Auteurs
Le Conseil national de la société civile du Mali (CNSC Mali), le Forum des organisations de la société civile du Mali (FOSC Mali), la Convergence des femmes du Mali, le Conseil national de la jeunesse du Mali (CNJ Mali), et la Coalition des alternatives africaines dettes et développement (CAD Mali) ;
Alliance Malienne pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA – Mali), Réseau ouest-africain pour l’édification de la paix (WANEP Mali), Institut malien de recherche-action pour la paix (IMRAP), Point Sud, Centre de recherche sur le savoir local (POINT SUD), et Centre d’Analyse et de Recherche de l’Espace Sahélo-saharien (CARESS) ;
La maison de la presse ;
Trois anciens Premiers ministres maliens : Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé, M. Ousmane Issoufi Maïga, et S M. Ahmed Mohamed ag Hamani.
Date de publication : 31 janvier 2019
Liens vers le document original : ici
WATHI a choisi ce document parce qu’il se base sur les perceptions des acteurs de la société civile malienne pour comprendre les problèmes sécuritaires qui se posent actuellement dans ce pays. Cette démarche permet de se confronter aux besoins et aux analyses des populations concernées directement par le conflit. Par ailleurs, ce rapport propose des recommandations claires et novatrices pour freiner l’expansion de l’insécurité et de la violence au Mali. Les auteurs déplorent ainsi les mesures purement sécuritaires qui ont été mises en place jusqu’à présent pour pacifier les régions les plus affectées. Ils invitent les décideurs publics à des investissements plus importants sur le plan économique et social afin de répondre aux besoins quotidiens des populations. Enfin, l’utilisation de sources à la fois quantitatives et qualitatives donne à ce travail une orientation pratique. Deux types d’analyses structurent ainsi ce rapport : des analyses d’acteurs locaux qui offrent un aperçu du ressenti des populations et des données statistiques qui permettent des comparaisons à plus grande échelle.
Ce document montre tout d’abord que toute politique publique requiert nécessairement une connaissance détaillée des populations visées par les mesures et des territoires concernés. Le risque encouru sinon est d’entraîner des tensions entre les communautés par méconnaissance des équilibres qui régissent ces sociétés. Aussi, pour parer à cette éventualité, les auteurs du rapport invitent-ils les décideurs à travailler en collaboration avec des anthropologues afin de formuler des réponses adaptées aux préoccupations sécuritaires locales. L’autre aspect transposable aux pays d’Afrique de l’Ouest dans leur ensemble concerne la question de la sécurité. Comme il est expliqué dans ce document, la notion de sécurité exprimée en bambara, correspond à la protection contre les risques de toutes sortes; c’est « tout ce qui peut nuire à ta personne comme à tes biens ». Cette approche permet de penser la sécurité dans un sens qui dépasse le domaine strictement militaire et policier, et correspond en fait à la notion de sécurité humaine. Dans cette optique, une politique « sécuritaire » n’est pas contradictoire avec la prise de mesures économiques et sociales permettant aux citoyens d’améliorer leurs conditions de vie et leur bien-être. Il ressort de ce rapport que l’emploi de méthodes « dures » pour lutter contre l’insécurité (opérations militaires, couvre-feu, etc.) peut avoir des conséquences profondément contre-productives, avec une détérioration du climat des affaires et de la cohésion sociale. Enfin, l’attention portée dans ce livre blanc aux expériences des femmes dans le conflit s’avère particulièrement pertinente. Pendant longtemps, les violences à l’encontre des femmes et des jeunes filles ont été mises de côté de l’analyse des conflits. Or, ces dernières participent pleinement au développement économique et social des pays de la région, et elles ont un rôle central dans la mise en place d’une cohésion sociale entre les différentes communautés. L’attention portée dans ce document sur l’implication des femmes dans les discussions sur les questions sécuritaires mérite d’être répliquée dans d’autres domaines afin que les politiques publiques menées en Afrique de l’ouest deviennent plus inclusives.
EXTRAITS DU DOCUMENT
Page 12, et 47 – 52
Malgré l’intervention de plusieurs forces armées internationales, telles que l’opération Barkhane, la MINUSMA, la FC-G5 Sahel, EUCAP Sahel Mali et l’EUTM Mali, la situation sécuritaire continue de se détériorer. La mise en oeuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger et signé en juin 2015, se fait toujours attendre. L’instabilité générée par le conflit de 2012, initialement circonscrite au Nord, s’est étendue au Centre et aux zones frontalières avec le Niger et le Burkina Faso où elle a causé une intensification des violences intercommunautaires et une augmentation des attaques de toutes sortes. Le départ des agents de l’Etat de plusieurs zones du pays a également déstabilisé les relations entre communautés et créé un vide étatique privant la population de toute forme de protection et de services sociaux de base.
« Le Livre Blanc de la société civile pour la paix et la sécurité au Mali se veut un outil de plaidoyer dont l’objectif est de faire entendre la voix des populations maliennes dans l’élaboration des mesures sécuritaires. »
Le Livre Blanc de la société civile pour la paix et la sécurité au Mali se veut un outil de plaidoyer dont l’objectif est de faire entendre la voix des populations maliennes dans l’élaboration des mesures sécuritaires. Fondé sur des études menées dans le cadre du projet de recherche conduit par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) et la Coalition nationale de la société civile pour la paix et la lutte contre la prolifération des armes légères (CONASCIPAL), ce livre présente une analyse inclusive et approfondie de la réalité des défis sécuritaires auxquels sont confrontées les populations dans leur vie quotidienne.
Il contient en outre des recommandations destinées à accompagner la réflexion des décideurs politiques et partenaires techniques et financiers. La rédaction du livre a été pilotée par une Commission réunissant cinq organisations nationales de la société civile, cinq centres de recherche maliens, des représentants des organes de presse, ainsi que des représentants des hautes autorités (trois anciens Premiers ministres).
Des politiques différenciées sur les différents terroirs
Une des principales conclusions de la recherche de SIPRI et de la CONASCIPAL est que le conflit au Mali est en réalité constitué de nombreux conflits locaux, voire micro-locaux. S’il existe des dynamiques nationales relatives à la faiblesse des institutions étatiques ou aux discours politiques des acteurs armés en présence, par exemple, ces dynamiques interagissent avec des préoccupations locales diversifiées.
Les réponses à l’insécurité, surtout orientées sur les dynamiques nationales, peuvent dès lors ne pas être en adéquation avec les préoccupations des populations quant aux racines locales de ces conflits. Les personnes interrogées dans les dix régions, dans le cadre de ce projet, ont souvent fait part de leur sentiment que les programmes de sécurité étaient élaborés sans que leurs besoins et leurs préoccupations sécuritaires ne soient pris en compte.
« Les priorités sécuritaires des populations ne sont pas les mêmes dans toutes les régions; et ces disparités rendent les politiques globales peu adaptées, voire contre-productives »
La première recommandation des OSC (Organisations de la société civile) maliennes aux décideurs nationaux et PTF (partenaires techniques et financiers) est de reconnaître que les priorités sécuritaires des populations ne sont pas les mêmes dans toutes les régions; et que ces disparités rendent les politiques globales peu adaptées, voire contre-productives. Consultées à ce propos, les OSC du Nord et du Centre qui ont participé à la recherche CONASCIPAL-SIPRI recommandent d’accorder davantage de pouvoir décisionnel aux autorités régionales en matière de sécurité.
Les OSC proposent en outre de réaliser davantage d’études socio-anthropologiques afin de mieux cerner les réalités locales, souvent complexes, et de formuler des réponses politiques concrètes, adaptées aux préoccupations sécuritaires locales. Une meilleure compréhension du fonctionnement des communautés, des dynamiques en jeu et des intérêts des différentes parties prenantes permettra d’aboutir à des politiques plus inclusives, efficaces et durables.
Une approche politique holistique de la sécurité humaine
Il existe un fossé grandissant entre les priorités quotidiennes des populations locales en matière de sécurité et de développement, d’une part, et les réponses politiques nationales et internationales, d’autre part. Dans les zones du Nord et du Centre en particulier, les autorités semblent apporter des réponses essentiellement militaires a l’insécurité (FDS, MINUSMA, Barkhane et FC-G5 Sahel) alors que les préoccupations exprimées par les populations relèvent principalement de la ‘petite insécurité’.
Les Maliens interrogés dans le cadre du projet ont ainsi confié souffrir particulièrement de l’insuffisance des services socio-économiques et du désengagement de l’Etat. Selon eux, les réponses ‘dures’ sur le plan sécuritaire (opérations militaires, couvre-feu, etc.) ne sont pas suffisantes pour résoudre les problèmes économiques et sociaux qui engendrent l’insécurité, et peuvent même aggraver encore la situation humanitaire et les problèmes de développement économique local et de cohésion sociale.
« Dans les zones du Nord et du Centre en particulier, les autorités semblent apporter des réponses essentiellement militaires à l’insécurité alors que les préoccupations exprimées par les populations relèvent principalement de la petite insécurité. »
La deuxième recommandation nationale concerne l’adoption d’une approche genrée et générationnelle de la sécurité humaine, qui soit fondre en particulier sur la participation des jeunes et des femmes, conformément aux Résolutions 2250 et 1325. Les OSC maliennes recommandent ainsi d’associer aux décisions sécuritaires les ministères et organismes chargés du développement. Le ministère de l’éducation, le ministère de la Justice, le ministère de la Promotion de Femme, de la Famille et de l’Enfant, ainsi que ceux en charge de la décentralisation et du développement économique pourraient, par exemple, participer au processus décisionnel en matière de sécurité.
Un nouveau contrat social entre le gouvernement et la population
La troisième recommandation faite aux décideurs nationaux consiste à privilégier des solutions structurelles plutôt que les projets à impact rapide. Si, à court terme, les mesures sécuritaires rapides et ponctuelles apparaissent opportunes, une perspective synchronique ne permet en revanche pas d’obtenir des résultats pérennes dans la mesure où la rébellion, la crise politique à Bamako et l’arrivée de groupes islamistes violents ont trouvé un terreau favorable qui préexistait à la crise actuelle.
« Dans l’ensemble des régions, les populations expriment en effet une très forte demande dans le sens du retour de l’Etat et des services sociaux de base »
Dans l’ensemble des régions, les populations expriment en effet une très forte demande dans le sens du retour de l’Etat et des services sociaux de base. Pour accompagner ce retour, les OSC proposent d’identifier les mesures de confiance à mettre en oeuvre et les obstacles à éviter pour que les services de l’Etat soient adaptés et acceptés.
Le Mali a besoin de réformes globales qui mettent l’accent sur la redéfinition d’un contrat social entre le gouvernement et la population, et le pays doit investir dans l’offre de services sociaux de base. Pour les PTF, cette approche structurelle implique de s’inscrire dans le moyen et le long terme et de s’engager à fournir un appui financier pluriannuel.
La gouvernance du secteur de la sécurité
« Dans certains cas, la présence des FDS semble constituer un risque plutôt qu’un facteur de protection des civils. »
Les études réalisées dans le cadre de ce projet ont permis de mettre en évidence un déficit considérable de confiance et de collaboration entre les FDS et les populations. Dans certains cas, la présence des FDS semble constituer un risque plutôt qu’un facteur de protection des civils. Les investissements nationaux et internationaux consentis à la formation et à l’équipement des forces de sécurité (comme EUCAP et EUTM) ne seront utiles que si un travail profond de (re-) construction de la confiance entre FDS et populations est opéré en parallèle.
Pour faire survenir et accompagner ce changement, les OSC proposent aux décideurs nationaux d’inculquer une culture du ‘service à la population’ et du respect des droits de l’homme au sein des FDS. La compréhension et la connaissance du mandat des FDS et de leurs responsabilités vis-à-vis des civils doivent aussi être améliorées. Dans la situation actuelle, certains membres des FDS connaissent peu ou mal les contextes locaux qui relèvent pourtant de leur mandat. Il faut par conséquent mettre en place des politiques concrètes en faveur du renforcement de la communication avec la population, telles que la protection de l’identité des informateurs et la garantie de l’anonymat et de la sécurité des personnes fournissant des renseignements.
Les OSC perçoivent des opportunités multiples pour améliorer l’inclusion de la société civile dans le processus de RSS et des autorités coutumières dans les questions de sécurité, et elles demandent une représentation permanente au sein du CNRSS et des autres organes supérieurs.
Les OSC, pour leur part, sont en mesure d’appuyer ce processus de changement de culture et de faire valoir les perceptions de leurs relations avec les FDS par les populations. La société civile dispose d’un atout majeur pour améliorer le dialogue entre les populations et les forces de sécurité, par la création de cadres de concertation tels que les groupes de réflexion. Comme le montre l’Axe 2 du présent Livre Blanc, des initiatives spontanées – individuelles et locales – existent dans les régions, mais elles ne sont pas ou peu institutionnalisées.
Ces espaces de dialogue peuvent être organisés in situ ou par d’autres biais (radios, journaux, réseaux sociaux, Internet). En outre, ils peuvent contribuer à l’organisation de journées portes ouvertes ou de présentations dans des lieux publics pour une meilleure compréhension par les Maliens des rôles et responsabilités des forces de sécurité et des populations en matière de sécurité.
Recommandations régionales
Pour le Nord
Améliorer la mobilité des FDS pour répondre aux besoins humanitaires
Actuellement, les acteurs humanitaires intervenant dans les régions septentrionales ne réussissent pas à répondre aux besoins les plus urgents des populations, comme la malnutrition et l’accès à l’eau potable, qui apparaissent pourtant comme des causes essentielles de l’insécurité. Dans ce contexte, les OSC recommandent d’améliorer la protection physique des acteurs humanitaires afin qu’ils puissent apporter une aide efficace aux populations.
Pour cela, les forces de sécurité doivent devenir plus mobiles et moins concentrées dans des zones géographiques stratégiques spécifiques. Des moyens adéquats sont nécessaires pour réagir rapidement aux sollicitations de la population et, surtout, un dialogue constant avec les différentes parties prenantes (populations, acteurs humanitaires) doit être établi.
Diminuer la menace des engins explosifs improvisés
L’aide humanitaire et la mobilité des FDS sont de plus en plus affectées par la présence d’EEI (engins explosifs improvisés). Les axes routiers du Nord et, de plus en plus, ceux du Centre sont particulièrement touchés par les mines antivéhicule et antipersonnel. C’est notamment le cas pour les axes Douentza-Boni-Hombori-Gossi-Gao, Macina-Tenenkou, Gao-Ansongo-Ménaka, Gao-Kidal ou Niono-Léré-Tombouctou.
« Pour lutter contre le fléau des EEI, les OSC proposent, d’une part, de mettre en place des mécanismes locaux de veille et de d’énonciation et, d’autre part, de former la population à l’identification de ces engins (…). »
La sécurité et donc l’accessibilité de ces routes sont indispensables à la mobilité, aux activités socioéconomiques et à la création d’emplois. La réhabilitation des infrastructures routières contribuera aussi à limiter les attaques. Pour lutter contre le fléau des EEI, les OSC proposent, d’une part, de mettre en place des mécanismes locaux de veille et de d’énonciation et, d’autre part, de former la population à l’identification de ces engins afin de prévenir les risques d’explosions mortelles sur les routes. Une coopération avec les autorités locales et les FDS est indispensable pour assurer le retour de la sécurité et pour garantir une meilleure protection des populations, en particulier des groupes les plus vulnérables comme les femmes et les filles.
Renforcer le dispositif de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre
L’étude a permis de recueillir des informations précises et des témoignages nombreux sur les atteintes à l’intégrité physique dont sont victimes les femmes dans les régions du Nord. Ce sont surtout les femmes des zones rurales qui subissent la violence domestique, la violence sexuelle, la détention, le mariage forcé et l’exil. Dans les zones rurales, les personnes utilisant les transports routiers sont fréquemment attaquées par les bandits armés, et les agressions sexuelles sont toujours fréquentes sur les routes. De nombreuses femmes et filles renoncent à toute opportunité économique ou scolaire par crainte de la violence physique, du harcèlement et des agressions sexuelles.
« De nombreuses femmes et filles renoncent à toute opportunité économique ou scolaire par crainte de la violence physique, du harcèlement et des agressions sexuelles. »
Les zones rurales du Mali sont extrêmement défavorisées sur le plan éducatif. Les OSC soulignent l’importance de l’éducation des filles, en particulier, et estiment qu’il leur revient de sensibiliser les parents aux avantages qu’ils ont à envoyer leurs filles à l’école, surtout dans les zones rurales. Dans le même temps, les écoles devraient aussi prendre en compte dans leurs programmes les droits des femmes et la lutte contre la violence sexiste. De nombreux incidents violents ont lieu sur le chemin de l’école. Pour renforcer la sécurité physique et limiter les temps de trajet, les OSC proposent des systèmes de cantine scolaire qui permettent aux filles de déjeuner à l’école. De la même façon, des latrines séparées, éclairées et sécurisées peuvent contribuer à prévenir les VBG.
« Au plan social et communautaire, la stigmatisation des femmes violées est un obstacle majeur à l’identification des victimes et à leur prise en charge rapide. »
Au plan social et communautaire, la stigmatisation des femmes violées est un obstacle majeur à l’identification des victimes et à leur prise en charge rapide. Entre outre, l’absence de formation adéquate des premiers recours (police, armée, justice) en cas de viol fait que les femmes victimes n’obtiennent pas le soutien nécessaire. Dans les zones rurales dépourvues de tribunaux, les autorités traditionnelles ou religieuses représentent des points d’entrée. Cependant, leur engagement reste incohérent d’une localité à l’autre.
Les OSC souhaitent jouer un rôle plus important dans la lutte contre ces violences et dans l’accompagnement des populations qui en sont victimes. Ces organisations peuvent contribuer à créer des centres d’écoute ou même à former les acteurs locaux lorsqu’elles sont elles-mêmes actives dans un contexte local. Elles souhaitent aussi collaborer avec les chefs traditionnels qui peuvent jouer un rôle essentiel dans la lutte contre l’impunité.
Pour le Centre
Promouvoir le vivre-ensemble
En vue de réduire les tensions entre les différents groupes, les OSC recommandent certaines opérations concrètes, axées sur les racines des conflits qui opposent les populations du Centre, à savoir : aménager des couloirs de passage des animaux pour sécuriser la transhumance, sécuriser les récoltes des paysans, réaliser des puits pastoraux en consultant les communautés environnantes, réserver des zones de pâturage et favoriser l’établissement de calendriers précis et acceptés par les agriculteurs et les pasteurs.
Par leur connaissance des populations et l’accès privilégié dont elles disposent, les OSC peuvent promouvoir le vivre-ensemble au sein des communautés, par exemple par l’organisation d’activités culturelles, récréatives, artistiques, sportives et culinaires visant à célébrer la pluralité de la société et à réactiver les valeurs ancestrales du vivre-ensemble. Les OSC proposent notamment d’organiser des espaces de dialogue sur le rôle des chefs traditionnels, des leaders locaux, etc.
« Les OSC insistent sur les risques d’une interprétation ethnique des conflits et d’une polarisation autour des identités locales. »
Enfin, les OSC insistent sur les risques d’une interprétation ethnique des conflits et d’une polarisation autour des identités locales. Elles recommandent aux porte-paroles et aux médias de combattre les amalgames anxiogènes, d’adopter une posture plus pédagogique et de lutter plus efficacement contre les informations alternatives/fake news pour ne pas contribuer à aggraver les conflits. Elles demandent également aux décideurs politiques de reconsidérer l’appui des services de l’Etat à certains groupes armés informels, telles que les milices communautaires, en dépit des intérêts immédiats supposés de ce type de stratégies. A plus long terme, la prolifération des groupes armés et des armes légères et de petit calibre dans les régions pourrait en effet constituer une menace égale sinon pire que les conflits en cours.
Reconnaître les initiatives de sécurité locales
Pour sécuriser les personnes et leurs biens, les initiatives de sécurité locales dans le Centre se sont multipliées. Ces initiatives revêtent des formes très variées : certaines ont été mandatées par les autorités locales et sont contrôlées par celles-ci, d’autres sont au contraire perçues par lesdites autorités comme une menace et combattues autant que possible, souvent par l’activation ou par le soutien d’un groupe concurrent.
Les OSC soulignent la nécessité pour les décideurs de tenir compte de ces initiatives, dans le cadre du processus de RSS en cours et à venir. L’interaction entre les initiatives locales et les programmes nationaux de sécurité est un élément clé de la réussite à long terme du processus de stabilisation. Si elles sont correctement appréhendées, certaines initiatives pourront même remplir une fonction importante dans le domaine de la sécurité de proximité.
Pour le Sud
Développer les infrastructures routières et socioéconomiques
Le Sud du Mali, seule zone encore épargnée par les violences et l’extension de la crise de 2012, n’est pas autant touché par l’insécurité que le Nord et le Centre, même si des attaques se produisent. C’est dans cette région que la confiance dans les institutions étatiques est la plus forte. Les répondants de la région du Sud privilégient les besoins en développement et les infrastructures socio-économiques.
Les OSC recommandent par conséquent une approche fondée sur le développement de la région. Investir dans les infrastructures routières, d’eau et d’électricité, et améliorer la qualité des services sociaux de base, tels que l’éducation et les soins médicaux, équivaudra à investir dans la sécurité humaine et permettra de prévenir les conflits.
« Une recommandation opérationnelle est l’amélioration de l’état des routes, ce qui contribue également à réduire le banditisme. »
Une recommandation opérationnelle est l’amélioration de l’état des routes, ce qui contribue également à réduire le banditisme. Pour relancer l’activité économique dans la région, par exemple, il faudrait notamment réhabiliter et sécuriser l’axe routier Bamako-Kayes. Les OSC insistent sur un meilleur contrôle de l’urbanisation pour lutter contre le développement de poches d’insécurité dans les centres urbains, en particulier à Bamako. Dans les régions rurales, ou il y a trop peu de communes desservies en électricité, elles réclament des investissements pour soutenir les projets d’éclairage public afin de diminuer l’obscurité qui fait le lit du crime et de la violence.
Source photo : refletinfo.net