Geoffrey-Julien Kouao
Le rôle du politique consiste à gérer la cité. Celui de l’intellectuel est de penser la société, de réfléchir à son organisation et à son fonctionnement. C’est dans cette dernière dynamique que s’inscrit ma posture. Proposer des pistes de réflexion, des axes d’action pour améliorer la gouvernance de notre société ivoirienne. Surtout, le mode de désignation de nos gouvernants.
En 2020, notre pays organisera la première élection présidentielle sous l’empire de la troisième république. Je pense que l’occasion est bonne pour repenser, redéfinir le cadre théorique, le cadre juridique et le cadre institutionnel des élections en Côte d’Ivoire.
J’invite la Côte d’Ivoire à cesser d’être une simple démocratie électorale pour devenir une véritable démocratie libérale avec toutes les valeurs qui s’y rattachent. Je demande également aux Ivoiriens d’arrêter d’élire le président de la République au suffrage universel direct. Je propose une élection du président de la République au suffrage universel indirect ou tout simplement la mise en place d’un directoire présidentiel inspiré du modèle suisse en prenant en compte nos spécificités nationales. Par ailleurs, pour favoriser la participation de tous à la gestion de la cité, je suggère l’instauration du scrutin proportionnel aux élections législatives et sénatoriales.
En 2020, notre pays organisera la première élection présidentielle sous l’empire de la troisième république
Autre proposition qui peut paraître révolutionnaire. Pour éviter les fraudes électorales, je propose que le vote secret soit remplacé par le vote public. Mode d’emploi. Le jour de l’élection, les électeurs se rendent dans les lieux de vote. Chaque candidat ou son représentant, se présente. Le président du lieu de vote demande tout simplement à chaque électeur de se mettre derrière son candidat ou son représentant. Après, on compte le nombre de personnes derrière chaque candidat et c’est tout.
Dans la pratique, il n’y aura pas de complication particulière. Les lieux de vote restent les mêmes, sauf qu’il n’y aura plus de bureaux de vote. L’avantage d’un tel vote public réside dans le fait que le décompte des voix se fait devant tout le monde et ceci pourrait être une parade efficace à l’achat des consciences. En 2020, la nouvelle structure chargée des élections et du référendum pourrait l’expérimenter lors de à l’élection des parlementaires.
Ma réflexion, porte également sur le cadre juridique des élections. Je propose, d’abord, de rendre automatique l’inscription sur la liste électorale à partir des registres de l’état civil dans les mairies et les sous-préfectures. Ensuite, je suggère l’instauration du vote obligatoire et surtout le vote des étrangers aux élections locales.
Je propose une élection du président de la République au suffrage universel indirect ou tout simplement la mise en place d’un directoire présidentiel inspiré du modèle suisse en prenant en compte nos spécificités nationales
Il me paraît également indispensable de mettre fin à la gérontocratie. Je propose de faire coïncider l’âge d’éligibilité aux différentes élections avec l’âge de la majorité électorale : 18 ans. Il nous faut aussi remplacer le cautionnement financier par le parrainage des candidats. Enfin, sur ce registre, je fais un plaidoyer pour que la limitation du mandat présidentiel à deux soit inscrite au nombre des dispositions intangibles de la constitution.
Dans le cadre institutionnel, je fais deux propositions. D’abord, la dissolution de la Commission électorale indépendante (CEI) et la mise en place d’une nouvelle structure chargée d’organiser les élections. Une structure confiée à la seule société civile avec des membres recrutés par appel d’offres et confirmés par le parlement. S’agissant du Conseil constitutionnel, je suggère qu’il soit l’affaire des seuls constitutionnalistes car, tous les juristes ne sont pas constitutionnalistes. Je propose que les conseillers soient désignés par voie d’élection et prêtent serment devant le parlement et non devant le Président de la République.
Pour éviter les fraudes électorales, je propose que le vote secret soit remplacé par le vote public
Mon essai « 2020 ou le piège électoral ? », d’une centaine de pages, est riche en propositions. Je serai heureux si elles étaient, par extraordinaire, prises en compte par les décideurs politiques. Le rôle de l’intellectuel consiste à construire l’utopie, au politique d’en donner la forme pour en faire une réalité. Si les gouvernants (ceux qui ont le pouvoir de décision) ne prennent pas en considération la doctrine politique, les intellectuels travaillent en vain.
Les règles de notre compétition politique, les institutions qui l’encadrent doivent être, constamment, en adéquation avec les exigences de la démocratie et de la République. Dans tous les cas, 2020 reste une page blanche où rien n’est écrit et où tout reste à écrire.
Crédit photo : capital.fr
Geoffroy-Julien Kouao est, politologue et écrivain. Il est notamment l’auteur de 2020 ou le piège électoral ? aux éditions Plume habile et de Le Premier ministre : un prince nu. Il a publié chez le même éditeur en 2016, Côte-d’Ivoire : La troisième république est mal partie. En 2017, il est l’auteur du livre Et si la Côte d’Ivoire refusait la démocratie ?
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Belle analyse respect