Le Nigeria sous Buhari : un gouvernement sous le signe de l’éthique et de la compétence ?
Dieynaba Niabaly
Candidat du All Progressive Congress (APC), un parti né de la fusion de trois importants partis d’opposition, Muhammadu Buhari a été élu président du Nigeria le 28 mars 2015 à la suite des élections qui se sont déroulées paisiblement.
Le Président Buhari a été investi le 29 mai 2015 et a procédé à la formation de son gouvernement le 11 novembre dernier. Ce qui explique ce décalage exceptionnellement long, c’est la volonté du Président Buhari de restructurer le gouvernement et l’administration afin de faire de la gestion transparente des ressources de l’État fédéral un principe cardinal. Lors de sa première rencontre avec ses ministres, le président a mis l’accent sur la nécessité d’une bonne gestion des deniers publics. Il a déclaré être conscient depuis sa prise de fonction en mai de l’obligation de veiller à ce que le choix de nouveaux ministres soit motivé par la compétence, tout en tenant compte de la diversité du peuple et des différentes positions des parties prenantes du pays.
Conformément à l’article 147 de la Constitution nigériane, le Sénat est l’institution chargée de la confirmation des nominations ministérielles proposées par le président de la République. Cette chambre du Parlement organise des sessions de sélection des candidats (ministerial screening). Ce système, mis en place pour fixer des limites au monopole des nominations par le pouvoir exécutif, prend beaucoup de temps et a contribué à la longue attente par les Nigérians, de la présentation du premier gouvernement Buhari.
Avant même la formation de ce gouvernement, le président nigérian a enclenché le processus de lutte contre la corruption et de réduction des dépenses et pertes de l’État. L’instauration du compte unique du Trésor (CST) est l’un des changements les plus manifestes de son début de mandat. Dans ce nouveau système, tous les revenus du gouvernement (revenus et paiements) sont versés sur un seul compte domicilié à la Banque centrale nigériane, ce qui devrait rendre plus difficiles les détournements de fonds publics. Le service fiscal (Federal Inland Revenue Service) a également mis en œuvre un programme de sensibilisation et de persuasion des Nigérians à propos du paiement des taxes. Grâce à cette réforme, le gouvernement nigérian devrait réaliser une augmentation significative des recettes issues de la taxe sur la valeur ajoutée ou TVA.
Les attentes des Nigérians sont grandes par rapport à ce gouvernement, tant dans le domaine économique que sécuritaire. Au plan économique, il est urgent de réformer le secteur pétrolier qui souffre d’une mauvaise gestion depuis des décennies. Ce secteur a été contrôlé par un groupe de personnes qui avait l’exclusivité de sa commercialisation et les bénéfices de son exploitation. Il est en effet absurde que le Nigéria, premier exportateur de pétrole du continent africain, importe du pétrole raffiné pour satisfaire la demande locale. Il est également nécessaire de poursuivre la diversification de l’économie pour réduire la dépendance extrême des finances publiques de la rente pétrolière, actuellement affectée par la baisse mondiale des prix du baril. Au plan sécuritaire, une autre priorité, la plus urgente sans doute, est la lutte contre le groupe Boko Haram qui se fait maintenant appeler « Etat Islamique en Afrique de l’Ouest ».
Certains des nouveaux ministres sont très controversés et leur nomination a fait couler beaucoup d’encre. Amina Mohamed, ministre de l’Environnement, a été choisie pour représenter l’Etat de Kaduna alors qu’en réalité, elle est originaire de l’Etat de Gombe ; ce qui a suscité la colère des habitants de Kaduna. Kemi Adeosun aussi a eu droit à quelques critiques acerbes de détracteurs qui lui ont reproché d’être trop jeune et pas assez expérimentée pour gérer les finances de la première économie de l’Afrique. Le Président Buhari a précisé qu’il a nommé des technocrates pour que le travail soit bien fait, mais beaucoup lui reprochent d’avoir nommé des alliés politiques comme Rotimi Amaechi (ancien gouverneur de l’Etat de Rivers) et Babatunde Fashola (ancien gouverneur de l’Etat de Lagos) qui sont tous les deux des pivots de l’APC, parti au pouvoir.
Malgré les critiques et controverses, il ne faudrait pas perdre de vue le plus important : les performances de la nouvelle équipe gouvernementale. Celle-ci enverra un signal fort à toute l’Afrique de l’Ouest si elle réussit à réduire significativement la corruption systémique, à relancer l’économie en particulier dans les Etats restés à l’écart du dynamisme de ces dernières années, et à mettre un terme à la grave insécurité liée aux attaques terroristes de Boko Haram.
Composition du gouvernement et courtes biographies des ministres
Le gouvernement de Buhari est composé de 23 ministres et 13 ministres délégués. Outre ses fonctions de chef de l’État, le président s’est également octroyé le portefeuille du ministère en charge des ressources pétrolières pour tenter de mettre fin à la corruption multiforme et aux nombreux dysfonctionnements qui caractérisent ce secteur stratégique pour l’économie du pays.
Crédits photo: https://www.naij.com/635890-5-reasons-buharis-new-ministers-may-best-ever.html.
Références :
- http://dailymail.com.ng/biographyprofilecurriculum-vitae-of-mr-geoffrey-onyeama-ministerial-nominee/