Samah Ahmat
Loin de l’image stéréotypée des “régimes poussiéreux” dépendants du pétrole, les Émirats arabes unis se sont imposés comme des acteurs incontournables de l’économie mondiale. Cette transformation fulgurante s’est opérée grâce à une stratégie de diversification ambitieuse, dépassant la simple rente des hydrocarbures. En 2022, le PIB nominal des Émirats arabes unis atteignait près de 500 milliards USD, les positionnant au 33ème rang mondial.
Le 2 décembre 1971 marque la naissance officielle des Émirats arabes unis. Cette fédération était initialement composée de six États dont Abu Dhabi, Dubaï, Sharjah, Fujairah, Ajman et Umm al-Quwain, avant d’être rejoint deux mois plus tard par Ras al-Khaimah. Étant sous protectorat britannique depuis le XIXe siècle, ces émirats se regroupèrent pour former une nation indépendante.
Situés pratiquement dans le désert, les Emirates arabes unis ont un climat classé comme hyperaride. Sa population est fortement impliquée dans le commerce depuis des temps anciens. Historiquement, l’économie des Émirats arabes unis était dominée par la pêche des perles, des poissons et l’activité navale. La découverte du pétrole dans les années 1930 a bouleversé cette économie traditionnelle.
En 1958, le pétrole est découvert d’abord à Abu Dhabi, puis à Dubaï en 1966 et à Sharjah en 1973. Étant à l’entrée stratégique du golfe Persique, les Émirats arabes unis ont tiré parti de leurs vastes ressources en hydrocarbures, particulièrement durant les crises pétrolières des années 1970, pour se positionner sur la scène mondiale. Si la richesse pétrolière n’est pas le seul facteur du succès des Émirats arabes unis, elle a indéniablement joué un rôle crucial en fournissant les moyens financiers nécessaires à leur transformation économique. Aujourd’hui, les Émirats arabes unis sont le 8ème pays mondial en termes de réserves pétrolières, avec 97,8 milliards de barils. Ils produisent environ 5,6% du pétrole mondial.
Face à la dépendance au pétrole et aux défis de la diversification économique, les Émirats arabes unis ont engagé des réformes structurelles majeures. Ces réformes visent à attirer les investissements étrangers et à développer des secteurs non pétroliers porteurs, comme le tourisme, les services financiers et les nouvelles technologies. L’accent mis sur l’innovation et la création d’un environnement propice aux affaires a permis aux Émirats de se positionner comme un pôle d’attraction pour les talents et les entreprises de pointe.
Historiquement, l’économie des Émirats arabes unis était dominée par la pêche des perles, des poissons et l’activité navale. La découverte du pétrole dans les années 1930 a bouleversé cette économie traditionnelle
Des infrastructures de classe mondiale, des politiques fiscales incitatives et un cadre réglementaire favorable ont contribué à l’essor de secteurs clés tel que l’immobilier. En guise d’exemple, Abu Dhabi a développé non seulement des installations portuaires, mais aussi des zones industrielles et des projets agricoles, tout en investissant à l’étranger par l’intermédiaire de l’Abu Dhabi Investment Authority, l’un des plus grands fonds d’investissement mondiaux en termes de capitalisation.
Stratégie de projection économique, déploiement portuaire et diplomatie de comptoirs
Dès les années 1970, la diversification de l’économie de Dubaï est en marche. La main-d’œuvre se répartit entre la construction, le commerce, les communications, les services et divers secteurs, tandis que l’agriculture et la pêche occupent une place marginale. L’industrie, quant à elle, connaît une croissance prometteuse. Les Émirats arabes unis ont mis en place une stratégie économique audacieuse qui s’est traduite par une politique internationale plus affirmée, souvent qualifiée de “Riyal Politik”. La “Riyal Politik” est une combinaison de « riyal », en référence à la monnaie de plusieurs pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et « realpolitik », c’est-à-dire, une politique pragmatique basée sur des considérations pratiques plutôt que sur des idéaux.
Cette stratégie vise à accroître l’influence économique et politique des Émirats arabes unis à l’échelle mondiale, créant ce que certains appellent un “nouvel empire maritime”. Ce terme reflète l’expansion rapide et stratégique des Émirats arabes unis dans le domaine maritime, notamment par le biais de l’entreprise DP World, basée à Dubaï. Depuis les années 2000, les Émirats ont investi massivement dans des ports à travers le monde via DP World.
Cette expansion portuaire est aujourd’hui perçue comme une diplomatie commerciale et militaire sophistiquée, au service d’un projet de grande envergure. La prise de participation dans divers ports globaux a permis aux Émirats de renforcer leur position dans le commerce maritime international et de projeter leur puissance économique et militaire.
Face à la dépendance au pétrole et aux défis de la diversification économique, les Émirats arabes unis ont engagé des réformes structurelles majeures. Ces réformes visent à attirer les investissements étrangers et à développer des secteurs non pétroliers porteurs, comme le tourisme, les services financiers et les nouvelles technologies
Insertion de la « vitrine » Dubaï dans le paysage global
Dubaï a rapidement intégré le système économique mondial en développant des hubs portuaires et aéroportuaires. Ces infrastructures sont devenues des points de connexion essentiels pour les flux mondiaux de marchandises, de capitaux et de personnes, particulièrement en provenance des pays du Sud. Dubaï s’est également positionnée comme une destination touristique majeure, grâce à une stratégie de marketing et à des projets de grande envergure.
Les shopping malls d’Abu Dhabi et de Dubaï sont emblématiques de la diversification économique et du développement urbain des Émirats. Ces centres commerciaux, souvent comparés aux modèles occidentaux, illustrent la privatisation des services et des espaces publics, tout en étant contrôlés par des entités semi-privées et semi-publiques. Ce phénomène rappelle que le pouvoir économique et politique est concentré entre les mains de quelques familles influentes.
Les Émirats face aux défis économiques
Les Émirats ont su tirer parti de la crise économique mondiale de 2008-2009. Alors que de nombreux États avaient besoin de liquidités, les monarchies du Golfe, y compris les Émirats arabes unis, ont pu fournir ces ressources en échange d’une prise en compte accrue de leurs intérêts sur la scène internationale. Cette période a également rebattu les cartes au sein de la fédération émirienne, avec Abu Dhabi soutenant financièrement Dubaï en difficulté. Avec la baisse des prix du pétrole après 2014 et la crise de la Covid-19, les Émirats ont accéléré leur diversification économique.
Les hydrocarbures représentent désormais moins d’un tiers du PIB. Les autorités émiriennes ont saisi cette opportunité pour encourager l’innovation dans divers secteurs comme la sécurité alimentaire, l’intelligence artificielle, l’espace et la santé. Des réformes économiques importantes ont été mises en place, notamment l’introduction de la TVA et un impôt sur les sociétés de 9. Cet impôt s’applique aux bénéfices des entreprises générés dans le pays, avec une exemption pour un seuil annuel de 100 000 USD. Les transactions dans les zones franches bénéficient toujours d’un taux de 0 %.
Vers un futur économique durable
Les Émirats continuent de travailler sur leur vision économique à long terme. Le plan “Vision 2031” vise à doubler le PNB d’ici 2031 en diversifiant encore davantage l’économie (numérique, fintech) et en renforçant l’émiratisation du secteur privé. Les réformes récentes, telles que la détention du capital des entreprises à 100% par des investisseurs étrangers et l’octroi de golden visas, rendent le pays plus attractif pour les talents mondiaux. En offrant des visas de longue durée aux investisseurs, les Émirats arabes unis encouragent les investissements étrangers directs, stimulant ainsi l’économie locale.
Les Émirats arabes unis ont mis en place une stratégie économique audacieuse qui s’est traduite par une politique internationale plus affirmée, souvent qualifiée de “Riyal Politik”. La “Riyal Politik” est une combinaison de « riyal », en référence à la monnaie de plusieurs pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et « realpolitik », c’est-à-dire, une politique pragmatique basée sur des considérations pratiques plutôt que sur des idéaux
Retenons que le miracle économique des Émirats arabes unis repose sur une stratégie de diversification proactive. Par la gestion stratégique des revenus pétroliers, des réformes structurelles et une diversification économique soutenue, tout en maintenant des relations internationales robustes avec des puissances émergentes telles que la Chine et l’Inde. Les Émirats arabes unis se sont imposés comme un hub économique mondial.
Quatre facteurs essentiels ont favorisé cette rapide croissance économique et diversification : des investissements massifs dans les infrastructures physiques et sociales, un environnement macroéconomique stable, la disponibilité de capitaux sans restriction sur leur mouvement, et l’accès à une main-d’œuvre bon marché en provenance des pays arabes voisins et du sous-continent indien.
Si le succès des Émirats arabes unis suscite l’admiration, il n’est pas sans susciter des interrogations et des critiques. La rapidité de sa croissance s’accompagne de défis sociaux et environnementaux importants. La question de la durabilité de ce modèle de développement et de sa compatibilité avec les valeurs universelles reste un sujet de débat.
Crédit photo: Webcroisieres
Samah Ahmat est étudiante en Master de Conflits et Crises Internationales à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle s’intéresse particulièrement aux enjeux des processus de paix et des conflits armés dans la zone sahélienne. Actuellement, elle effectue un stage au sein de WATHI, un think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest.