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Le Cadre intégré renforcé (CIR) rassemble des partenaires et des ressources en vue d’aider les pays les moins avancés à utiliser le commerce pour réduire la pauvreté et assurer une croissance inclusive et un développement durable.
Site de l’organisation : Enhanced Integrated Framework (EIF)
Date de publication : Juin 2021
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L’habillement est l’une des branches de production les plus anciennes, les plus grandes et les plus fragmentées au monde. Le secteur est considéré comme une branche de production de démarrage classique pour les pays à faible revenu engagés dans une industrialisation orientée vers l’exportation en raison de son intensité de main-d’œuvre et de ses faibles coûts fixes. L’habillement a été un levier de développement au XXe siècle dans des pays d’Asie aussi divers que le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, l’Inde et la Chine. En effet, l’industrie de l’habillement constitue un lévier important de l’industrialisation et de l’ouverture des pays aux échanges commerciaux. Dans le cas de Madagascar, en contribuant à un tiers des exportations totales de marchandises et à plus de 100 000 emplois avant la crise liée à la COVID-19, l’habillement à partir de l’exploitation du textile a permis la création de richesse. À partir d’une analyse des tendances du secteur et de trois études de cas nationales, ce rapport examine comment les PMA peuvent au mieux tirer pleinement et équitablement profit de leur participation aux chaînes de valeur de l’habillement à mesure que le secteur mondial de la mode se redresse et évolue. Le rapport du CIR présente le fonctionnement de la chaine de travail de production de vêtement, et ce à travers un cas concret, celui de Madagascar. En effet, cette étude de cas permet de comprendre la place qu’occupe le secteur de la production de textile au sein de l’économie malgache, et de comprendre quels ont été les effets de la crise du COVID-19 sur ce dernier. Au-delà de sa dimension descriptive, le rapport fait également part de recommandations, d’un ensemble de domaines d’action que les pays les moins avancés (PMA) et la communauté internationale devraient envisager.
Selon le rapport, le principal vecteur de la croissance du secteur manufacturier et de la création d’emplois formels a été l’industrie. En 1990, Madagascar exportait des vêtements pour une valeur de 11 millions de dollars. Près de 30 après, en 2019, le pays a exporté des vêtements pour une valeur de 496 millions de dollars. La valeur a été multiplié par environ 45. Les étapes de productions du textile (filage, tissage, teinture) représentent de ce fait un enjeu important pour les économies de la zone WATHI. Des actions comme la mise en place d’un salaire décent, d’un bon environnement de travail ou encore d’une relation saine entre les travailleurs et les usines peuvent permettre le développement de leurs industries. La production peut contribuer à attirer des investissements étrangers. En effet, les investisseurs grâce à l’industrialisation du textile peuvent contribuer à générer énormément de revenus au sein de l’économie en développant les entreprises locales et nationales. En investissant dans l’industrie du textile, les pays de la zone pourront bénéficier d’une augmentation du taux d’employabilité et attirer des capitaux comme ce fut le cas à Madagascar avant la crise. Certains pays de la zone WATHI disposent d’un accès direct à la mer ce qui favorise les échanges commerciaux. Enfin, les pays de la zone peuvent apprendre du cas de Madagascar en réduisant la dépendance avec l’extérieur et plutôt favoriser la production et une consommation nationale et régionale.
Ces extraits proviennent des pages : 1-2, 13-18
Les vêtements sont une branche de production de démarrage classique pour les pays les moins avancés (PMA) qui œuvrent à une industrialisation orientée vers l’exportation. Toutefois, il arrive souvent que les PMA qui intègrent les chaines de valeur mondiales de l’habillement ne parviennent pas à établir suffisamment de liens en amont avec le secteur textile et à créer de la valeur ajoutée locale, des actions qui pourraient stimuler des améliorations économiques, sociales et environnementales.
En outre, les crises sanitaire et économique provoquées par la COVID-19 ont donné́ lieu à l’une des années les plus difficiles jamais enregistrées pour le secteur mondial de la mode et sa chaîne d’approvisionnement, ce qui a fortement exposé aux chocs les travailleurs et les entreprises vulnérables du secteur des vêtements dans les PMA.
L’habillement est l’une des branches de production les plus anciennes, les plus grandes et les plus fragmentées au monde. Le secteur est considéré́ comme une branche de production de démarrage classique pour les pays à faible revenu engagés dans une industrialisation orientée vers l’exportation en raison de son intensité́ de main-d’œuvre et de ses faibles coûts fixes. L’habillement a été un levier de développement au XXe siècle dans des pays d’Asie aussi divers que le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, l’Inde et la Chine.
À différentes périodes de l’histoire mondiale, ils ont développé des capacités d’exportation dans des segments à plus forte intensité de capital et à plus forte valeur comme la production de fibres, de textiles et de machines. Certains PMA comme le Bangladesh, le Cambodge, l’Éthiopie, le Lesotho, Madagascar et le Myanmar sont des exportateurs de vêtements performants.
La chaîne de valeur mondiale de l’habillement est caractérisée par un niveau élevé de spécialisation des pays et de mobilité. Les pays à faibles coûts occupent une place prépondérante dans la production de vêtements à forte intensité de main-d’œuvre. À mesure que les pays se développent et que les salaires augmentent, la fabrication est délocalisée dans de nouvelles régions et la production industrielle est axée sur des produits et des activités à plus forte valeur.
L’investissement étranger direct (IED) et les arrangements préférentiels jouent un rôle important dans l’évolution du secteur mondial. Cette division internationale du travail est également influencée par l’organisation des chaînes d’approvisionnement mondiales de la mode axées sur les acheteurs. Les entreprises dominantes (des propriétaires de marques et des détaillants dans les pays développés et émergents) exercent des fonctions à forte valeur comme la recherche-développement (R-D), la conception, la stratégie de marque, la commercialisation et la vente au détail. La production provient d’un réseau de fournisseurs que l’on trouve majoritairement dans les pays à bas salaires.
Étude de cas : Madagascar
Madagascar est l’un des plus grands exportateurs de vêtements d’Afrique subsaharienne. L’émergence et la croissance de ce secteur résultent de la promulgation de la législation sur les zones industrielles d’exportation (ZIE) en 1989. Bien que cette île de l’océan Indien produise depuis longtemps des textiles, le régime de ZIE, associé à de faibles coûts de main-d’œuvre et à un accès préférentiel aux marchés de l’Europe, des États-Unis et de l’Afrique du Sud, a attiré l’IED et permis aux exportations de vêtements de décoller.
L’industrie a été le principal moteur de la croissance du secteur manufacturier et de la création d’emplois formels, contribuant à un tiers des exportations totales de marchandises et à plus de 100 000 emplois avant la crise liée à la COVID-19. En 2019, Madagascar a exporté des vêtements pour un montant de 496 millions de dollars, contre 11 millions de dollars en 1990.
Ces résultats à l’exportation ont été extrêmement instables en raison de crises politiques récurrentes (2002 et 2009-2013) et de chocs internationaux (expiration de l’Accord sur les textiles et les vêtements (ATV) en 2005 et crise financière de 2008). En 2017, les marchés de destination étaient diversifiés – France (28%), États-Unis (26%), Allemagne (11%), Afrique du Sud (10%) et Royaume-Uni (6,5%) –, preuve de la flexibilité nécessaire à la fabrication à court terme, à une production à plus forte valeur unitaire (marchés de l’Union européenne et de l’Afrique du Sud) et à la production de gros volumes à bas coûts (marché des États-Unis).
En 2019, Madagascar a exporté des vêtements pour un montant de 496 millions de dollars, contre 11 millions de dollars en 1990.
Les investissements entrants ont joué un rôle essentiel dans le développement de l’industrie du vêtement à vocation exportatrice de Madagascar. Les investisseurs d’Asie, de la diaspora européenne et de Maurice ont apporté des capitaux et des connaissances, ce qui a eu des répercussions variées en termes de développement industriel, selon la justification et la nature des investissements. L’ancrage local semble être corrélé́ à un engagement à plus long terme et à une dynamique positive de la chaîne de valeur.
Sauf quelques exceptions notables, la majorité des usines de confection des ZIE exercent des activités de coupe, d’assemblage et de finition (CMT). L’émergence du secteur a coïncidé avec une baisse de la production de coton et de textile et une augmentation des importations de textile, principalement en provenance de Maurice et d’Asie. Madagascar a néanmoins maintenu une certaine capacité dans le domaine des tissus et des étoffes de bonneterie. Les liens en amont avec le secteur national du textile, et d’autres intrants tels que les accessoires, ont donc diminué avec la croissance de l’industrie du vêtement dans les ZIE. Néanmoins, la production de vêtements à Madagascar a montré sa capacité à s’adapter aux chocs et on a observé des cas de progression au niveau des entreprises dont on pouvait tirer des enseignements.
Impact de la COVID-19 et riposte
Les producteurs ont constaté une forte baisse de la demande sur les principaux marchés ainsi que le report ou l’annulation de contrats avec des acheteurs mondiaux et régionaux. Il y a également eu des perturbations de l’offre, ce qui a entraîné des difficultés d’importation d’intrants et des retards de production en raison de l’interruption des liaisons aériennes et maritimes.
Ce ralentissement de l’activité́ a engendré des pertes de revenus très importantes, estimées par le Groupement des entreprises franches et partenaires (GEFP) à 60% pour l’ensemble du secteur. Le nombre total de suppressions d’emplois depuis le début des fermetures liées à la pandémie, en mars 2020, ne fait pas l’unanimité.
La crise a également entraîné un gel des plans d’investissement étrangers et nationaux. Cette situation est préjudiciable car le secteur du vêtement à Madagascar est en train de regagner la confiance des investisseurs et de se remettre de la période d’incertitude politique de 2009-2013 qui a entraîné la fuite des capitaux et des clients. Au moment de la rédaction du présent document, aucun plan sectoriel d’atténuation ou de relance n’était en place, hormis un report de trois mois du versement des cotisations de sécurité sociale et de l’impôt sur les sociétés.
Considérations concernant la reprise et l’amélioration des avantages
- Le secteur du vêtement tourné vers l’exportation peut contribuer à réduire la pauvreté́ à Madagascar et à stimuler la diversification par rapport aux produits primaires. La reprise offrira des possibilités d’attirer les investisseurs dans les réseaux d’approvisionnement mondiaux et de proximité́ et permettra au pays de bénéficier de la relocalisation des activités manufacturières en Asie. Une bonne gouvernance et un environnement politique favorable seront importants pour gagner la confiance des investisseurs.
Le secteur du vêtement tourné vers l’exportation peut contribuer à réduire la pauvreté́ à Madagascar et à stimuler la diversification par rapport aux produits primaires.
- L’industrie du vêtement dans les ZIE à Madagascar doit renforcer les liens avec l’économie nationale. Les facteurs à prendre en considération sont les suivants :
- Les préférences commerciales assorties de règles d’origine souples ont tendance à desservir l’approvisionnement national, en particulier lorsqu’elles sont combinées à un modèle de ZIE qui accorde des exonérations de droits sur tous les intrants importés.
- Le développement et la mobilité́ de la main-d’œuvre dans les fonctions de gestion et les fonctions techniques sont nécessaires pour que les travailleurs puissent véritablement participer à la croissance et acquérir des connaissances sur les normes internationales.
- Les investissements dans les infrastructures commerciales et l’énergie, qui ont été négligés ces dernières années, sont essentiels pour renforcer la compétitivité́.
- Il sera important d’attirer le bon type d’investisseur pour bénéficier des retombées liées à l’investissement.
- La mise à jour de l’EDIC de 2015 du Cadre intégré renforcé (CIR) souligne que la stratégie des ZIE de Madagascar repose trop sur les incitations fiscales plutôt que sur la fourniture des infrastructures nécessaires. L’une des recommandations prioritaires est de modifier le régime existant pour le rendre plus moderne et plus intégré, tout en éliminant progressivement les préférences fiscales ayant des effets de distorsion pendant une période de transition. En outre, l’efficacité́ de l’autorité́ nationale de promotion des investissements, l’Economic Development Board of Madagascar, doit être améliorée.
La mise à jour de l’EDIC de 2015 du CIR souligne que la stratégie des ZIE de Madagascar repose trop sur les incitations fiscales plutôt que sur la fourniture des infrastructures nécessaires.
- Le GEFP souligne l’importance de l’amélioration du partenariat entre le secteur privé et l’État pour la reprise. Il définit le renforcement des capacités de production, les études de marché et la mise en œuvre de l’Accord sur la facilitation des échanges comme des priorités de l’aide liée au commerce.
- Madagascar est un pays producteur à main-d’œuvre bon marché́ où les entreprises respectent à des degrés divers les prescriptions et la responsabilité́ sociale en matière de conditions de travail et de normes environnementales. Le pays participe actuellement à un programme biennal de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur l’amélioration de la sécurité́ et de la santé dans la chaîne d’approvisionnement du textile qui vise à établir un cadre de dialogue entre les parties prenantes nationales et sectorielles, y compris les multinationales, les institutions nationales (inspections et tribunaux du travail), les industriels et les partenaires sociaux. L’investissement dans un label “Made in Madagascar” associé à des normes sociales et environnementales élevées permettra au pays de se démarquer sur les marchés mondiaux.
Implications en matière de politique
Actions à court terme :
- Soutenir les usines et les travailleurs pendant la crise
- Mettre en œuvre des mesures en faveur de la parité hommes-femmes
- Assurer la sécurité et la santé dans les chaînes d’approvisionnement du textile et du vêtement
Actions à moyen et long terme :
- Stimuler les liens en amont et la progression industrielle
- Cibler les bons investisseurs
- Renforcer la compétitivité au-delà des préférences
- Renforcer les relations acheteur-fournisseur
- Payer des salaires décents
- Concevoir des chaînes de valeur respectueuses de l’environnement