L’élection présidentielle béninoise sur internet
Le 28 février 2016, le peuple béninois est appelé aux urnes pour élire celui qui succèdera à Thomas Boni Yayi à la tête du pays depuis 2006. Cette élection présidentielle est la sixième depuis l’instauration de la démocratie en 1990. Le président élu sera le quatrième après Nicéphore Soglo (un mandat), Mathieu Kérékou (deux mandats) et Boni Yayi (deux mandats).
La liste définitive des candidats sera connue dans les prochains jours mais des candidatures déclarées et présumées font déjà couler beaucoup d’encre. L’actuel Premier ministre Lionel Zinsou est le candidat désigné du parti au pouvoir, les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE). Après un exil de deux ans en France, l’homme d’affaires Patrice Talon, ancien soutien financier du président Boni Yayi, et présumé impliqué dans plusieurs scandales financiers, a également annoncé sa candidature.
Le premier vice-président de l’Assemblée nationale Eric Houndété s’est lancé très tôt dans la course pour la présidentielle, concurrencé par le député et ancien ministre de l’Énergie, des mines et de l’hydraulique, Emmanuel Golou, lui aussi en lice pour représenter le parti d’opposition l’Union fait la nation (UN). Après sa tentative infructueuse en 2011, l’ancien ministre de l’Économie et des finances, Abdoulaye Bio Tchané, se lance une nouvelle fois dans la course. L’ancien directeur de cabinet de Yayi Boni, le général Robert Gbian a annoncé que sa candidature est « irréversible ».
Le Docteur Bertin Koovi a également annoncé sa candidature tout comme l’homme d’affaires Sébastien Ajavon. Le fondateur de l’Université polytechnique internationale Obiang Nguema Mbasogo, Valère Kakaï Glèlè, et le général Fernand Amoussou, qui fut chef d’état-major des armées et commandant de la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire, ont annoncé leur intention de briguer la magistrature suprême.
L’ancien Premier ministre de Yayi Boni, Pascal Irénée Koupaki, l’ancien directeur du port de Cotonou et homme d’affaires Issa Badarou Soulé, ainsi que l’ancien ministre de l’Énergie sous Kérékou, Kamarou Fassassi, sont eux aussi a priori en lice pour cette élection. La seule femme qui a ouvertement déclaré son intention de se présenter est pour le moment l’ancienne directrice de cabinet de Mathieu Kérékou, Célestine Zanou.
Le principal marqueur de cette l’élection présidentielle est la participation des hommes d’affaires, en particulier le magnat du coton Talon et l’homme d’affaires Sébastien Ajavon. On remarquera également que la majeure partie des candidats déclarés sont des hommes politiques qui ont eu à occuper des postes ministériels. Ces deux faits sont au centre des discussions de la pré-campagne.
L’élection présidentielle béninoise est déjà lancée sur les réseaux sociaux. Presque tous les Béninois « connectés » se prononcent sur le scrutin à venir et la majorité des candidats sont présents sur les plateformes les plus utilisées, en l’occurrence Facebook et Twitter. Certains dépassent même la barre des 10 000 abonnés. De nombreux groupes de soutiens virtuels ont également été créés. La jeunesse béninoise s’intéresse de plus en plus à la question politique et fait part non seulement de ses attentes, mais également de ses exigences envers le futur chef de l’État.
La question que beaucoup se posent est de savoir si les Béninois éliront un candidat « local » ou un candidat « international » issu de la diaspora. Le candidat « international » qui fait parler de lui est Lionel Zinsou. Son passé dans l’administration française est à l’origine de doutes quant à sa loyauté envers le Bénin. Il a été le conseiller de l’actuel ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius lorsque ce dernier était Premier ministre, banquier chez Rotshild, puis président du plus grand fonds d’investissement français PAI Partners.
La capacité de l’actuel Premier ministre béninois à diriger le pays dans l’intérêt des Béninois est la question du moment. Une lettre ouverte qui résume bien ces inquiétudes lui a été adressée le 22 décembre dernier par l’acteur, auteur et metteur en scène béninois, Sedjro Giovanni Houansou. Sa « proximité » avec son pays natal divise l’opinion : certains pensent qu’il ne défendra pas les intérêts des Béninois, d’autres par contre sont convaincus que son expérience lui confère un avantage certain pour diriger le pays. Le fait qu’il soit sorti indemne d’un accident d’hélicoptère le 26 décembre dernier pourrait être considéré comme un signe pour prétendre à la plus haute fonction du Benin.
Le candidat Pascal Koupaki a reçu un soutien de « poids » en la personne du professeur Albert Tévoédjré. Ce dernier, figure historique de la vie politique béninoise, aussi influent que controversé, l’a désigné comme étant le candidat ayant la meilleure vision pour le développement du pays.
La candidature de Patrice Talon, mais aussi celle de Sébastien Ajavon, font l’objet d’un vif débat sur l’entrée d’hommes d’affaires les plus connus du pays dans l’arène politique comme candidats à une élection présidentielle et plus seulement comme soutiens financiers plus ou moins discrets de personnalités politiques. Derrière ce débat se posent aussi la question de la perte d’influence des partis politiques traditionnels et la personnalisation croissante de la compétition pour le pouvoir exécutif.
L’élection présidentielle béninoise est très commentée sur internet et suscite déjà de nombreux commentaires, articles et débats quelques semaines avant l’ouverture officielle de la campagne électorale.