« Je suis certaine que les choses vont changer. Nous ne pouvons pas continuer avec cette souffrance… »
Extraits de l’entretien
Education des jeunes filles
« Parfois, tu vois une petite fille qui ne veut pas aller à l’école parce que son enseignant lui fait subir certaines choses »
« Certaines filles ont déjà fini les études mais il leur est difficile de trouver du travail. Il leur est difficile d’avoir ne serait-ce qu’un petit boulot afin d’aider financièrement leurs familles. Elles finissent les études et, en fin de compte, elles se retrouvent sans opportunité pour décrocher un emploi. On le constate dans les rues. Beaucoup de jeunes filles sont dans les rues avec des activités.
Elles ont leurs diplômes en poche mais elles n’ont pas d’opportunités. Parfois, même si elles arrivent à trouver un emploi, elles ont des difficultés pour recevoir leur salaire. On doit accompagner et soutenir les jeunes filles qui sont à l’école. On doit les aider en réduisant les grèves. On doit les laisser étudier.
Si tu n’as pas fait d’études, comme cela m’est arrivé, tu es multipliée par zéro
Je suis une femme et j’ai une fille. Je ne souhaite pas que ma fille se retrouve dans certaines situations. Je souhaite que toutes les filles qui sont à l’école puissent, par la grâce de Dieu, accomplir leurs rêves à la fin de leurs études.
Une fille est encore une enfant. En grandissant, viendra le moment où elle pensera à aider ses parents. Quand une fille atteint l’âge adulte et qu’elle est capable d’aider ses parents, vous voyez son impact. Leur apport est décisif pour la société. Vous voyez l’importance d’une fille dans la société lorsqu’elle a fait des études.
Si tu n’as pas fait d’études, comme cela m’est arrivé, tu es multipliée par zéro. Quand tu postules quelque part et que tu n’as pas de diplômes à présenter, tu ne peux pas être acceptée. Alors tu te mets à “traîner”, tu ne peux rien faire d’autre. Mais si tu as fait des études et que tu as tous tes diplômes, peut-être qu’il sera alors plus facile de trouver un emploi. En tout cas, je prie Dieu qu’il assiste davantage les filles dans leurs études. »
Précarité de la situation des femmes
« Des jeunes filles traînent dans les rues, certaines se débrouillent pour gagner de l’argent »
« Le pays va mal. Il va vraiment mal. Même moi qui vends des produits détergents, je rencontre des difficultés. Je vends à crédit pour 100 francs et, même cela, les gens n’arrivent pas à me le rembourser. Je vends juste de l’eau de javel et du « mbouraké[1] ». Les gens prennent mais ne payent pas. Il faut analyser comment les choses nous affectent pour mieux les comprendre.
Si j’étais en mesure de faire ce que je souhaite, j’aurais laissé quelqu’un chez moi et je serais allée travailler. S’il était possible d’avoir un travail qui ne prend pas beaucoup de temps, j’aurais pu y aller, le faire rapidement, puis rentrer chez moi pour gérer mon foyer. Si je pouvais également avoir plus de marchandises à vendre pour mon commerce, ce serait une bonne alternative. C’est un travail comme un autre.
Le fait est que je ne suis jamais sorti de chez moi pour aller travailler. Ce que j’aimerais c’est avoir plus de marchandises pour mon commerce et m’occuper mon foyer en même temps. Je préfère cela à avoir un travail à l’extérieur. C’est ce que je préfère. Parce que c’est ce que je sais faire.
Mais, dans la réalité, nous vivons des situations difficiles, pénibles
Ma mère faisait la même chose avant moi : vendre de la marchandise devant sa maison. Je n’ai pas les diplômes qu’il faut pour postuler à certains emplois. Si je devais me présenter pour certains emplois, on me demanderait forcément des diplômes. Comment faire si je ne les ai pas ?
Nous avons vraiment une vie difficile. Certaines femmes font la lessive, d’autres travaillent autrement mais ce n’est pas ce qu’elles auraient aimé faire. Chaque personne préférerait être bien habillée, avoir une voiture et être dans un bureau. Travailler jusqu’à l’heure de descente puis rentrer chez elle.
Mais, dans la réalité, nous vivons des situations difficiles, pénibles. C’est ainsi que tu vois des jeunes filles traîner dans la rue, certaines se débrouillent pour gagner de l’argent. Il y a beaucoup de choses qui se passent mais on ne peut pas tout dire. »
Le mariage
« Se marier et fonder une famille est un plaisir »
« Le mariage est important. Aussi diplômée que tu puisses être, le mariage reste important. Se marier et fonder une famille est un plaisir. Un jour, si Dieu le veut, tes enfants grandiront et seront au même niveau que nous. C’est un réel plaisir. C’est insensé de travailler et de ne pas avoir de mari ou d’enfants. Cela n’a pas de sens. Les gens te colleront de mauvaises étiquettes et tu entendras toutes sortes de rumeurs.
Tu ne peux pas vivre ta vie sans vouloir un mari. Ce n’est bon pour personne. Travailler chaque jour en attendant de se marier… Cela te travaille l’esprit. Certes, cela relève de Dieu mais tu ne pourras pas t’empêcher d’y penser. Tu sentiras un manque en toi. Quand les gens voient une femme avec son sac aller et venir entre ses activités, ils se demandent qu’est-ce qu’elle fait ?
Les aides nous ne les voyons qu’à la télévision
Ils ne savent pas donc ils se posent des questions sur la nature de tes activités. Mais si elle a un mari avec lequel elle vit, ils sauront qu’elle est impliquée dans des choses sérieuses. Mais tant une femme seule loue un appartement, enchainant les sorties, les gens ont tendance à lui coller une mauvaise réputation toujours.
Ton mari doit te comprendre. S’il te comprend, vous aurez une belle vie de couple. Si vous vivez en bonne harmonie, c’est bien. Lorsque tu sors pour travailler, tu te concentres uniquement sur cela, alors ta vie de famille sera plus facile et plus agréable. Car s’il contribue dans votre foyer et que tu y contribues également, les choses seront plus faciles. Rien ne sera difficile. Vous serez ensemble dans la dignité. »
Accessibilité des soins pour les femmes
« Tout ce qu’on peut dire de l’hôpital c’est que c’est un endroit impitoyable. Si tu n’as pas d’argent, tu ne te soignes pas »
« Les choses ne sont pas faciles à l’hôpital. Rien n’est facile dans ce pays. Les aides nous ne les voyons qu’à la télévision. Tu te débrouilles pour aller à l’hôpital et on te demande une certaine somme d’argent. Si tu ne l’apportes pas, personne ne va s’occuper de ton malade. En attendant de trouver une solution, il est possible que Dieu prononce une guérison mais il est également possible que la maladie l’emporte. Tout ce qu’on peut dire de l’hôpital c’est que c’est un endroit impitoyable. Si tu n’as pas d’argent, tu ne te soigne pas.
A l’hôpital, avant toute chose, il faut acheter un ticket. Et même avant d’y aller, il faut se débrouiller pour trouver les moyens du transport. Si tu es malade et que tu vas à l’hôpital sans argent, personne ne te calcule. Tu es malade, tu es fatigué, tu vas à l’hôpital mais si tu ne peux pas acheter un ticket de 500 FCFA, tu ne seras pas soigné. C’est dur. Mais bon, nous prions Dieu qu’Il nous aide à supporter les choses dans la discrétion. Peut-être qu’un jour les choses vont changer. Nous l’espérons. »
[1] Pate d’arachide mêlée à du pain sec
Photo : WATHI
Dior Maiga est femme au foyer. Elle habite à Guédiawaye dans la banlieue dakaroise, elle gère un petit commerce de produits nettoyants devant sa maison.