L’élection présidentielle nigérienne sur internet
Annoncée pour le 21 février 2016, l’élection présidentielle au Niger suscite des tensions : la date retenue ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique. L’Alliance pour la réconciliation, la démocratie et la république (ARDR), la coalition des principaux partis de l’opposition, a indiqué dans un communiqué qu’elle « rejette en bloc un chronogramme retenu sans consensus ». Lors de son message à la nation à l’occasion de la fête nationale du 17 décembre 2015, le président Mahamadou Issoufou a annoncé que le gouvernement venait de déjouer une tentative de coup d’état militaire. Neuf officiers de l’armée nigérienne présumés impliqués dans cette tentative ont été arrêtés.
C’est dans ce contexte politique et sécuritaire crispé que le ministère de l’Intérieur a reçu les derniers dossiers de candidatures à l’élection présidentielle le 2 janvier 2015. Le président sortant fera face à une dizaine de candidats. L’ancien président de l’Assemblée nationale Hama Amadou, leader du Mouvement démocratique nigérien (MODEN), a été le premier à annoncer sa candidature le 13 septembre 2015. Ecroué depuis plus de six semaines dès son son retour d’exil en France, il est poursuivi pour complicité dans un dossier de trafic présumé de bébés. La justice nigérienne devrait se prononcer le 11 janvier sur une nouvelle demande de liberté provisoire.
L’Union pour la démocratie et la république (UDR) a investi l’ancien Ministre d’Etat en charge du Plan Amadou Boubacar Cissé. Ce dernier a été remis en liberté le jeudi 31 décembre en fin d’après-midi après une interpellation de quelques heures dans les locaux de la police. Il avait mis en doute la réalité de la tentative de coup d’Etat annoncée par le gouvernement. La question judiciaire est un élément très présent dans cette phase pré-électorale avec des candidats de l’opposition qui font face à la justice ou qui se sentent menacés par des procédures judiciaires.
Le chef de file de l’opposition et candidat malheureux au second tour du scrutin présidentiel en 2011, Seyni Oumarou, à la tête du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), tentera une nouvelle fois de briguer les suffrages des Nigériens. Le premier président démocratiquement élu du Niger en 1993, Mahamane Ousmane, a également annoncé sa candidature : il défendra les couleurs du Mouvement nigérien pour le renouveau démocratique (MNRD). L’ancien Premier ministre du Niger de 1991 à 1993, Cheiffou Amadou, s’est lancé aussi dans la course pour le compte du Rassemblement social-démocrate (RSD).
L’ancien collaborateur du président Issoufou, ancien directeur de cabinet adjoint Ibrahim Yacouba, est candidat à cette élection pour le Mouvement patriotique nigérien (MPN). Mahamane Hamissou à la tête d’une formation politique créée il y a un peu plus d’un an, le Parti pour la justice et le développement (PJD) et ancien dirigeant de la Coordination de la société civile du Niger (CSCN), a annoncé sa candidature. Il a été notamment vice-président de la Haute autorité de lutte contre la corruption créée en 2011.
Les autres candidats déclarés sont l’ancien ministre de l’Agriculture Abdou Labo de la Convention démocratique et sociale (CDS), le docteur Adal ag Rhoubeid du Mouvement démocratique pour le renouveau (MDR), Laouan Magagi de l’Alliance pour le renouveau démocratique (ARD) et Mahamane Jean Padonou de la Convergence pour la démocratie et le progrès (CDP). L’instance chargée de se prononcer sur la validité des candidatures est la Cour constitutionnelle.
La candidature du président sortant Mahamadou Issoufou est très commentée sur la toile. Il est l’un des rares candidats à être présent sur les réseaux sociaux : il est suivi par près de 1 900 personnes sur Twitter (@MahamadouIssouf). Des groupes en faveur du président sortant ont été créés sur Facebook et rassemblent des milliers de Nigériens : le groupe JUMI (Jeunesse unie pour Mahamadou Issoufou) qui comprend 5 176 membres. Du côté des adversaires du président sortant, le groupe le plus actif « Tout sauf Issoufou Mahamadou en 2016 », compte 14 42 membres (au 5 janvier 2016).
Bien que le président Issoufou ait maintes fois promis des élections transparentes, le climat politique reste fragile et la confiance dans le processus électoral limitée. L’opposition a publié en janvier 2015 un « livre blanc » dans lequel elle récusait la Cour constitutionnelle, instance de validation des résultats définitifs des élections. Les partis de l’opposition reprochent à cette Cour sa « partialité » et son positionnement en faveur du président-candidat. Depuis le 29 décembre 2015, une mission d’experts de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) effectue un audit sur le fichier électoral. Cet audit est une revendication de l’opposition qui a été finalement entendue.