Gado Alzouma
L’idée d’une Quatrième révolution industrielle s’inscrit dans une typologie des sociétés qui fait de la technologie le principal moteur du changement social (ou même de l’évolution sociale) de sorte qu’on peut faire correspondre les sociétés humaines, à divers stades de leur développement historique, à des bonds socio-technologiques tels que l’invention de l’agriculture, l’avènement des machines et de la société industrielle, l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et enfin l’avènement de l’intelligence artificielle, de l’ingénierie génétique et de la robotique.
Chacun de ces changements a transformé la société d’une nouvelle manière et a engendré de nouveaux groupes sociaux, de nouvelles relations entre les membres de la société. Par exemple, on observe de nouvelles formes de sociabilité avec l’avènement de Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, YouTube et les forums de discussion en ligne. Par la même occasion, on constate également une nouvelle division du travail et de nouveaux rapports entre les nations à l’échelle globale. Plus fondamentalement, ces changements témoignent du fait qu’il existe une relation étroite, une corrélation, entre la technologie et l’organisation sociale et économique des groupes humains, de sorte que quand l’une change, l’autre est affectée et change conséquemment.
Dans cet ordre d’idées, on entend par Quatrième révolution industrielle le développement sans précédent de l’intelligence artificielle, de la robotique, des biotechnologies et des énergies renouvelables, ainsi que les transformations durables et irréversibles qu’elles ont sur nos manières de penser et d’agir, nos modes de production et les rapports que nous entretenons entre nous.
Cette révolution se caractérise par un haut degré de convergence technologique, c’est-à-dire « une combinaison des technologies qui brouille les lignes entre les sphères physiques, numériques, et biologiques » d’après le Forum de Davos. Elle fait suite à la Troisième révolution industrielle. C’est-à-dire à l’ère de l’information ou de la société de l’information, ces notions s’articulent autour des objets électroniques, notamment l’ordinateur, le téléphone portable, la télévision (y compris la télévision satellitaire et la télévision numérique), les média électroniques en général, le cinéma, les caméras numériques, les logiciels d’édition et, bien entendu, l’internet et les applications qui lui sont associées (emails, réseaux sociaux, applications vidéo et audio, textes et hypertextes, etc.).
On entend par Quatrième révolution industrielle le développement sans précédent de l’intelligence artificielle, de la robotique, des biotechnologies et des énergies renouvelables, ainsi que les transformations durables et irréversibles qu’elles ont sur nos manières de penser et d’agir, nos modes de production et les rapports que nous entretenons entre nous
Quant à la Seconde révolution industrielle, elle fait référence aux changements générés par l’avènement de l’électricité, de la communication filaire puis sans fil, des chemins de fer et des nouvelles sources de production énergétique tels que les combustibles fossiles. Enfin, la Première révolution industrielle, la plus connue de toutes, est celle qui nous a fait passer d’une société où la production reposait sur l’usage de la force animale et humaine à celle de la force mécanique mue par des sources d’énergies telles que l’eau et la vapeur.
Il faut cependant se garder de croire qu’il existe une ligne de démarcation absolue entre ces divers stades de développement technologique et les types de sociétés auxquels ils correspondent. Bien qu’ils ne se résument pas à un continuum, ils se chevauchent et il n’est pas toujours possible de dire où finit l’un et où commence l’autre. Par exemple, bien que nous soyons entrés dans la Quatrième révolution industrielle, il n’est pas possible de dire que nous soyons déjà sortis de la société de l’information ou de la Troisième révolution industrielle.
Il faut cependant se garder de croire qu’il existe une ligne de démarcation absolue entre ces divers stades de développement technologique et les types de sociétés auxquels ils correspondent. Bien qu’ils ne se résument pas à un continuum, ils se chevauchent et il n’est pas toujours possible de dire où finit l’un et où commence l’autre
Révolution numérique (Troisième révolution industrielle) et Quatrième révolution industrielle s’interpénètrent et même se confondent d’un certain point de vue, même si la dernière a sa propre spécificité ou se distingue sans être séparée de la première. Schwab dit à ce sujet que la caractéristique principale de la Quatrième révolution industrielle est qu’elle « gomme les frontières entre les sphères physique, numérique et biologique ». Pour lui, ce qui distingue les deux, « c’est le glissement inexorable de la simple numérisation (la Troisième révolution industrielle) vers l’innovation basée sur l’association des technologies (la Quatrième révolution industrielle) ».
Répétons-le encore : malgré tout cela, il n’est pas possible de dire que nous nous sommes totalement affranchis, partout dans le monde, de types de production qui relèvent du « passé », c’est-à-dire de la Seconde révolution industrielle, de la Première révolution industrielle, ou même des sociétés agraires et de celles qui les ont précédées. Selon les sociétés humaines, les locations géographiques et les continents auxquels nous faisons référence, nous sommes plus ou moins affectés par cette révolution.
Par exemple, bien que l’invention de l’agriculture remonte à plus de 12 000 ans, les dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs n’ont pas complètement disparu. Ce que la Quatrième révolution industrielle apporte de nouveau dans la sphère technologique, la production, nos rapports et nos comportements, c’est le rythme exponentiel auquel ces changements s’effectuent et leur extension à toutes les sphères de notre vie.
En effet, ces changements ont concerné, sinon tous les hommes, du moins tous les continents bien qu’ils se soient manifestés à diverses époques et à divers degrés selon le lieu et les sociétés. En conséquence, l’Afrique n’y a pas échappé bien qu’on nous ait habitué à l’idée que ce continent a toujours été tenu en marge des évolutions technologique majeures.
En réalité, tout comme il n’a jamais existé de société humaine sans technologie (il n’y a pas d’exemple dans l’histoire, de société humaine qui n’ait jamais maîtrisé, ne serait-ce que les outils de pierre taillée ou polie ou encore les outils et techniques de chasse, de guerre, etc.), on peut aussi soutenir que l’Afrique n’a jamais cessé de s’inscrire, à un degré ou à un autre, dans les traditions d’échanges technologiques que les diverses sociétés humaines ont maintenues les unes avec les autres au cours de l’histoire et dont ce qui se passe aujourd’hui (transferts de technologies, diffusion et emprunts) n’est que le prolongement normal.
Mieux encore, toutes les inventions technologiques fondamentales (invention des premiers outils), celles sur lesquelles se sont bâties toutes les autres et les réalisations intellectuelles majeures de l’humanité (contrôle du feu, invention du langage articulé, de la religion, des arts, des mathématiques, de l’agriculture, etc.) ont d’abord eu lieu en Afrique, souvent bien avant que les premiers hommes aient quitté le continent (rappelons que l’Homo sapiens est apparu il y a environ 200 000 à 300 000 ans et qu’il n’a migré hors d’Afrique qu’entre 100 000 et 70 000 ans environ. Or, il était déjà doté de toutes les capacités intellectuelles que nous attribuons aux hommes modernes d’aujourd’hui et avait déjà inventé presque tout ce que nous avons mentionné plus haut.
La plupart des dates de ces inventions ou réalisations intellectuelles remontent à des époques où aucun homme moderne n’existait sur aucun autre continent que l’Afrique ou conquis d’autre lieux tels que l’Europe (entre 50 000 et 40 000 ans). De même, l’Afrique n’a jamais été complètement isolée du reste du monde et n’a jamais cessé d’influencer et d’être influencée ou d’intégrer des inventions faites ailleurs.
Les migrations, les emprunts et les échanges (culturels et technologiques) ont concerné tous les groupes humains au cours de l’histoire. Ils n’ont jamais cessé et constituent l’un des aspects fondamentaux de l’évolution humaine. L’évolution scientifique et technologique est un effort commun auquel ont toujours participé et participent encore plus aujourd’hui tous les hommes de tous les continents. Elle n’est pas l’apanage d’un groupe humain ou d’un continent en particulier.
Ceci dit, remarquons que le temps entre l’invention d’une nouvelle technologie ailleurs qu’en Afrique et son adoption sur le continent (ou l’adoption de technologies africaines par d’autres continents) s’est considérablement rétréci au cours des dernières décennies jusqu’à devenir insignifiant.
Il suffit, pour s’en rendre compte, d’évoquer le fait que les Africains, comme sur tous les autres continents, ont aujourd’hui spontanément accès à ChatGPT, le programme d’intelligence artificielle développé par le laboratoire de recherche américain OpenAI et conçu pour engager des conversations quasi-naturelles avec les usagers humains. Ceci nous paraît banal, naturel aujourd’hui, mais c’était loin d’être le cas il y a tout juste quelques décennies.
La globalisation et l’interconnexion croissantes du monde, placent l’Afrique dans une situation où ces changements l’affectent nécessairement. Il est donc temps de s’interroger sur les conséquences (heureuses ou malheureuses) que le développement sans précédent de l’intelligence artificielle, de la robotique et de l’ingénierie biologique pourrait engendrer pour notre continent.
Impact sur l’emploi
La première de ces conséquences et la plus significative est sans doute l’impact de l’automatisation et de l’intelligence artificielle sur l’emploi. Rappelons que la Société internationale de l’automatisation (SIA) définit ce concept comme « la création et l’application de technologies destinées à effectuer, surveiller et contrôler la production et la délivrance de produits et services ». Elle a pour principal effet d’accomplir, à l’aide de machines et de façon automatique, des tâches généralement dévolues aux humains. Elle a donc pour conséquence de réduire sinon éliminer toute intervention humaine dans le processus de production ou l’accomplissement d’autres tâches par exemple avec les robots-soldats.
Quant à l’intelligence artificielle, elle fait, dans le domaine intellectuel ou logique ce que fait le robot dans le domaine physique. On peut la définir soit comme une simulation de l’intelligence humaine soit comme une effectuation par des machines ; ici des systèmes informatiques, de tâches généralement dévolues à l’intelligence humaine. On peut citer comme exemple l’écriture d’un poème ou la rédaction d’une dissertation philosophique, tâches dont s’acquitte parfaitement ChatGPT ; ou encore la peinture d’un tableau, comme le fait DALL-E un système d’intelligence artificielle développé par OpenAI et qui crée des images et des objets artistiques à partir d’une description en langage naturel. Or, on touche là au domaine de l’imagination qui a toujours été considérée comme le propre de l’homme.
L’intelligence artificielle ne se limite d’ailleurs pas aux tâches qui relèvent de la « réflexion » ou de la « création » mais inclut aussi des capacités telles que la vision et la reconnaissance des objets ou celle des voix. Enfin, l’ingénierie génétique agit directement sur le vivant, la machinerie humaine, et nous donne par exemple aujourd’hui la possibilité de modifier le génome ou (supposément), d’augmenter nos performances physiques et intellectuelles (du moins si l’on en croit les posthumanistes et les transhumanistes), d’améliorer la productivité agricole, de créer de nouveaux produits agricoles ou même des produits animaux tels que la viande artificielle.
On peut citer comme exemple l’écriture d’un poème ou la rédaction d’une dissertation philosophique, tâches dont s’acquitte parfaitement ChatGPT ; ou encore la peinture d’un tableau, comme le fait DALL-E un système d’intelligence artificielle développé par OpenAI et qui crée des images et des objets artistiques à partir d’une description en langage naturel
Les deux premières de ces technologies au moins sont en train de se substituer rapidement aux travailleurs, y compris les plus qualifiés et on dirait même les plus qualifiés. En effet, de multiples études scientifiques et rapports d’experts ont démontré que l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) et de la robotique va avoir un impact significatif sur diverses professions et industries dans les années à venir.
Bien que l’IA et la robotique présentent aussi de nombreuses opportunités notamment pour l’accroissement de la productivité et de l’efficacité professionnelle, elles ont déjà commencé à remplacer les travailleurs humains dans plusieurs domaines, en particulier le journalisme ou la logistique. Selon un rapport de la Fédération Internationale de Robotique, l’installation de robots dans le domaine de l’industrie manufacturière a augmenté de 20 % pour atteindre plus de 380 000 unités vendues en 2020 et plus de 500 000 nouveaux robots installés en 2021.
Plus de 3,5 millions de robots industriels étaient en activité en 2021, soit le triple des unités installées 10 ans plus tôt. L’industrie manufacturière, l’électronique et l’industrie automobile sont les secteurs qui ont le plus recours à la robotisation. Ces évolutions sont surtout constatées dans les pays asiatiques et européens confrontés au déclin démographique et à une croissante pénurie de main d’œuvre.
En effet, le changement démographique et le vieillissement de la population s’accompagnent d’une accélération de la robotisation et du déploiement des technologies de l’intelligence artificielle. Ce sont donc les pays qui vieillissent le plus rapidement qui se robotisent aussi le plus rapidement. C’est le cas du Japon, de la Corée du Sud, ou encore de la Chine qui concentre à elle seule plus de la moitié des installations de robots industriels, ainsi que de l’Allemagne (pays le plus robotisé en Europe) et des plusieurs autres pays développés.
Quelles pourraient être les conséquences de la robotisation pour l’Afrique et les travailleurs africains ?
De ce point de vue, certains observateurs font remarquer que les conséquences de la robotisation concernent moins les travailleurs africains installés sur le continent que les migrants africains en Europe et ailleurs dans le monde. En effet, pour beaucoup, la faible industrialisation des pays africains et l’abondance de main d’œuvre pas chère apparaissent comme des facteurs qui réduisent considérablement la nécessité d’avoir recours à la robotisation. Mais cette idée nous semble absurde. On le voit tout de suite lorsqu’on l’applique aux tracteurs par exemple.
Le changement démographique et le vieillissement de la population s’accompagnent d’une accélération de la robotisation et du déploiement des technologies de l’intelligence artificielle. Ce sont donc les pays qui vieillissent le plus rapidement qui se robotisent aussi le plus rapidement.
Ce n’est pas parce qu’il y a une main d‘œuvre abondante et jeune qu’il ne faut pas utiliser des tracteurs ou utiliser des techniques modernes pour la production agricole. Bien au contraire ! De même, ce n’est pas parce qu’il y a une main d’œuvre abondante et jeune qu’il ne faut pas robotiser l’industrie ou la production manufacturière. Dire cela, ce n’est qu’une manière de « singulariser » et même de marginaliser l’Afrique en l’excluant de ce que certains philosophes appelaient « la marche générale de l’esprit humain ». C’est une manière de dire que « ces choses-là », trop sophistiquées, ne sont pas pour nous, juste parce que nous sommes africains.
L’Afrique devrait donc se lancer dans la course à la robotisation et à l’utilisation de l’intelligence artificielle car elles participeraient considérablement à l’accroissement de la productivité et libèreraient la main d’œuvre pour des tâches hautement qualifiées et de nombreuses autres tâches auxquelles nous ne pensons même pas aujourd’hui. En boostant la croissance économique générale, elles participeraient aussi à l’amélioration des conditions de vie de toutes les populations.
Ce n’est pas parce qu’il y a une main d‘œuvre abondante et jeune qu’il ne faut pas utiliser des tracteurs ou utiliser des techniques modernes pour la production agricole. Bien au contraire ! De même, ce n’est pas parce qu’il y a une main d’œuvre abondante et jeune qu’il ne faut pas robotiser l’industrie ou la production manufacturière
Toutefois, la robotisation présente aussi des menaces en ce qu’elle pourrait retarder l’industrialisation de l’Afrique car elle réduit la nécessité de délocaliser les industries vers les pays pauvres (en raison, précisément, de la main d’œuvre peu chère), processus qui on le sait, a contribué à l’industrialisation de l’Asie, mais constitue une opportunité qui pourrait être ratée par l’Afrique en raison des évolutions technologiques actuelles.
La robotisation pourrait donc saper les bases d’une possible industrialisation de l’Afrique par ce biais, industrialisation dont on a commencé à voir les prémisses dans des pays comme l’Éthiopie pour ce qui est du textile. Pour ce qui est de l’intelligence artificielle par exemple, il faut penser au fait qu’une technologie comme ChatGPT pourrait rendre obsolètes les call centers, ces services centralisés qui gèrent les appels entrants et sortants des millions de clients des grandes compagnies internationales qui ont souvent eu recours à l’outsourcing, c’est-à-dire à la délocalisation de leurs services clientèle dans des pays en développement où ils emploient des milliers de travailleurs qui pourraient donc se retrouver en chômage du jour au lendemain.
Enfin, n’oublions pas les débats relatifs à l’introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM) sur le sol africain : une solution miracle aux problèmes alimentaires pour les uns, un danger pour la santé des populations pour les autres ou encore une menace à l’intégrité « naturelle » des plantes ou même des humains et un moyen de déposséder les Africains de leur patrimoine naturel par le biais du « brevetage » des ressources naturelles.
Une société française, LIMAGRAIN, a déposé en 2006 auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), par le biais de sa filiale sénégalaise Tropicasem, une demande de certification végétale pour le violet de Galmi (oignon nigérien) et qui en interdirait la production par les paysans africains sans son autorisation si elle l’obtenait.
Quant à la main d’œuvre émigrée d’origine africaine, en raison même de ses caractéristiques, elle pourrait être fortement affectée par la robotisation. Cette dernière pourrait avoir pour conséquence de les priver de certains emplois traditionnellement occupés par les travailleurs immigrés d’origine africaine, notamment dans le domaine manuel et dans certains secteurs qui requièrent une main d’œuvre peu qualifiée, secteurs qui sont en général ceux où se concentrent les migrants africains.
On peut citer les transports, la construction de bâtiments ou la fabrication manufacturière ou les services d’hygiène. En effet, la robotisation s’accélère au moment même où on observe en Europe un assouplissement des conditions d’immigration notamment en Allemagne mais aussi en Grande-Bretagne dans le domaine de l’éducation et des soins médicaux.
Beaucoup d’observateurs présentent la robotisation massive des systèmes de production comme une solution à la pénurie de main-d’œuvre consécutive au vieillissement accéléré de la population et à l’emploi des travailleurs immigrés dont la présence pose problème aux yeux de nombreux Européens. Cela pourrait influencer les politiques d’immigration et limiter l’accès des Africains aux opportunités d’emplois et à la mobilité économique.
Quant à l’intelligence artificielle, ses premiers impacts sont massifs dans le domaine des services aux clients où un expert de Gartner note qu’en 2021, 15 % de toutes les interactions avec les clients étaient entièrement gérées par l’intelligence artificielle, soit une augmentation de 400 % par rapport à 2017. Les professionnels de nombreux autres domaines tels que les transports avec l’avènement des voitures autonomes, la finance, la santé sont aussi directement concernés par ces évolutions.
Il faut noter que ces changements concernent les travailleurs hautement qualifiés tout comme ceux qui le sont moins : alors que la robotique remplace surtout des travailleurs faiblement qualifiés. L’intelligence artificielle menace directement les travailleurs hautement qualifiés, tels que les ingénieurs dans de très nombreux domaines (par exemple les développeurs et programmeurs dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) ou même les data scientists), les médecins, les analystes financiers et les traders (les trading robots.
Ces derniers utilisent des algorithmes pour effectuer des milliers de transactions financières à la seconde et ont déjà presqu’entièrement remplacé les traders humains dans de nombreuses banques d’investissement), les avocats, les chercheurs, etc. Elle n’épargne pas non plus des secteurs tels que les services aux clients où on retrouve encore de nombreux travailleurs immigrés peu qualifiés.
Bien entendu, de nombreux observateurs notent aussi que ces menaces sont exagérées et que l’intelligence artificielle et la robotique sont destinées à compléter et améliorer le travail que nous faisons au lieu de nous remplacer tout simplement. Mieux encore, elles peuvent créer plus de postes qu’elles n’en suppriment, postes dont nous sommes incapables d’imaginer même la nature aujourd’hui. Par ailleurs, la robotisation coûte très cher et ne pourra jamais combler entièrement le besoin en main d’œuvre.
Bien entendu, de nombreux observateurs notent aussi que ces menaces sont exagérées et que l’intelligence artificielle et la robotique sont destinées à compléter et améliorer le travail que nous faisons au lieu de nous remplacer tout simplement
On peut donc se demander si, loin de représenter une menace, la Quatrième révolution industrielle ne serait pas une opportunité pour l’Afrique. On peut en effet supposer que l’utilisation de l’intelligence artificielle et de la robotique pourrait aider à faciliter l’adoption de nouveaux modèles commerciaux et des innovations sur le continent. Par exemple, le développement phénoménal des TIC et l’adoption du téléphone portable ont augmenté de plusieurs points la croissance économique africaine, stimulé la bancarisation et les transferts monétaires par le biais de la création de nombreuses startups dont certaines sont aujourd’hui des unicornes, c’est-à-dire valorisées à plus d’un milliard de dollars.
Même dans le domaine de l’emploi, s’il est certain que beaucoup de postes pourraient devenir obsolètes, il est tout aussi certain que de nouvelles opportunités d’emploi pourraient émerger dans de nombreux secteurs tels que les data science, la robotique et la cybersécurité. La Quatrième révolution industrielle pourrait également contribuer à combler le fossé numérique qui existe entre l’Afrique et le reste du monde en facilitant l’accès à la technologie, le développement des compétences digitales et la littéracie numérique.
On peut également citer la promotion de l’inclusion économique et sociale des communautés marginalisées tel que le montre par exemple l’adoption du téléphone portable par les communautés africaines les plus reculées y compris pour effectuer des transactions financières, vendre des produits du terroir, accéder à des services de santé et promouvoir l’éducation.
La Quatrième révolution industrielle pourrait également contribuer à combler le fossé numérique qui existe entre l’Afrique et le reste du monde en facilitant l’accès à la technologie, le développement des compétences digitales et la littéracie numérique
Toutefois, pour que la Quatrième révolution industrielle ait un impact positif sur l’Afrique, nous devrions auparavant veiller à combler les lacunes existantes en matière d’infrastructures, renouveler ou adapter nos institutions aux impératifs de l’heure, promouvoir la culture scientifique et technique, en particulier la culture numérique, retenir sur le sol africain nos meilleurs étudiants, nos travailleurs les plus compétents et les plus hautement qualifiés qui nous sont chaque année arrachés par dizaines de milliers et dans les domaines les plus sensibles pour l’avenir industriel, scientifique et technologique du continent.
Il faudra également veiller à éradiquer les inégalités scolaires et les inégalités d’accès à la technologie de façon à ce que les avantages de cette dernière puissent bénéficier à tous les membres de la société et particulièrement aux populations les plus vulnérables, les plus marginalisées, en réorientant nos politiques publiques en matière de promotion de la technologie en direction de ces couches sociales.
Photo: itnewsafrica.com
Gado Alzouma est professeur titulaire en Socio-anthropologie des sciences et des techniques dont il analyse les effets dans l’histoire, la culture et l’organisation des sociétés africaines.