que les actrices sénégalaises célèbrent la beauté de leurs cheveux à travers différentes coiffures qui les mettent en valeur. Dans ces séries, les personnages n’éprouvent aucune honte ni appréhension lorsqu’il s’agit de montrer leurs cheveux tels qu’ils sont dans leur vie professionnelle et personnelle.
Que cela soit dans la série « Golden », « Maîtresse d’un homme marié » ou encore « Karma », chaque épisode est également l’occasion pour les acteurs et actrices de mettre en avant la créativité des créateurs locaux en portant des tenues vestimentaires toutes plus belles les unes que les autres. À chaque épisode, les fans – et les moins fans – de la série ont l’occasion de découvrir la beauté du Boubou ou encore du Moussor.
Une société moderne, loin de l’image misérabiliste trop souvent attribuée au Sénégal
Pendant des décennies, les médias occidentaux ont contribué à la promotion d’une image misérabiliste des villes sénégalaises. Grâce à ces séries, le monde peut enfin découvrir une nouvelle image du Sénégal. À travers ces dernières, l’aspect « moderne » du pays est mis en valeur. Les acteurs eux-mêmes n’hésitent pas à faire la promotion –de manière pas toujours très subtile – touristique du pays, de ses paysages et de ses richesses.
Malgré le fait que ce ces séries soient parfois un peu trop portés sur l’émergence d’une classe moyenne qui calque son mode de vie sur celui des Occidentaux, les clichés des quartiers les plus huppés de Dakar font du bien à une Diaspora qui a besoin que l’on valorise davantage la ville africaine.
Une société dans laquelle le sujet de la sexualité est tabou ?
Les nombreux scandales autour des séries sénégalaises semblent mettre à jour un tabou autour de la sexualité.
L’ONG islamique JAMRA qui juge les séries produites par Marodie comme ‘indécentes et obscènes », saisit régulièrement le Conseil national audiovisuel (CNRA) afin de les faire interdire. Si nous sommes encore loin de leur interdiction totale, l’ONG a néanmoins réussi à ce que la série « Infidèles » soit désormais marquée de la mention déconseillée aux moins de 16 ans.
Que cela soit dans la série « Golden », « Maîtresse d’un homme marié » ou encore « Karma », chaque épisode est également l’occasion pour les acteurs et actrices de mettre en avant la créativité des créateurs locaux en portant des tenues vestimentaires toutes plus belles les unes que les autres. À chaque épisode, les fans – et les moins fans – de la série ont l’occasion de découvrir la beauté du Boubou ou encore du Moussor
Cet appel à l’interdiction de ces séries est assez surprenant dans une société où les télénovelas sont très regardées. En effet, dans les télénovelas les ébats sexuels entre les différents personnages sont très souvent mis en avant, et pourtant ces dernières n’ont jamais connu les scandales que connaissent actuellement les séries produites par Marodie. Cette contradiction s’explique peut-être par le fait que la société sénégalaise ne soit pas encore prête à voir un couple sénégalais entretenir des relations intimes à l’écran.
Cependant, ce point mérite une certaine nuance. Premièrement, le fait que les Sénégalais continuent à les regarder malgré les scandales est une preuve suffisante que le tabou de la sexualité au Sénégal doit être relativisé. Deuxièmement, l’idée de sexualité assumée est observée à travers un regard occidental. Or, il pourrait être pertinent de se dire que finalement chaque société a ses propres limites, liées à son histoire et à sa culture, sur ce qu’elle considère comme tolérable à l’écran.
Une société dans laquelle les femmes cherche à s’émanciper mais où le poids des traditions pèse parfois
« Madou te remercie. Il dit que la fatalité décide des êtres et des choses : Dieu lui a destiné une deuxième femme, il n’y peut rien. Il te félicite pour votre quart de siècle de mariage où tu lui a donné tous les bonheurs qu’une femme doit à son mari», -Mariama Bâ
Cet extrait du roman sénégalais Une si longue lettre”, publié dans les années 1980, met en avant une situation dans laquelle un mari envoie son frère annoncer à sa première femme qu’après vingt-cinq années de mariage, il a décidé d’épouser une seconde femme, bien plus jeune. À cette annonce, la première femme s’effondre. Malgré son niveau d’étude élevé, sa situation stable, et ses enfants qui l’encouragent à divorcer, elle ne trouve pas le courage de refaire sa vie après cette trahison, et décide de devenir une co-épouse.
Si plusieurs décennies séparent ce livre des séries sénégalaises, cet extrait aurait pu être adressé à Jeanne dans la série « Karma » ou encore Lalla dans « Maîtresse d’un homme marié ». En effet, à travers elles, on découvre que la polygamie est encore très présente dans la société sénégalaise et que les femmes – peu importe leurs classes sociales – sont confrontées à cette réalité et parfois, par peur du regard de la famille et de la société, elles décident de rester au côté de leurs maris.
Les Wathinotes sont soit des résumés de publications sélectionnées par WATHI, conformes aux résumés originaux, soit des versions modifiées des résumés originaux, soit des extraits choisis par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au thème du Débat. Lorsque les publications et leurs résumés ne sont disponibles qu’en français ou en anglais, WATHI se charge de la traduction des extraits choisis dans l’autre langue. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
The Wathinotes are either original abstracts of publications selected by WATHI, modified original summaries or publication quotes selected for their relevance for the theme of the Debate. When publications and abstracts are only available either in French or in English, the translation is done by WATHI. All the Wathinotes link to the original and integral publications that are not hosted on the WATHI website. WATHI participates to the promotion of these documents that have been written by university professors and experts.